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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1179/2020

ATA/637/2020 du 30.06.2020 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1179/2020-PRISON ATA/637/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 juin 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ÉTABLISSEMENT FERMÉ DE LA BRENAZ



EN FAIT

1) Monsieur A______ est détenu en exécution anticipée de peine à l'Établissement fermé La Brenaz depuis le 8 janvier 2020.

2) Depuis son arrivée, il a fait l'objet d'une sanction d'un jour de suppression des activités de formation, sports, loisirs et repas en commun le 31 janvier 2020 pour refus de travailler et d'une sanction de deux jours de suppression desdites activités le 26 février 2020, également pour refus de travailler.

3) Selon le rapport d'incident établi le 17 avril 2020, l'agent de détention avait effectué un « contrôle de vie » de M. A______ à 07h08 auquel celui-ci avait répondu. À la suite de l'appel radio annonçant le départ en atelier du « groupe buanderie », le détenu n'était pas présent dans le couloir cellulaire à 07h15. L'agent de détention avait alors ouvert la porte de la cellule de
M. A______ et constaté que celui-ci était encore couché dans son lit. Il l'avait alors informé qu'il fermait la cellule. À 07h20, l'agent avait ouvert le portillon de la cellule et le détenu se tenait debout, prêt au travail. Celui-ci lui avait alors expliqué que personne ne l'avait réveillé. L'agent de détention lui avait répondu que lorsqu'il avait effectué le contrôle quelques minutes plus tôt, le détenu lui avait répondu. Il lui rappelait qu'il avait été informé la veille de ce qu'il travaillait le 17 avril 2020.

4) Se déterminant par écrit au sujet des faits précités le même jour à 16h40, M. A______ a indiqué que, comme chaque matin, il s'était réveillé et habillé. « La porte » qu'il avait entendue était celle du départ de ses codétenus. Il était prêt, mais ceux-ci étaient déjà partis. Il trouvait injuste d'être sanctionné pour un retard de deux à trois minutes.

5) À la suite de sa détermination, une sanction de suppression des activités (formation, sports, loisirs et repas en commun) de sept jours a été notifiée en mains de M. A______, le jour même. Elle était exécutoire nonobstant recours.

6) Par courrier expédié à la chambre administrative de la Cour de justice le 20 avril 2020, M. A______ a recouru contre cette sanction. Elle lui avait été infligée pour un retard de deux minutes. Ils n'étaient pas venus l'avertir qu'ils partaient et n'avaient pas vérifié que tout le monde était sorti. Il n'approuvait pas la sanction.

7) La direction de la prison a conclu au rejet du recours.

8) Le recourant n'a pas répliqué dans le délai imparti, de sorte que les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Bien que la sanction ait été exécutée, le recourant conserve un intérêt actuel à l'examen de la légalité de celle-ci, dès lors qu'il pourrait être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ATA/1597/2019 du 29 octobre 2019 consid. 1; ATA/1246/2019 du 13 août 2019 consid. 1c ; ATA/220/2019 du 5 mars 2019 consid. 2).

Par ailleurs, bien que succinctement motivé, il ressort du recours que le détenu conteste la sanction, notamment son caractère proportionné, de sorte que l'exigence d'une motivation suffisante est remplie (art. 65 al. 2 LPA).

Le recours est donc recevable.

2) a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence d'une faute (ATA/43/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1108/2018 du 17 octobre 2018 et les références citées).

b. Les personnes détenues ont l'obligation de respecter les dispositions du règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d'exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD - F 1 50.08), les instructions du directeur général de l'office cantonal de la détention (ci-après : OCD), ainsi que les ordres du directeur de l'établissement et du personnel pénitentiaire (art. 42 REPSD).

Les personnes condamnées sont astreintes au travail, conformément à l'art. 81 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; art. 35
al. 1 REPSD). Le détenu en exécution anticipée de peine est soumis au régime de l'exécution des peines (art. 236 al. 4 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 - CPP - RS 312.0).

La personne détenue doit observer une attitude correcte à l'égard du personnel, des autres personnes détenues et des tiers (art. 43 REPSD). Il est notamment interdit de troubler l'ordre ou la tranquillité dans l'établissement ou les environs immédiats (art. 44 let. i REPSD), et d'une façon générale, d'adopter un comportement contraire au but de l'établissement (art. 44 let. j REPSD).

c. Aux termes de l'art. 46 REPSD, si une personne détenue enfreint le REPSD ou contrevient au plan d'exécution de la sanction pénale, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (al. 1). Avant le prononcé de la sanction, la personne détenue doit être informée des faits qui lui sont reprochés et être entendue. Elle peut s'exprimer oralement ou par écrit (al. 2).

Selon l'art. 46 al. 3 REPSD, le directeur de l'établissement et son suppléant en son absence sont compétents pour prononcer : un avertissement écrit (let. a), la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximum de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières (let. b) ; l'amende jusqu'à CHF 1'000.- (let. c) ; les arrêts pour dix jours au plus (let. d). À teneur de l'art. 46 al. 7 REPSD, le directeur de l'établissement peut déléguer la compétence de prononcer ces sanctions prévues à d'autres membres du personnel gradé de l'établissement. Les modalités de la délégation sont prévues dans un ordre de service.

d. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés sauf si des éléments permettent de s'en écarter (ATA/1339/2018 du 11 décembre 2018 et les arrêts cités). Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/36/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1242/2018 du 20 novembre 2018).

e. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

f. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c ; ATA/888/2015 du 19 septembre 2014 consid. 7b).

3) En l'espèce, le recourant soutient qu'il n'avait pas été réveillé, de sorte qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir été prêt lors de l'appel radio annonçant le départ en atelier.

Cette affirmation n'est pas crédible. Il ressort, en effet, du rapport d'incident que le recourant a répondu présent lorsque l'agent de détention avait procédé au « contrôle de vie » le 17 avril 2020 à 07h08. Il était ainsi, en tout cas, réveillé à ce moment-là. Partant, il lui appartenait d'être prêt à 07h15, lors du départ pour l'atelier dans lequel il travaillait. Dès lors qu'il est soumis à l'obligation de travailler, le recourant doit se voir reprocher un refus de travailler du fait qu'il n'était pas prêt au moment du départ pour l'atelier auquel il était affecté. Le principe d'une sanction est donc fondé.

En tant que le recourant conteste le caractère proportionné de la sanction, il convient de relever qu'il avait déjà fait l'objet de deux sanctions disciplinaires depuis son entrée à La Brenaz en janvier 2020. Ces sanctions concernaient déjà son refus de travailler. La quotité des sanctions a été graduelle, à savoir un jour de suppression de formations, sports, loisirs et repas en commun lors de la première sanction, deux jours lors de la seconde et sept jours dans le cadre de la décision querellée. De surcroît, l'heure de promenade quotidienne en plein air et les contacts téléphoniques ont été maintenus. En outre, la sanction est apte à atteindre le but visant au respect par le détenu du règlement et nécessaire pour ce faire compte tenu des antécédents du recourant.

Au vu de ces éléments, la sanction querellée respecte le principe de la proportionnalité. Elle repose en outre sur une base réglementaire, l'art. 46 al. 3 let. b et d REPSD.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4) La procédure est gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, il n'y a pas lieu à l'allocation d'une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 avril 2020 par Monsieur A______ contre la décision rendue par l'Établissement fermé de La Brenaz le
17 avril 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Établissement fermé de La Brenaz.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :