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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1550/2020

ATA/668/2020 du 13.07.2020 sur JTAPI/512/2020 ( MC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1550/2020-MC ATA/668/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 juillet 2020

en section

 

dans la cause

 

COMMISSAIRE DE POLICE

contre

Monsieur A______
représenté par Me Roxane Sheybani, avocate

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 juin 2020 (JTAPI/512/2020)


EN FAIT

1) Monsieur A______, originaire de Tunisie, né le ______ 1983, alias B______, né le ______ 1985, originaire du Maroc, et alias C______, né le ______ 1986, originaire du Maroc, a été condamné à quatre reprises par le Ministère public :

- le 19 avril 2012, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende avec sursis, pour entrée et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20), recel et opposition aux actes de l'autorité ;

- le 15 août 2014, à une peine privative de liberté de 30 jours et à une amende de CHF 100.-, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 - LStup - RS 812.121 art. 19 al. 1 LStup) et contravention à l'art. 19a LStup ;

- le 17 octobre 2016, à une peine privative de liberté de 60 jours et à une amende de CHF 200.- pour délit contre la LStup, séjour illégal et contravention à l'art. 19a LStup ;

- le 2 avril 2017, pour séjour illégal délit contre la LStup et contravention selon l'art. 19a LStup, à une peine privative de liberté de 180 jours et à une amende de CHF 300.-.

2) M. A______ a déposé une demande d'asile le 21 mai 2013, rejetée par décision du 28 juillet 2017 du Secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM), qui a prononcé son renvoi. Cette décision est entrée en force le 4 septembre 2017. La prise en charge de l'intéressé et l'exécution de son renvoi ont été confiées au canton de Genève.

3) Le 26 mai 2020, M. A______ a été arrêté par les service de police au Cimetière des Rois, à Genève, alors qu'il sortait de la résidence sise rue D______, appartement 1______, à Genève. La perquisition dudit appartement a mis en évidence la découverte de 135,5 grammes de haschich, 2,3 grammes de cocaïne, 6,8 grammes de marijuana ainsi qu'un passeport tunisien au nom de A______.

M. A______ a refusé de répondre aux questions de la police sans la présence de son avocat, resté injoignable.

Madame E______, ressortissante de Guinée-Bissau et du Portugal, domiciliée dans l'appartement en question, entendue le même jour par la police, a déclaré être en couple avec M. A______ depuis septembre 2019. Elle l'hébergeait depuis trois mois. Elle ne savait pas grand-chose de lui, si ce n'était qu'il cherchait du travail et souhaitait se marier avec elle. Elle ignorait tout de la drogue retrouvée dans son appartement à l'exception de la marijuana, destinée à sa propre consommation.

4) Le même jour, M. A______ s'est vu notifier par la police une interdiction d'entrer en Suisse émise par le SEM le 1er décembre 2017 et valable jusqu'au 30 novembre 2020.

5) Le 27 mai 2020, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEI et à une amende de CHF 300.- pour infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup, puis a été libéré.

6) Le 27 mai 2020, également, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (interdiction d'accès au centre-ville de Genève) pour une durée de douze mois.

7) M. A______ a formé opposition contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

8) Lors de l'audience, qui s'est tenue le 16 juin 2020 devant le TAPI, M. A______ a déclaré que sa réelle identité était A______, d'origine tunisienne et né le ______ 1983 à Tunis. Il avait indiqué une fausse identité de peur d'être expulsé. Désormais, souhaitant se marier avec son amie, il avait décidé de fournir sa vraie identité.

Il s'opposait à la mesure prononcée car il était domicilié chez son amie, et son adresse se trouvait dans le périmètre qui lui était interdit. Il avait rencontré Mme E______ en 2016. Elle était alors en procédure de divorce. Aussitôt le divorce prononcé, ils avaient déposé, le 4 mars 2020, une demande d'autorisation de séjour en vue du mariage auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) dont il produisait une copie. Il avait emménagé chez Mme E______ en septembre 2019. Comme il ne travaillait pas, il s'occupait de la maison. Son amie avait été hospitalisée durant environ trois jours courant avril ou mai 2020 pour des problèmes gynécologiques. Elle travaillait comme gouvernante dans une maison de luxe. Elle avait un seul employeur, M. F______, qui devait habiter à Cologny. Mme E______ était portugaise et originaire de Guinée-Bissau. Elle était au bénéfice d'un permis C.

Il ne contestait pas que le gramme de cocaïne était destiné à sa consommation personnelle. Il voulait faire la fête avec son amie. Il regrettait ce qui s'était passé.

Le représentant du commissaire de police a déclaré que lors de la récente arrestation de l'intéressé, son passeport avait été retrouvé. Après vérification, ce document était authentique, de sorte que l'identité de l'intéressé était effectivement A______ et non pas C______. La mesure querellée couvrait le quartier de Plainpalais à l'intérieur duquel se trouvait l'adresse de Mme E______. La demande d'autorisation de séjour en vue du mariage était en cours d'instruction auprès de l'OCPM. Compte tenu de la pandémie, la décision ne pourrait pas être prononcée avant trois mois.

Le commissaire de police n'avait eu connaissance des intentions de mariage de M. A______ qu'après le prononcé de l'interdiction de pénétrer dans le centre-ville. Cela étant, il soulignait que M. A______ faisait d'ores et déjà l'objet d'une décision de renvoi prononcée par le SEM, laquelle n'avait pas pu être exécutée, notamment en raison du fait qu'il n'avait pas été formellement identifié. Il observait par ailleurs qu'en sa qualité de requérant d'asile débouté, l'administré pouvait bénéficier d'une aide d'urgence de même que d'une place dans un foyer situé hors du centre-ville. Si M. A______ acceptait de rejoindre l'un de ces foyers, son amie pourrait aller le rencontrer hors du centre-ville.

Il n'était pas en mesure de préciser le lieu où les infractions pour lesquelles M. A______ avait été condamné avaient été commises. Si un délai lui était accordé, il serait en mesure de fournir ces renseignements.

Entendue à titre de témoin, Mme E______ a déclaré qu'elle avait rencontré M. A______ en 2016 par des amis communs. Ils s'étaient très vite bien entendus et petit à petit s'étaient rapprochés et avaient entrepris une relation plus intime. En 2019, M. A______ l'avait demandée en mariage. C'était à cette occasion qu'il lui avait confessé qu'il n'avait pas de papiers. Elle lui avait alors conseillé de régulariser sa situation. Elle avait perdu son travail d'employée de maison au mois de décembre 2019. Elle devait recommencer à travailler auprès d'un palace qui devait ouvrir au quai Wilson, mais en raison de la pandémie cela n'avait pas été possible, et la situation était actuellement en « stand-by ». Depuis décembre 2019, elle percevait des indemnités de chômage.

Elle avait divorcé de son premier mari en 2015. Celui-ci était resté au Portugal. Elle avait une fille qui avait vécu chez sa soeur à Lisbonne, n'avait jamais voulu venir à Genève, était désormais maman et vivait avec son ami à Lisbonne. La marijuana retrouvée à son domicile était destinée à sa consommation personnelle, plus exactement, en vue de la fête d'anniversaire qu'elle avait organisée pour ses 40 ans, en invitant deux amies à venir manger chez elle le 27 mai 2020. Elle ne savait pas qu'il y avait d'autres substances chez elle, ni à qui elles étaient destinées. Son ami ne travaillait pas ; elle pourvoyait à son entretien. Il restait à la maison et s'occupait du ménage et de la cuisine. Ils souhaitaient se marier civilement à Genève puis, si tout se passait bien, ils se marieraient traditionnellement en Tunisie chez les parents de M. A______.

Elle a précisé que son père était musulman et sa mère chrétienne. Elle connaissait ainsi déjà beaucoup de choses de l'islam et elle était d'accord de se convertir à cette religion dans le but d'avoir des enfants avec M. A______. Ce dernier consommait fréquemment de la marijuana et du haschich, parfois en sa présence. Elle consommait elle-même également un peu de marijuana et de haschich. Il était exact qu'elle lui donnait de l'argent pour acheter cette drogue, en petites quantités.

Elle regrettait beaucoup ce qui venait de se passer. Elle a encore évoqué ses difficultés rencontrées en raison du confinement d'une part et de problèmes de santé d'autre part qui avaient débuté en décembre 2019. Elle avait été opérée le 26 avril 2020. Elle avait toujours travaillé et bien gagné sa vie, jusqu'à CHF 4'000.- par mois, et même davantage. Elle avait travaillé pour de nombreuses familles, notamment pour M. F______ ainsi que pour de nombreux hôtels.

9) Par jugement du 17 juin 2020, déclaré exécutoire nonobstant recours, le TAPI a partiellement admis l'opposition en ce sens que le périmètre de l'interdiction de territoire était limité au centre-ville, avec accès à la rue D______, uniquement par le pont des Acacias, suivi du boulevard du Pont-d'Arve et l'avenue Henry-Dunant jusqu'à l'intersection avec la rue D______. La durée était limitée à trois mois, le couple devant alors être renseigné sur la demande d'autorisation de séjour en vue de mariage.

10) Par acte expédié le 2 juillet 2020 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), le commissaire de police a recouru contre ce jugement. Il a conclu à l'annulation de celui-ci en tant qu'il réduisait la durée et l'étendue de l'interdiction de pénétrer.

M. A______ avait été condamné, notamment, pour des infractions se rapportant à la détention de cocaïne. Il ne disposait d'aucun titre de séjour et avait fait l'objet d'une décision de renvoi. Mme E______ venait d'être condamnée, par ordonnance pénale du 4 juin 2020, pour infraction à l'art. 116 al. 1 let. a LEI pour avoir facilité le séjour illégal de M. A______. Elle avait formé opposition contre cette ordonnance. En sa qualité de requérant d'asile débouté, celui-ci pouvait bénéficier d'une aide d'urgence ainsi que d'une place dans un foyer.

Le jugement querellé violait les principes de l'égalité de traitement, de l'interdiction de l'arbitraire et de la proportionnalité. Compte tenu de l'infraction que commettait Mme E______ en hébergeant l'intimé, dont elle savait qu'il était dépourvu d'un titre de séjour, l'accès à son domicile ne saurait être facilité ni toléré. En aménageant l'interdiction de périmètre de manière à autoriser l'intéressé à se rendre au domicile de Mme E______, le TAPI cautionnait l'infraction commise par celle-ci. M. A______ pouvait loger dans un foyer et son amie lui y rendre visite. Le jugement faisait également abstraction du fait que l'intimé faisait l'objet d'une décision de renvoi et d'interdiction d'entrée, valable jusqu'au 30 novembre 2020.

11) M. A______ a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement.

Ce dernier tenait dûment compte du fait qu'il devait pouvoir accéder à son domicile. Par ailleurs, la limitation de la durée respectait le principe de la proportionnalité. Il saurait, dans le délai de trois mois, si sa présence en Suisse durant la préparation au mariage serait autorisée. Si tel était le cas, l'interdiction de périmètre serait caduque. À suivre le raisonnement du recourant soutenant que l'intimé devrait s'installer dans un foyer et ne pouvait partager le logement de Mme E______, cette dernière serait contrainte de modifier son comportement pour voir son fiancé. La demande d'octroi d'une autorisation de séjour avait été déposée le 4 mars 2020. L'absence de décision résultait de l'inaction de l'autorité qui ne pouvait être reprochée à l'intimé.

12) Par courrier du 7 juillet 2020, anticipé par courriel du même jour, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

13) Le même jour, le commissaire de police a présenté des observations spontanées.

Il prenait bonne note du fait que l'intimé avait dissimulé son identité jusqu'au 4 mars 2020, date du dépôt de sa demande d'autorisation de séjour en vue de mariage. Étant en situation illégale, l'intéressé n'était pas libre de se constituer un domicile selon son propre choix. L'autorité pouvait lui désigner un lieu de résidence. L'illégalité du séjour de M. A______ ne résultait pas du délai de traitement de sa demande de séjour, mais des décisions d'interdiction d'entrée et de renvoi rendues à son encontre. De surcroît, tant que l'autorité n'avait pas statué sur la demande d'autorisation de séjour, le demandeur devait attendre à l'étranger. Enfin, la durée de traitement de la demande n'était pas imputable au commissaire de police. L'interdiction tomberait de toute manière si une autorisation était accordée.

14) Cette écriture a été transmise à l'intimé, et il a été rappelé aux parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 3 juillet 2020 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) Le principe de l'interdiction de périmètre n'est, à juste titre, par contesté. En effet, les conditions de l'art. 74 al. 1 let. a et b LEI sont remplies, l'intimé, de nationalité tunisienne, faisant l'objet d'une décision d'interdiction d'entrée sur le territoire helvétique et d'une décision de renvoi et ne disposant d'aucun titre de séjour.

En revanche, est litigieuse l'étendue et la durée de l'interdiction territoriale.

a. Aux termes de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée si celui-ci n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics. Cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants. L'art. 6 al. 3 LaLEtr prévoit que l'étranger peut être contraint à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment à la suite d'une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommages à la propriété ou pour une infraction à la LStup.

b. L'interdiction de pénétrer dans une région déterminée ne constitue pas une mesure équivalant à une privation de liberté au sens de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et n'a donc pas à satisfaire aux conditions du premier alinéa de cette disposition (Tarkan GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela TURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, Berne, 2010 ; Andreas ZÜND in Marc SPESCHA/Hanspeter THÜR/Peter BOLZLI, Migrationsrecht, 2ème éd., 2013, ad art. 74, p. 204 n. 1).

c. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Le principe de la proportionnalité se compose ainsi des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

d. L'art. 74 LEI ne précise ni la durée ni l'étendue de la mesure. Selon le Tribunal fédéral, celle-ci doit dans tous les cas répondre au principe de proportionnalité, soit être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3). Ainsi, la mesure ne peut pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3). Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2 ; ATA/1347/2018 du 13 décembre 2018 consid. 6), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

Les mesures doivent être nécessaires et suffisantes pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4). En particulier, la délimitation géographique et la durée de la mesure doivent être prises en considération en fonction du but poursuivi. En matière d'interdiction de pénétrer sur une partie du territoire, le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c ; ATA/304/2020 du 20 mars 2020 consid. 4b ; ATA/748/2018 du 18 juillet 2018 consid. 4b).

La mesure d'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé vise en particulier à combattre le trafic de stupéfiants, ainsi qu'à maintenir les requérants d'asile éloignés des scènes de la drogue (arrêts du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.2 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1). De jurisprudence constante, constitue une menace pour les tiers et une grave mise en danger de leur vie ou de leur intégrité, la participation à un trafic de stupéfiants comme la cocaïne, compte tenu de la dangerosité de ce produit (ATA/304/2020 précité consid. 4c; ATA/142/2012 du 14 mars 2012 et les références citées).

4) En l'espèce, pour déterminer si la mesure telle qu'elle a été délimitée par le commissaire de police, puis réduite dans son étendue et sa durée par le TAPI, respecte le principe de la proportionnalité, il convient de prendre en considération les éléments suivants.

L'intimé, qui séjourne de manière illégale en Suisse, a à plusieurs reprises été condamné pour infraction à la LStup. En dernier lieu, il a été interpellé, le 26 mai 2020, et la perquisition effectuée à son lieu de résidence a révélé la présence de haschich, cocaïne et de marijuana. L'intimé a, en outre, indiqué qu'il était lui-même consommateur de stupéfiants. Il y a ainsi lieu de retenir qu'il présente une menace non négligeable pour la sécurité et l'ordre publics, notamment au regard du risque de nouvelles infractions à la LStup.

L'intimé est sans ressources. Il a déclaré au TAPI que son amie le logeait. Le TAPI, qui a procédé à l'audition de cette dernière, n'a d'aucune manière mis en doute la réalité de la relation que celle-ci entretient avec l'intimé. Mme E______ est titulaire d'un permis C et domiciliée en Ville de Genève, dans le quartier de Plainpalais. Elle a déclaré qu'elle pourvoyait à l'entretien de l'intimé, qui s'occupait du ménage et de la cuisine. Par ailleurs, des démarches actives sont en cours auprès de l'OCPM depuis début mars 2020 pour examiner le droit de l'intimé d'obtenir une autorisation de séjour en vue de mariage.

Au vu ces éléments, le fait de cibler la mesure d'éloignement, comme l'a fait le TAPI, en la délimitant au centre-ville, qui constitue un lieu notoire de trafic de stupéfiants (ATA/1129/2019 du 4 juillet 2019 consid. 6; ATA/742/2018 du 13 juillet 2018 consid. 5), est en adéquation avec les fins de sécurité et d'ordre publics poursuivies par l'intimé. En aménageant un trajet permettant à l'intimé de se rendre au domicile de sa compagne, qui se trouve dans le périmètre interdit, la mesure tient dûment compte de la relation amoureuse que l'intéressé entretient avec son amie qui l'héberge. Le recourant soutient que l'intimé pourrait être logé dans un centre pour requérants d'asile déboutés, qui se trouve en-dehors du centre-ville, et que le couple pourrait continuer à se fréquenter dans ce centre. Or, la mesure prononcée par le commissaire de police n'assigne pas à l'intimé un lieu de logement (comme le permet par exemple l'art. 28 de la loi sur l'asile du 26 juin 1998 - LAsi - RS 142.31) ; elle lui interdit un périmètre. Le raisonnement du recourant revient ainsi à modifier la mesure prononcée, en y rajoutant une assignation à un logement. Cette manière de faire modifie l'objet du litige, à savoir l'interdiction de périmètre, ce qui n'est pas admissible (ATA/563/2020 du 9 juin 2020 consid. 2; ATA/369/2020 du 16 avril 2020 consid. 3b). Quoi qu'il en soit, la réalité de la relation intime entretenue par l'intimé étant établie, il serait disproportionné de lui interdire l'accès au domicile de son amie.

La durée de la mesure, telle que limitée par le TAPI, est faible. Sa courte durée ne se justifie pas au regard des éléments à prendre en considération, à savoir le nombre d'infractions commises par l'intimé, le fait que plusieurs d'entre elles sont en lien avec le trafic de stupéfiants, que l'intéressé est sans emploi, ne dispose d'aucun titre de séjour, fait l'objet de décisions de renvoi et d'interdiction d'entrée et présente des antécédents judiciaires en Suisse. Compte tenu de ces circonstances, la durée de trois mois ne paraît pas apte et suffisante pour protéger l'ordre et la sécurité publics dans le périmètre déterminé par le TAPI. Celle réclamée par le commissaire de police paraît, en revanche, excessive, compte tenu de la limitation importante qu'elle constitue pour l'intéressé, qui a son lieu de résidence précisément dans le périmètre visé par l'interdiction de pénétrer. La durée de la mesure sera donc fixée à six mois. Si, entretemps, l'intimé devait obtenir l'autorisation de séjour en vue de mariage requise, la mesure tomberait, comme le relève le commissaire de police.

Partant, le recours sera partiellement admis et la durée de la mesure, telle que définie par le TAPI, portée à six mois.

5) La procédure étant gratuite, aucun émolument de procédure ne sera prélevé (art. 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure, réduite, de CHF 500.- sera allouée à l'intimé, qui n'obtient pas entièrement gain de cause (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 juillet 2020 par le Commissaire de police contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 juin 2020 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement précité en ce qui concerne la durée de l'interdiction de périmètre, portée à six mois ;

confirme ledit jugement pour le surplus ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Monsieur A______, à la charge de l'État de Genève (commissaire de police) ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au commissaire de police, à Me Roxane Sheybani, avocate de l'intimé, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory et Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. Deschamps

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :