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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3713/2019

ATA/676/2020 du 21.07.2020 ( MARPU ) , REJETE

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS;APPEL D'OFFRES(MARCHÉS PUBLICS);PROCÉDURE D'ADJUDICATION;SOUMISSIONNAIRE;INTÉRÊT ACTUEL;CONCLUSION DU CONTRAT;PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE(EN GÉNÉRAL);EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION;INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE;APTITUDE PROFESSIONNELLE;ATTESTATION
Normes : LPA.60; AIMP.18; L-AIMP.3; AIMP.11; AIMP.1; RMP.16; RMP.24; RMP.43; Cst.9
Parties : MICHEL CONA SA / VILLE DE GENÈVE - DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DE L'AMÉNAGEMENT, ENTREPRISE BELLONI SA
Résumé : Confirmation de l’adjudication d’un marché de construction en faveur de l’appelée en cause, qui a démontré, dans son dossier, être plus apte que la recourante à exécuter les travaux demandés au regard des références fournies et de son organisation. Évaluation des offres effectuée de manière conforme au droit et non arbitraire par l’autorité adjudicatrice. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3713/2019-MARPU ATA/676/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 juillet 2020

 

dans la cause

 

MICHEL CONA SA
représentée par Me Cédric Berger, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE - DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DE L’AMÉNAGEMENT

et

ENTREPRISE BELLONI SA
représentée par Me Pascal Nicollier, avocat

 



EN FAIT

1) Le 7 juin 2019, la Ville de Genève (ci-après : la ville) a publié sur le site internet « www.simap.ch » (ci-après : simap) un appel d’offres en procédure ouverte, soumis aux accords internationaux, pour un marché de travaux de construction intitulé « construction bâtiment d’équipements publics - 1714 TI -Plâtrerie-peinture » (ci-après : le marché) consistant en des travaux de plâtrerie, de faux-plafonds et de peinture, d’une durée de vingt-quatre mois, portant sur un bâtiment d’équipements publics sis dans le quartier de la Jonction, à Genève, regroupant une salle pluridisciplinaire, une salle d’éducation physique et une « cité de l’enfance ». Le marché, estimé à CHF 1'246'066.-, n’était pas divisé en lots. Les consortiums et la sous-traitance étaient admis, mais non les variantes et les offres partielles. La date limite pour le dépôt des offres était fixée au 23 juillet 2019 à 11h00.

2) Selon le dossier d’appel d’offres, le marché serait attribué au soumissionnaire ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, soit celle présentant le meilleur rapport qualité/prix.

Les critères d’adjudication étaient les références (45 %), le prix (30 %) et l’organisation (25 %).

Le prix était calculé selon la méthode « T2 » selon le guide romand pour les marchés publics.

Cinq références significatives et récentes dans le domaine de l’objet à réaliser devaient être fournies, qui seraient vérifiées par téléphone. La note donnée pour ce critère se basait à la fois sur les documents fournis et sur les informations téléphoniques reçues. Les éventuelles expériences négatives antérieures du maître de l’ouvrage avec l’entreprise pouvaient être prises en compte, tout comme les références de travaux similaires, de finitions architecturales similaires et de prestations techniques similaires.

Pour l’organisation, l’entreprise devait indiquer son effectif global, préciser son organisation pour l’exécution du marché, indiquer les personnes-clef pour l’exécution des travaux et décrire les moyens consacrés pour les exécuter. L’évaluation de ce critère dépendait de la nature du marché mais se fondait de manière objective sur la base des documents demandés (effectif global de l’entreprise, effectif spécifique de l’entreprise pour ce marché, organisation de l’entreprise pour ce marché, poste/personne-clef pour ce marché, moyens consacrés pour exécuter ce marché).

3) Le 22 juillet 2019, Entreprise Belloni SA (ci-après : Belloni), une société anonyme inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC), ayant pour but statutaire l’exploitation d’une entreprise générale dans les domaines de la construction ainsi qu’une entreprise de gypserie-peinture, a présenté une offre d’un montant de CHF 1'075'664.40 pour le marché.

L’offre comportait six références, à savoir pour des travaux effectués dans le cadre de la construction d’une école entre 2017 à 2018 pour un montant de CHF 653'751.55 (référence n° 1), d’une coopérative d’habitation entre 2017 et 2018 d’un montant de CHF 1'670'000.- (référence n° 2), d’un immeuble administratif entre 2016 à 2018 pour un montant de CHF 1'950'000.- (référence n° 3), d’un bâtiment de loisirs en 2017 d’un montant de CHF 795'000.- (référence n° 4), d’un immeuble administratif entre 2014 et 2017 pour un montant de CHF 2'480'000.- (référence n° 5) et pour l’agrandissement et la rénovation d’un musée entre 2012 à 2014 d’un montant de CHF 1'450'000.- (référence n° 6).

4) Le 23 juillet 2019, Michel Cona SA (ci-après : Michel Cona), société dont le but statutaire est l’exploitation d’une entreprise de gypserie-peinture, pose de papiers peints, carrelages et décoration ainsi que tous travaux s’y rattachant, a soumissionné au marché et présenté une offre d’un montant de CHF 988'686.-.

L’offre comportait cinq références, à savoir pour des travaux réalisés dans deux écoles, les uns entre 2014 et 2016 d’un montant de CHF 240'000.- (référence n° 1), les autres entre 2016 et 2018 d’un montant de CHF 300'000.- (référence n° 2), dans le cadre de la rénovation d’un bâtiment et d’un théâtre entre 2018 et 2019 d’un montant de CHF 450'000.- (référence n° 3), pour la construction d’un bâtiment de logements et d’une clinique entre 2016 et 2018 pour un montant de CHF 2'500'000.- (référence m° 4) et dans le cadre de la rénovation d’une école entre 2018 et 2019 pour un montant de CHF 500'000.-.

Aucune sous-traitance n’était annoncée, mais l’organigramme annexé prévoyait le recours, pour les activités de peinture, à une société tierce. Le planning prévisionnel indiquait en outre l’affectation de dix ouvriers au plus (six en moyenne) sur l’ensemble du projet entre octobre 2019 et août 2020.

5) Sept offres, dont six valables, ont été reçues par la ville. Des erreurs de calcul ayant été corrigées pour tous les concurrents, le montant des offres de Belloni et de Michel Cona est passé, respectivement, à CHF 1'114'173.23 et à CHF 988'319.98.

Pour le critère « références », Michel Cona obtenait la note de 3,95 et Belloni celle de 4,65. Ces notes comprenaient celles obtenues pour le sous-critère « A - adéquation des références » (pondération de 9 %), de 3,75 pour Michel Cona et de 4,75 pour Belloni, et pour le sous-critère « B - qualité des références » (pondération de 36 %), de 4 pour Michel Cona et de 4,63 pour Belloni.

6) Par décision du 26 septembre 2019, la ville a adjugé le marché à Belloni, ce dont elle a informé Michel Cona.

Selon le tableau comparatif annexé, Michel Cona avait obtenu la note de 5 au critère « prix » (pondéré à 30 %), celle de 3,95 au critère « références » (pondéré à 45 %) et celle de 4 au critère « organisation » (pondéré à 25 %), soit un total de 427,75 points, ce qui la classait au deuxième rang, après Belloni, qui avait respectivement obtenu les notes de 3,93, 4,65 et 4,75 pour les critères correspondants, soit un total de 446,03 points.

7) Par acte du 7 octobre 2019, Michel Cona a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif et principalement à son annulation et à l’adjudication du marché en sa faveur.

La décision litigieuse était arbitraire, puisqu’il ressortait de ses récents échanges avec les mandataires pour les travaux cités en référence que des notes supérieures auraient dû être retenues pour ce critère, correspondant à une moyenne de 4,6, de sorte que la moyenne retenue, de 3,95, était incompréhensible. Il ressortait de ses échanges avec la ville que celle-ci avait introduit un critère supplémentaire consistant dans la comparaison des offres, qui ne figurait toutefois pas dans les documents d’appel d’offres, et qui avait eu pour conséquence de favoriser les grandes entreprises, comme Belloni, alors même qu’elle était parfaitement en mesure de satisfaire aux conditions requises, au demeurant à moindre coût. La décision entreprise était également contraire au principe d’égalité de traitement, puisque sa note avait été opportunément diminuée sur la base de critères étrangers au dossier, afin de favoriser Belloni.

Elle a produit des courriels des mandataires pour les travaux qu’elle avait cités en référence selon lesquels la note de 5 avait été communiquée oralement à la ville pour les références nos 1 et 2, celle de 4 pour la référence n° 3 (soucis organisationnels, utilisation de matériaux et techniques non connus), celle de 5 pour la référence n° 4 et celle de 4 pour la référence n° 5 (diminution des équipes sans avertissement préalable).

8) Le 25 octobre 2019, la ville a conclu au rejet de la demande d’effet suspensif et au rejet du recours sur le fond.

Les sous-critères « A » et « B » du critère principal « références » permettaient de s’assurer que les soumissionnaires disposaient des qualités et des compétences requises pour réaliser le marché, les références devant ainsi être en adéquation avec le marché en cause et garantir l’aptitude des candidats.

Pour le sous-critère « A », la note de 3,75 avait été attribuée à Michel Cona, dès lors que les références qu’elle avait fournies, qui correspondaient à la nature des travaux visés, n’étaient toutefois pas dans la cible s’agissant des montants qui, pour quatre des cinq références, étaient de nettement moindre ampleur que ceux du marché à attribuer, estimé à CHF 1'240'000.-.

Quant à Belloni, dont seules les cinq premières références sur les six présentées avaient été retenues, elle avait obtenu la note de 4,75 pour le sous-critère « A », dès lors que ses références correspondaient à la nature des travaux visés par le marché et se trouvaient dans la cible s’agissant des montants, sauf pour l’une d’entre elles.

Pour le sous-critère « B », la qualité des références avait été évaluée sur la base d’entretiens téléphoniques, des questions ayant été posées sur le respect du planning, la qualité de travail accompli, le suivi des défauts, le suivi financier, la disponibilité de l’entreprise et la participation aux séances de chantier. Pour Michel Cona, la note de 4 avait ainsi été attribuée aux références nos 1 et 2 (défauts mineurs dans la bienfacture du travail), celle de 4 à la référence n° 3 (malgré un retard de deux mois dans la livraison et des défauts, mais avec un suivi de leur réfection correctement assuré et avec quelques imprévus financiers et un léger manque de disponibilité de l’entreprise), celle de 4,5 à la référence n° 4 (satisfaction globale du maître d’ouvrage, bien que celui-ci ne se soit pas spécifiquement exprimé sur la qualité du travail fourni), et celle de 3,5 à la référence n° 5 (non-respect des plannings et reproche de ne pas mettre suffisamment d’équipes en renfort pour l’avancement des travaux). La note globale de 4 avait par conséquent été attribuée à Michel Cona pour le sous-critère « B ». Pour Belloni, la note de 5 avait été attribuée pour les références nos 1 et 3, celle de 4,5 pour la référence n° 2 (présence de défauts mineurs lors de la réception des travaux ayant toutefois été réglés rapidement) et celle de 4 pour la référence n° 4 (livraison des travaux avec défauts mineurs, dont le suivi avait été assuré par l’entreprise). La référence n° 5 n’avait toutefois pas pu être vérifiée téléphoniquement en raison de la pause estivale. Belloni avait ainsi obtenu la note globale de 4,63 pour le sous-critère « B ».

Pour le critère « organisation », les dossiers de Michel Cona et de Belloni étaient équivalents s’agissant de la présentation de l’entreprise, la répartition du personnel et leur qualification. Le dossier de Belloni était toutefois nettement meilleur sur les effectifs dédiés au projet et sur le planning des travaux, puisque cette entreprise prévoyait la présence de jusqu’à douze personnes pendant trente-deux semaines, tandis que Michel Cona n’avait prévu qu’une dizaine de personnes sur une période de trente-huit semaines, et son dossier laissait également apparaître une sous-traitance pourtant non annoncée dans son offre.

Le marché avait ainsi été adjugé à Belloni au regard de ces éléments objectifs. Cette situation ne signifiait pas que le dossier de Michel Cona n’était pas de qualité, mais lorsqu’il s’agissait de comparer les deux dossiers, ce dernier ne se situait pas dans la cible du marché mis en concurrence et était en deçà de la qualité offerte par sa concurrente. Pour ces motifs également, l’adjudication en faveur de Belloni n’était constitutive d’aucune inégalité de traitement, étant précisé que l’ensemble des critères d’évaluation figuraient dans les documents d’appel d’offres et qu’il n’existait aucune obligation de la part de l’autorité adjudicatrice d’annoncer la méthode qu’elle entendait appliquer pour évaluer concrètement les offres.

9) Le 25 octobre 2019 également, Belloni a conclu au rejet de la demande d’effet suspensif.

Le recours était mal fondé, dès lors que Michel Cona se limitait à substituer son appréciation à celle de l’autorité adjudicatrice, les griefs en lien avec l’évaluation du critère « références » relevant du procès d’intention.

10) Le 7 novembre 2019, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

11) Le 21 novembre 2019, la ville et Belloni ont conclu le contrat d’entreprise portant sur le marché, ce dont ils ont informé le juge délégué.

12) Le 6 décembre 2019, Belloni a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, « avec suite de frais et dépens ».

Au regard du refus de l’effet suspensif au recours, celui-ci était irrecevable, puisque Michel Cona n’avait pris aucune conclusion en lien avec la constatation du caractère illicite de l’adjudication.

13) La ville a renvoyé aux conclusions et termes de ses précédentes écritures, qui concernaient également le fond du litige.

14) Le 13 janvier 2020, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 21 février 2020 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

15) Le 21 février 2020, Michel Cona a persisté dans son recours, précisant que sa conclusion tendant à l’annulation de la décision d’adjudication comprenait également la constatation de son caractère illicite.

La méthode appliquée pour l’évaluation du critère « références » était arbitraire. Il ressortait ainsi des déterminations de la ville que la moyenne attribuée à Belloni pour le sous-critère « B » avait été calculée sur la base de seulement quatre références, de sorte que si la même méthode avait été appliquée à son cas, elle aurait pu bénéficier d’une moyenne plus élevée. Par ailleurs, le compte rendu effectué par la ville au sujet des entretiens téléphoniques ne donnait pas une image exacte et complète de l’évaluation de son dossier et ne correspondait pas à ce qui lui avait été indiqué par les mandataires des travaux cités en référence, qui s’étaient montrés élogieux par rapport aux marchés qu’elle avait réalisés.

S’agissant du critère « organisation », elle avait respecté le planning fourni par la ville, en proposant de dédier dix personnes au projet pendant trente-huit semaines, de sorte qu’elle ne pouvait être pénalisée pour ne pas avoir proposé la présence de plus de personnes sur une période moins longue.

16) Le 21 février 2020 également, Belloni a indiqué ne pas avoir de requêtes ou d’observations complémentaires à formuler.

17) La ville ne s’est pas déterminée à l’issue du délai imparti.

18) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 15 al. 1, al. 1bis let. e et al. 2 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi du 12 juin 1997 autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’AIMP - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. e et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01 ; art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) a. Le contrat ayant été conclu avec l’adjudicataire (art. 14 al. 1 AIMP et 46 RMP), se pose la question de l’intérêt digne de protection de la recourante au maintien du recours.

b. La qualité pour recourir en matière de marchés publics se définit en fonction des critères de l’art. 60 al. 1 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), applicable sur renvoi de l’art. 3 al. 4 L-AIMP. Elle appartient aux parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée, chacune de celles-ci devant néanmoins être touchée directement par la décision et avoir un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée. Tel est le cas de celle à laquelle la décision attaquée apporte des inconvénients qui pourraient être évités grâce au succès du recours, qu’il s'agisse d’intérêts juridiques ou de simples intérêts de fait (ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 2a).

c. En matière de marchés publics, l’intérêt actuel du soumissionnaire évincé est évident tant que le contrat n’est pas encore conclu entre le pouvoir adjudicateur et l’adjudicataire, car le recours lui permet d’obtenir la correction de la violation commise et la reprise du processus de passation. Mais il y a lieu d’admettre qu’un soumissionnaire évincé a aussi un intérêt actuel au recours lorsque le contrat est déjà conclu avec l’adjudicataire, voire exécuté, car il doit pouvoir obtenir une constatation d’illicéité de la décision pour pouvoir agir en dommages-intérêts (art. 18 al. 2 AIMP ; art. 3 al. 3 L-AIMP ; ATF 137 II 313 consid. 1.2.2 ; ATA/1389/2019 précité consid. 2b). Le recourant qui conteste une décision d’adjudication et déclare vouloir maintenir son recours après la conclusion du contrat conclut, au moins implicitement, à la constatation de l’illicéité de l’adjudication, que des dommages-intérêts soient réclamés ou non (arrêt du Tribunal fédéral 2P.307/2005 du 24 mai 2006 consid. 2 ; ATA/970/2019 du 4 juin 2019 consid. 2b).

d. En l’espèce, en tant que soumissionnaire évincée arrivée au deuxième rang après Belloni qui a remporté le marché, la recourante, qui a maintenu son recours à la suite de la conclusion du contrat d’entreprise, conserve un intérêt juridique à recourir contre la décision d’adjudication, son recours étant à même d’ouvrir son droit à une éventuelle indemnisation, malgré l’absence de conclusions explicites figurant dans ses écritures. Le recours est par conséquent également recevable de ce point de vue.

3) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision d’adjudication du marché en faveur de Belloni, la recourante critiquant les notes obtenues pour les critères « références » et « organisation », qu’elle qualifie d’arbitraires et de contraires au principe d’égalité de traitement.

4) a. Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, à l’exception du grief d’inopportunité (art. 16 al. 1 et 2 AIMP ; art. 57 al. 1 et 2 RMP).

b. En matière de marchés publics, le droit matériel laisse en principe une grande liberté d’appréciation au pouvoir adjudicateur, en particulier dans la phase de l’appréciation et de la comparaison des offres, y compris s’agissant de la méthode de notation, l’autorité judiciaire ne pouvant intervenir qu’en cas d’abus ou d’excès du pouvoir de décision de l’adjudicateur (ATA/1717/2019 du 26 novembre 2019 consid. 6b ; ATA/56/2018 du 23 janvier 2018 consid. 5c).

5) L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP).

Le principe de l’égalité de traitement entre soumissionnaires oblige l’autorité adjudicatrice à traiter de manière égale les soumissionnaires tout au long du déroulement formel de la procédure (art. 16 RMP ; ATA/1413/2019 du 24 septembre 2019 consid. 3b et les références citées).

6) a. Aux termes de l’art. 24 RMP, l’autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché ; elle doit les énoncer clairement et par ordre d’importance au moment de l’appel d’offres.

b. Le principe de la transparence garanti par les art. 1 al. 3 let. c AIMP et 24 RMP exige du pouvoir adjudicateur qu’il énumère par avance et dans l’ordre d’importance tous les critères d’adjudication qui seront pris en considération lors de l’évaluation des soumissions, en spécifiant clairement l’importance relative qu’il entend accorder à chacun d’eux. Ceux-ci doivent être objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Le principe de la transparence interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères. Il n’exige toutefois pas, en principe, la communication préalable d’éléments d’appréciation ou de catégories, tels des sous-critères, qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moins que ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l’adjudicateur leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d’un critère publié. De la même manière, une simple grille d’évaluation ou d’autres aides destinées à noter les différents critères et éléments d’appréciation utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul, etc.) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d’abus ou d’excès du pouvoir d’appréciation (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; ATA/1413/2019 précité consid. 4b et les références citées).

c. Ainsi, en vertu de l’art. 43 RMP, l’évaluation est faite selon les critères prédéfinis conformément à l’art. 24 RMP et énumérés dans l’avis d’appel d’offres et/ou les documents d’appel d’offres (al. 1) ; le résultat de l’évaluation des offres fait l’objet d’un tableau comparatif (al. 2) ; le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l’offre économiquement la plus avantageuse, c’est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix ; outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l’adéquation aux besoins, le service après-vente, l’esthétique, l’organisation, le respect de l’environnement (al. 3) ; l’adjudication de biens largement standardisés peut intervenir selon le critère du prix le plus bas (al. 4). Bien que les références puissent constituer un critère d’aptitude ou de qualification, elles peuvent également être utilisées comme critère d’adjudication (ATF 139 II 489 consid. 2.2.4), de sorte à pouvoir faire l’objet d’une notation (ATA/1413/2019 précité consid. 5a).

7) Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité ; il ne suffit pas qu’une autre solution paraisse concevable, voire préférable ; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu’elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 144 I 170 consid. 7.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_21/2020 du 25 mai 2020 consid. 4.1).

Devant la chambre de céans, le grief d'arbitraire est toutefois absorbé par ceux d'établissement inexact des faits, d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation, ou de mauvaise application de la législation applicable.

8) a. En l’espèce, la recourante, qui a obtenu la note maximale de 5 pour le critère « prix », se plaint des notes obtenues pour les deux autres critères, à savoir « références » et « organisation ».

b. Pour le critère « références », la recourante a obtenu la note globale de 3,95, tandis que Belloni a obtenu celle de 4,65, cette différence s’expliquant par la qualité des références présentées. En effet, il ressort des explications fournies par l’intimée que celle-ci, par l’utilisation de ce critère, voulait s’assurer que les soumissionnaires disposaient des qualités et des compétences requises pour réaliser le marché, les références devant être en adéquation avec le marché en cause et garantir l’aptitude des candidats. La ville souhaitait ainsi privilégier les entreprises disposant d’expérience dans les travaux visés par le marché, ce qui résulte déjà implicitement du dossier d’appel d’offres, pour apprécier plus favorablement une référence qui est en adéquation avec le travail qui doit être effectué, sur tous les points. Il ne s’agit toutefois pas d’un critère supplémentaire, mais d’un élément qui découle en toute logique de la notion de référence (ATA/1005/2016 du 29 novembre 2016 consid. 8). Rien n’obligeait en outre la ville à communiquer plus avant ces éléments, notamment en indiquant expressément l’existence de deux sous-critères « A » et « B » en tant qu’éléments d’appréciation des références.

Dans son offre, la recourante a indiqué cinq références, pour des travaux correspondant certes à ceux visés dans l’offre mais dont les montants, pour quatre des cinq références, étaient de moindre ampleur que ceux du marché à attribuer, estimé à CHF 1'240'000.-, de sorte qu’elle s’est vu attribuer la note de 3,75, contrairement à Belloni, dont quatre des cinq références, outre le fait que les travaux en cause entraient dans la cible de ceux visés par le marché, portaient sur des montants similaires à celui-ci, de sorte à avoir obtenu la note de 4,75. Une telle appréciation ne prête pas le flanc à la critique et repose sur des éléments objectifs.

Le dossier d’appel d’offres mentionnait en outre que les références indiquées dans l’offre seraient vérifiées par téléphone, ce qui s’est révélé être le cas, des questions ayant été posées aux personnes mentionnées au sujet du respect du planning, de la qualité du travail accompli, du suivi des défauts, du suivi financier, de la disponibilité de l’entreprise et de la participation aux séances de chantier.

Il ressort des explications fournies par la ville que pour la recourante, les personnes interrogées étaient certes globalement satisfaites de son travail, mais que certaines d’entre elles avaient relevé des défauts dans la bienfacture (références nos 1 et 2), un retard dans la livraison et des défauts (référence n° 3), un non-respect du planning et un nombre insuffisant de collaborateurs dédiés aux travaux (référence n° 5), ce qui a conduit à l’attribution de la note globale de 4 en faveur de la recourante pour le sous-critère « B ». Quoiqu’en dise celle-ci, certaines de ces réserves ressortent également des courriels qu’elle a produits. Dans ce cadre, il n’appartenait pas aux personnes interrogées de noter l’intéressée, ni à cette dernière de substituer son appréciation à celle de l’autorité, qui était seule habilitée, en fonction de la méthode qu’elle a indiqué avoir choisie pour ce faire, à évaluer les références fournies. L’évaluation à laquelle la ville s’est livrée n’apparaît ainsi arbitraire ni dans sa motivation, ni dans son résultat, Belloni ayant fourni des références permettant de démontrer qu’elle était plus apte à réaliser à satisfaction l’entier des travaux projetés que la recourante, raison pour laquelle elle a obtenu une note supérieure, soit celle de 4,63 pour le sous-critère « B », indépendamment du fait que l’une des références fournies n’ait pas pu être vérifiée en raison de la pause estivale.

c. Concernant enfin le critère « organisation », la recourante a obtenu la note de 4 et Belloni la note de 4,75, dont le dossier, selon la ville, était meilleur s’agissant des effectifs dédiés au projet et du planning des travaux. Cet argument ne prête pas le flanc à la critique. Le fait que la recourante ait suivi, comme elle l’affirme, les indications figurant dans l’appel d’offres n’y change rien et n’empêchait pas l’autorité adjudicatrice de noter l’offre de Belloni de manière plus favorable si elle estimait qu’elle permettait une meilleure exécution des travaux dans le respect du planning. À ces éléments s’ajoute également le fait que la recourante, bien que n’ayant pas annoncé de sous-traitance, apparaît, selon l’organigramme remis, recourir à une entreprise tierce pour l’exécution des travaux de peinture, contrairement à Belloni. Pour ce motif également, il ne peut être reproché à la ville d’avoir accordé une meilleure note à Belloni.

d. Au vu de ce qui précède, l’évaluation des offres faite par l’autorité adjudicatrice n’est constitutive d’aucun excès ou abus de son pouvoir d’appréciation, pas plus qu'elle n’est arbitraire ou contraire à l’égalité de traitement, la recourante n’apportant aucun élément à l’appui de ce dernier grief. À cela s’ajoute que l’offre économiquement la plus avantageuse ne signifie pas encore qu’elle doit être la moins chère (ATA/56/2018 précité consid. 5c), de sorte que la recourante ne saurait se prévaloir du seul fait que son prix était le plus bas.

Il s’ensuit que le recours sera rejeté.

9) Le contrat d’adjudication ayant été signé, Belloni, qui n’a plus d’intérêt au litige (art. 71 al. 1 LPA), sera mise hors de cause.

10) Vu l’issue du litige, et compte tenu du prononcé de la décision sur effet suspensif, un émolument de CHF 1'300.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à Belloni, qui y a conclu, à la charge de la recourante. Aucune indemnité ne sera allouée à la ville, qui n’a pris aucune conclusion dans ce sens et dispose de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

met hors de cause Entreprise Belloni SA ;

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 octobre 2019 par Michel Cona SA contre la décision de la Ville de Genève - département des constructions et de l’aménagement du 26 septembre 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'300.- à la charge de Michel Cona SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Entreprise Belloni SA, à la charge de Michel Cona SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’autre indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Cédric Berger, avocat du recourant, à la Ville de genève - département des constructions et de l’aménagement, à Me Pascal Nicollier, avocat d’Entreprise Belloni SA, ainsi qu’à la commission de la concurrence.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Pagan, Verniory et Knupfer, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :