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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1301/2020

ATA/591/2020 du 16.06.2020 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1301/2020-FORMA ATA/591/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 juin 2020

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et B______ C______, enfants mineurs, agissant par leurs parents Madame et Monsieur C______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE


EN FAIT

1) Les mineurs A______ et B______ C______ sont nés le ______ 2016.

2) Par courrier du 3 février 2020 leurs parents, Madame et Monsieur C______, ont demandé à la direction générale de l'enseignement obligatoire (ci-après : DGEO) une dérogation, afin que leurs jumeaux puissent commencer l'école à la rentrée 2020.

Ils invoquaient que leur situation financière les obligeait à avoir chacun un emploi, M. C______ à 100 % et Mme C______ à 60 %, que M. C______ devait payer une pension alimentaire pour un autre enfant et qu'ils avaient par ailleurs un premier enfant à charge. Ils exposaient que les jumeaux généraient une importante charge de travail pour les parents et que le fait qu'ils n'avaient pas trouvé de place en crèche pour l'année à venir pourrait créer des tensions importantes à l'intérieur de la famille.

3) Par courriers recommandés du 6 mars 2020, notifiés le 12 mars 2020, la DGEO a refusé cette dérogation et rappelé que l'âge minimum de l'entrée à l'école obligatoire était de 4 ans révolus au 31 juillet de l'année en cours. Ces courriers rappelaient que le Canton de Genève n'acceptait pas de dérogations à ce principe.

Ces courriers mentionnaient la voie de recours et le délai de trente jours dès sa notification.

4) Par courrier mis à la poste le 6 mai 2020, reçu le 7 mai 2020, les époux C______ ont déposé recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les décisions précitées, concluant à ce que les enfants A______ et B______ puissent commencer leur scolarité en classe 1P à la rentrée 2020. Ils reprenaient les mêmes arguments que ceux développés dans leur courrier du 3 février 2020.

5) Le 20 mai 2020, le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) a conclu au rejet du recours formé par les époux C______, la loi n'autorisant pas de dérogation permettant d'entrer dans le système scolaire publique avant l'âge de 4 ans révolus.

6) Le 8 juin 2020, la juge déléguée a avisé les parties que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

En effet, selon l'Ordonnance du Conseil fédéral sur la suspension des délais dans les procédures civiles et administratives pour assurer le maintien de la justice en lien avec le coronavirus du 20 mars 2020, les délais légaux ont été suspendus du 21 mars au 19 avril 2020 inclus, de sorte que le recours déposé le 6 mai 2020 est recevable.

2. a. L'accord intercantonal sur l'harmonisation de la scolarité obligatoire du 14 juin 2007, entré en vigueur le 1er août 2009 (HarmoS - C 1 06) a pour but d'harmoniser la scolarité obligatoire au sein des cantons concordataires en accordant les objectifs de l'enseignement et les structures scolaires, d'une part, et, d'autre part, en développant et en assurant la qualité et la perméabilité du système scolaire au moyen d'instruments de pilotage communs (art. 1 HarmoS). Il prévoit notamment que l'élève est scolarisé dès l'âge de 4 ans révolus, le jour de référence étant le 31 juillet (art. 5 al. 1 HarmoS). Les cantons s'engagent à respecter les caractéristiques structurelles de la scolarité obligatoire telles que définies au chapitre III, dont l'art. 5 fait partie, dans un délai maximal de six ans après l'entrée en vigueur de l'accord.

b. Dans le canton de Genève, la durée de la scolarité obligatoire était auparavant réglée à l'art. 11 de la loi sur l'instruction publique du 6 novembre 1940 (LIP - C 1 10). Cette disposition légale a été modifiée le 10 juin 2011, modification qui est entrée en vigueur le 29 août 2011 et est libellée ainsi :

« 1 La scolarité est obligatoire pour les enfants dès l'âge de 4 ans révolus au 31 juillet.

2 L'âge d'entrée à l'école obligatoire ne peut être avancé.

3 Le Conseil d'Etat définit dans le règlement les conditions auxquelles une dispense d'âge peut être accordée à des enfants qui, arrivés au terme de la première année du cycle élémentaire, sont jugés aptes du point de vue scolaire, psychologique et médical à fréquenter une classe destinée normalement à des élèves plus âgés.

4 Sur demande des parents et sous leur responsabilité, le département peut, exceptionnellement et pour de justes motifs, retarder d'une année scolaire l'entrée d'un élève à l'école obligatoire ».

 

c. Dans une jurisprudence bien établie, la chambre de céans a régulièrement refusé toute dérogation permettant à des enfants non encore âgés de 4 ans révolus au 31 juillet de commencer la scolarité obligatoire dans l'enseignement public, le texte légal clair ne laissant aucune liberté d'appréciation au DIP (ATA/608/2014 du 29 juillet 2014 ; ATA/227/2013 du 9 avril 2013 ; ATA/502/2012, ATA/501/2012, ATA/500/2012 et ATA/499/2012 du 31 juillet 2012 ; ATA/419/2012 du 3 juillet 2012 ; ATA/228/2012 du 17 avril 2012 confirmé par un arrêt du Tribunal fédéral 2C_491/2012 du 26 juillet 2012 ; ATA/485/2011 du 26 juillet 2011 ; ATA/312/2011 du 17 mai 2011 et les références citées).

3. a. Le 1er janvier 2016 est entrée en vigueur une nouvelle LIP, du 17 septembre 2015, refondue.

L'art. 11 aLIP a été remplacé par l'art. 55 LIP, qui dispose ce qui suit :

« 1 La scolarité est obligatoire pour les enfants dès l'âge de 4 ans révolus au
31 juillet.

2 Sur demande des parents et sous leur responsabilité, le département peut, exceptionnellement et pour de justes motifs, retarder d'une année scolaire l'entrée d'un élève à l'école obligatoire.

3 Pendant la première année du cycle élémentaire du degré primaire, le département peut autoriser un élève à fréquenter l'école uniquement le matin, sur demande des parents et sous leur responsabilité, pour tout ou partie de l'année scolaire.

4 Le Conseil d'État définit dans un règlement les conditions auxquelles une dispense d'âge peut être accordée à des enfants qui, ayant accompli au moins la première année du cycle élémentaire, sont jugés aptes du point de vue scolaire, psychologique et médical à fréquenter une classe destinée normalement à des élèves plus âgés. »

b. À teneur du rapport de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'État sur l'instruction publique (LIP - C 1 10), du 15 juillet 2015, à la question d'un député « Quel est le bilan des demandes de dérogation concernant l'âge limite au 31 juillet », il a été répondu : « il y a eu un nombre assez important de demandes au début, puis leur nombre a régressé. Une seule demande a été faite cette année, dans le cadre d'une situation familiale compliquée. Ne rouvrons pas ce débat. Certains cantons bafouent le droit fédéral pour des choses hautement plus importantes que de prendre les enfants du mois d'août à l'école, mais si l'on décidait de laisser tous les enfants du mois d'août commencer, cela correspondrait à trois cents élèves en plus sur l'année scolaire, avec les coûts inhérents. Pour rappel, toutes les lois des cantons qui ont adhéré au concordat HarmoS stipulent la date du 31 juillet comme référence. Un bilan est prévu par le concordat six ans après la ratification, soit en 2015. Cette question sera peut-être revue dans ce cadre, même si Genève est le canton avec la rentrée la plus tardive » (PL 11470-A p. 146 s.).

La majorité de la commission a décidé d'abroger cet alinéa correspondant à l'al. 2 de l'art. 11 aLPI (PL 11470-A p. 147).

c. Il découle de ce qui précède que, depuis le 1er janvier 2016, la LIP maintient clairement le principe de l'entrée à l'école obligatoire dès l'âge de 4 ans révolus au 31 juillet. Certes, elle n'exclut plus un avancement de l'âge pour y entrer, mais ne prévoit pas non plus d'exception possible audit principe. Comme cela ressort du PL 11470-A précité, une telle possibilité de dérogation, si elle devait un jour être admise, ne pourrait qu'être prévue expressément par un règlement. Or, ni le règlement relatif aux dispenses d'âge du 21 décembre 2011 (RDAge - C 1 10.18) ni le règlement de l'enseignement primaire du 7 juillet 1993 (REP - C 1 10.21) n'ont été modifiés dans ce sens (ATA/451/2016 du 31 mai 2016 consid. 5).

C'est dès lors à juste titre que le département intimé a indiqué que le
PL 11470-A ne contrecarrait pas sa volonté de ne pas changer, en l'état à tout le moins, la pratique actuelle, et il n'y a donc pas lieu de s'écarter des jurisprudences passées citées plus haut (ATA/451/2016 précité consid. 5).

Ainsi, à ce jour, le DIP est fondé à n'admettre à l'école obligatoire que les enfants ayant atteint l'âge de 4 ans révolus au 31 juillet de l'année en cours, sans dérogation possible (ATA/451/2016 précité consid. 5), comme du reste indiqué sur le site internet du DIP relatif à l'enseignement primaire (http://www.ge.ch/enseignement_primaire/inscriptions. asp).

Dans ce contexte et en l'absence de dérogation possible, les difficultés personnelles ou financières alléguées par les recourants ne permettent pas de faire commencer l'école obligatoire à la rentrée 2020 aux enfants A______ et B______ C______, nés le 10 septembre 2016.

4. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants. Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 mai 2020 par A______ et B______ C______, enfants mineurs, représentés par leurs parents Madame et Monsieur C______, contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 6 mars 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge des recourants un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame et Monsieur C______, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :