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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3752/2019

ATA/627/2020 du 30.06.2020 ( PROC ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 07.09.2020, rendu le 08.12.2020, REJETE, 2C_713/2020
Parties : GOURMANDISES SICILIENNES DRS SÀRL & M. FANTAUZZO, FANTAUZZO Dario / CHEMINS DE FER FÉDÉRAUX SUISSES CFF SA, COUR DE JUSTICE - CHAMBRE ADMINISTRATIVE
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3752/2019-PROC ATA/627/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 juin 2020

 

 

dans la cause

 

GOURMANDISES SICILIENNES DRS Sàrl
et
Monsieur Dario FANTAUZZO

représentés par Me Romain Jordan, avocat

contre

CHEMINS DE FER FÉDÉRAUX SUISSES CFF SA
représentés par Me Delphine Zarb, avocate



EN FAIT

1. Par arrêt du 28 mai 2019, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) a déclaré irrecevable le recours formé le 13 mars 2019 par Monsieur Dario FANTAUZZO et Gourmandises Siciliennes DRS Sàrl (ci-après : la Sàrl) pour déni de justice à l'encontre des Chemins de fer fédéraux SA (ci-après : CFF).

Le recours concernait le refus des CFF de conclure un bail avec les recourants portant sur les locaux commerciaux leur appartenant sis dans les bâtiments de la nouvelle gare des Eaux-Vives. Les recourants avaient produit une publication intitulée « Perspective générale Genève » éditée conjointement par les CFF et le canton de Genève (ci-après : le canton). Selon eux, un accord avait été signé au mois de novembre 2017 entre ceux-ci portant sur le développement de l'offre de transport de voyageurs et de marchandises, de l'infrastructure et de l'urbanisation autour des gares actuelles et futures de la région.

La chambre de céans a fondé l'irrecevabilité du recours sur plusieurs motivations alternatives. Les CFF n'étaient pas une autorité administrative genevoise au sens de l'art. 5 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Par ailleurs, le pouvoir de décision des CFF reposant, selon les recourants, sur la loi fédérale sur les marchés publics du 16 décembre 1994 (LMP - RS 172.056.1), les décisions des CFF auraient dû faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF). En outre, à supposer que les CFF disposaient d'un monopole de fait ou de droit - ce qui n'était pas démontré -, celui-ci serait fédéral, de sorte que, dans cette hypothèse également, la LPA ne trouverait pas application.

Enfin, les recourants n'avaient pas démontré que le canton et les CFF étaient liés par une convention ou un partenariat public-privé en vue de l'attribution d'un marché public. En outre, quand bien même tel serait le cas, il n'en demeurerait pas moins que le litige, qui se rapporterait alors à la location de locaux commerciaux dans le cadre d'un marché public, relèverait de la compétence du TAF.

2. Le 8 juillet 2019, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours en matière de droit public formé contre cet arrêt (arrêt 2C_640/2019).

Dans le cadre de celui-ci, les recourants ont fait valoir la violation de leur droit d'être entendus.

3. Le 16 septembre 2019, M. FANTAUZZO et la Sàrl ont requis la révision de l'arrêt du Tribunal fédéral.

4. Par acte du 4 octobre 2019, ils ont également formé une demande en révision devant la chambre de céans. Préalablement, ils ont requis l'appel en cause de la Ville de Genève (ci-après : la ville) et du canton. Principalement, l'arrêt du 4 juin 2019 de la chambre de céans devait être annulé, leur recours être déclaré recevable et leurs conclusions devaient être admises.

La demande était fondée sur l'allégation selon laquelle ils avaient, le 4 juillet 2019, lors de la rédaction du recours au Tribunal fédéral, pris connaissance de l'étude d'impact réalisée en marge du « PLQ gare des Eaux-Vives ». Il en ressortait qu'il existait entre les CFF, le canton et la ville de Genève une convention de répartition des terrains et droits à bâtir du périmètre de la gare précitée (ci-après : la convention). Le marché litigieux était donc issu d'un partenariat, de sorte que les CFF disposaient d'un monopole.

Ces éléments nouveaux établissaient la nature cantonale et communale du marché litigieux ainsi que le caractère mensonger des propos des intimés.

5. Par arrêt du 29 octobre 2019, la chambre de céans a suspendu la procédure de révision pendante devant elle dans l'attente de celle pendante devant le Tribunal fédéral.

6. Le 7 février 2020, le Tribunal fédéral a rejeté la demande en révision (arrêt  2F_21/2019).

7. Se déterminant, à la suite de la reprise de la procédure cantonale de révision, les CFF ont exposé que le « PLQ gare des Eaux-Vives » et la convention de répartition des terrains et son avenant étaient des documents facilement accessibles et consultables ; les demandeurs auraient aisément pu en prendre connaissance avant le dernier jour du délai de recours au Tribunal fédéral. Ils auraient pu faire valoir ces éléments lors de la première procédure. Par ailleurs, les CFF n'en avaient pas parlé lors de l'audience qui s'était tenue devant la chambre de céans, dès lors que ces éléments n'étaient pas pertinents.

Les CFF avaient lancé un appel d'offres privé visant à trouver un locataire exploitant un restaurant dans un immeuble leur appartenant entièrement. L'étude d'impact et les conventions susmentionnées avaient été « purgés » : chaque partie pouvait lancer ses propres appels d'offres pour ses bâtiments, selon la procédure qui lui paraissait appropriée.

Enfin, la chambre de céans avait relevé que même s'il existait une convention entre les CFF et l'État de Genève, elle n'aurait pas été compétente pour trancher le litige. Les documents trouvés par les demandeurs sur Internet ne modifiaient donc pas l'issue du litige.

8. Dans leur réplique, les demandeurs ont relevé qu'ils avaient sollicité, dans leur recours, que la question de l'existence d'un partenariat entre les CFF et le canton de Genève soit examinée. Il ne pouvait leur être reproché de ne pas avoir pris connaissance de l'étude d'impact et de la convention, dès lors que l'arrêt d'irrecevabilité était intervenu « à un stade très précoce de la procédure » et se fondait sur « des déclarations mensongères des intimés ». Les documents en question établissaient que le marché litigieux était issu d'un partenariat entre les CFF, la ville et le canton, de sorte que les CFF disposaient d'un monopole de fait.

Les conditions d'une révision étaient réunies, le mensonge des défendeurs étant flagrant. Leurs représentants avaient nié en audience l'existence d'un partenariat avec le canton en lien avec le développement économique des parcelles de la gare des Eaux-Vives.

Si la chambre de céans avait eu connaissance de ce partenariat, elle aurait admis sa compétence, dès lors que les autorités genevoises bénéficiaient d'une emprise financière majoritaire dans ce partenariat et que le marché litigieux était distinct du projet CEVA.

9. Sur ce, les parties ont été informées, par courrier de la chambre de céans du 5 mai 2020, que la cause était gardée à juger.

10. Exerçant le 8 mai 2020 leur droit à la duplique spontanée, les défendeurs ont contesté les allégués contenus dans la réplique qui n'étaient pas strictement conformes aux leurs.

11. Par courrier du 14 mai 2020, la duplique a été transmise aux demandeurs, et il a été rappelé aux parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. a. Aux termes de l'art. 80 LPA, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît qu'un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d'une autre manière, a influencé la décision (let. a), que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b), que par inadvertance, la décision ne tient pas compte de faits invoqués et établis par pièce (let. c), que la juridiction n'a pas statué sur certaines conclusions des parties de manière à commettre un déni de justice formel (let. d) ou que la juridiction qui a statué n'était pas composée comme la loi l'ordonne ou que les dispositions sur la récusation ont été violées (let. e).

En vertu de l'art. 81 LPA, la demande de révision doit être adressée par écrit à la juridiction qui a rendu la décision dans les trois mois dès la découverte du motif de révision (al. 1). La demande de révision doit être toutefois présentée au plus tard dans les dix ans à compter de la notification de la décision. Le cas de révision de l'art. 80 let. a LPA est réservé. Dans ce cas, la révision peut avoir lieu d'office, notamment sur communication du Ministère public (al. 2). Les art. 64 et 65 LPA sont applicables par analogie. La demande doit, en particulier, indiquer le motif de révision et contenir les conclusions du requérant pour le cas où la révision serait admise et une nouvelle décision prise (al. 3).

b. L'art. 80 let. b LPA vise uniquement les faits et moyens de preuve qui existaient au moment de la première procédure, mais n'avaient alors pas été soumis au juge (faits nouveaux « anciens » ; ATA/362/2018 du 17 avril 2018 consid. 1c ; ATA/294/2015 du 24 mars 2015 consid. 3c). Sont « nouveaux », au sens de cette disposition, les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/362/2018 précité consid. 1c ; ATA/316/2015 du 31 mars 2015 consid. 5e). Ces faits nouveaux doivent en outre être importants, c'est-à-dire de nature à modifier l'état de fait qui est à la base de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; 118 II 199 consid. 5).

Les preuves doivent servir à prouver soit des faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n'avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu'il ne pouvait pas les invoquer dans la précédente procédure. Une preuve est considérée comme concluante lorsqu'il faut admettre qu'elle aurait conduit l'autorité administrative ou judiciaire à statuer autrement, si elle en avait eu connaissance, dans la procédure principale. Ce qui est décisif, c'est que le moyen de preuve ne serve pas à l'appréciation des faits seulement, mais à l'établissement de ces derniers (ATF 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/362/2018 précité consid. 1c ; ATA/821/2015 du 11 août 2015 consid. 5 et les références citées).

c. La révision ne permet pas de supprimer une erreur de droit, de bénéficier d'une nouvelle interprétation, d'une nouvelle pratique, d'obtenir une nouvelle appréciation de faits connus lors de la décision dont la révision est demandée ou de faire valoir des faits ou des moyens de preuve qui auraient pu ou dû être invoqués dans la procédure ordinaire (ATA/362/2018 précité consid. 1d ; ATA/294/2015 précité consid. 3d et les références citées).

Lorsque aucune condition de l'art. 80 LPA n'est remplie, la demande est déclarée irrecevable (ATA/1748/2019 du 3 décembre 2019; ATA/1149/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2 ; ATA/418/2019 du 9 avril 2019).

2. a. En l'espèce, les demandeurs soutiennent avoir pris connaissance le 4 juillet 2019 de la convention de répartition des terrains et des droits à bâtir du périmètre de la gare des Eaux-Vives liant la Ville de Genève, le canton de Genève et les défendeurs et de l'avenant à cette convention.

Or, cette convention et son avenant sont aisément accessibles et l'étaient déjà au moment de la précédente procédure puisqu'il s'agit de documents figurant dans le recueil officiel de la législation cantonale (https://www.ge.ch/legislation). En faisant preuve de la diligence requise, les demandeurs auraient pu produire ces éléments dans leur recours. Il en va de même de l'étude d'impact relative au PLQ gare des Eaux-Vives ; cette étude a également fait l'objet d'une publication sur le site du canton de Genève (https://ge.ch/sitg/RDPPF/RDPPF-AMENAGEMENT/ PLQ/29786REIE.pdf). Ces éléments ne constituent donc pas des faits nouveaux au sens de l'art. 80 let. b LPA. Ces moyens de preuve auraient pu et dû être produits dans la précédente procédure.

b. Les demandeurs soutiennent, par ailleurs, que les défendeurs ont commis une escroquerie au procès en déclarant que le développement économique de leur parcelle ne concernait pas le canton de Genève, alors que les documents qu'ils allèguent avoir découverts le 4 juillet 2019 démontreraient le contraire.

Ce reproche tombe à faux. D'une part, lesdits documents ne démontrent pas que le développement économique de la parcelle appartenant aux défendeurs concerne le canton ; les demandeurs n'exposent d'ailleurs pas en quoi le canton participe ou bénéficie du développement économique de la parcelle des défendeurs. D'autre part, quand bien même tel serait le cas, le caractère astucieux - élément constitutif de l'escroquerie au sens de l'art. 146 CP - ferait défaut. En effet, en tant que les demandeurs estiment que ces documents démontreraient le caractère mensonger de l'affirmation précitée des défendeurs, ils pouvaient facilement vérifier ladite affirmation, dès lors que l'étude d'impact, la convention précitée et son avenant sont des documents publics aisément consultables.

Enfin, il ressort de l'arrêt de la chambre de céans dont la révision est demandée qu'elle a considéré que même s'il existait une convention ou un partenariat public-privé en vue de l'attribution d'un marché public entre les CFF et le canton, il n'en demeurerait pas moins que le litige, qui se rapporterait alors à la location de locaux commerciaux dans le cadre d'un marché public, relèverait de la compétence du TAF. Ainsi, les éléments sur lesquels la demande en révision est fondée ne constituent pas des éléments pertinents au sens de l'art. 80 LPA. En effet, ils ne sont pas de nature à modifier l'état de fait à la base de l'arrêt dont la révision est demandée, celui-ci ayant examiné l'état de fait que les demandeurs allèguent dans leur demande en révision.

Aucune des hypothèses de l'art. 80 LPA n'étant réalisée, la demande en révision sera déclarée irrecevable. Au vu de cette issue, il n'y a pas lieu de procéder à l'appel en cause de la Ville et du canton de Genève.

3. Les demandeurs, qui succombent, supporteront solidairement l'émolument de CHF 800.- (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable la demande en révision formée le 4 octobre 2019 par Gourmandises Siciliennes DRS Sàrl et Monsieur Dario FANTAUZZO contre l'arrêt ATA/953/2019 du 28 mai 2019 ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge solidaire de Gourmandises Siciliennes DRS Sàrl et Monsieur Dario FANTAUZZO ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat des demandeurs, à Me Delphine Zarb, avocate des défendeurs, ainsi qu'à la Commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf, Payot Zen-Ruffinen, Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :