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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1936/2020

ATA/690/2020 du 27.07.2020 sur JTAPI/559/2020 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1936/2020-MC ATA/690/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juillet 2020

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Alexandre Böhler, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 juillet 2020 (JTAPI/559/2020)


EN FAIT

1) Monsieur A______ a été condamné à sept reprises par les autorités pénales genevoises, soit

- le 27 janvier 2011, par le Tribunal des mineurs, à une peine privative de liberté de cinq jours, avec sursis pendant un an, pour dommages à la propriété, violation de domicile, infraction d'importance mineure (vol) et séjour illégal ;

- le 1er février 2011, par le Ministère public, à une peine pécuniaire de trente jours-amende, avec sursis pendant deux ans (révoqué le 23 janvier 2012), pour délit manqué de vol, entrée illégale et séjour illégal ;

- le 17 mars 2011, par le Ministère public, à une peine pécuniaire de cent jours-amende, avec sursis pendant trois ans (révoqué le 7 novembre 2013), pour vol, dommages à la propriété, violation de domicile et séjour illégal ;

- le 23 janvier 2012, par le Ministère public, à une peine privative de liberté de cent vingt jours pour vol, dommages à la propriété, violation de domicile, entrée illégale et séjour illégal ;

- le 7 novembre 2013, par la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice, à une peine privative de liberté de sept ans, sous déduction de 647 jours de détention avant jugement, pour brigandage en bande (commis à réitérées reprises), incendie intentionnel (avec mise en danger pour la vie et l'intégrité corporelle) et séjour illégal ;

- le 8 décembre 2015, par le Ministère public, à une peine privative de liberté de cent vingt jours pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires ;

- le 18 mai 2017, par la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice, à une peine privative de liberté de vingt jours pour rixe.

2) Le 1er mars 2011, les autorités cantonales zurichoises ont adressé au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) une demande de soutien à l'exécution du renvoi de M. A______. La procédure n'a pas abouti à la délivrance d'un document de voyage, ce qui a été constaté par le SEM le 18 janvier 2012.

3) Indiquant être né le ______ 1992 et être originaire du Maroc, M. A______ a déposé une demande d'asile en Suisse le 19 janvier 2012, radiée le 10 février 2012. Sa prise en charge était confiée au canton de Zurich.

4) Le 23 janvier 2012, M. A______ s'est vu notifier une décision d'interdiction d'entrer en Suisse, valable jusqu'au 15 juin 2016, que le SEM avait prise à son encontre le 16 juin 2011.

5) Il a été arrêté le 31 janvier 2012, incarcéré à la prison de Champ-Dollon le 2 février 2012, puis dans d'autres établissements, en dernier lieu, à compter du 29 juillet 2016, dans l'établissement fermé de la Brenaz. Le 26 mai 2017, il avait subi les deux tiers des peines qu'il purgeait alors, dont la fin était fixée au 27 janvier 2020.

6) Par jugement du 15 juin 2017, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a ordonné sa libération conditionnelle « avec effet au jour de son renvoi effectif de Suisse organisé par les autorités compétentes », indiquant que le solde de la peine non exécutée serait égal à la durée entre la date de son renvoi effectif et le 27 janvier 2020 et qu'il lui était fait obligation, au titre de règle de conduite, de collaborer aux formalités de son départ, de quitter le territoire suisse et de ne plus y revenir.

Son comportement en prison s'opposait à sa libération conditionnelle, étant précisé qu'il avait fait l'objet de deux nouvelles condamnations durant sa détention. Le pronostic se présentait sous un jour fort défavorable, au vu des mauvais antécédents, du vol d'importance mineure au vol, puis du brigandage, et des chances qui lui avaient déjà été données par l'octroi de plusieurs sursis, montrant ainsi un ancrage certain dans la délinquance. Néanmoins, ce pronostic pouvait être tempéré s'il quittait effectivement la Suisse dès sa sortie de prison pour le Maroc, étant relevé qu'il avait donné son accord à un renvoi et avait communiqué sa « véritable identité ». Le pronostic n'était ainsi, à cette condition stricte d'un retour au Maroc, plus clairement défavorable, s'agissant du risque de récidive, étant souligné qu'il avait fait valoir une volonté de se réinsérer dans son pays d'origine et qu'il bénéficierait du soutien de sa famille, avec laquelle il avait des contacts téléphoniques réguliers. Par ailleurs, le solde de la peine non exécuté, et donc susceptible de devoir être subi en cas de récidive, était important, à savoir de plus de deux ans. Cela constituait un élément supplémentaire permettant de retenir qu'il se détournerait de toute nouvelle infraction.

7) Le 29 novembre 2017, une nouvelle procédure tendant à son identification a été entamée à la demande des autorités zurichoises. Dans ce cadre, un « rapport Lingua » a été établi le 8 avril 2020, concluant à ce qu'il avait été socialisé au Maroc.

8) Le 14 mars 2020, le Royaume du Maroc a suspendu tous les vols internationaux vers et depuis son territoire jusqu'à nouvel avis en raison de la situation sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19 (cf. http://www.maroc.ma/en/news/morocco-suspends-all-international-passenger-flights-its-territory).

9) À teneur de la page web de l'ambassade de France au Maroc, comme constaté le 20 mai 2020 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) dans son jugement du même jour, cette suspension était prévue jusqu'au 31 mai 2020, mais était susceptible d'être prolongée. Le trafic de passagers depuis et vers le Maroc avait en outre déjà été interrompu le 13 mars 2020.

Cette interruption, susceptible d'être prolongée, valait jusqu'au 10 juillet 2020 (cf. https://ma.ambafrance.org/Coronavirus-au-Maroc-reponses-aux-principales-questions-relatives-a-votre, consulté en dernier lieu le 7 juillet 2020).

10) Par jugement du 21 avril 2020, le Tribunal de police a condamné M. A______ à une peine privative de liberté de trois mois et à une amende de CHF 1'000.- pour lésions corporelles simples, voies de fait et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et, simultanément, a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans, (art. 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), tout en ordonnant, par prononcé séparé, son maintien en détention pour des motifs de sûreté.

11) Cette condamnation faisait suite à des faits survenus le 15 mai 2019 au sein de l'établissement pénitentiaire fermé de Curabilis, dans lequel il était détenu. Il avait alors agressé trois agents de détention, dont deux, blessés, avaient déposé plainte à son encontre.

12) Le 14 mai 2020, le commissaire de police a fait savoir au SEM que M. A______ serait placé en détention administrative à sa sortie de prison, le 16 mai 2020, lui demandant, dans la mesure du possible, de relancer la demande d'identification le concernant. Par ailleurs, en vue de la future audience du TAPI, chargé d'examiner la légalité et l'adéquation de cette mise en détention, il lui demandait de lui indiquer la possibilité objective de renvoi vers le Maroc et le délai généralement nécessaire pour obtenir un vol, au vu de la situation actuelle.

13) Le lendemain, le SEM a répondu au commissaire de police que, malheureusement, il était dans l'impossibilité de formuler une nouvelle demande d'identification de M. A______ sans informations complémentaires. Les autorités marocaines lui avaient fait savoir le 16 décembre 2019 qu'elles n'avaient pas pu l'identifier sur la base de ses empreintes, seule base dont on disposait pour l'instant en vue d'une identification. Par ailleurs, les renvois vers le Maroc étaient impossibles jusqu'au 31 mai 2020, et les mesures de précaution étaient susceptibles d'être prolongées encore.

14) À la sortie de prison de M. A______, le 16 mai 2020, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a pris à son égard une « décision de non-report d'expulsion judiciaire », déclarée exécutoire nonobstant recours, par laquelle il chargeait la police de procéder à son expulsion « dès que cela sera[it] possible ».

15) Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre pour une durée de six mois en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), en lien avec l'art. 75 al. 1 let. g et h LEI, indiquant que « les démarches en vue de l'identification de l'intéressé sont toujours en cours ». Au commissaire de police, il avait préalablement déclaré qu'il était en bonne santé, ne suivait aucun traitement médical et n'était pas d'accord de retourner au Maroc, car il était « en fait franco-marocain ».

16) Devant le TAPI, M. A______ a déclaré, le 19 mai 2020, qu'il était toujours opposé à un retour au Maroc. Il n'avait jamais été en possession de papiers d'identité. Il était né au Maroc, mais avait grandi en France, à B______. S'il avait indiqué être franco-marocain, c'était parce qu'il avait passé toute son enfance en France. Il avait fait de la prison en France, alors qu'il était mineur. Il était arrivé en Suisse en 2010.

Le seul contact qu'il avait eu avec les autorités marocaines avait résidé dans un entretien téléphonique, lorsqu'il se trouvait à la prison de Champ-Dollon. Il ne les avait jamais rencontrées. Il ne disposait d'aucun document concernant son identité. Il n'avait plus aucune famille. Lorsqu'il était en France, il était dans un foyer. Il souhaitait pouvoir rester en Suisse et qu'on lui donne une seconde chance. À défaut, il irait en France. Il prenait l'engagement de quitter la Suisse dès que les frontières seraient ouvertes. La police ne lui avait pas posé de questions particulières au sujet de son identité. Il était disposé à répondre aux questions qui pourraient lui être posées à cet égard, même s'il ne voyait pas très bien quels éléments il pourrait apporter.

17) Par jugement du 20 mai 2020, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 15 juillet 2020 inclus.

18) Le 25 mai 2020, M. A______ a déposé une demande d'asile auprès du SEM.

19) M. A______ a été évacué du centre de détention administrative de Frambois au motif de son comportement potentiellement dangereux, d'abord à l'UHPP (Curabilis), puis à la prison de Champ-Dollon pour motifs sécuritaires et enfin à la prison cantonale de Schwyz.

20) Par acte du 2 juin 2020, M. A______ a formé recours contre le jugement du 20 mai 2020 devant la Chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), qui a rejeté le recours le 12 juin 2020.

Dans son arrêt, cette dernière a retenu que les autorités compétentes avaient entrepris avec célérité les démarches nécessaires. Elles avaient obtenu le résultat de l'analyse linguistique le 7 avril 2020, soit plus d'un mois avant la libération de l'intéressé. Seule la participation de ce dernier, par la production de documents, permettait de poursuivre le processus d'identification. Celui-ci avait affirmé souhaiter y contribuer lors de sa libération conditionnelle et être en mesure de produire, par le biais de sa mère, les documents idoines. Il était ainsi malvenu de se plaindre de l'absence de démarches de l'administration à son égard à la suite de l'audience du 19 mai 2020.

Si pour quelque trois semaines encore le renvoi vers le Maroc ne semblait alors pas possible, la situation était évolutive, les renvois devant pouvoir reprendre en juillet 2020 selon les informations du SEM. Il n'était donc pas exclu que le renvoi puisse s'effectuer dans le délai de deux mois fixé par le TAPI. Par ailleurs, la durée de la détention, ramenée par le TAPI de six à deux mois, permettait de soumettre à un contrôle judiciaire la proportionnalité de la détention le 15 juillet 2020 au plus tard. Si le renvoi ne devait pas pouvoir être effectué entretemps, les semaines à venir devaient permettre l'identification de l'intéressé et l'obtention d'un document de voyage.

21) Depuis le 2 juillet 2020, M. A______ est de retour dans le canton de Genève et a été placé dans l'établissement de Favra.

22) Par requête du 2 juillet 2020, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 15 novembre 2020.

23) M. A______ a refusé de se rendre à l'audience, qui s'est tenue le 7 juillet 2020 devant le TAPI.

Son conseil a indiqué n'avoir pas de circonstance nouvelle particulière à signaler depuis le jugement rendu le 20 mai 2020 et a conclu à ce que son client soit libéré et la demande de prolongation de détention rejetée.

La représentante de l'OCPM a indiqué que le dossier ne contenait pas de procès-verbal relatif à l'expertise lingua du 8 avril 2020, qui avait peut-être eu lieu par téléphone. Le SEM s'était adressé aux autorités marocaines mais n'avait pas encore reçu de réponse. Ce genre de démarches, déjà compliquées en temps normal, et dont les résultats pouvaient être obtenus dans un délai qui allait de deux mois à quelques années, étaient encore compliquées par la situation sanitaire. D'après ses informations, le SEM avait également entamé des démarches auprès des autorités algériennes.

24) Par jugement du 7 juillet 2020, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ jusqu'au 15 novembre 2020.

La légalité de la détention avait été confirmée par l'arrêt de la chambre administrative du 12 juin 2020. Le principe de la proportionnalité était - ladite chambre l'avait déjà retenu - respecté. L'intéressé n'avait pas bien collaboré aux démarches visant son identification, puisque contrairement à ses précédentes déclarations, il n'avait produit aucun document permettant aux autorités marocaines de l'identifier. Il avait menti sur son identité, indiquant au TAPEM s'appeler C______, A______ étant le nom de sa mère. Il était donc malvenu de reprocher aux autorités un manque de dynamisme. Enfin, l'inaction des autorités étrangères ne pouvait être reprocher aux autorités suisses.

Il n'y avait pas lieu d'examiner la possibilité effective de renvoyer l'intéressé, au regard de la suspension des vols vers le Maroc, dès lors que l'identification de celui-ci risquerait de prendre plusieurs semaines et qu'il serait alors mieux possible d'évaluer la vraisemblance d'une reprise des vols internationaux.

25) Par acte expédié le 16 juillet 2020 à la chambre administrative, M. A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l'annulation, concluant à sa mise en liberté immédiate.

L'art. 76 al. 2 LEI avait été violé. Depuis le jugement du 20 mai 2020, aucune démarche en vue du renvoi n'avait été entreprise. Il avait collaboré. Comme il l'avait indiqué lors de l'audience du 19 mai 2020, il se tenait à disposition pour répondre aux questions des autorités. Or, aucun entretien n'avait été organisé. Dans son arrêt du 12 juin 2020, la chambre de céans avait retenu qu'un délai de deux mois était suffisant pour organiser le renvoi du recourant. Ce dernier ne pouvait collaborer à son identification si rien n'était entrepris. Par ailleurs, l'autorité intimée avait indiqué que la crise sanitaire rendait impossible la communication avec les autorités marocaines. Même s'il était identifié par celles-ci, son renvoi ne pouvait avoir lieu en raison de la suspension des vols. Compte tenu de l'évolution de la crise sanitaire et de son ampleur, une reprise des vols ne pouvait être envisagée. Le principe de la proportionnalité n'était plus respecté.

Par ailleurs, le rapport d'incident du 5 juin 2020 invoqué par l'autorité intimée était contesté. En outre, le rapport médical établi par le Dr D______, psychiatre, avait été produit par l'OCPM en violation du secret médical. Ce médecin se contredisait en affirmant que le recourant était connu pour une grave maladie mentale alors qu'aucune expertise médicale n'avait été rendue. Ces deux documents étaient sans pertinence. Le TAPI n'avait aucunement mentionné ces éléments. Cela étant, si la chambre de céans comptait accorder de l'importance à ces pièces, elle devait constater que la preuve avait été obtenue de manière illicite.

26) L'OCPM a conclu au rejet du recours.

À titre préalable, il a relevé que l'orthographe du nom du recourant retenue dans l'ensemble des documents officiels était E______ et non celle, retenue par les instances judiciaires, de A______.

Le dépôt de la demande d'asile, le 25 mai 2020, par ce dernier avait eu pour conséquence la suspension de toutes les démarches visant l'exécution du renvoi, notamment celles relatives à l'identification de l'intéressé. À la suite du rejet de la demande d'asile le 15 juillet 2020, les démarches précitées avaient pu reprendre. Dans la procédure d'asile, le recourant avait refusé de collaborer en ne remplissant pas, malgré les instructions claires, le formulaire concernant sa langue maternelle en affirmant, de surcroît, qu'il n'avait aucune nationalité et était de religion « satanic ».

Les liaisons aériennes vers le Maroc avaient repris le 15 juillet 2020. Selon le courriel du SEM du 21 juillet 202, le Maroc avait rouvert ses frontières à ses ressortissants le 14 juillet 2020 à minuit. Seules les personnes munies d'un passeport biométrique valable et présentant deux certificats de test négatif à la Covid-19 pouvaient embarquer. Le SEM n'avait pas d'information claire quant à la reprise de l'établissement de laissez-passer par l'Ambassade du Maroc à Berne. En temps normaux, celui-ci prenait une à deux semaines ; ce délai pouvait être prolongé en raison de la pandémie.

27) Dans sa réplique, le recourant a relevé que l'art. 42 de la loi sur l'asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31) invoqué par l'OCPM n'imposait pas la suspension des démarches visant le renvoi. Qui plus est, le SEM étant tant l'autorité statuant sur la demande d'asile que celle effectuant les démarches de renvoi, la durée de la suspension ne dépendait que de lui. L'OCPM indiquait entreprendre des démarches d'identification auprès de autorités algériennes, alors que jusqu'ici, cet office s'était adressé aux autorités marocaines ; la confusion se passait de commentaire. Selon l'OCPM, les démarches seraient entamées « d'ici la semaine prochaine », alors que, selon la demande de prolongation, seule la collaboration du recourant était de nature à « débloquer » la situation. Les démarches d'identification demeuraient actuellement « au point mort », et les explications données à leur sujet n'étaient pas convaincantes.

Depuis l'arrêt de la chambre de céans, le temps s'était écoulé. Celle-ci avait retenu que « les quelques semaines à venir » devaient « permettre l'identification de l'intéressé et l'obtention d'un document de voyage ». Or, depuis lors aucune démarche n'avait été entreprise, aucun document n'avait été établi et aucune exécution du renvoi ne paraissait envisagée dans un délai raisonnable. Les vols de la compagnie aérienne Royal Air Marc avaient repris, toutefois seulement pour les nationaux marocains disposant d'un passeport biométrique. Un tel vol paraissait hypothétique ; l'OCPM n'avait d'ailleurs réservé aucune place. Ainsi, il était prévisible qu'au terme de la prolongation de détention requise, la situation du recourant n'ait pas évolué.

À titre subsidiaire, il requérait que la prolongation ne dépasse pas deux mois, afin qu'un nouveau contrôle de sa proportionnalité puisse avoir lieu.

28) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

29) Par pli du 24 juillet 2020, reçu par la chambre de céans le 27 juillet 2020, l'OCPM a présenté une duplique spontanée.

EN DROIT

1) Interjeté temps utile auprès de la juridiction compétente (art. 132 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 du 16 juin 1988 - LaLEI - F 2 10 ; art. 17 et 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), le recours est recevable.

Il ne sera pas tenu compte de la duplique spontanée, une transmission de celle-ci au recourant, qui doit pouvoir s'exprimer en dernier lieu, en lui laissant un délai raisonnable pour se déterminer à son sujet n'étant pas compatible avec le délai dans lequel la chambre de céans doit statuer.

2) Ayant reçu le recours le 17 juillet 2020 et statuant ce jour, la chambre de céans respecte le délai légal de dix jours dans lequel elle doit se prononcer
(art. 10 al. 2 LaLEI).

3) La chambre administrative est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEI). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l'étranger (art. 10 al. 3 LaLEI).

4) a. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012, consid. 2.1).

b. En vertu de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l'art. 75 al. 1 LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion au sens de la LEI ou une décision de première instance d'expulsion au sens notamment des art. 66a ou 66a bis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle menace sérieusement d'autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l'objet d'une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif (art. 75 al. 1 let. g LEI) ou a été condamnée pour crime (art. 75 al. 1
let. h LEI).

c. En l'espèce, le recourant s'est vu notifier un jugement du Tribunal de police prononçant, notamment, son expulsion pour cinq ans du territoire suisse en application de l'art. 66a CP. Il a par ailleurs été condamné pour un crime, au sens de l'art. 10 al. 2 CP, soit, notamment, pour brigandage en bande (commis à réitérées reprises) et incendie intentionnel.

Au vu de ces éléments, les conditions de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 cum 75 al. 1 let. h LEI pour ordonner la mise en détention administrative du recourant sont remplies, ce qui n'est au demeurant pas contesté.

5) Le recourant se plaint de la violation des principes de célérité et de proportionnalité et estime que son renvoi est impossible compte tenu de la crise sanitaire.

a. La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., qui se compose des règles d'aptitude - exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

b. Conformément à l'art. 76 al. 4 LEI, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder. Le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois aucune démarche n'est plus accomplie en vue de l'exécution du renvoi par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l'étranger lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1).

Aux termes de l'art. 79 LEI, la détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion visées aux art. 75 à 77 LEI ainsi que la détention pour insoumission visée à l'art. 78 LEI ne peuvent excéder six mois au total (al. 1) ; la durée maximale de la détention peut, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus et, pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans, de six mois au plus, dans les cas suivants : la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (let. a) ; l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (let. b ; al. 2).

c. Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention administrative, de maintien ou de levée de celle-ci, tient compte de la situation de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.
Celle-là doit en particulier être levée lorsque son motif n'existe plus ou si, selon l'art. 80 al. 6 let. a LEI, l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles.

Les raisons mentionnées à l'art. 80 al. 6 let. a LEI doivent être importantes (« triftige Gründe »). Il ne suffit pas que l'exécution du renvoi soit momentanément impossible (par exemple faute de papiers d'identité), tout en restant envisageable dans un délai prévisible ; l'exécution du renvoi doit être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers voulus peuvent être obtenus (arrêts du Tribunal fédéral 2C_178/2013 du 26 février 2013 ; 2C_538/2010 du 19 juillet 2010 consid. 3.1).

6) En l'espèce, il ressort du dossier que les autorités compétentes ont entamé les démarches en vue du renvoi du recourant avant sa libération. En effet, le résultat de l'analyse linguistique relevant une socialisation au Maroc a été obtenu le 7 avril 2020, soit avant la libération de l'intéressé. Les démarches effectuées auprès des autorités marocaines en 2019 n'ont pas abouti, l'intéressé ne figurant pas sur la base de données des empreintes, seule base permettant à celles-ci d'identifier un de leurs ressortissants.

Le recourant a affirmé souhaiter contribuer à son identification lors de sa libération conditionnelle et être en mesure de produire, par le biais de sa mère, les documents idoines. Il n'a toutefois, non seulement, pas produit de tels documents, mais s'est également opposé à toute tentative d'établir en sa faveur un document d'identité. Il a déclaré au TAPEM en juin 2017 qu'il s'appelait en réalité C______ et que A______ était le nom de sa mère, rendant, par ses affirmations contradictoires, son identification plus difficile.

Par ailleurs, dans la procédure d'asile qu'il a initiée en mai 2020, il a refusé de répondre à la question relative à sa nationalité, indiquant qu'il n'en avait aucune. Dans la mesure où il demandait l'asile - demande qui autorisait le recourant à séjourner en Suisse jusqu'à la clôture de la procédure (art. 42 LAsi) -, le recourant agit de manière contradictoire en sollicitant la protection découlant du statut de réfugié tout en se plaignant du bénéfice de la procédure y relative qu'il en tirait. Il ne peut ainsi être suivi lorsqu'il reproche aux autorités un retard dans les démarches visant son identification.

En tant que le recourant estime les démarches des autorités helvétiques confuses du fait que celles-ci ont indiqué vouloir tenter de l'identifier auprès des autorités algériennes, son reproche tombe à faux. En effet, celui-ci avait indiqué lors d'une de ses auditions être originaire de ce pays. La démarche complémentaire que les autorités ont annoncé entreprendre cette semaine n'est ainsi pas dénuée de toute pertinence.

Il ressort du dossier que les vols à destination du Maroc ont repris depuis le 15 juillet 2020. Selon le courriel du 21 juillet 2020 du SEM, sont autorisés à se rendre dans ce pays par la voie aérienne les ressortissants marocains au bénéfice d'un passeport biométrique. Il n'existe donc pas d'impossibilité de retour pour le recourant. L'établissement du document d'identité dépend dans une large mesure de sa volonté de collaborer en vue de l'établissement d'un tel document.

En conclusion, au vu de ce qui précède et des circonstances du cas d'espèce, la prolongation de quatre mois par le TAPI de la durée de la détention administrative ne se heurte pas aux principes de la célérité et de la proportionnalité et n'est pas non plus impossible au sens de l'art. 86 al. 6 let. a LEI.

Conforme au droit, le jugement sera ainsi confirmé.

Enfin, les deux documents dont le recourant critique la production par l'autorité intimée n'étant - comme il le reconnaît lui-même - pas déterminants pour l'issue du litige, il n'y a pas lieu de déterminer s'ils sont parvenus de manière licite ou non à celle-ci.

7) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et
art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA- E 5 10.03). Vu l'issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 juillet 2020 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 juillet 2020 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alexandre Böhler, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'au centre Favra, pour information.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Verniory et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Marinheiro

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :