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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/202/2020

ATA/562/2020 du 09.06.2020 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/202/2020-FPUBL ATA/562/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 juin 2020

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Jacques-Alain Bron, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) Mme A______, née B______ le ______ ______ 1988, a été engagée par la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) le ______ 2011 en qualité de stagiaire agente de détention.

Le 1er septembre 2011, elle a entamé sa formation d'agente de détention.

Elle a effectué un stage au centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire du 1er septembre 2011 à fin août 2012, tout en travaillant en qualité de surveillante adjointe à la prison. Son stage a fait l'objet d'appréciations élogieuses.

Elle a obtenu son brevet d'agente de détention en juillet 2014, avec une moyenne de 5.13.

Elle a été nommée surveillante provisoirement pour deux ans le 1er janvier 2013, puis confirmée dans cette fonction le 1er janvier 2015.

Tous les entretiens d'évaluation ont relevé les grandes qualités professionnelles de Mme A______.

2) À la prison, Mme A______ a fait la connaissance de M. A______, qu'elle a épousé le ______ 2018.

De l'union des époux A______ est né C______, le ______ ______ 2018.

3) Le 27 août 2018, Mme A______ a sollicité du directeur de la prison un entretien en-dehors de l'établissement, qui a eu lieu le lendemain, et au cours duquel elle lui a révélé avoir confectionné et apposé sur des voitures du parking de la prison une affichette (tract) dénigrant sa collègue Mme D______. Elle avait agi dans un moment de détresse psychologique. On leur demandait régulièrement, à elle et son mari, si celui-ci était bien le père de leur enfant. Des rumeurs circulaient à la prison sur le fait qu'elle aurait conçu l'enfant avec un autre agent de détention. Elle avait identifié Mme D______ comme étant à l'origine de la diffusion de ces rumeurs. Elle regrettait profondément son geste.

4) Le 12 octobre 2018, la prison a convoqué Mme A______ à un entretien de service suite à la découverte d'une affichette qu'elle avait apposée sur la pare-brise de voitures stationnées sur un parking de la prison. Si les faits étaient avérés, ils pouvaient conduire à une résiliation des rapports de service.

5) Le même jour, la prison a informé Mme A______ qu'elle envisageait de demander qu'elle soit libérée de son obligation de travailler pour garantir la bonne marche du service.

6) Lors de l'entretien de service du 31 octobre 2018, la prison a reproché à Mme A______ d'avoir confectionné et déposé sur plusieurs véhicules stationnés sur le parking de la prison un tract contenant une photo portrait du profil Facebook de sa collègue Mme D______ et l'indication du téléphone portable de cette dernière, suivies d'un texte intitulé « Nympho recherche bite d'une nuit » et qui avait le contenu suivant : « Poupée gonflable réelle, j'aime qu'on m'utilise pour se vider les cou**** et me retrouver seule le matin venu (car après je pleurs [sic]). Je fais tout (massages, rapports violents, sodomie, scato, zoophilie), n'hésitez pas à me demander, je réalise tous vos fantasmes les plus fous... J'ai des formes (je suis grosse, avec une grosse poitrine et un très gros cul) et je suis jolie (avec tout mon maquillage). Je suis accro au sexe et spécialiste pour vous remonter le moral lorsque vous êtes au plus bas. J'adore envoyer des photos/vidéos de moi totalement nue (même si j'avoue ça n'est pas beau à voir) et demande la même chose en retour pour ensuite vous faire chanter. J'ai beaucoup d'expérience (la moitié de Genève m'est passé dessus) mais je suis à la recherche continuelle de nouveaux clients, particulièrement des hommes (ou femmes) que je n'ai pas encore pu manipuler à ma guise. N'hésitez pas à me contacter au 076 356 XX XX [quatre derniers chiffres caviardés dans le présent arrêt], je ne suis pas difficile et j'accepte tout le monde. À bientôt dans un lit ou des toilettes publiques ! ».

Ces agissements, s'ils étaient avérés, constituaient un manquement aux devoirs du personnel, à l'ordre de service et au code de déontologie.

Mme A______ a admis que ce qu'elle avait fait était honteux, et elle s'était dénoncée tout de suite. Elle s'était disputée avec son mari suite aux rumeurs que Mme D______ avait fait circuler à leur encontre. Elle avait alors eu l'impression que Mme D______ avait réussi à « mettre le bazar » dans son couple. Elle avait déduit que rien n'avait été fait concernant le précédent litige qu'elle avait eu avec Mme D______, et dont elle s'était ouverte au directeur de la prison. Elle avait eu l'impression que la seule chose à faire était de se faire justice elle-même. Elle avait rassemblé et mis par écrit toutes les rumeurs qu'on entendait à la prison sur Mme D______, et elle avait ajouté des éléments. Elle avait rédigé spontanément le texte en 3 à 5 minutes et était aussitôt partie pour l'afficher comme elle habitait près de la prison. Ce n'était pas dans sa nature d'agir de la sorte. Elle en avait parlé le soir même à son mari et ils avaient pris conjointement la décision qu'elle irait se dénoncer auprès de la direction.

Mme A______ ne comprenait pas comment Mme D______ était encore en fonction après tout ce qu'elle avait fait.

La prison a indiqué qu'elle envisageait de résilier les rapports de service pour inaptitude à remplir les exigences du poste, et n'envisageait pas d'ouvrir une procédure de reclassement.

7) Le 22 octobre 2017, Mme A______ avait rédigé un rapport à l'attention de sa hiérarchie, dans lequel elle décrivait une altercation avec sa collègue Mme D______ le 16 octobre 2017, au cours de laquelle celle-ci avait menacé de révéler des choses qu'elle savait sur elle, puis les révélations, le lendemain
17 octobre 2017, d'un collègue auquel Mme D______ avait affirmé qu'elle était tombée amoureuse d'un détenu albanais quelques années auparavant, qu'elle avait eu avec lui un comportement déplacé, que celui-ci l'avait appelée depuis sa cellule et qu'elle avait fait rentrer pas mal de choses dans la prison pour lui.

8) Par courrier du 6 novembre 2018, la prison de Champ-Dollon a précisé que si elle devait résilier les rapports de service, elle serait tenue, préalablement, de rechercher un autre poste au sein de l'administration cantonale correspondant aux capacités de Mme A______.

9) Le 21 novembre 2018, le conseil de Mme A______ a indiqué que c'était suite à une décompensation psychique que celle-ci avait rédigé et affiché le tract. Elle était suivie par un psychiatre, qui ferait tenir ses conclusions sur son état de santé, et elle réservait sa détermination sur son degré de responsabilité au moment des faits.

Mme A______ avait averti sa hiérarchie des agissements de
Mme D______ en août 2017, sans effet.

Les agissements qui lui étaient reprochés étaient survenus alors qu'elle avait repris le travail après un arrêt puis un congé de dix mois au total. Ils étaient sans lien direct avec son poste de travail. Les affichettes apposées sur les pare-brise des voitures étaient au nombre de quatre ou cinq au maximum. Elle n'avait pas gardé copie du texte de l'affichette, elle n'en avait pas un souvenir précis, et elle s'opposait à ce qu'il soit reproduit dans le compte rendu d'entretien de service.

Mme A______ avait été la victime de Mme D______ de façon répétée, ainsi que des manquements de sa plus haute hiérarchie, lesquels avaient participé à sa très brève décompensation psychique et à son état de détresse.

Mme A______ avait déposé plainte contre Mme D______. Les atteintes à sa personnalité devaient être complètement instruites avant le prononcé de sanctions à son encontre.

Dans ces circonstances, une résiliation des rapports de service serait à tout le moins disproportionnée, et contraire au principe de la bonne foi. La suspension de la procédure disciplinaire devait être ordonnée jusqu'à droit connu au pénal. Subsidiairement, seul un blâme devait être prononcé.

10) Le 21 décembre 2018, le Conseiller d'État chargé du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : DSES) a libéré Mme A______ de son obligation de travailler jusqu'à ce qu'une décision soit prise.

Les manquements qui lui étaient reprochés, qui revêtaient un degré particulier de gravité, étaient de nature à compromettre la confiance et l'autorité qu'impliquait l'exercice de la fonction ainsi que, singulièrement, la bonne marche du service.

11) Le 4 janvier 2019, le conseil de Mme A______ a transmis à la prison le certificat médical établi le 19 décembre 2018 par la Dresse E______, psychiatre et psychothérapeute.

La Dresse E______ expliquait voir Mme A______ depuis le
10 novembre 2018 en consultation psychothérapeutique hebdomadaire. Sa patiente décrivait des difficultés psychiques, de type dépressif, depuis la naissance de son fils en mai 2018. Ses difficultés étaient apparues progressivement et s'étaient aggravées en lien avec un contexte de harcèlement via les réseaux sociaux de la part d'une collègue de travail, qui avait duré plusieurs mois et s'était aggravé peu de temps après la naissance de son fils. Sa patiente avait demandé en vain de l'aide à sa hiérarchie.

L'anamnèse mettait en évidence des symptômes de type dépressif. Un test avait mesuré un stade sévère en début de prise en charge. L'évolution de l'état psychique s'était progressivement améliorée avec les entretiens et un traitement médicamenteux de soutien.

Le contexte de harcèlement qui s'était prolongé pendant plusieurs mois associé à la fragilité du post-partum et de la grossesse avaient contribué aux difficultés psychiques de la patiente.

12) Le 9 janvier 2019, le conseil de Mme A______ a adressé le certificat de la Dresse E______ au Conseiller d'État en charge du DSES (ci-après : le Conseiller d'État), et sollicité que la décision de libération de l'obligation de travailler soit reconsidérée.

Il a également indiqué avoir remis le certificat au groupe de confiance, qui avait été sollicité.

13) Le 5 mars 2019, le directeur de la prison a informé le conseil de
Mme A______ qu'il sollicitait le service de santé de l'État (ci-après : SPE) dans le but d'obtenir une expertise psychiatrique indépendante de sa cliente.

Le même jour, la prison a adressé au SPE une demande d'expertise de
Mme A______, aux fins de savoir si celle-ci souffrait d'une atteinte psychologique au moment des faits (le 24 août 2018), dans l'affirmative quelle était cette atteinte et quelle était sa gravité, si elle découlait d'éléments en lien avec sa vie professionnelle, et si elle atténuait ou supprimait la capacité de
Mme A______ d'apprécier le caractère inadéquat de ses actes et de décider d'agir ou non comme elle l'avait fait, et enfin quels étaient les risques qu'elle soit affectée à nouveau par une détresse psychologique qui aurait une influence sur ses agissements dans le cadre professionnel.

14) Le 2 juin 2019, le Dr F______, psychiatre et psychothérapeute, a établi un rapport d'expertise à la demande du SPE.

Mme A______ présentait au moment des faits une atteinte psychologique consistant en une crise émotionnelle aigüe déclenchée par une violente dispute au sujet d'une rumeur lors d'un téléphone avec son mari. La faculté d'appréhender le caractère inadéquat des actes accomplis avait été temporairement altérée, de manière faible. L'acte avait été accompli de manière très impulsive, dans un état de bouleversement émotionnel, et la capacité de décider était altérée, de manière moyenne. Les perturbations de l'état de santé n'étaient pas en lien avec la vie professionnelle, mais avaient été causées par la rumeur circulant à son sujet, dont elle avait eu connaissance en juillet 2018, par le téléphone d'une amie puis par les réseaux sociaux. La rumeur n'avait cessé d'être rapportée à son mari, l'amenant à mettre en doute la loyauté de sa femme et provoquant la dispute au téléphone le jour des faits. La situation psychologique et l'état de santé de Mme A______ étaient tout à fait compatibles avec la reprise durable de son activité d'agente de détention. Sa capacité de travail était entière.

15) Le 5 juillet 2019, la prison a transmis le rapport au conseil de Mme A______, lui impartissant un délai de quatorze jours pour se déterminer à son sujet.

16) Le 12 juillet 2019, le conseil de Mme A______ a indiqué qu'il avait demandé que la version complète du rapport soit remise au médecin de sa cliente.

Il ajoutait qu'un accord avait été trouvé en procédure pénale avec
Mme D______ et qu'un encart d'excuses pourrait être publié dans l'organe d'information interne des prisons.

La conclusion d'un accord et les excuses présentées par Mme A______ et acceptées par Mme D______ ont finalement fait l'objet d'une publication très sobre sur un intranet commun aux établissements de détention partageant le parking où les tracts avaient été apposés.

17) Le 7 août 2019, le Conseiller d'État a notifié à Mme A______ qu'il ouvrait une procédure de reclassement.

Sa capacité d'apprécier le caractère inadéquat de ses agissements n'avait été que faiblement altérée. Les perturbations de son état psychologique n'étaient pas dues à sa vie professionnelle, mais découlaient d'une rumeur à son sujet. Les manquements qui lui étaient reprochés revêtaient un degré de gravité particulier et étaient de nature à compromettre la confiance et l'autorité qu'impliquait la fonction d'agente de détention. Les agissements de Mme D______ ne justifiaient ni n'excusaient son attitude à l'égard de cette dernière. Elle avait manqué à son devoir d'intégrité et n'était plus digne d'occuper sa fonction actuelle. Vu la disproportion de sa réaction face à une rumeur, sa hiérarchie ne pouvait plus lui accorder sa confiance dans la mesure où l'activité d'agente de détention la confrontait au quotidien à des situations bien plus difficiles que la propagation de rumeurs et qu'il ne pouvait être exclu qu'elle soit à nouveau affectée psychologiquement en étant confrontée à des situations difficiles.

La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

18) Mme A______ a recouru le 26 août 2019 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision d'ouvrir une procédure de reclassement.

Par arrêt du 8 octobre 2019, la chambre administrative a déclaré le recours irrecevable, faute pour la recourante d'avoir acquitté l'avance de frais dans le délai imparti.

Un second recours, formé le 12 septembre 2019 contre la même décision du 7 août 2019, a été retiré par Mme A______ le 5 décembre 2019.

19) Au terme d'un entretien du 28 octobre 2019 avec Mme A______, le DSES a constaté l'échec de la procédure de reclassement, malgré les nombreuses démarches et postulations, et le soutien apporté par la direction des ressources humaines (ci-après : DRH).

L'employeur envisageait de clore la procédure de reclassement et de résilier les rapports de service de Mme A______.

20) Le 11 novembre 2019, Mme A______ a indiqué qu'elle s'opposait à la clôture de la procédure de reclassement pour les mêmes motifs qu'elle avait soulevés pour s'opposer à son ouverture, à savoir son caractère disproportionné. La procédure n'avait duré que deux mois. Elle n'avait pu remplir complètement sa fonction dès lors que son fondement était contesté et que Mme A______ n'avait pu s'investir totalement dans la procédure de reclassement. Elle demandait que la procédure de reclassement soit prolongée de quatre mois.

21) Le 28 novembre 2019, le Conseiller d'État a signifié à Mme A______ la résiliation des rapports de service.

Les motifs de la résiliation des rapports de service lui étaient connus.

La procédure de reclassement n'avait pas donné de résultat.

Les remarques de Mme A______ n'étaient pas de nature à remettre en cause la détermination de sa hiérarchie.

La procédure de reclassement avait déjà été prolongée de trois semaines pour tenir compte de la période estivale. Vu le nombre élevé des offres et des postulations et l'investissement de la DRH, la procédure s'était déroulée conformément aux obligations incombant à l'État.

Mme A______ avait retiré le 12 novembre 2019 sa candidature au poste de secrétaire 2 à l'office cantonal de l'emploi au cours de l'entretien de recrutement auquel elle avait été conviée, et elle avait décliné le même jour l'invitation à un entretien relatif au poste de secrétaire 2 à pourvoir au sein de la direction générale du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Ses griefs étaient mal fondés.

La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

22) Le 7 janvier 2020, le Ministère public a classé la procédure pénale opposant Mmes A______ et D______ au sujet des événements de 2018, constatant que ces dernières, au terme d'une conciliation, avaient trouvé et exécuté un accord et retiré leurs plaintes respectives.

23) Par acte mis à la poste le 15 janvier 2020, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre la décision du 28 novembre 2019 résiliant les rapports de service et conclu à son annulation ainsi qu'à sa réintégration dans sa fonction d'agente de détention dès le 1er mars 2020, subsidiairement au paiement d'une indemnité correspondant à dix-huit mois de son dernier traitement brut.

Préalablement, elle a conclu à l'audition des parties et de témoins (des collègues et des anciens directeurs de la prison, ainsi que son mari), et à la production du dossier administratif de Mme D______ contenant le rapport d'incident du 22 octobre 2017 et l'ensemble des avertissements et plaintes dont Mme D______ avait fait l'objet.

Mme D______ avait commis de nombreux écarts de conduite, et s'en était prise à plusieurs collègues, dont la recourante, entre autres en diffusant des rumeurs sur la paternité de son enfant.

La décision de licenciement était arbitraire et consacrait un abus du pouvoir d'appréciation du Conseiller d'État.

On ne voyait pas en quoi quatre ou cinq flyers, certes très dégradants pour la personne concernée mais sans lien avec son activité professionnelle, mettaient concrètement en péril le bon fonctionnement de l'administration et excluaient le maintien des rapports de service.

Les agissements étaient sans lien direct avec la fonction de la recourante, laquelle était par ailleurs en arrêt de travail depuis de nombreux mois lorsqu'ils étaient survenus.

Il fallait tenir compte des circonstances qui avaient entouré les agissements reprochés, soit les rumeurs diffusées par Mme D______ et l'état de santé de Mme A______.

Le harcèlement subi par la recourante de la part de Mme D______ avait eu lieu sur le lieu de travail et durant le service.

24) Le 19 février 2020, le DSES s'est opposé au recours.

Mme D______ ne travaillait pas avec la recourante, et le DSES ignorait si Mme D______ avait une réputation sulfureuse. Un précédent incident - des allégations de Mme D______ au sujet de la recourante - avait été traité par la direction de la prison. La recourante n'avait pas voulu déposer plainte à l'époque et disait préférer se concentrer sur sa grossesse.

La recourante avait certes agi sous le coup de l'émotion, mais sa capacité de comprendre la nature de son acte et ses conséquences n'avait été que très faiblement altérée. Elle avait ainsi agi intentionnellement. Son acte ne pouvait être qualifié de bref moment d'égarement.

Les agissements reprochés à la recourante constituaient un motif fondé justifiant la résiliation des rapports de service. Un fonctionnaire avait l'obligation d'adopter un comportement inspirant le respect et digne de confiance pendant et au-dehors des heures de travail, et lorsqu'un employé portait sérieusement atteinte aux droits de la personnalité de l'un de ses collègues, il violait gravement une des obligations découlant de son contrat de travail, ce qui pouvait justifier une résiliation des rapports de travail avec effet immédiat.

En l'espèce, les agissements de la recourante constituaient une telle violation, et avaient entraîné la rupture irrémédiable de la confiance qui devait exister entre l'État et le fonctionnaire.

La résiliation des rapports de travail ne procédait pas d'un abus du pouvoir d'appréciation.

25) Le 15 mai 2020, la recourante a affirmé qu'elle conservait la confiance de sa hiérarchie et demandé l'audition d'un collègue.

La recourante a maintenu avoir été victime d'une atteinte à sa personnalité de la part de sa collègue D______, à laquelle la direction de la prison n'avait pas donné une réponse adéquate, et a demandé l'audition d'une collègue.

La recourante a contesté avoir disposé de sa pleine capacité de discernement au moment des faits et a demandé l'audition de deux collègues.

La recourante a persisté pour le surplus dans ses conclusions.

Il sera revenu sur les faits en tant que de besoin dans la partie en droit.

26) Le 25 mai 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de résiliation des rapports de service de la recourante pour motif fondé d'inaptitude à remplir les exigences du poste.

3) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA).

Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61
al. 2 LPA).

4) a. La recourante sollicite la production du dossier administratif de Mme D______, ainsi que son audition et celles de plusieurs témoins.

b. Selon la jurisprudence développée par le Tribunal fédéral et reprise par la chambre de céans (ATA/1809/2019 du 17 décembre 2019 consid. 2a et les références citées), tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), repris par
l'art. 41 LPA, le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012
consid. 2.3), de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 138 V 125 consid. 2.1 ;
137 II 266 consid. 3.2).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; ATA/1111/2017 du 18 juillet 2017 consid. 2a).

c. En l'espèce, seules sont litigieuses la confection et la diffusion du tract, et leur portée en termes de violation des devoirs de fonction, de rupture de confiance et d'aptitude à remplir les exigences du poste.

La qualité des états de service de la recourante antérieurs aux événements ayant motivé la résiliation des rapports de service n'est pas remise en question, et n'a pas à être prouvée.

L'existence de comportements discutables de Mme D______ à l'égard de la recourante antérieurement à la diffusion du tract est admise par l'intimé, de même qu'il est admis que c'est suite à une dispute avec son mari due aux rumeurs sur la paternité de leur enfant que la recourante s'en est prise par écrit à Mme D______. L'intimé reproche toutefois à la recourante le caractère inexcusable de sa réaction. Aussi n'y a-t-il pas lieu d'instruire les agissements de Mme D______, eussent-ils constitué une forme de provocation.

Le passé éventuellement disciplinaire de Mme D______ est également dépourvu de pertinence, aucune inégalité de traitement ne pouvant être invoquée par la recourante, ainsi qu'on le verra plus loin.

Enfin, il n'y a pas lieu d'instruire la confiance que la recourante aurait éventuellement conservée auprès de ses supérieurs, dès lors que son employeur affirme que celle-ci est irrémédiablement rompue en ce qui le concerne, et que cette affirmation sera examinée plus loin sous l'angle de l'abus ou de l'excès du pouvoir d'appréciation de l'autorité intimée, respectivement de la violation de la loi ou du principe de proportionnalité, à l'aune des agissements reprochés.

La recourante a quant à elle eu l'occasion de s'exprimer par écrit de manière détaillée, de sorte que son audition n'apparaît pas nécessaire.

Le dossier est complet et en état d'être jugé sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'apport de pièces nouvelles ni l'audition de témoins ou de la recourante, de sorte que les mesures d'instruction réclamées ne seront pas ordonnées.

5. La recourante se plaint de la violation de la loi, et des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement, ainsi que du caractère arbitraire de la décision de résilier les rapports de service.

6. La recourante, membre du personnel pénitentiaire de la prison, est soumise à la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et à ses règlements d'application, sous réserve des dispositions particulières de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 (LOPP - F 1 50 ; art. 1 al. 1 let. c LPAC ; art. 6 al. 1 LOPP) et du règlement sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 22 février 2017 (ROPP - F 1 50.01 ; art. 1 al. 1 ROPP).

b. En matière de résiliation des rapports de service, les dispositions contenues dans la LOPP, entrée en vigueur le 1er mars 2017, relatives aux agents de détention qui sont confirmés dans leur fonction, notamment la résiliation pour motif fondé (art. 22 al. 3 let a à c LOPP) et les délais applicables (art. 22
al. 4 LOPP), sont analogues aux dispositions contenues dans la LPAC.

c. Aux termes de l'art. 20 al. 3 LPAC, lorsque les rapports de service ont duré plus d'une année, le délai de résiliation est de trois mois pour la fin d'un mois.

À teneur de l'art. 21 al. 3 LPAC, l'autorité peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision.

Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé.

d. Aux termes de l'art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (let. a), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ou la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).

Les motifs de résiliation des rapports de service ont été élargis lors de la modification de la LPAC du 23 mars 2007, entrée en vigueur le 31 mai 2007. Depuis lors, il ne s'agit plus de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration (ATA/287/2018 du 27 mars 2018 consid. 3a ; MGC 2006-2007/VI A 4529). L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir, mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives à son bon fonctionnement (ATA/589/2018 du 12 juin 2018 consid. 5 ; ATA/253/2018 du 20 mars 2018 consid. 4a ;
MGC 2005-2006/XI A 10420).

e. Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, l'égalité de traitement, la proportionnalité et l'interdiction de l'arbitraire (ATA/589/2018 précité consid. 5 ; ATA/347/2016 du 26 août 2016 consid. 5e ; ATA/1343/2015 du 15 décembre 2015 consid. 8).

Le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en oeuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 140 I 168 consid. 4.2.1 ; ATA/932/2018 du 11 septembre 2018 consid. 6).

f. À teneur de l'art. 20 RPAC, les membres du personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice. L'art. 21 let. a RPAC dispose que les membres du personnel se doivent, par leur attitude, notamment, d'entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés ainsi que de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes.

En présence d'une situation de conflit, ce sont avant tout des motifs d'inaptitude et des manquements dans le comportement qui justifient la fin des rapports de travail. Des manquements dans le comportement de l'employé ne peuvent constituer un motif de licenciement que lorsqu'ils sont reconnaissables également pour des tiers. Il faut que le comportement de l'employé perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise (en l'espèce, de la prison) ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-897/2012 du 13 août 2012 consid. 6.3.2 ; ATA/287/2018 du 27 mars 2018 consid. 3b ; ATA/1087/2018 du 16 octobre 2018, consid. 4 ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonction publique : instruments, in
Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail, 2015,
p. 161-162).

7. a. En l'espèce, la recourante ne conteste pas que le tract qu'elle a préparé et diffusé était attentatoire à la personnalité de sa collègue Mme D______.

De fait, que ce soit sous l'angle du portrait physique, de la description de la personnalité, ou encore des pratiques sexuelles et de l'activité de prostitution, de racolage et de chantage qu'il lui attribue, le tract préparé par la recourante dépeint Mme D______ de manière particulièrement dégradante et offensante.

La recourante invoque le fait que le tract n'aurait été diffusé que de manière restreinte, soit sur quelques pare-brise de véhicules sur le parking de la prison seulement. Cette circonstance n'est toutefois pas de nature à atténuer le caractère particulièrement infamant du tract lui-même. À cela s'ajoute que la diffusion, même initialement restreinte, d'un document de cette nature dans un milieu professionnel comme celui de la prison, est susceptible de s'ébruiter rapidement.

La recourante invoque également le fait qu'elle s'est très vite dénoncée à sa hiérarchie, spontanément ou sur la suggestion de son mari. Cette circonstance n'est toutefois pas de nature à modérer la gravité de l'atteinte, qui était déjà consommée.

Quant au communiqué interne relatif aux excuses présentées et acceptées, il vise certes à réparer l'atteinte - et mettre par ailleurs un terme à la procédure pénale en évitant une audience publique et ses effets sur l'image des surveillantes et de la prison - mais il n'atténue pas la gravité de celle-ci au moment de sa commission. Si les personnes parties à une procédure pénale possèdent dans certains cas le pouvoir d'y mettre fin par une transaction, celle-ci ne prive pas leur employeur de la possibilité d'appréhender voire de sanctionner le comportement objet de la transaction, sous l'angle du respect des devoirs de fonction.

C'est ainsi sans commettre ni excès ni abus de son pouvoir d'appréciation que l'autorité intimée a retenu qu'une grave atteinte avait été portée par la recourante à la personnalité d'une collègue.

b. La recourante soutient que les agissements qui lui sont reprochés sont sans lien avec sa fonction.

Il ressort cependant de la procédure que la recourante et Mme D______ sont collègues, que des rumeurs auraient été diffusées dans le cadre professionnel par Mme D______ et auraient porté sur le comportement de la recourante durant l'exercice de ses fonctions, soit notamment une proximité excessive avec un détenu et des actes illicites favorisant celui-ci, respectivement sa relation extraconjugale avec un collègue de la prison. Enfin, le tract a été diffusé par la recourante sur les véhicules de collègues sur le parking de la prison, soit dans l'intention probable de ternir l'image de Mme D______ auprès des collègues, soit dans le cadre professionnel.

L'autorité intimée pouvait ainsi à bon droit examiner les agissements de la recourante sous l'angle de l'art. 21 let. a RPAC, qui dispose que les membres du personnel se doivent, par leur attitude, notamment, d'entretenir des relations dignes et correctes avec leurs collègues.

c. La recourante invoque le fait que ses actes auraient été provoqués par un concours de circonstances extraordinaire et particulier, soit l'éloignement de son lieu de travail pendant plusieurs mois du fait de sa maternité, l'inaction et le manque de soutien inacceptables de sa hiérarchie face au comportement de Mme D______, les rumeurs lancées par cette dernière, et enfin un post partum et un état dépressif lié aux rumeurs lancées contre elle par Mme D______. La recourante affirme avoir été victime au moment des faits d'une brève décompensation psychique.

Le lien entre les rumeurs, la dispute de la recourante avec son mari et la confection et la distribution du tract n'est pas contesté, même s'il faut observer que ce ne sont pas les rumeurs directement mais une dispute au téléphone avec son mari qui aurait fait perdre à la recourante le contrôle sur elle-même.

L'intimé a rappelé que la recourante n'avait pas voulu à l'époque du premier conflit porter plainte contre sa collègue Mme D______ et avait préféré se concentrer sur sa grossesse. L'intimé laisse par ailleurs entendre que des mesures disciplinaires ont été prises contre Mme D______. Enfin, l'intimé affirme sans être démenti ne pas avoir été informé des rumeurs sur la paternité de l'enfant de la recourante jusqu'à l'affaire du tract. On ne saurait donc reprocher à l'intimé de ne pas avoir pris en charge les plaintes ou de ne pas avoir soutenu la recourante. La recourante ne soutient par ailleurs pas avoir saisi formellement le groupe de confiance du harcèlement dont elle était la victime. La plainte qu'elle a déposée contre sa collègue Mme D______ après l'épisode du tract a quant à elle abouti à un classement de la procédure pénale suite à une conciliation.

La recourante n'explique pas en quoi l'éloignement du lieu de travail du fait de la maternité et l'inaction pourraient contribuer à causer une décompensation psychique.

En définitive, le rapport d'expertise psychiatrique sollicité par l'intimé conclut que la recourante présentait au moment de l'épisode du tract une atteinte psychologique consistant en une crise émotionnelle aiguë déclenchée par une violente dispute au sujet d'une rumeur lors d'un téléphone avec son mari, que la faculté de la recourante d'appréhender le caractère inadéquat des actes accomplis avait été temporairement altérée, de manière faible, que l'acte avait été accompli de manière très impulsive, dans un état de bouleversement émotionnel, et que la capacité de décider de la recourante était altérée, de manière moyenne.

La recourante ne critique pas la mesure par l'expert de l'intensité de l'effet de la crise émotionnelle sur sa capacité de comprendre le caractère inadéquat de ses actes (faible) et sa capacité à maîtriser son comportement (moyenne).

Le temps nécessaire et le soin mis à la confection et à la diffusion du tract paraissent par ailleurs corroborer l'avis de l'expert que la recourante était capable de comprendre et de vouloir son geste.

Enfin, c'est à bon droit que l'autorité intimée a considéré que les rumeurs et les médisances ne pouvaient en aucun cas justifier les agissements de la recourante. C'est le lieu d'observer que la recourante, qui semble imputer la dispute avec son mari aux rumeurs circulant dans la prison, a choisi de s'en prendre à sa collègue, et avec le même procédé de dénigrement qu'elle reprochait à cette dernière. La recourante a expliqué avoir rassemblé et enrichi les rumeurs qui circulaient sur Mme D______ pour confectionner le tract.

C'est ainsi sans excès ni abus de son pouvoir d'appréciation que l'autorité intimée a retenu que la grave atteinte à la personnalité avait été commise avec conscience et volonté par la recourante.

d. La recourante se plaint que l'intimé a considéré à tort qu'elle n'était plus apte à remplir sa fonction. Elle invoque l'appréciation de l'expert psychiatre selon laquelle sa situation psychologique et son état de santé étaient tout à fait compatibles avec la reprise durable de son activité d'agente de détention et que sa capacité de travail était entière.

L'autorité intimée a estimé que vu la disproportion de sa réaction face à une rumeur, sa hiérarchie ne pouvait plus accorder sa confiance à la recourante, car l'activité d'agente de détention la confrontait tous les jours à des situations bien plus difficiles que la propagation de rumeurs et qu'il ne pouvait être exclu qu'elle soit à nouveau affectée psychologiquement en étant confrontée à des situations difficiles.

La question de savoir si l'expert a répondu - et de quelle manière - à la question sur les risques que la recourante soit affectée à nouveau par une détresse psychologique qui aurait une influence sur ses agissements dans le cadre professionnel, pourra rester indécise.

En effet, l'autorité intimée, qui doit s'assurer que ses agents ne s'en prennent pas à leurs collègues sous l'effet du stress dans un milieu professionnel particulier où l'image et la maîtrise de soi jouent un rôle déterminant pour le maintien de l'ordre, pouvait sans excès ni abus de son pouvoir d'appréciation considérer que sa confiance dans la recourante était irrémédiablement compromise par la grave perte de maîtrise que constituait la diffusion du tract - laquelle était au surplus connue, par destination, dans le milieu professionnel.

C'est le lieu de rappeler que la prison est un cadre professionnel particulier, où il est attendu du personnel qu'il sache résister au stress et aux provocations. Le code de déontologie de la prison de Champ-Dollon, dans sa version au 20 mars 2012, dispose ainsi que le personnel doit adopter, en tout temps et en tout lieu, en et hors service, un comportement digne, respectueux d'autrui et exemplaire en matière de représentativité de la fonction publique en général (art. 3.1), et qu'envers sa hiérarchie, ses collègues et ses subordonnés, le personnel porte une attention permanente visant à établir, maintenir et renforcer l'esprit de corps et la camaraderie, et applique en particulier envers eux les principes de bienveillance, de respect, de loyauté, de transparence, de confiance et de courtoisie (art. 3.5).

d. La recourante se plaint d'une inégalité de traitement dans le fait que sa collègue D______ n'a pas été licenciée alors même qu'elle avait été condamnée pénalement pour être allée chez une collègue lui donner une gifle, et qu'elle avait diffusé des rumeurs sans qu'on sache si une sanction administrative avait été prononcée.

La recourante n'établit pas ses allégations de condamnation pénale, et il a été observé que l'intimé a très vraisemblablement sanctionné le comportement de Mme D______, soit notamment celui adopté en 2017 à l'égard de la recourante.

Cela étant les agissements ne sont pas comparables et le contexte de faits n'est pas le même, quoi qu'en dise la recourante.

Aussi, et à supposer qu'il puisse trouver application, le principe d'égalité de traitement ne saurait être invoqué en l'espèce.

e. La recourante se plaint du caractère disproportionné du licenciement.

Il a été rappelé que le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en oeuvre soient aptes à atteindre le but visé (aptitude de la mesure) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (nécessité de la mesure) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts).

En l'espèce, la résiliation des rapports de service était une mesure apte à et nécessaire pour assurer le bon fonctionnement de l'établissement pénitentiaire.

S'agissant de la proportionnalité au sens étroit, il doit être relevé que la recourante, qui travaille depuis bientôt dix ans dans l'établissement, n'a aucun antécédent, qu'elle a fait l'objet d'évaluations favorables jusqu'à l'épisode du tract et qu'elle a mis un terme amiable au conflit qui l'opposait à sa collègue Mme D______. La recourante souligne qu'elle travaille depuis bientôt dix ans à la prison de Champ-Dollon et n'a recueilli que des éloges. Il est vrai que la recourante était un très bon élément du personnel pénitentiaire. Toutefois, il ne peut être fait grief à l'intimé, qui bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation (ATA/142/2020 du 11 février 2020 consid. 6d), d'avoir fait prévaloir la gravité de la faute commise et ses conséquences en termes de fonctionnement de l'institution, dans la pesée des intérêts qu'il a effectuée.

Le grief de violation du principe de proportionnalité devra être écarté.

g. L'intimé n'a par ailleurs pas ménagé ses efforts, notamment en proposant plusieurs opportunités d'engagement hors du milieu pénitentiaire et en appuyant les postulations de la recourante, pour soutenir la recourante dans ses démarches de reclassement.

h. L'autorité intimée pouvait ainsi considérer sans excès ni abus de son pouvoir d'appréciation que la recourante avait par ses agissements porté une atteinte grave à une collègue, et compromis irrémédiablement la confiance que sa hiérarchie devait pouvoir placer en elle.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

8. Vu l'issue de la procédure, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 janvier 2020 par Mme A______ contre la décision du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé du
28 novembre 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Mme A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques-Alain Bron, avocat de la recourante, ainsi qu'audépartement de la sécurité, de l'emploi et de la santé.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber,
M. Mascotto, Mme Tombesi, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler-Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :