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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1378/2020

ATA/596/2020 du 16.06.2020 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1378/2020-FORMA ATA/596/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 juin 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______, enfant mineur, agissant par son père Monsieur B______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

 



EN FAIT

1) A______, né le ______ 2005, a rempli, le 20 février 2020, une demande d'admission dans le dispositif sport-art-études (ci-après : SAE) auprès du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : le département ou le DIP).

Il avait effectué sa 11ème année de scolarité obligatoire au cycle d'orientation C______. Il prévoyait d'effectuer sa rentrée, en août 2020, au collège et école de commerce (ci-après : CEC) D______. Il pratiquait la voile auprès du E______. Il ne disposait pas d'une Swiss Olympic Talent Card et n'était pas sélectionné dans un cadre national ou régional. Il pratiquait son sport en « catamaran-Nacra 15 ». Ses principaux résultats obtenus entre le 1er mars 2019 et le 28 février 2020 consistaient en une ______ place le 2 mai 2019 dans une compétition à Mandelieu, en France, une ______ place le 6 juillet 2019 aux championnats de France minimes, un ______ rang à la régate Nacra-15 le 3 février 2019, une ______ place au Grand prix Alinghi Nacra-D 35 le 10 septembre 2019 et une ______ place en catégorie U16 aux championnats du monde à Marseille le 19 octobre 2019. Il s'entraînait sept heures par semaine, soit les mercredi et vendredi de 16h30 à 20h.

2) Par décision du 14 avril 2020, le service écoles et sport, art, citoyenneté-SAE du DIP a refusé la demande. A______ ne satisfaisait pas aux critères sportifs définis pour prétendre intégrer le SAE de l'enseignement secondaire II en 2020-2021. Était joint un rapport d'évaluation sportive, lequel relevait que le jeune ne possédait pas une Swiss Olympic Talent Card régionale ou nationale valide, ne faisait pas partie d'une équipe nationale ou un cadre national et n'avait pas participé à un championnat de ligue nationale A. Il était sorti ______ aux championnats de France minimes. Son niveau n'était pas suffisant.

3) Par acte du 13 mai 2020, Monsieur B______, père de A______, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée. Il sollicitait l'admission de son fils au dispositif SAE « et d'assortir ladite admission de la condition de l'obtention de la Swiss Olympic Talent Card dès que la situation sanitaire le permettrait ».

Son fils ne possédait pas encore la Swiss Olympic Talent Card régionale ou nationale, compte tenu de la situation sanitaire actuelle. Celle-ci avait impliqué l'annulation de tous les entraînements, régates et événements de ce début de la saison. Le « Swiss Olympic Talent Pool section voile olympique 2020-2021 n'était par conséquent pas encore connu ». Il n'y avait aucune raison de douter que A______ ferait partie du Swiss Olympic National Talent Pool 2020-2021 dès que l'équipe pourrait se former.

4) Le département a conclu au rejet du recours.

Au 28 février 2020, délai du dépôt des candidatures, le jeune ne remplissait aucune des performances sportives minimales requises pour la discipline sportive voile, ce qu'il ne contestait d'ailleurs pas. L'argumentation relative à la constitution ultérieure du Swiss Olympic Talent Pool 2020-2021 ne pouvait être suivie. Le DIP évaluait les candidatures sur la base des résultats obtenus au cours de l'année écoulée à la date limite du dépôt des inscriptions, le cadre de référence étant ainsi objectivé et identique pour toutes les disciplines et pour les candidats à chaque discipline. Le délai d'inscription était antérieur aux mesures sanitaires prises en relation avec la crise sanitaire due à la COVID-19. L'argumentation du recourant en lien avec ladite pandémie ne pouvait en conséquence être suivie.

5) Dans sa réplique, sous la plume de sa mère, Madame F______, le recourant a insisté sur la nécessité de le soutenir, compte tenu des résultats déjà obtenus et d'un avenir prometteur. À défaut de pouvoir intégrer le dispositif SAE, il n'arriverait qu'à très grande peine à pouvoir concilier école et sport intensif. Son sport impliquait des déplacements à l'étranger, des semaines d'absence pour les régates et de nombreux déplacements pour ses entraînements hebdomadaires, lesquels s'élevaient dorénavant à douze heures. Il était par ailleurs déjà sélectionné pour les championnats du monde de Nacra 15. Mme F______ craignait que son fils n'accumule une fatigue pouvant engendrer éventuellement un échec scolaire.

Était produite une attestation de G______, signée de son président, soutenant la demande du jeune et détaillant ses très bons résultats sportifs. Il était prévu que l'enfant participe aux championnats suisses et aux championnats du monde en 2020, et qu'il intègre le cadre régional dès octobre 2020. Le programme du groupe élite annuel « Nacra 15 » était détaillé, à l'instar de la structure du parcours de l'athlète pour le sport d'élite en voile. Des photos du team compétition de ______ étaient jointes, comprenant quelque huit jeunes.

6) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/821/2018 du 14 août 2018 consid. 2 ; ATA/1243/2017 du 29 août 2017 consid. 2a).

c. En l'espèce, le recourant n'a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision. L'on comprend toutefois de son recours qu'il conteste le bien-fondé de la décision du DIP. Le recours est ainsi recevable.

3) a. Aux termes de l'art. 24 al. 1 let. c de la loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10), en référence aux finalités de l'école publique décrites à l'art. 10, le département met en place, dans chaque degré d'enseignement, des mesures intégrées à l'horaire régulier et complémentaires de soutien ainsi que des aménagements du parcours scolaire qui peuvent revêtir différentes modalités, destinées en priorité aux élèves dont les performances intellectuelles, sportives ou artistiques sont attestées par des organismes officiels reconnus par l'État.

Sous l'intitulé « Élèves à haut potentiel intellectuel, sportif ou artistique », l'art. 27 LIP prévoit que, pour permettre aux élèves dont les performances intellectuelles, sportives ou artistiques sont attestées par des organismes officiels reconnus par l'État de bénéficier d'aménagements de leur parcours scolaire, le département prend les mesures d'organisation adaptées selon les degrés d'enseignement, telles que l'adaptation de la durée de sa scolarisation ou l'admission en classe SAE.

b. Le canton contribue à la promotion des jeunes talents sportifs présentant un niveau d'aptitudes particulièrement élevé par le biais du programme sport-art-études et par le soutien à des centres nationaux et régionaux de performance
(art. 15 de la loi sur le sport du 14 mars 2014 (LSport - C 1 50).

c. Le DIP comprend le service écoles et sport, art, citoyenneté (ci-après : SÉSAC ; art. 4 al. 1 let. f règlement sur l'organisation de l'administration cantonale du 1er juin 2018 - ROAC - B 4 05.10).

d. Selon la brochure explicative, disponible sur le site de l'État, le dispositif SAE est une prestation offerte aux talents qui pratiquent de manière intensive une discipline sportive ou artistique. S'agissant des sportifs, il est exclusivement destiné aux talents pratiquant un sport individuel ou collectif reconnu par Jeunesse et Sport, et prioritairement aux disciplines qui possèdent un concept national de promotion de la relève auprès de Swiss Olympic.

Les performances et niveaux minimums requis présentés dans la brochure ont été établis par le SÉSAC, en collaboration avec les responsables cantonaux ou nationaux de chacune des disciplines et en lien avec la politique de Swiss Olympic pour ce qui est des disciplines sportives. La pratique intensive de la discipline artistique ou sportive doit être attestée officiellement.

Pour déposer un dossier d'admission dans le dispositif SAE, le sportif doit consacrer au minimum dix heures d'entraînement à sa discipline, du lundi au vendredi. Si l'élève remplit au moins l'une des conditions suivantes au moment du dépôt du dossier, il peut déposer une demande d'admission ou de maintien. Pour les sports individuels, l'élève doit remplir au moins une des conditions suivantes : 1. posséder une Swiss Olympic Talent Card Régionale ou Nationale valide ; 2.  faire partie d'une équipe nationale ou d'un cadre national ; 3. participer à un championnat de ligue nationale A. Il doit fournir comme justificatif, une copie de la Swiss Olympic Talent Card ou attestation de la Fédération nationale ou de l'équipe de ligue nationale A.

L'admission dans le dispositif SAE n'est pas automatique et est notamment conditionnée au nombre de places disponibles ainsi qu'à des critères de résultats qui doivent être remplis à la date de dépôt du dossier, fixée au 28 février 2020 pour l'année scolaire 2020-2021 (https://www.ge.ch/sport-art-etudes/secondaire-ii-formation-generale-sae consulté le 10 juin 2020).

4) a. Conformément à l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé : pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) ; pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). À teneur de l'al. 2, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi.

Lorsque l'admission à un parcours de formation est fondée sur l'examen d'un dossier ou l'évaluation de qualités spécifiques telles des qualités artistiques, l'autorité scolaire jouit d'un très large pouvoir d'appréciation (ATA/685/2016 du 16 août 2016 consid. 9b) et le pouvoir de l'autorité de recours est extrêmement restreint à l'instar de ce qui prévaut en matière d'examens (ATA/681/2014 du 26 août 2014 consid. 5), sauf pour les griefs de nature formelle, que celle-là peut revoir avec un plein pouvoir d'examen. En principe, la chambre administrative, dans ce domaine, n'annule donc le prononcé attaqué que si l'autorité intimée s'est laissée guider par des motifs sans rapport avec la nature de l'évaluation qui lui est demandée ou, d'une autre manière manifestement insoutenable (ATF 121 I 225 consid. 4d ; 118 Ia 488 consid. 4c ; ATA/681/2014 précité consid. 5).

b. Dans une jurisprudence constante, la chambre de céans a confirmé les modalités mises en place par le DIP, selon lesquelles l'évaluation des candidatures se fait sur la base des résultats obtenus au cours de l'année écoulée à la date limite de dépôt des inscriptions. Le cadre de référence est ainsi objectivé et identique pour toutes les disciplines et pour les candidats de chaque discipline. Il est ainsi propre à assurer l'égalité de traitement entre les postulants (ATA/752/2018 du 18 juillet 2018 consid. 3b ; ATA/1134/2017 du 2 août 2017 consid. 4 ; ATA/683/2016 du 26 août 2016 consid. 3 et les références citées).

5) En l'espèce, il n'est pas contesté qu'à la date limite de dépôt des dossiers, soit le 28 février 2020, le recourant ne remplissait pas les critères lui permettant de prétendre à son adhésion dans le dispositif SAE en voile pour l'année scolaire 2020-2021. En effet, il ne possédait pas une Swiss Olympic Talent Card Régionale ou Nationale valide, ne faisait pas partie d'une équipe nationale ou d'un cadre national et ne participait pas à un championnat de ligue nationale A. Fondée sur ce critère objectif, la décision du DIP est ainsi conforme au droit.

Les arguments énoncés par le recourant dans son recours - investissement important dans ce sport, potentielle fatigue en cas de scolarisation usuelle, progression prometteuse, très probable intégration dans la Swiss Olympic National Talent Pool dès cet automne - ne sont pas pertinents par rapport à la législation et à la jurisprudence citées plus haut, nécessaires à une application du principe de l'égalité de traitement.

En rejetant la requête du recourant le DIP a fait une correcte application du droit sans abuser de son large pouvoir d'appréciation.

Dans l'hypothèse où le jeune devait obtenir à l'avenir une Swiss Olympic Talent Card Régionale ou Nationale, il lui serait loisible de renouveler sa requête auprès du service compétent.

6) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant. Celui-ci, enfant mineur, ayant agi par son père, ce dernier se verra astreint au paiement dudit émolument (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

 

* * * * *

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 mai 2020 par A______, enfant mineur, agissant par son père Monsieur B______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 14 avril 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur B______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17  juin  2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur  B______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :