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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/744/2020

ATA/555/2020 du 05.06.2020 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/744/2020-FPUBL ATA/555/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 5 juin 2020

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE



Vu la décision du 7 février 2020 de la Ville de Genève (ci-après : la ville), déclarée exécutoire nonobstant recours, ordonnant l'ouverture d'une enquête administrative à l'encontre de M. A______ ainsi que la suspension avec traitement de l'activité de ce dernier jusqu'au prononcé éventuel d'un licenciement ou d'une sanction ;

vu le recours, remis le 26 février 2020 par M. A______ à un office de poste, formé auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant sur le fond à l'annulation de la décision d'ouvrir une enquête administrative et de la décision de suspension, et concluant à titre préalable à la restitution de l'effet suspensif au recours ;

vu l'opposition de la ville, le 7 avril 2020, à la restitution de l'effet suspensif ;

vu la réplique sur effet suspensif et les pièces communiquées par M. A______ le 29 mai et reçues le 2 juin 2020 ;

attendu que la ville soupçonne que M. A______, dans sa qualité de cadre supérieur de l'administration municipale responsable du contrôle interne et de la gestion du département de la cohésion sociale et de la solidarité, aurait : dénoncé à tort ses conditions de travail et l'attitude déloyale de sa hiérarchie à son égard ; dénoncé à tort des remboursement de frais qualifiés d'illicites ; soutenu à tort avoir dû exercer des tâches sans rapport avec ses fonctions dans l'intérêt politique de la conseillère administrative en charge de son département ; soutenu à tort avoir fait l'objet d'une évaluation périodique non conforme à la réglementation en vigueur ; refusé de produire des documents dont il se disait en possession et qui étaient propriété de l'administration et dont il n'était pas autorisé à se saisir ; adopté ainsi un comportement incompatible avec son statut, porté préjudice aux intérêts de la ville et porté atteinte à la confiance et à la considération dont la fonction publique doit être l'objet ; ces manquements, s'ils étaient avérés, pouvant conduire à une sanction disciplinaire ou au licenciement ;

que le conseil de M. A______ a indiqué le 29 mai 2020 que son client souffrait d'une grave dépression, présentait un risque suicidaire élevé, et qu'il fallait éviter tout choc psychique qui pourrait aggraver son état ; qu'il a produit trois certificats médicaux : le premier de la Dresse B______ de la clinique C______ (ci-après : la clinique), du 30 mars 2020, attestant d'une hospitalisation et d'une incapacité de travail à 100 % jusqu'au 30 avril 2020 ; le second de la Dresse D______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin traitant de M. A______, adressé le
25 février 2020 à la conseillère administrative en charge du département de M. A______ et indiquant que « malgré [son] rapport médical alarmant du 27.01.20 à [son] attention, [son] patient [...] a subi un énorme choc destructeur en apprenant, à sa stupéfaction, le 17.02.2020, l'ouverture d'une enquête administrative à son encontre », que son patient « subit au travail une situation qui méprise sa souffrance et est confronté au 'fait accompli' », que « même les écritures envoyées par son avocat, adressées à l'interne de [son] administration, obtiennent un retour néfaste pour [son] patient », dont l'état actuel « découlant d'une atteinte à sa personnalité, est d'une telle gravité qu'il nécessite une hospitalisation dans les plus brefs délais, au vu d'une profonde dépression avec un risque non négligeable de suicide » ; le troisième, de la Dresse E______, psychiatre FMH auprès de la clinique C______ à Montreux, établi le 19 mars 2020, et rappelant que M. A______ avait été hospitalisé par son médecin traitant alors qu' « il avait des idées suicidaires symptomatiques surtout d'une grande colère, d'une souffrance intérieure, en rapport à ce qu'il a vécu à son travail à la ville, particulièrement depuis fin 2018 et récemment, depuis qu'il a appris l'ouverture d'une enquête administrative à son encontre » , l'anamnèse se poursuivant par le constat suivant : « En d'autres mots, quand j'entends Mr. A______, il décrit tous les signes d'un harcèlement psychologique sur son lieu de travail », et le certificat se concluant par des considérations générales sur le harcèlement psychologique et ses conséquences possibles, notamment le suicide de la victime ;

que selon le recourant, la décision d'ouverture d'enquête administrative ne constituait ni plus ni moins qu'un règlement de comptes et visait à le « museler » après qu'il eût dénoncé des dysfonctionnements dans le cadre de sa fonction ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que, par ailleurs, l'art. 21 al. 1 LPA permet le prononcé de mesures provisionnelles ;

que selon la jurisprudence, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif - ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/15/2020 du 8 janvier 2020 ; ATA/898/2019 du 14 mai 2019 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018) ; qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, spéc. 265) ;

que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405) ;

que la restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités) ;

que la chambre de céans dispose dans l'octroi de mesures provisionnelles d'un large pouvoir d'appréciation (ibidem) ;

qu'il y a lieu d'examiner, au stade des mesures provisionnelles, si la conduite de l'enquête administrative et la suspension avec traitement doivent être suspendus dans l'attente d'une décision sur les conclusions au fond du recourant - lesquelles tendent à l'annulation de l'enquête administrative et de la suspension avec traitement ;

que le recourant invoque à l'appui de ses conclusions en restitution de l'effet suspensif les souffrances psychologiques intenses et le risque suicidaire élevé que lui font courir l'ouverture de l'enquête administrative ;

qu'il ressort du certificat de son médecin traitant que le choc a été causé par l'annonce de l'ouverture de l'enquête administrative le 17 février 2020 ;

que le recourant a été hospitalisé et suivi dans une clinique spécialisée jusqu'au 30 mars 2020, puis maintenu en arrêt de travail jusqu'au 30 avril 2020 en tout cas ;

que le certificat de la psychiatre de la clinique du 19 mars 2020 se limite à rapporter les plaintes du patient, et s'il établit le diagnostic de dépression sévère, ne se prononce pas sur le risque concret de suicide, se limitant à une considération générale ;

que la ville fait valoir des soupçons au sujet des agissements du recourant ;

que l'enquête administrative, confiée à un enquêteur externe, a précisément pour objectif d'examiner le bien-fondé de ces soupçons ;

que non seulement la ville, mais également le recourant, ont intérêt à ce que les faits puissent être établis précisément ;

que c'est à l'enquêteur indépendant que le recourant pourra faire valoir ses griefs sur le bien-fondé de l'enquête ;

que dans l'attente que l'enquête soit achevée et une décision prise par la ville, la suspension avec traitement du recourant ne cause à ce dernier aucun dommage irréparable, étant observé que le recourant a été en incapacité de travail en mars et avril 2020 ;

que pour le surplus le recourant est suivi par son médecin, et que toute nouvelle péjoration de ses conditions de santé pourrait être prise en charge de manière adéquate ;

que l'on ne voit pas dans ces circonstances que le recourant puisse faire valoir à ce stade un intérêt privé supérieur s'opposant à l'intérêt public à la conduite de l'enquête administrative et au maintien de sa suspension avec traitement ;

que la demande de restitution de l'effet suspensif sera ainsi rejetée ;

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse la requête de restitution de l'effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110),  la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

 

Au nom de la chambre administrative :

F. Payot Zen Ruffinen, présidente

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :