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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1423/2019

ATA/659/2020 du 07.07.2020 sur JTAPI/109/2020 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 28.07.2020, rendu le 29.07.2020, IRRECEVABLE, 2C_621/2020
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1423/2019-PE ATA/659/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 juillet 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 janvier 2020 (JTAPI/109/2020)


EN FAIT

1) Monsieur A______, née le ______1974, est ressortissant sénégalais. Selon ses indications, il est père de cinq enfants domiciliés au Sénégal.

2) Le 28 juin 2015, il est arrivé seul en Suisse, au bénéfice d'un visa Schengen valable pour trois jours délivré par la France.

3) En date du 14 mars 2018, il a déposé une demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative dans le canton de Genève. Il était le soutien financier de ses enfants restés au Sénégal. Jusqu'en 2015, il avait travaillé dans son pays, dans le domaine du tourisme, donnant des cours de peinture sablée en tant qu'indépendant. Les hôtels dans lesquels il avait travaillé ayant fermé en raison de changements climatiques, il avait décidé de quitter le Sénégal pour subvenir aux besoins de sa famille depuis l'étranger.

4) Par courrier du 23 janvier 2019, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a fait part à M. A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande.

5) Exerçant son droit d'être entendu, celui-ci a fait valoir qu'il se trouvait dans une situation de détresse personnelle, car il n'était pas en mesure de vivre de son métier d'artiste au Sénégal. Il avait toujours respecté les lois suisses et ne portait pas atteinte à la sécurité ou à l'ordre publics. Par ailleurs, il bénéficiait à Genève d'un réseau d'amis, était membre d'associations et effectuait du bénévolat. Il maîtrisait la langue française. Financièrement indépendant, il assumait ses propres charges et payait en sus la nourriture et la scolarité de ses enfants. Enfin, il souffrait d'anxiété et était déprimé en raison de l'incertitude de sa situation actuelle. Son état empirerait s'il devait retourner dans son pays.

Il a joint un certificat médical du 5 mars 2018, à teneur duquel il était suivi par le centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrée (ci-après : CAPPI) des Eaux-Vives depuis le 27 décembre 2017 et souffrait d'un trouble de l'adaptation avec réaction mixte, anxieuse et dépressive nécessitant un suivi médical régulier à raison d'un entretien médical mensuel. Il était également au bénéfice d'un traitement hypnoinducteur en raison de troubles du sommeil survenant dans un contexte de ruminations anxio-dépressives importantes. L'atteinte dont il souffrait n'affectait pas sa capacité de travail, qui restait égale à 100 %, sous condition de la poursuite du suivi médical ambulatoire.

6) Par décision du 8 mars 2019, l'OCPM a rejeté la demande d'autorisation de séjour de M. A______ et a prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 25 avril 2019 pour quitter le territoire.

La durée de son séjour en Suisse, de cinq ans, devait être relativisée au regard des nombreuses années passées dans son pays d'origine. S'il avait certes su assurer son indépendance financière, il ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée au point de devoir admettre qu'il ne pourrait quitter la Suisse sans devoir être confronté à des obstacles insurmontables. Il ne se trouvait donc pas dans une situation représentant un cas d'extrême gravité.

7) Par acte du 8 avril 2019, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation et à la délivrance, en sa faveur, d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'une extrême gravité.

Avant son arrivée en Suisse, il se trouvait « gravement en détresse » au Sénégal, sans moyens, ni ressources, ni prise en charge. Avant de pouvoir quitter son pays, il avait pensé au suicide. Il était également dépressif depuis qu'il se trouvait sur le territoire suisse, certaines personnes ayant abusé de son statut de sans papier. Par ailleurs, les réponses négatives de l'OCPM l'anéantissaient et l'atteignaient dans son intégrité psychique, le contraignant à « prendre des traitements à fréquence mensuelle aux HUG ». Au moment où le refus de l'OCPM lui avait été communiqué, il avait déjà pris des engagements. Il avait conclu un contrat avec la mairie de la Commune de E______ jusqu'en juin 2019 et s'était inscrit à une formation auprès de l'école d'arthérapie de F______ jusqu'en 2022. Il avait également initié une procédure contre son ancien employeur auprès de la juridiction des prud'hommes ainsi que contre Madame B______, qui avait « confisqué ses papiers administratifs », auprès du Ministère public (affaire classée sans suite).

En cas de retour dans son pays d'origine, sa souffrance psychique atteindrait un tel degré de gravité qu'il risquait de mourir. Cette détresse mettait en péril son existence, au sens de l'art. 83 al. 4 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RO 2018 3171). Il souffrait depuis son arrivée en Suisse d'une intolérance au sucre et au lactose, qui lui imposait de suivre un régime strict. À défaut, il risquait de tomber gravement malade. S'il ne pouvait plus subvenir à leurs besoins, ses enfants risquaient d'être exclus de leur école et de sombrer dans la délinquance ou même de mourir de faim.

Compte tenu de tous ces éléments, les conditions d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur étaient réalisées. De même, les conditions d'une mise en danger étaient réunies et l'exécution de son renvoi ne pouvait être raisonnablement exigée.

8) L'OCPM a conclu au rejet du recours.

Compte tenu de la brièveté du séjour de M. A______ sur le territoire suisse et des solides attaches conservées dans son pays d'origine, il ne rencontrerait pas de difficultés de réintégration insurmontables à son retour. Lors du dépôt de sa demande, il avait expliqué avoir travaillé durant plusieurs années dans le domaine du tourisme au Sénégal, plus précisément à Saly, en donnant des cours de peinture sur sable. Or, rien n'indiquait qu'il ne pourrait pas reprendre cette activité à son retour dans cette région, actuellement en pleine reconstruction.

9) Dans sa réplique, M. A______ a indiqué qu'il avait animé de nombreux ateliers en Suisse, avec plus de dix-mille participants au total, et son intégration pouvait être considérée comme très solide.

Le fait que ses enfants soient restés au Sénégal ne signifiait pas qu'il avait gardé de attaches profondes avec son pays. Il n'avait pas eu la possibilité de les faire venir en Suisse en raison de son statut. Il était préférable de vivre loin d'eux tout en subvenant à leurs besoins que de vire avec eux, mais dans l'impossibilité de les aider. Il avait fait le choix de partir seul pour trouver à l'étranger des ressources indispensables à leur survie.

Il était le seul à Genève à exercer son métier, était indépendant financièrement et participait également à des formations en vue de prendre part à la vie économique du canton de Genève. Il allait par ailleurs débuter une formation d'agent de propreté.

En cas de retour dans son pays, il ne pourrait pas reprendre son activité, car il avait perdu tous ses contacts sur place. De plus, certains hôtels dans lesquels il avait travaillé avaient fermé, alors que d'autres ne pratiquaient plus que du tourisme local. Il était venu en Suisse comme réfugié climatique et non économique, car il n'y avait plus rien à Saly. Son activité consistait à organiser des ateliers de peinture sur sable et lui rapportait actuellement CHF 100.- de l'heure, plus CHF 100.- de défraiement de matériel. Dans son pays, cette activité ne lui permettrait pas de faire payer de tels tarifs à la population locale, et le tourisme n'allait pas reprendre tout de suite.

Sa situation le mettait en état de détresse personnelle et affectait sa santé. Il n'envisageait pas de quitter la Suisse et avait besoin de plus de temps pour assister à la procédure engagée contre son ancienne employeuse.

Il a notamment produit des échanges de courriers avec l'office cantonal de assurances sociales (ci-après : OCAS), des attestations de stages de formation et de bénévolat, un certificat d'assurance-maladie pour l'année 2019 auprès du Groupe Mutuel, un article de presse du 15 avril 2019 sur la réhabilitation des plages de Saly touchées par l'érosion côtière, des copies de visas de retour dans son pays pour raisons familiales (valables du 19 avril au 9 mai 2018 et du 15 octobre 2018 au 12 janvier 2019), des justificatifs de tenue d'ateliers de peinture sur sable et le procès-verbal d'une audience tenue le 29 avril 2019 devant l'autorité de conciliation du Tribunal des prud'hommes.

Il a également produit un certificat médical du 26 avril 2019 établi par la Doctoresse C______, des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), indiquant qu'il était suivi à la consultation ambulatoire mobile de soins communautaires (CAMSCO), qu'il exprimait une détresse en lien avec la décision d'expulsion dont il faisait l'objet, qu'il bénéficiait d'un suivi psychiatrique à raison d'un entretien médical à la fréquence d'une à deux fois par mois et qu'il était au bénéfice d'un traitement hypnoinducteur en raison de troubles de sommeil survenant dans un contexte de ruminations anxio-dépressives. Cette atteinte n'impactait cependant pas sa capacité de travail, qui restait égale à 100 %.

10) Par pli du 28 août 2019, M. A______ a produit copie d'un rapport médical du 22 août 2019 établi par la Doctoresse D______, médecin auprès de HUG, selon lequel : « M. A______ décrit une thymie triste, une anxiété importante et des troubles du sommeil depuis plusieurs mois. Son anxiété s'est aggravée ces dernières semaines et sont associées à un prurit. Il n'a plus d'énergie pour faire des choses, manque de motivation pour chercher de nouveaux contrats (...). Il pense que sa vie serait finie s'il repartait chez lui et ne pourrait supporter l'idée de ne pouvoir subvenir aux besoins de ses enfants. Le traitement préconisé consiste en le prise de Benocten 10 mg au coucher et Atarax 25mg (1/2 comprimé 2 à 3 fois par jours) ainsi que des entretiens psychiatriques de soutien (...). Le trouble psychique de M. A______ peut présenter une évolution favorable en présence d'un environnement stable et d'une possibilité de subvenir aux besoins de sa famille. En l'absence de ressources financières, le patient ne pourrait obtenir un traitement dans son pays ».

11) Le 18 octobre 2019, M. A______ a encore produit des nouvelles pièces, dont une attestation de formation établie par l'office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue (ci-après : OFPC) du 19 septembre 2019, selon laquelle il était officiellement inscrit dans le dispositif « qualifications + » dans le but d'obtenir une « Attestation Fédérale Professionnelle Agent de propreté », ainsi qu'un contrat de formation continue de l'OFPC en qualité d'agent de propreté dès janvier 2020 et des attestations de suivi de formation du 24 septembre 2019, du 7 octobre 2019 et du 14 octobre 2019 auprès de l'école genevoise de la propreté.

12) Par la suite, il a encore produit un nouveau chargé de cinq pièces complémentaires, notamment un contrat de bail à loyer pour un logement de deux pièces au loyer mensuel de CHF 643.- à la Ciguë (coopérative de logement pour personnes en formation), une demande d'affiliation à l'AVS du 1er octobre 2019 en qualité d'indépendant et une lettre du 12 novembre 2019 de l'OCAS lui faisant savoir qu'il ne pouvait donner une suite favorable à cette demande, faute d'autorisation de séjour.

13) Par courrier du 23 janvier 2020, M. A______ a encore indiqué qu'il recourait à l'aide de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) depuis le mois de décembre 2019. Cette aide avait été accordée à la condition qu'il cesse d'envoyer de l'argent à sa famille, ce qu'il trouvait douloureux, mais avait accepté. Le recours à l'aide sociale était provisoire, le temps de le « dépanner », et il avait l'espoir d'en sortir le plus rapidement possible. Il avait fait part de sa situation à la mère de ses enfants et celle-ci lui avait indiqué qu'elle pouvait prendre en charge leurs deux filles, mais qu'il devrait trouver une solution pour les trois garçons, dont l'aîné avait déjà 17 ans. Il souhaitait les faire venir à Genève, mais ne voulait pas qu'ils se retrouvent dans une situation de sans-papiers. Il demandait l'octroi d'un permis de séjour dans les plus brefs délais, afin de pouvoir déposer une demande de regroupement familial.

Quand il avait obtenu son dernier visa, il s'était rendu à Paris « pour se ressourcer et changer les idées », ce qui lui avait fait du bien, car il se sentait emprisonné à Genève. Depuis son retour, il se sentait bien, positif, avec beaucoup d'espoir quant à son intégration et sa réussite.

Il a produit huit pièces complémentaires, dont une attestation d'aide financière de l'hospice général du 22 janvier 2020, selon laquelle il était totalement aidé financièrement depuis le 1er décembre 2019, une décision d'affiliation à l'OCAS à partir du 1er décembre 2019 en qualité de personne sans activité lucrative, ainsi que le procès-verbal d'une audience tenue le 9 janvier 2020 devant le Tribunal des prud'hommes dans le cadre de la cause C/6463/2019-5.

14) Par jugement du 30 janvier 2020, le TAPI a rejeté le recours.

Les conditions justifiant l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur n'étaient pas remplies. L'intégration en Suisse de l'intéressée n'était pas exceptionnelle et sa réintégration au Sénégal ne se heurterait pas à des difficultés insurmontables.

15) Par acte expédié le 27 février 2020 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a recouru contre ce jugement.

Il était bien intégré en Suisse. Il espérait ne plus dépendre de l'hospice dès le mois de mai 2020. Il disposait de tous les documents administratifs, sous réserve d'un permis de séjour. Il ressentait le fait qu'il lui était toujours rappelé qu'il était un migrant économique comme une « persécution émotionnelle et sentimentale ». Il n'y avait toujours pas de touristes au Sénégal. Il y avait exploité une entreprise qu'il n'avait pas « mise en faillite », ce qui l'exposait à des pénalités en cas de retour. La formation de nettoyeur qu'il suivait ne lui serait d'aucune utilité au Sénégal où il n'y avait pas d'emplois.

Il était amoureux d'une portugaise détentrice d'un permis C, qui ne souhaitait toutefois pas se marier, afin de ne pas perdre sa rente de veuve. Il connaissait une personne âgée vivant à Genève, qu'il considérait comme sa mère ; c'était grâce à elle qu'il était encore en Suisse, car elle le soutenait. Une cousine disposant d'un passeport portugais allait s'installer à Genève.

Enfin, il était très attaché à la Suisse, sa culture, son art. Beaucoup d'artistes y avaient vécu et il espérait aussi y laisser ses empreintes en tant qu'artiste.

Il renouvelait sa demande de permis de séjour pour la durée de sa formation. Il était en train de faire une APF et envisageait d'obtenir ensuite un CFC en 2021.

16) L'OCPM a conclu au rejet du recours.

17) Le recourant n'a pas répliqué.

18) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

19) Le 26 juin 2020, M. A______ a produit une décision de l'hospice mettant fin à ses prestations à compter du 1er juillet 2020, l'intéressé disposant des moyens pour subvenir à ses besoins.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI, et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

En l'espèce, dès lors que la demande d'autorisation de séjour a été déposée avant le 1er janvier 2019, c'est la LEI et l'OASA dans leur teneur avant le 1er janvier 2019 qui s'appliquent, étant précisé que même si les nouvelles dispositions devaient s'appliquer, cela ne modifierait rien au litige compte tenu de ce qui suit.

3) Le recourant fait valoir sa parfaite intégration en Suisse pour réclamer l'application des dispositions relatives aux cas d'extrême gravité.

a. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

b. L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (Directives du SEM, domaine des étrangers, 2013, état au 12 avril 2017, ch. 5.6.12 [ci-après : directives SEM]).

c. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 précité consid. 4c ; Directives SEM, op. cit., ch. 5.6).

d. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3).

e. L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b.dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/828/2016 du 4 octobre 2016 consid. 6d).

La question est donc de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/353/2019 précité consid. 5d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

f. En l'espèce, la durée du séjour du recourant en Suisse doit être relativisée dès lors qu'il séjourne en Suisse depuis 2015, soit seulement cinq ans, qui plus est sans autorisation de séjour. Il ne peut donc se prévaloir d'avoir séjourné légalement en Suisse pendant une longue période.

Par ailleurs, son intégration socio-professionnelle en Suisse ne peut pas être qualifiée d'exceptionnelle. Même si le recourant ne semble pas avoir de dettes et parvient, depuis peu à nouveau, à subvenir à ses besoins, ces éléments ne sont pas constitutifs d'une intégration exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Par ailleurs, le recourant qui indique ne disposer d'aucune formation professionnelle ne peut pas se prévaloir d'avoir acquis en Suisse des connaissances si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser au Sénégal. À cet égard, il ne soutient d'ailleurs pas que la formation de nettoyeur qu'il est en train de suivre ne pourrait être valorisée au Sénégal ; il fait uniquement valoir la pénurie d'emplois qui y sévirait. En outre, bien qu'il allègue avoir tissé des liens étroits avec la Suisse, il ne démontre pas avoir noué des relations affectives ou d'amitié particulièrement étroites, sous réserve de la relation amoureuse qu'il dit avoir nouée avec une personne de nationalité portugaise au bénéfice d'un permis de séjour et de la relation d'amitié qui le lie à une personne plus âgée, qu'il considère comme sa mère. Or, rien ne l'empêche, en cas de retour dans son pays, de continuer à entretenir avec ces personnes des relations personnelles grâce aux moyens de communication moderne. Par conséquent, ses relations avec la Suisse n'apparaissaient pas si étroites qu'il ne pourrait être exigé de lui qu'il retourne vivre au Sénégal.

Au contraire, le recourant a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 41 ans. Il a ainsi passé toute son enfance, son adolescence et une grande partie de sa vie d'adulte au Sénégal, dont il connaît les us et coutume et parle la langue. Il a indiqué que ses cinq enfants et leur mère vivaient au Sénégal, avec qui il indique avoir conservé des liens et comme le démontrent les visas de retour pour raisons familiales qu'il a obtenus. En outre, il est vraisemblable qu'il pourra se prévaloir de l'expérience professionnelle acquise en Suisse dans le domaine de l'animation d'ateliers de peinture sur sable - activité qu'il exerçait déjà dans son pays - et des diverses formations et expériences acquises dans comme agent de propreté. Le recourant ne devrait donc pas rencontrer des difficultés insurmontables de réintégration dans son pays d'origine.

Enfin, le recourant ne fait - à juste titre - plus valoir que des motifs de santé s'opposeraient à son retour au Sénégal. En effet, il n'est pas démontré que les soins dont il a besoin ne seraient pas disponibles dans ce pays. Comme l'a, en outre, relevé le TAPI, les problèmes de santé du recourant ne justifient pas à eux seuls pour reconnaître l'existence d'un cas d'extrême gravité (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-8650/2007 du 5 mars 2007 consid. 8.3.4.3).

Au vu de l'ensemble des éléments du dossier, il ne peut être retenu que le recourant remplit les conditions d'octroi d'un permis de séjour pour cas de rigueur au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI.

4) a. Selon l'art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes renvoient de Suisse tout étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), ainsi que tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou n'a pas été prolongée (let. c) en assortissant ce renvoi d'un délai de départ raisonnable (al. 2).

Le renvoi d'un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

 

b. En l'espèce, rien ne permet de retenir que le renvoi du recourant ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible au sens de la disposition précitée.

Le TAPI a relevé que les troubles psychiques et les intolérances alimentaires dont le recourant faisait état ne revêtaient pas une gravité suffisante pour faire échec à son renvoi, ceux-ci n'étant pas de nature à la mettre concrètement en danger en cas de retour dans son pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral D-6389/2009 du 12 avril 2012 consid. 7.4 ; ATA/370/2013 du 13 juin 2013). Si l'on ne saurait sous-estimer les appréhensions que pouvait ressentir le recourant à l'idée d'un retour dans son pays d'origine, il convenait de relever que la péjoration de l'état psychique était une réaction qui n'était pas rare chez une personne dont la demande d'autorisation de séjour avait été rejetée, sans qu'il faille pour autant y voir un obstacle sérieux à l'exécution du renvoi. Il n'était pas non plus possible de prolonger indéfiniment le séjour d'une personne en Suisse au motif que la perspective d'un retour exacerbait un état dépressif et réveillait des troubles sérieux subséquents, dès lors qu'un traitement médical était susceptible d'apporter un soutien adéquat et prévenir une atteinte concrète à la santé (arrêts du Tribunal administratif fédéral D-7243/2018 du 4 février 2019 et les arrêts cités ; E-2305/2018 du 9 mai 2018 ; E-7011/2017 du 26 janvier 2018 ; ATA/675/2014 du 26 août 2014 consid. 8c ; ATA/585/2013 du 3 septembre 2013).

Ces considérations ne prêtent pas le flanc à la critique ; le recourant ne les conteste d'ailleurs pas. En outre, il ne ressort pas des certificats médicaux produits que son état de santé nécessiterait une prise en charge particulièrement lourde ne pouvant être poursuivie qu'en Suisse. Par ailleurs, le Sénégal dispose d'établissements hospitaliers susceptibles de permettre la poursuite du suivi psychiatrique dont il bénéficie (par exemple le centre hospitalier universitaire de Fann à Dakar, cité dans les arrêts du Tribunal administratif fédéral E-2305/2018 du 9 mai 2018 et E-3165/2015 du 11 mai 2016 consid. 6.3.5).

Enfin, le recourant n'expose pas en quoi sa présence en Suisse durant la procédure prud'homale serait requise. Il peut, au demeurant, se faire représenter par un mandataire ou effectuer en Suisse des séjours de nature touristique pour se présenter à d'éventuelles audiences, si nécessaire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_905/2012 du 13 mai 2013 consid. 3.2 ; 2C_138/2007 du 17 août 2007 consid. 4 ; ATA/1369/2018 du 18 décembre 2018).

Au vu de ce qui précède, l'OCPM n'a pas abusé ou excédé son pouvoir d'appréciation en considérant que l'exécution du renvoi du recourant était raisonnablement exigible, licite et possible.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

5) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 février 2020 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 janvier 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.