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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/682/2019

ATA/682/2020 du 21.07.2020 sur JTAPI/57/2020 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;DÉCISION DE RENVOI;DROIT AU MARIAGE;LIMITATION DU NOMBRE DES ÉTRANGERS;MARIAGE;PRESSION
Normes : CEDH.12; LEI.30.al1.letb; LEI.64.al1.letc; OASA.31.al1
Résumé : Par mariage forcé, il faut entendre un mariage conclu sans la volonté libre d’un des époux. L’absence de volonté libre peut provenir de menaces, de pressions émotionnelles, d’humiliation ou d’autres actes de contrôle, voire dans les cas extrêmes, d’atteintes à l’intégrité psychique, physique et sexuelle, d’enlèvement et séquestration et de menaces de mort. Pour établir l’existence d’un mariage forcé, la personne étrangère est soumise à un devoir de coopération accru à l’instar de la victime de violences conjugales. Elle doit rendre vraisemblable, par des moyens appropriés, l’existence d’un mariage forcé. Des affirmations d’ordre général ou des indices faisant état de pressions sont insuffisants.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/682/2019-PE ATA/682/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 juillet 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par le Centre social protestant, mandataire soit pour lui,
Madame Claudine Corthay

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 janvier 2020 (JTAPI/57/2020)


EN FAIT

1) Madame A______, de confession musulmane, née le ______1989 en Gambie, pays dont elle est ressortissante, est arrivée en Suisse le 15 juillet 2012, munie d’un visa délivré pour une visite familiale chez son père, Monsieur A______, de nationalité gambienne, titulaire d’une autorisation de séjour et marié à Madame B______ A______ (ci-après : les époux A______), de nationalité suisse.

2) Selon un constat médical du 2 septembre 2012, un examen effectué par un médecin à la Clinique C______ sur Mme A______ a révélé notamment des dermabrasions multiples sur le membre supérieur droit et à la lèvre supérieure, une fracture dentaire à l’incisive supérieure droite et une plaie ouverte au bras droit avec un corps étranger pénétrant.

Mme A______ avait raconté au médecin, en anglais, avoir été agressée par un individu en voiture qui avait percuté son vélo et l’avait fait chuter à terre avant de prendre la fuite.

3) Le 5 septembre 2012, sur la base d’un certificat médical délivré à la suite de l’accident précité, Mme A______ a sollicité auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une prolongation de son visa pour une durée d’un mois. Le même jour, elle a rempli le formulaire individuel de demande d’une autorisation de séjour sans activité lucrative pour ressortissant hors UE / AELE.

4) a. Les 26 novembre et 6 décembre 2012, l’OCPM a demandé aux époux A______ si l’intéressée se trouvait toujours en Suisse.

b. Les 27 novembre et 17 décembre 2012, ceux-ci ont indiqué à l’OCPM que Mme A______ habitait toujours chez eux. Elle avait rempli un formulaire pour une prolongation de visa et un autre pour une demande d’autorisation de séjour. L’intéressée ne pouvait pas rentrer en Gambie en raison d’un risque de mariage forcé avec un homme de vingt ans son aîné. Elle et son père étaient opposés à ce mariage. Un conflit avait éclaté entre le père et un oncle de l’intéressée vivant en Gambie depuis l’arrivée de celle-ci à Genève. Elle leur avait demandé de rester en Suisse.

5) a. Le 18 septembre 2014, l’OCPM a imparti à l’intéressée un délai pour produire les preuves indiquant que sa famille en Gambie tentait d’organiser un mariage forcé et une lettre explicative des époux A______ sur les vérifications effectuées à ce sujet.

b. Le 29 septembre 2014, les époux A______ ont indiqué que l’oncle de l’intéressée, responsable de la famille, voulait marier celle-ci à un homme de 53 ans qui disposait d’une « bonne situation », celui-ci souhaitant une seconde épouse.

c. En octobre 2014, ils ont produit un courrier intitulé « Affidavit de Confirmation dans l’affaire de A______ », signé le 7 octobre 2014 par « le commissaire aux serments », traduit le 6 août 2016 par une traductrice-jurée, et un autre courrier qui « concerne la preuve de mariage forcé » du 10 avril 2013, traduit par la même traductrice-jurée le 6 août 2016 également, émanant respectivement de Monsieur D______, un oncle de Mme A______, et de Monsieur E______, qui confirmaient leurs déclarations. Dès son retour en Gambie, Mme A______ serait remise à sa famille pour procéder au mariage.

6) Le 7 avril 2015, l’OCPM a adressé au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) une demande de renseignements au sujet de l’existence des mariages forcés en Gambie.

L’office souhaitait savoir si le SEM avait connaissance de mariages forcés dans ce pays, si le mariage forcé constituait une pratique courante, particulièrement dans les villages, si le gouvernement gambien luttait contre ce type de pratique et si l’intéressée pouvait obtenir la protection des autorités de son pays.

7) Le 8 avril 2015, l’ambassade de Suisse au Sénégal, compétente pour la Gambie, a confirmé l’existence des mariages forcés dans ce pays. Les autorités gambiennes n’étaient pas très actives dans la lutte contre ce phénomène.

8) Le 29 juillet 2015, le SEM a, dans un document intitulé « Consulting / GE - Gambie : mariage forcé », répondu à la demande de l’OCPM.

Quatre types de mariage existaient en Gambie, le mariage chrétien, le mariage civil, le mariage musulman régi par la Charia et celui coutumier régi par les pratiques coutumières de la communauté de l’époux. En 2003, 90 % des Gambiennes dépendaient du droit coutumier et/ou de la Charia pour les questions familiales. En droit coutumier, le mariage scellait l’union de deux familles. La volonté de ces dernières était prioritaire par rapport à celle des époux.

Selon un rapport soumis en 2003 au Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (ci-après : CEDAW), les mariages forcés s’effectuaient avant tout sous le régime coutumier (mariages précoces), mais aussi sous celui de la Charia. Les jeunes filles vivant en zones rurales étaient fortement touchées par le phénomène du mariage précoce forcé. Certes, la constitution gambienne interdisait la discrimination. Toutefois, elle réservait certains domaines dont celui du mariage. Ainsi, pour les personnes de confession musulmane, la Charia s’appliquait pour des questions liées au mariage, pour les traditionnalistes, ces questions relevaient du droit coutumier. Le CEDAW avait exhorté la Gambie à supprimer la disposition constitutionnelle concernée. Les autorités gambiennes avaient déclaré ne pas la considérer comme discriminatoire et ne pas avoir l’intention de la modifier. Les femmes jouissaient d’un accès limité à la justice dans la mesure où elles devaient souvent faire appel à des tribunaux de districts de droit coutumier ou des cours de juges musulmans (les cadis) qui appliquaient des dispositions discriminatoires à leur égard. Dans ces tribunaux et cours, les parties ne bénéficiaient pas d’une représentation légale. La Charia contenait des dispositions favorisant les hommes. L’application du droit des personnes marginalisait les femmes musulmanes pour les questions liées à la famille.

Selon un commentaire du SEM, la grande majorité des informations sur le mariage forcé traitait de la question du mariage précoce, qui semblait être encore relativement fréquent en Gambie. Il existait un amalgame entre la pratique liée à la Charia et celle relevant du droit coutumier. Il n’était pas aisé d’évaluer la situation des femmes adultes face au mariage forcé.

9) Le 16 juin 2016, l’OCPM a, dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation de séjour de Mme A______, requis des renseignements auprès de l’intéressée, de la police, de l’office des poursuites et de l’Hospice général.

a. Le 23 juin 2016, Mme A______ a indiqué avoir réussi en date du 7 décembre 2015 son diplôme de français - DELF de niveau A2. Elle cherchait une place d’apprentissage dans la vente de vêtements et souhaitait rester avec son père, continuer à étudier et avoir la possibilité de construire son futur professionnel à Genève.

b. Le 23 juin 2016, la police a confirmé que ni Mme A______ ni son père n’étaient connus de ses services. Le 4 juillet 2016, l’Hospice général a confirmé qu’il n’aidait pas financièrement Mme A______ et, le 3 août 2016, l’office des poursuites a confirmé que celle-ci ne faisait l’objet d’aucune poursuite.

10) Le 13 juillet 2016, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser de lui octroyer une autorisation de séjour. Néanmoins, il envisageait de proposer au SEM de lui octroyer une admission provisoire. Il lui a imparti un délai de trente jours pour faire valoir, par écrit, son droit d’être entendue.

11) Le 2 août 2016, Mme A______ a transmis à l’OCPM ses observations.

Le frère aîné de son père, imam du village, avait accepté, en 2011, une somme d’argent comme dot. Elle risquait toujours de subir un mariage forcé.

12) Par décision du 14 septembre 2016, l’OCPM a refusé d’octroyer à Mme A______ une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Il n’a néanmoins pas prononcé son renvoi de Suisse.

Après plusieurs demandes, elle avait donné des précisions sur son impossibilité de retourner en Gambie dans la mesure où son oncle voulait la marier de force à un homme de vingt ans son ainé. Son père et sa belle-mère avaient transmis un document de confirmation de mariage forcé.

Son renvoi ne pouvant pas être raisonnablement exigé en raison de l’existence de la menace de mariage forcé pesant sur elle dès 2012, l’office envisageait de soumettre au SEM le dossier en vue de l’examen de l’opportunité de prononcer une admission provisoire.

13) a. Le 23 mars 2017, le SEM a indiqué à l’OCPM qu’il ne pouvait pas se prononcer sur la proposition d’admission provisoire de Mme A______.

L’admission provisoire était une mesure de remplacement lorsque l’exécution d’une décision de renvoi de Suisse n’était pas possible, licite ou raisonnablement exigible. Mme A______ n’avait pas fait l’objet d’une décision de renvoi. Les motifs allégués dans sa demande d’autorisation de séjour, le mariage forcé, relevaient de la problématique de la législation sur l’asile. L’OCPM aurait dû suggérer à l’intéressée de déposer une demande d’asile. Le dépôt d’une telle demande demeurant néanmoins possible, un délai devait lui être fixé à cette fin. Si Mme A______ ne souhaitait pas déposer une telle demande, l’OCPM devait annuler sa décision du 14 septembre 2016 et la remplacer par une autre de refus, assortie d’un renvoi de Suisse.

b Le même jour, le SEM a informé Mme A______ avoir retourné à l’OCPM son dossier pour un nouvel examen.

La question de l’admission provisoire se posait uniquement lorsqu’un renvoi avait été prononcé.

14) Le 12 avril 2017, l’OCPM a invité Mme A______ à déposer une demande d’asile et lui a imparti un délai de trente jours pour ce faire.

La problématique du mariage forcé relevait du domaine de l’asile.

15) Le 12 juin 2017, Mme A______ a requis de l’OCPM d’examiner sa situation à la lumière de la législation sur les étrangers.

Déposer une demande d’asile la forcerait à quitter Genève, sa famille et mettrait fin à son processus d’intégration. Elle se trouverait à la charge de l’assistance publique. Les obstacles s’opposant à son renvoi de Suisse pouvaient être examinés dans le cadre de la législation sur les étrangers.

16) À fin juin 2018, l’OCPM a autorisé Mme A______ à exercer une activité lucrative jusqu’à droit connu sur sa demande d’autorisation de séjour.

17) Le 2 juillet 2018, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention d’annuler sa décision du 14 septembre 2016, d’en rendre une nouvelle refusant l’autorisation de séjour requise et prononçant son renvoi de Suisse. Il lui a imparti un délai pour exercer son droit d’être entendue.

Depuis sa décision du 14 septembre 2016, aucun élément nouveau ne permettait de lui octroyer une autorisation de séjour pour cas personnel d’extrême gravité. L’intéressée, qui avait quitté la Gambie six ans plus tôt, devait en outre étayer ses allégations d’un danger de mariage forcé en cas de retour dans ce pays par des preuves en vue de l’examen d’une possible admission provisoire.

18) Le 23 juillet 2018, le père de l’intéressé a rédigé un témoignage confirmant que si sa fille retournait en Gambie, elle serait confrontée au chef de famille qui avait le pouvoir d’exiger le mariage forcé contre sa volonté. Il s’est référé au courrier cité plus haut du 7 octobre 2014.

19) Le 13 septembre 2018, Mme A______ a persisté dans sa demande d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Subsidiairement, elle a requis une admission provisoire pour inexigibilité de son renvoi.

a. Elle avait, en novembre 2016, entrepris un programme d’insertion proposé par la ville C______, sa commune de domicile. Ce projet visait un développement professionnel et une remise à niveau scolaire, après ses cours de français. Elle avait suivi une formation d’employée et une autre en compétence de base pour adultes en vue de l’obtention d’un certificat. Elle avait effectué plusieurs stages avec succès et signé un contrat de travail de durée indéterminée. La menace de mariage forcé en cas de retour en Gambie demeurait actuelle. Son oncle vivant dans ce pays ayant donné sa parole, il ne pouvait pas et ne voulait pas se rétracter. Celui-ci avait le pouvoir de prendre toutes les décisions concernant sa famille.

Un rapport de l’office français de protection des réfugiés et apatrides (ci-après : OFPRA) du 23 janvier 2017 examinait la réalité des mariages forcés en Gambie. Ceux-ci y constituaient une pratique courante. Un mariage était une alliance entre deux familles avant d’être celle de deux individus. Cette alliance revêtait un caractère collectif dont l’initiative revenait aux chefs de famille. Les mariages étant arrangés, seul le degré de coercition exercée sur les futurs époux permettait de considérer l’union comme forcée ou acceptée.

b. Elle a produit à l’appui de ses observations un courrier de son père du 23 juillet 2018 attestant l’absence de modification de sa situation depuis 2012. Elle a également produit divers courriers de soutien.

20) Par décision du 25 janvier 2018 (recte : 2019), annulant et remplaçant celle du 14 septembre 2016, l’OCPM a refusé d’octroyer à Mme A______ une autorisation de séjour pour cas de rigueur, a prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai au 17 avril 2019 pour quitter le territoire. Le renvoi était possible, licite et raisonnablement exigible.

Hormis une déclaration signée par son père, aucun document de preuve « solide et actuel » ne permettait d’établir le risque invoqué de mariage forcé.

Pour le surplus, l’OCPM a repris les arguments contenus dans son courrier du 2 juillet 2018.

21) Par acte expédié le 20 février 2019, Mme A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée en concluant principalement à son annulation et à la constatation que les conditions pour l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur étaient réunies. Subsidiairement, elle a conclu à ce qu’elle soit mise au bénéfice d’une admission provisoire.

Lorsque son père avait quitté la Gambie pour l’Italie, elle avait été mise sous la protection de son oncle qui avait, comme chef de famille et selon la coutume, autorité sur les membres de celle-ci. Dans le courant de l’année 2011, cet homme avait décidé de la marier, sans la consulter, à un homme de la région. En octobre 2011, elle avait ainsi été convoquée par ce dernier qui lui avait présenté son futur époux. Elle avait contacté son père pour obtenir son soutien. Celui-ci était intervenu auprès de son frère aîné, mais en vain. Ce dernier avait déjà scellé le contrat du mariage et perçu la dot. Par lettre du 10 avril 2013, un membre de la communauté avait témoigné de l’existence de ce mariage.

En cas de renvoi en Gambie, elle serait exposée à un mariage forcé. L’OCPM, qui avait admis l’existence de cette menace, alléguait dorénavant l’absence de preuve « solide et actuelle » du risque de mariage forcé.

22) Le 25 septembre 2019, le TAPI a procédé à l’audition de Mme A______ et de son père.

23) Le 8 octobre 2019, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Néanmoins, l’existence d’une menace de mariage forcé était propre à rendre inexigible l'exécution du renvoi. Il proposait par conséquent de soumettre le dossier au SEM aux fins d'une admission provisoire une fois sa décision attaquée entrée en force.

24) Le 15 octobre 2019, Mme A______ a maintenu ses conclusions principales tendant à l'octroi d'une autorisation de séjour tout en saluant la position de l’OCPM qui reconnaissait que son renvoi en Gambie l’exposerait vraisemblablement à un mariage forcé.

25) Par jugement du 20 janvier 2020, le TAPI a admis partiellement le recours.

L’OCPM n’avait ni excédé son pouvoir d’appréciation ni procédé à une mauvaise application des dispositions légales pertinentes en refusant à Mme A______ une autorisation de séjour pour cas de rigueur. L’intéressée ne se trouvait pas dans une situation de détresse personnelle.

La durée de son séjour en Suisse ne pouvait pas être qualifiée de longue et devait être relativisée dans la mesure où celle-ci était restée dans ce pays sans titre de séjour. Mme A______ ne pouvait pas non plus se prévaloir d’une intégration sociale particulièrement poussée, ni d’une réussite professionnelle remarquable. La réintégration dans son pays d’origine n’était pas compromise. Elle serait certes confrontée à diverses difficultés, sur le plan personnel, financier ou social. Toutefois, celles-ci étaient comparables à celles rencontrées par d’autres compatriotes contraints de retourner dans leur pays d’origine au terme d’un séjour en Suisse.

Les éléments attestant de l’existence d’un risque réel et concret de mariage forcé n’étaient pas donnés. Les attestations produites ne constituaient pas des témoignages crédibles. Certes, un mariage forcé ne se concluait pas forcément par écrit, surtout dans une région rurale de Gambie. Toutefois, ses allégations cohérentes dans le temps, mais non étayées par des documents vérifiables ne pouvaient pas être considérées comme vraisemblables, sous peine de vider de sa substance les dispositions régissant l’entrée en Suisse pour les femmes issues de pays connaissant la pratique des mariages forcés. Même en admettant la véracité du mariage forcé, la question de son actualité se posait. Certes, le « fiancé » pouvait ne pas renoncer à son « dû », dans la mesure où il avait déjà versé la dot. En outre, l’écoulement du temps pouvait ne pas avoir d’impact sur la situation. Cependant, le « fiancé » pouvait aussi ne plus être intéressé par Mme A______, sept ans après la « négociation » du mariage. Il était possible, le cas échéant, de lui restituer la dot, le père de l’intéressée disposant de moyens financiers pour ce faire.

Rien ne contraignait Mme A______, âgée de 29 ans, à rentrer au sein de sa famille en Gambie, avec laquelle elle avait coupé tous les liens. Elle pouvait s’établir ailleurs, par exemple auprès de son oncle paternel, opposé au mariage forcé. Elle pourrait utiliser dans son pays d’origine les connaissances acquises en Suisse, en particulier sa maîtrise de la langue française. Son père, qui l’avait entretenue de nombreuses années en Suisse, pourrait continuer à la soutenir.

L’OCPM, après avoir nié l’inexécutabilité du renvoi dans la décision attaquée, avait modifié sa position par courrier du 8 octobre 2019. Il lui en était donné acte.

26) Par acte expédié le 18 février 2020, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre le jugement précité en concluant principalement à son annulation et à celle de la décision de l’OCPM du 25 janvier 2019. Elle a aussi conclu à ce qu’il soit constaté que les conditions d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur étaient réunies.

Le jugement attaqué se fondait sur une appréciation incomplète et erronée des faits pertinents. Le TAPI n’avait pas examiné son intégration à l’aune de sa situation personnelle, des efforts fournis et en tenant compte de son niveau d’instruction et de sa fragilité psychique. Arrivée en Suisse très fragilisée et sans parler le français et avec un niveau d’instruction faible, elle avait suivi plusieurs formations et stages qui lui avaient permis d’être engagée dans un restaurant avec un contrat à durée indéterminée. Elle envisageait de faire une formation interne de manager en vue de l’obtention d’un certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) dans la vente. Les liens avec sa belle-famille avaient une nature particulière. Sa belle-mère avec qui elle partageait l’appartement depuis huit ans était un soutien indéfectible et l’avait épaulée dans les difficultés. Son comportement exemplaire et son indépendance financière participaient en outre à son bonne intégration. Le TAPI reconnaissait la cohérence dans le temps de ses propos, de ceux de son père et de sa belle-mère au sujet de la menace d’un mariage forcé à son retour, mais mettait en cause sa véracité en raison de l’absence d’un document écrit. Dans les villages de Gambie où la grande majorité des habitants était illettrée voire analphabète, un tel accord ne faisait pas l’objet d’un contrat écrit. L’OCPM avait pourtant reconnu à plusieurs reprises l’existence d’un risque sérieux de mariage forcé en cas de retour au pays.

27) Le 19 mars 2020, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Il avait accepté de transmettre au SEM le dossier de Mme A______ aux fins d’une admission provisoire. Aucun élément nouveau ne permettait de modifier son appréciation s’agissant de l’octroi d’un titre de séjour pour cas de rigueur.

28) Dans sa duplique, Mme A______ a persisté dans ses conclusions. La transmission du dossier au SEM en vue d’une admission provisoire n’était pas contestée. Son recours portait uniquement sur la question du titre de séjour pour cas de rigueur.

29) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’OCPM refusant d’octroyer à la recourante une autorisation de séjour pour cas de rigueur, prononçant son renvoi de Suisse et lui impartissant un délai pour quitter le territoire.

3) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l’opportunité d’une décision prise en matière de police des étrangers lorsqu’il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 a contrario de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

4) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la loi sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêts du Tribunal fédéral 2C_325/2019 du 3 février 2020 consid. 2.2.1).

b. La demande d’autorisation de séjour ayant été déposée avant le 1er janvier 2019, le litige est soumis aux dispositions de la LEI et de l’OASA dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018, étant précisé que la plupart des dispositions de la LEI sont demeurées identiques.

5) La LEI et ses ordonnances, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI).

6) a. L’art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d’admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

b. L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (Directives du SEM, domaine des étrangers, 2013, état au 1er novembre 2019, ch. 5.6.10 [ci-après : directives SEM]).

c. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/353/2019 du 2 avril 2019 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 précité consid. 4c ; Directives SEM, op. cit., ch. 5.6).

d. La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d’existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d’autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d’admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que l’intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3 ; ATA/181/2019 du 26 février 2019).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3 ; C-1240/2012 du 24 juillet 2014 consid. 5.3 ; ATA/353/2019 précité ; ATA/38/2019 précité).

e. L’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d’origine, mais implique qu’il se trouve personnellement dans une situation si grave qu’on ne peut exiger de sa part qu’il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d’une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b.dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d’exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n’exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d’un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/828/2016 du 4 octobre 2016).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/353/2019 précité ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

f. L’art. 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) intitulé « Droit au mariage », prévoit que, à partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit, alors que l’art. 14 CEDH prescrit que la jouissance des droits et libertés reconnus dans cette convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race et l’âge.

Il appartient en premier lieu au gouvernement du pays d’origine de garantir et d’assurer le respect de cette disposition (ATA/1016/2017 du 27 juin 2017).

Dans le cadre d’un risque de torture et de mauvais traitements dans le pays d’origine, la Cour européenne des droits de l’homme a, dans sa jurisprudence, développé la théorie d’une « protection par ricochet », selon laquelle l’expulsion d’un demandeur d’asile par un État contractant peut soulever un problème au regard de l’art. 3 CEDH, donc engager la responsabilité de l’État en cause au titre de la Convention, lorsqu’il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé courra, dans le pays de destination, un risque réel d’être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Dans ce cas, l’art. 3 CEDH implique l’obligation de ne pas expulser la personne en question vers ce pays (ACEDH Tarakhel c. Suisse [Grande Chambre] du 4 novembre 2014, req. 29217/12 ad no 93, 102 ainsi que les références citées).

S’agissant du risque de mariage forcé, la chambre de céans a jugé qu’un raisonnement similaire s’imposait, et le renvoi d’une personne qui se verrait imposer un mariage forcé dans son pays d’origine ne peut être admis au regard de la CEDH. Ce raisonnement pourrait, dans la présente affaire, amener à admettre que, si la recourante risquait réellement un mariage forcé dans son pays d’origine, elle pourrait de ce fait prétendre à une autorisation de séjour (ATA/1016/2017 précité).

g. Par mariage forcé, il faut entendre un mariage conclu sans la volonté libre d’un des époux. L’absence de volonté libre peut provenir de menaces, de pressions émotionnelles, d’humiliation ou d’autres actes de contrôle, voire dans les cas extrêmes, d’atteintes à l’intégrité psychique, physique et sexuelle, d’enlèvement et séquestration et de menaces de mort. Au contraire, on est en présence d’un simple mariage arrangé lorsque le mariage est initié par des tiers, mais est conclu avec l’assentiment des deux époux. La frontière entre mariage forcé et mariage arrangé n’est pas nette et peut fluctuer selon les cas d’espèce. À la différence du mariage arrangé, le mariage forcé viole gravement le droit à l’auto-détermination de la personne qui le contracte (ATF 134 II 1 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_831/2018 du 27 mai 2019 consid. 4.3.1). On parle de mariage forcé lorsqu'au moins un des deux époux n'a pas donné son consentement à l'union (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations - vol. II : LEtr, 2017, p. 471). S’agissant des moyens et du degré de preuve à présenter pour établir l’existence d’un mariage forcé, le Tribunal fédéral renvoie à ce qui prévaut en matière de violences conjugales (arrêts du Tribunal fédéral 2C_831/2018 précité consid. 4.3.1 ; 2C_671/2017 du 29 mai 2018 consid. 2.3 et les références citées). Dans ce domaine, la personne étrangère qui se prétend victime de violences conjugales est soumise à un devoir de coopération accru. Elle doit rendre vraisemblable, par des moyens appropriés, la violence conjugale, respectivement l’oppression domestique alléguée. Des affirmations d’ordre général ou des indices faisant état de tensions ponctuelles sont insuffisants (arrêt du Tribunal fédéral 2C_ 831/2018 précité consid. 4.2.3).

7) En l’espèce, la recourante a requis une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Elle reproche au premier juge de ne pas avoir tenu compte de sa situation personnelle.

Du point de vue de sa situation personnelle, la recourante, âgée actuellement de 30 ans, est arrivée en Suisse à l'âge de 22 ans. Elle a ainsi passé son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte en Gambie. Le fait qu’elle n’y soit pas retournée ne permet pas d’exclure un retour dans son pays d'origine. Elle en maîtrise la langue, la culture et les us et coutumes. Son intégration en Suisse peut être qualifiée de bonne, mais non d’exceptionnelle. La recourante a démontré une volonté de prendre part à la vie économique en Suisse en suivant plusieurs formations et stages et en occupant un emploi stable confirmé par un contrat de travail de durée indéterminée dans le domaine de la restauration. Bien que méritoire, son intégration professionnelle ne peut toutefois pas être qualifiée d'exceptionnelle, dans la mesure où elle n'a pas acquis des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre en Gambie. Au contraire, elle pourrait faire valoir dans son pays d'origine ses connaissances et ses expériences professionnelles acquises en Suisse dans le domaine de la restauration notamment ou dans d’autres domaines dans lesquelles elle a suivi une formation ou un stage.

Certes, son père réside en Suisse. Toutefois, étant majeure, elle ne se trouve pas dans un état de dépendance à l’égard de ce dernier, ni celui-ci à son égard par ailleurs. Elle exerce une activité lucrative et est en mesure de subvenir à ses propres besoins. Son père subvient également à ses besoins par l’exercice d’une activité lucrative. La relation tissée avec sa belle-mère et la famille de celle-ci ne rend pas sa relation avec la Suisse si étroite qu’on ne puisse exiger qu’elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. Elle s’inscrit dans un cadre familial dans lequel la solidarité joue un rôle important. Elle ne justifie toutefois pas une exception au sens des dispositions précitées. Par ailleurs, le fait que la recourante ne soit pas connue de la police, ni de l’office des poursuites et n’a pas émergé à l’assistance publique ne rend pas non plus son intégration sociale exceptionnelle au point de ne pas exiger d’elle de quitter ce pays.

Par ailleurs, si la pratique du mariage forcé en Gambie est documentée, le risque concret que la recourante y soit contrainte en cas de retour dans son pays n’est pas démontré. Elle a, certes, produit le témoignage de son père du 23 juillet 2018, qui toutefois ne fait que reprendre un « Affidavit de Confirmation dans l’affaire de A______ », signé le 7 octobre 2014 par le commissaire aux serments. Elle a aussi produit un autre courrier qui « concerne la preuve de mariage forcé » du 10 avril 2013. Toutefois, malgré son devoir de collaboration accru, la recourante n’a pas apporté d’éléments prouvant l’authenticité du contenu des deux courriers en cause. L’identité de leurs auteurs n’est pas établie par une pièce d’identité officielle, et la dot qui apparait comme un élément central dans l’argumentation de la recourante n’y est pas mentionnée. En outre, il apparaît contradictoire que le courrier signé par le commissaire aux serments mentionne qu’un mariage coutumier a été contracté alors que la recourante est de confession musulmane et devrait se marier, selon le document du SEM, conformément à la Charia, et selon le rapport de l’OFPRA par rite islamique. Par ailleurs, la confession de « l’époux » en cause ne ressort pas du dossier. Pour le surplus, elle pourra compter sur l’aide d’un cousin qui, comme elle l’indique, l’a déjà aidée dans le passé ainsi que sur celle d’un autre oncle paternel vivant en Gambie, opposé au mariage forcé. Enfin, il est douteux, vu l’écoulement du temps, que le prétendu engagement pris par son oncle il y a plus de neuf ans serait toujours d’actualité et susceptible d’être exécuté.

Au vu de ce qui précède, le risque concret que la recourante ait à se soumettre en cas de retour à un mariage forcé ne peut être retenu.

Aucun élément au dossier ne démontre en outre que sa réintégration professionnelle en Gambie serait fortement compromise. La recourante y a en effet vécu toute son enfance, son adolescence et une bonne partie de sa vie d'adulte. Elle est jeune et en bonne santé et a acquis une expérience professionnelle en Suisse qui pourra lui servir dans son pays d’origine comme retenu ci-avant.

Au vu de ces éléments et compte tenu du large pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée, celle-ci n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que l’intéressée ne remplissait pas les conditions de l’art. 30 al. 1 let. b LEI. La pondération des intérêts effectuée par le TAPI n’est pas non plus critiquable.

Partant, le jugement du TAPI est conforme au droit.

8) a. Aux termes de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, tout étranger dont l’autorisation est refusée, révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyé. La décision de renvoi est assortie d’un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEI).

Les autorités cantonales peuvent toutefois proposer au SEM d’admettre provisoirement un étranger si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 et 6 LEI). La portée de cette disposition étant similaire à celle de l'art. 14a de l’ancienne loi sur le séjour et l’établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE), la jurisprudence rendue ou la doctrine éditée en rapport avec cette disposition légale reste d'actualité (ATA/801/2018 précité ; ATA/505/2016 du 14 juin 2016 et les références citées).

L’exécution de la décision ne peut être raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

b. En l’espèce, le TAPI a donné acte à l’OCPM qui, après avoir nié l’inexécutabilité du renvoi dans la décision attaquée, a modifié sa position par courrier du 8 octobre 2019 et a proposé de transmettre le dossier de la recourante au SEM aux fins de l’examen de l’opportunité de lui octroyer une admission provisoire. L’autorité intimée a, dans sa détermination du 19 mars 2020, confirmé sa proposition.

En tant que le premier juge a donné acte à l’OCPM de son engagement, le jugement est conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

9) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 février 2020 par Madame
A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 janvier 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au Centre social protestant, mandataire de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Krauskopf et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.