Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1358/2020

ATA/620/2020 du 25.06.2020 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1358/2020-FPUBL ATA/620/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 25 juin 2020

sur effet suspensif

 

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES INFRASTRUCTURES



Considérant en fait :

1) Monsieur A______, né le ______1964, a été engagé dès le 1er mai 2002 en qualité d'organisateur conseil CTI au B______ (ci-après : B______), lequel est rattaché actuellement au département des infrastructures (ci-après : le département). La fonction était en classe 19 et le traitement annuel brut de CHF 99'927.-.

2) M. A______ a été nommé fonctionnaire le 1er mai 2005. Dès lors son traitement, en classe 21, s'élevait à CHF 115'134.-.

3) Un litige l'a opposé au département, à la suite d'une décision du 18 juin 2018 changeant son affectation avec effet au 1er juillet 2018, à la fonction d'ingénieur télécom/informatique 1, en classe 17. Son traitement annuel resterait de CHF 145'258.- mais il ne bénéficierait plus de la progression de l'annuité.

Le recours interjeté par M. A______ contre cette décision a été rejeté par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par arrêt du 3 décembre 2019 (ATA/1738/2019). M. A______ a recouru au Tribunal fédéral contre cet arrêt ; la procédure (8C_90/2020) est encore pendante,

4) M. A______ s'est trouvé en arrêt de travail depuis le 23 avril 2018. Des certificats médicaux ont été régulièrement produits jusqu'au 18 mars 2019. Il soutient avoir subi un climat de travail extrêmement néfaste et avoir fait l'objet de nombreuses pressions de son employeur, avec d'importantes répercussions sur sa santé.

Le service de santé du personnel de l'État (ci-après : SPE), mis en oeuvre par l'B______, n'a pas pu faire d'évaluation d'un éventuel retour au travail dès lors que M. A______ ne l'avait pas autorisé à contacter ses médecins traitants.

5) À diverses reprises dès le 10 avril 2019, le chef du service des ressources humaines (ci-après : SRH) de l'B______ a interpellé l'intéressé, en lui adressant des courriers électroniques ainsi que des lettres à son domicile l'informant du risque de voir l'indemnité pour incapacité de travail qui lui était versée être suspendue si aucun certificat médical n'était produit. Par la suite, le chef du SRH a eu des contacts avec son avocat, lequel a indiqué que le thérapeute de M. A______, le Dr C______, avait été malade puis était décédé le 12 juin 2019.

M. A______ indique avoir entrepris des démarches visant à la reprise de sa psychothérapie suite à ce décès. Auparavant, il ignorait que son médecin, avec lequel il avait noué une relation de confiance étroite, était atteint d'un cancer. Il n'avait reçu aucun indication concrète de son thérapeute sur une longue période, lequel avait annulé les rendez-vous au motif qu'il était « souffrant » ou avait une « mauvaise grippe ».

6) Dès le mois de mai 2019, le département a supprimé l'indemnité pour incapacité de travail de M. A______.

7) Son conseil s'est plaint le 31 mai 2019 auprès du SRH de ce que son mandant n'avait alors pas encore reçu son traitement.

8) Par décision du 19 juillet 2019, le département a suspendu le versement de l'indemnité pour incapacité de travail de l'intéressé, avec effet au 1er mai 2019.

Aucun certificat médical n'avait été déposé, justifiant ses absences, depuis le 19 mars 2019, et cela malgré les contacts que le chef du SRH avait tenté d'avoir avec M. A______, puis avec son conseil.

Dite décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

9) Par acte remis à la poste le 16 septembre 2019 et reçu par la chambre administrative le 19 septembre 2019, M. A______ a recouru contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif, à sa comparution personnelle ainsi qu'à l'ouverture d'enquêtes. Sur le fond, il conclut à l'annulation de la résiliation des rapports de service du 6 mars 2020 et à sa réintégration immédiate.

10) Dans cette cause, enregistrée sous A/3462/2019, la chambre administrative, par décision ATA/227/2020 du 24 février 2020, a rejeté la demande de restitution de l'effet suspensif au recours formé par M. A______ contre la décision du 19 juillet 2019. Cette décision est en force.

11) Le 22 octobre 2019, le SRH a convoqué M. A______ à un entretien de service prévu le 6 novembre suivant. Les faits retenus à son endroit, à savoir son incapacité à exercer ses activités, notamment son absence injustifiée depuis le 19 mars 2019, étaient susceptibles de conduire à la résiliation des rapports de service. Cet entretien aurait lieu sous la forme écrite s'il ne pouvait pas être présent.

12) Le 31 octobre 2019, le Dr D______, ophtalmologue, a établi un certificat médical attestant d'une incapacité de travail totale de son patient pour cause de maladie, du 30 octobre au 14 novembre 2019.

13) Le conseil de M. A______ a écrit au SRH le 1er novembre 2019 que son mandant ne pourrait pas se présenter à l'entretien de service, dont la date devait être repoussée.

14) L'entretien de service a eu lieu le 6 novembre 2019 sous la forme écrite. L'employeur envisageait d'une part de résilier les rapports de service et d'autre part de ne pas ouvrir de reclassement dans la mesure où M. A______ avait adopté une attitude non coopérative. Le compte-rendu de cet entretien a été notifié à M. A______ le 8 novembre 2019, via son conseil, avec l'indication qu'il disposait de trente jours à compter du 9 novembre 2019 pour faire d'éventuelles observations.

15) S'en est suivi un échange de courriers entre le SRH et le conseil de M. A______, ce dernier rappelant que l'État de Genève était toujours en demeure de verser son « salaire », son droit au traitement persistant indépendamment de sa capacité de travail. Le 17 février 2020, il a demandé au SRH un bref délai pour actualiser sa situation administrative qui avait changé depuis l'entretien du 6 novembre 2019. Le département lui a répondu le 20 février 2020 qu'il demeurait dans l'attente d'une réponse à sa demande du 13 février 2020 tendant à savoir s'il voulait formuler des observations relativement à l'entretien de service du 6 novembre 2019.

16) Le 6 mars 2020, le département a résilié les rapports de service de M. A______ pour le 30 juin suivant, pour motif fondé, considérant qu'il était inapte à remplir les exigences de son poste du fait de sa longue absence, au demeurant injustifiée depuis le 19 mars 2019. Une procédure de reclassement s'avérait d'emblée vouée à l'échec de sorte qu'elle ne serait pas ouverte.

17) M. A______ a recouru contre cette décision par acte adressé le 11 mai 2020 à la chambre administrative. Il a conclu à la restitution de l'effet suspensif à son recours et, au fond, à l'annulation de la décision de résiliation du 6 mars 2020 et à sa réintégration. Subsidiairement, il a conclu à l'octroi d'une indemnité correspondant à vingt-quatre mois de son dernier traitement plus intérêts à 5 % dès le 1er mai 2019.

La décision querellée le privait de tout revenu, mais également de toute protection sociale et d'assurance à compter du 1er juillet 2020. On ne pouvait lui reprocher une incapacité de travail dès lors que la grave dépression dont il souffrait était en lien avec le climat de travail. Son employeur avait failli en ne mettant en place aucune mesure pour le protéger ni pour entamer une procédure de réinsertion professionnelle et de reclassement. La résiliation des rapports de service n'était ainsi pas justifiée et avait pour but de mettre fin aux litiges liés au changement d'affectation et à la suppression de son traitement.

L'intérêt privé du recourant à conserver son poste était prépondérant et ses chances de succès évidentes au vu des nombreuses violations du droit commises par l'autorité intimée.

18) Aux termes de sa réponse du 28 mai 2020, le département conclut au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

M. A______ ne recevait plus son traitement depuis le 1er mai 2019 et avait dû s'assurer personnellement pour les risques d'accident à compter du 1er juin 2019. Son intérêt privé devait céder le pas à l'intérêt public à la préservation des finances de l'État. Il existait en effet une incertitude quant à sa capacité de rembourser des traitements en cas de confirmation de la décision querellée. Une obligation de remboursement pourrait le placer dans une situation plus difficile que si la restitution de l'effet suspensif lui était refusée et qu'il avait gain de cause au fond. Pour le surplus ses griefs relevaient du fond du litige.

19) Le recourant, dans sa réplique du 16 juin 2020, a relevé que l'État omettait de prendre en compte dans sa pesée des intérêts son intérêt privé économique dans la mesure où il se retrouvait dans une situation des plus précaire. Les éléments de fond avancés étaient ceux permettant d'effectuer cette pesée des intérêts et d'établir les chances de succès du recours. Vu la prise de position récente de l'État de Genève dans le dossier d'un fonctionnaire dont la réintégration avait été ordonnée (ATA/213/2020 du 25 février 2020), consistant à refuser de payer le salaire rétroactif entre la prise d'effet du licenciement annulé et la décision de justice, procédure pendante devant la chambre administrative sous le numéro de cause A/1579/2020, il ne pouvait plus être retenu que le fonctionnaire n'avait aucun intérêt prépondérant à la restitution d'effet suspensif, bien au contraire. La menace d'un dommage difficile à réparer qui planait sur le recourant en cas de refus de l'effet suspensif ne pouvait être plus claire. Par ailleurs, nul ne pouvait nier que la décision querellée avait en réalité pour objectif de court-circuiter les litiges concernant son changement d'affectation et la suppression de son traitement afin de les rendre sans objet.

Considérant en droit :

1) La question de la recevabilité du recours sera en l'état réservée, son examen étant reporté à l'arrêt au fond.

 

2) Aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3).

 

3) L'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020 prévoit que les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge.

 

4) Lorsque l'effet suspensif a été retiré, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision ou de la norme (ATA/1705/2019 du 21 novembre 2019 et les références citées).

Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

 

5) En l'espèce, sur la base d'un examen prima facie du recours, l'intérêt privé du recourant à percevoir les indemnités pendant la procédure ayant trait à la résiliation des rapports de service du 6 mars 2020 est à l'évidence important, et cela même s'il ne donne pas d'indication précise sur sa situation financière. Le fait pour le recourant de se voir privé de tout revenu ne peut effectivement qu'entraîner des difficultés que la chambre administrative n'entend pas contester, ce qu'elle a d'ores-et-déjà pris en considération dans sa décision du 24 février 2020 (ATA/227/2020) dans la cause A/3462/2019.

 

S'agissant toutefois d'intérêts en jeu de nature purement pécuniaire, rien ne permet de déroger à la jurisprudence constante de la chambre de céans selon laquelle l'intérêt privé du recourant à conserver ses revenus doit céder le pas à l'intérêt public à la préservation des finances de l'État (ATA/128/2020 du 6 février 2020 et les références citées). Il y a en effet une incertitude quant à la capacité de M. A______ à rembourser les montants perçus en cas de confirmation de la décision querellée alors que l'État de Genève serait à même de verser les montants dus en cas d'issue favorable du recours, cela même si la cause ne pouvait être tranchée rapidement.

 

Une récente pratique, dont se prévaut le recourant, apparemment isolée, du Conseil d'État tendant à considérer, en cas de décision de réintégration, que le fonctionnaire concerné ne toucherait à titre rétroactif ses traitements qu'à compter de la décision de l'autorité judiciaire l'ayant ordonnée et non du moment où les rapports de service ont pris fin, doit encore être examinée par la chambre administrative dans la mesure où, aux dires du recourant, elle fait l'objet d'un recours (A/579/2020).

 

Cette pratique n'est en tout état pas transposable à la situation du recourant dont le traitement ne lui est plus versé non pas depuis la résiliation des rapports de service, mais préalablement, selon décision du 19 juillet 2020 déclarée exécutoire nonobstant recours.

 

Ainsi, quand bien même l'effet suspensif serait restitué à son recours dans la présente cause, il ne remettrait rien en cause la suspension du traitement depuis le 1er mai 2019 et ayant fait l'objet de la décision ATA/227/2020 de la chambre du céans du 24 février 2020 refusant de resituer l'effet suspensif au recours.

 

6) Au vu de ce qui précède, la demande de restitution de l'effet suspensif au recours sera refusée.

 

7) Le sort des frais de la procédure est réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la demande de restitution de l'effet suspensif au recours formé par Monsieur A______ contre la décision du département des infrastructures du 6 mars 2020 ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110),  la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'au département des infrastructures.

 

Le vice-président :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :