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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/915/2019

ATA/529/2020 du 26.05.2020 sur JTAPI/1133/2019 ( ICC ) , REJETE

Descripteurs : DROIT À UNE AUTORITÉ INDÉPENDANTE ET IMPARTIALE;RÉCUSATION;EXERCICE D'UNE FONCTION DANS DES PROCÉDURES DIFFÉRENTES;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DROIT FISCAL;IMPÔT;AUDITION OU INTERROGATOIRE;CALCUL DE L'IMPÔT;ACTION(PAPIER-VALEUR);IMPÔT SUR LA FORTUNE;PROCÉDURE D'ESTIMATION
Normes : Cst.30.al1; LPA.15A; Cst.29.al2; LHID.13; LHID.14; LIPP.46; LIPP.47.letb; LIPP.49
Résumé : Application des principes contenus dans la circulaire n° 28, en particulier la méthode dite des « praticiens », pour l’estimation fiscale des titres non cotés en bourse de la société des recourants. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/915/2019-ICC ATA/529/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 mai 2020

4ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par NDC-Conseil SA, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 décembre 2019 (JTAPI/1133/2019)

 


EN FAIT

1. Madame et Monsieur A______ (ci-après : les époux A______ ) sont mariés et domiciliés à Genève, où ils sont contribuables.

2. M. A______ exerce la profession d’architecte et est administrateur, avec la fonction de président, de la société anonyme non cotée en bourse B______ (ci-après : la société) inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) depuis 2000 et ayant pour but statutaire les travaux et mandats d’architecture, la construction, l’expertise et la recherche dans le domaine immobilier en général. Il détient la moitié du capital-actions de la société, constitué de cent actions d’une valeur nominale de CHF 100.-, l’autre moitié étant détenue par Madame C______ , également architecte et administratrice de la société.

En mars 2014, le capital de la société a été augmenté de mille bons de participation d’une valeur nominale de CHF 100.- souscrits par M. A______ et Mme C______ par moitié chacun. Durant la même année, ceux-ci ont vendu à Monsieur D______ , architecte travaillant pour la société au sein de laquelle il occupe la fonction de directeur adjoint, cent bons de participations, à raison de cinquante chacun. Ils en ont fait de même en 2015, vendant à M. D______ également cinquante bons de participation chacun. Depuis 2019, M. D______ dispose en outre d’une procuration, inscrite au RC.

Outre les deux associés que sont M. A______ et Mme C______ et le directeur adjoint, la société compte quatre collaborateurs cadres architectes, une quinzaine d’architectes, quelques dessinateurs et d’autres collaborateurs administratifs.

3. Dans leur déclaration fiscale pour l’année 2014, les époux A______ ont fait état, pour l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC), d’un revenu et d’une fortune imposables de respectivement CHF 578'676.- et CHF 2'953'354.-.

Au titre des participations qualifiées de la fortune privée et commerciale, ils faisaient état d’une participation dans la société de CHF 518'711.- constituée de cinquante actions d’une valeur imposable de CHF 357'732.- et de quatre cent cinquante bons de participation d’une valeur imposable de CHF 160'979.-.

4. Par bordereau du 25 juillet 2016, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a arrêté la taxation des époux A______ pour l’ICC 2014 à CHF 124'191.40 sur la base d’un revenu et d’une fortune imposables de respectivement CHF 580'600.- (au taux de CHF 588'279.-) et CHF 5'458'916.- (au taux de CHF 5'783'948.-).

Selon l’avis de taxation joint, la valeur fiscale des actions de la société était fixée à CHF 2'197'250.- et celle des bons de participation à CHF 1'033'650.-.

5. Dans leur déclaration fiscale pour l’année 2015, les époux A______ ont fait état, pour l’ICC, d’un revenu et d’une fortune imposables de respectivement CHF 694'379.- et CHF 2'919'987.-.

Au titre des participations qualifiées de la fortune privée et commerciale, ils faisaient état d’une participation dans la société de CHF 519'049.- constituée de cinquante actions d’une valeur imposable de CHF 370'749.- et de quatre cent bons de participation d’une valeur imposable de CHF 148'300.-.

6. Par bordereau du 23 janvier 2017, l’AFC-GE a arrêté la taxation des époux A______ pour l’ICC 2015 à CHF 123'207.45 sur la base d’un revenu et d’une fortune imposables de respectivement CHF 693'936.- (au taux de CHF 700'109.-) et CHF 5'379'156.- (au taux de CHF 5'695'680.-).

Selon l’avis de taxation joint, la valeur fiscale des actions de la société était fixée à CHF 2'134'750.- et celle des bons de participation à CHF 873'600.-.

7. Dans le délai légal, les époux A______ ont élevé réclamation contre les bordereaux de taxation pour l’ICC 2014 et 2015.

La valeur retenue pour les actions et bons de participation de la société était surévaluée et ne correspondait pas à la réalité économique, dans la mesure où elle prenait en compte la valeur de rendement alors même que son chiffre d’affaires dépendait de l’activité de ses deux associés. Seuls devaient ainsi être pris en compte les fonds propres et la valeur pondérée des mandats en cours, l’application de la circulaire n° 28 de la Conférence suisse des impôts concernant l’estimation des titres non cotés en vue de l’impôt sur la fortune du 28 août 2008 (ci-après : la circulaire n° 28) étant à cet égard étant trop restrictive. À la suite de l’augmentation du capital de la société, M. A______ avait souscrit cinq cent bons de participation d’une valeur de CHF 50'000.- et en avait cédé une cinquantaine sur la base d’une valeur de transfert déterminée selon une méthode de calcul correspondant à la réalité économique de la société et qui tenait compte de ses fonds propres ainsi que d’une valeur pondérée des travaux en cours. Ces valeurs avaient été déterminées selon une méthode de calcul transparente et constante, reposant sur des critères économiques reconnus. Il en résultait que la valeur de transaction devait être retenue comme la valeur vénale, soit, pour 2014, CHF 7'154.63 pour une action et CHF 357.73 pour un bon de participation et, pour 2015, CHF 7'414.98 pour une action et CHF 370.75 pour un bon de participation.

8. Par décisions des 7 et 11 février 2019, l’AFC-GE a rejeté les réclamations des époux A______ pour l’ICC 2014 et 2015.

L’estimation des titres de la société avait été effectuée conformément à la circulaire n° 28. La valeur de transaction ne pouvait être prise en compte, dès lors qu’un transfert entre actionnaire et/ou partenaire ne pouvait être considéré comme effectué entre tiers indépendants. Il en allait de même de la valeur de rendement simple, au vu du nombre de collaborateurs employés par la société, le fait qu’un nombre réduit de personnes influait de façon importante sur le bénéfice de l’entreprise n’y changeant rien.

9. Par actes du 6 mars 2019, les époux A______ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ces décisions, concluant à leur annulation et à ce que les valeurs issues des cessions intervenues en 2014 et 2015 soient retenues, subsidiairement à ce que les valeurs de rendement avec un taux de capitalisation de 10,5 % pour 2014 et 9,8 % pour 2015 soient retenues et prises en compte une seule fois.

Le prix des bons de participation vendus à M. D______ en 2014 et 2015 avait été fixé selon la méthode convenue entre les parties, conformément à ce dont ils avaient fait état dans leurs déclarations fiscales pour les années concernées, de sorte que cette cession devait être considérée comme ayant été effectuée entre tiers indépendants, étant précisé que l’acquéreur n’était ni administrateur, ni inscrit au RC et que les titres en question ne comprenaient pas de droits sociaux. Subsidiairement, la valeur de rendement avec un taux de capitalisation qui tenait compte de l’activité et de l’attachement aux administrateurs, donc de facteurs de risque élevés, devait être retenue, soit un taux de capitalisation majoré de 40 %, la circulaire n° 28 n’étant à cet égard pas conforme à la loi. L’AFC-GE aurait ainsi dû s’en écarter, ce d’autant plus qu’elle ne tenait pas compte de la valeur des bureaux d’architectes, qui reposait d’une part sur le nom des associés qui développaient l’activité de la société et contribuaient à sa valeur et, d’autre part, sur la capacité de la société à générer du cash-flow régulièrement. Il s’ensuivait que la valeur de rendement ne devait être prise en compte qu’une seule fois.

10. L’AFC-GE a conclu au rejet des recours.

Les principes contenus dans la circulaire n° 28 avaient été correctement appliqués, la société poursuivant une activité de service. Selon la méthode dite des « praticiens », sa valeur résultait ainsi de la moyenne pondérée entre la valeur de rendement qui était doublée d’une part et la valeur substantielle déterminée selon le principe de continuité de l’exploitation d’autre part. La vente des bons de participation ne pouvait être considérée comme ayant eu lieu entre tiers indépendants, dès lors que M. D______ faisait partie des employés de la société, au sein de laquelle il avait été nommé directeur adjoint à compter de 2014, opération qui s’inscrivait dans le cadre d’un intéressement des collaborateurs. Au regard de la structure de la société, au sein de laquelle plusieurs cadres architectes ainsi que de nombreux collaborateurs évoluaient, la valeur de la société ne reposait pas exclusivement ou presque sur la performance des deux associés.

11. Le 10 juillet 2019, les époux A______ ont répliqué, relevant que le transfert des bons de participation avait été effectué de manière transparente et reposait sur des critères économiques reconnus, basés sur des états financiers révisés. Aucun prix de faveur n’avait été consenti à M. D______ , lequel n’était ni actionnaire, ni administrateur et n’était pas non plus associé à part entière. L’AFC-GE n’avait pas pris en considération tous leurs arguments qui démontraient la nécessité d’appliquer un taux de capitalisation majoré pour tenir compte des facteurs de risque élevés liés à la grande dépendance des deux associés fondateurs face à la continuation et la capacité de la société à pérenniser ses revenus et son rendement.

12. Dans sa duplique, l’AFC-GE a précisé que M. D______ avait été déclaré par la société en tant qu’actionnaire associé ou personne proche dans l’annexe C de ses déclarations fiscales 2014 et 2015, de sorte qu’il n’avait acquis les bons de participation qu’en raison de sa position au sein de la société.

13. Le 24 septembre 2019, les époux A______ ont persisté dans les termes de leur recours, précisant que, même si la société avait fait état de M. D______ dans ses déclarations fiscales pour les années 2014 et 2015, il n’en demeurait pas moins qu’en tant que détenteur de bons de participation, il n’avait pas les mêmes prérogatives qu’un administrateur, de sorte qu’il devait être considéré comme un tiers indépendant.

14. Par jugement du 16 décembre 2019, le TAPI a rejeté le recours.

La question de savoir si la vente des bons de participation avait eu lieu entre tiers indépendants pouvait souffrir de rester indécise, dans la mesure où les époux A______ n’avaient pas démontré que le montant payé par M. D______ en 2014 et 2015 pour leur acquisition correspondait au prix du marché, de sorte que le prix qu’ils indiquaient ne pouvait être retenu pour déterminer leur valeur fiscale pour les années litigieuses.

Il n’y avait pas non plus lieu de s’écarter de la méthode de calcul prévue par la circulaire n° 28. La société employait de nombreux architectes et collaborateurs cadres qui contribuaient à ses résultats, M. A______ n’ayant pas démontré y jouer un rôle essentiel ni être l’unique auteur du produit fourni à la clientèle. La création de l’entreprise ne reposait ainsi pas exclusivement sur la performance des deux associés, aucun élément ne permettant d’admettre que la société serait difficilement aliénable à sa valeur de rendement. C’était également à bon droit que l’AFC-GE avait appliqué le taux de capitalisation prévu par la circulaire n° 28 pour calculer la valeur de rendement de la société, qui intégrait déjà les risques généraux de l’entreprise.

15. Par acte du 17 janvier 2020, les époux A______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant préalablement à la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties, principalement à son annulation et à la prise en compte de la valeur vénale, subsidiairement à la pondération simple de la valeur de rendement.

La composition du TAPI était douteuse, ce qui devait être constaté s’il apparaissait que l’un ou l’autre des juges assesseurs ayant statué exerçait une activité lucrative dans le secteur public.

Le législateur fédéral laissait aux cantons une marge de manœuvre étendue pour déterminer la mesure dans laquelle la valeur de rendement devait être prise en compte, qu’ils avaient utilisée pour la détermination de la valeur fiscale des immeubles. Il ne se justifiait ainsi pas de procéder autrement pour les entreprises, pour lesquelles il fallait également tenir compte des réalités économiques et des branches d’activités ou des secteurs géographiques spécifiques.

Même si la méthode dite des « praticiens » était applicable, il fallait néanmoins tenir compte des circonstances particulières, comme le fait que la transaction avait été effectuée sur des bons de participation, que la valeur de rendement de la société devait être calculée en fonction d’un taux de capitalisation majoré en vue de tenir compte de son secteur d’activité particulier et que seule une valeur de rendement simple devait être appliquée, au regard des qualités spécifiques des associés.

16. Le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d’observations.

17. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Il n’existait aucune circonstance justifiant de s’éloigner des principes et règles énoncés dans le jugement litigieux s’agissant de l’estimation des titres pour retenir une autre méthode d’évaluation que celle découlant de la circulaire n° 28 basée sur la valeur substantielle de la société. En particulier, les époux A______ n’apportaient aucun élément nouveau leur permettant de remettre en cause son appréciation, confirmée par le TAPI, alors même qu’ils supportaient le fardeau de la preuve.

18. Le 21 février 2020, la chambre de céans a informé les époux A______ qu’à défaut de réplique d’ici au 16 mars 2020, délai prolongé au 23 mars 2020, la cause serait gardée à juger.

19. Le 12 mars 2020, la chambre de céans a invité les juges assesseurs du TAPI à indiquer s’ils avaient été employés par l’État de Genève entre les mois de mars et décembre 2019 et, le cas échéant, en quelle qualité et pour quelle durée.

20. Le 17 mars 2020, les époux A______ ont persisté dans les conclusions et termes de leur recours.

21. Par courrier du 31 mars 2020, l’un des juges assesseurs du TAPI, Monsieur E______ , a indiqué que, entre le 1er mars et le 30 avril 2019, ainsi que du 21 juin au 31 décembre 2019, il se trouvait en recherche d’emploi et n’avait exercé aucune activité lucrative. Du 1er mai au 20 juin 2019, il avait toutefois collaboré au sein du département juridique de l’office cantonal de l’emploi en qualité d’auxiliaire.

L’autre juge assesseur du TAPI, Monsieur F______ , associé auprès de G______ SA (https://www.______), ne s’est pas déterminé.

22. La chambre de céans a transmis aux parties le courrier du 31 mars 2020 du juge assesseur du TAPI, les informant que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 -
LPFisc - D 3 17 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Les recourants remettent en cause l’indépendance du TAPI au motif que l’un ou l’autre des juges aurait exercé une activité professionnelle incompatible avec ses fonctions. Se pose dès lors la question de savoir si le juge assesseur ayant collaboré au sein du service juridique d’un office de l’État en mai et juin 2019 aurait dû se récuser.

b. La garantie minimale d’un tribunal indépendant et impartial, telle qu’elle résulte des art. 30 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 ch. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950
(CEDH - RS 0.101) lesquels ont, de ce point de vue, la même portée permet, indépendamment du droit de procédure, de demander la récusation d’un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Elle n’impose pas la récusation seulement lorsqu’une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles de l’une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF
140 III 221 consid. 4.1).

c. En droit administratif genevois, l’art. 15A LPA prévoit que les juges doivent, notamment, se récuser s’ils ont agi dans la même cause à un autre titre, notamment comme membre d’une autorité, comme conseil juridique d’une partie, comme expert, comme témoin ou comme médiateur (let. b) ou s’ils pourraient être prévenus de toute autre manière, notamment en raison d’un rapport d’amitié ou d’inimitié avec une partie ou son représentant (let. f). Les juges, les membres des juridictions et les membres du personnel des juridictions qui se trouvent dans un cas de récusation sont tenus d’en informer sans délai le président de leur juridiction (art. 15A al. 3 LPA). La demande de récusation doit en outre être présentée sans délai et par écrit à la juridiction compétente (art. 15A al. 4 LPA).

d. Selon un principe général, la partie qui a connaissance d’un motif de récusation doit l’invoquer aussitôt, sous peine d’être déchue du droit de s’en prévaloir ultérieurement, dès lors qu’il serait contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière de l’autorité pour ne l’invoquer qu’en cas d’issue défavorable de la procédure (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 ; ATA/185/2020 du 18 février 2020 consid. 4d et les références citées). Cela ne signifie toutefois pas que la composition concrète de l’autorité judiciaire amenée à statuer doive nécessairement être communiquée de manière expresse au justiciable. Il suffit que l’information ressorte d’une publication générale facilement accessible, en particulier sur Internet, par exemple l’annuaire officiel. Selon la jurisprudence, la partie assistée d’un avocat est en tout cas présumée connaître la composition régulière du tribunal (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1058/2017 du 5 février 2019 consid. 5.2 et les références citées).

e. En l’espèce, il ressort du dossier que les recourants ont porté les décisions de l’autorité intimée des 7 et 11 février 2019 par-devant le TAPI, par recours du 6 mars 2019, où la cause a été instruite à compter de cette date, puis gardée à juger, le jugement ayant été rendu le 16 décembre 2019 par ladite juridiction dans une composition ordinaire.

Assistés d’un mandataire professionnellement qualifié, les recourants ne pouvaient ignorer la composition du TAPI statuant dans un litige de nature fiscale, dans le cadre duquel il siège dans la composition d’un juge qui le préside et de deux juges assesseurs spécialisés dans les affaires fiscales (art. 115 al. 2 LOJ ; art. 44 LPFisc), ces derniers étant au nombre de douze (art. 1 let. a du règlement fixant le nombre de juges assesseurs à élire au TAPI du 8 février 2018 -
RNTAPI - E 2 05.07) et mentionnés nominativement sur le site Internet du Pouvoir judiciaire, sur la page dédiée à cette juridiction. Il leur appartenait ainsi de se manifester aussitôt après avoir eu connaissance, comme ils l’indiquent dans leur recours, de l’exercice d’une activité lucrative dans le secteur public de l’un de ces juges assesseurs, et de ne pas attendre qu’un jugement soit rendu pour soulever ce point pour la première fois devant la chambre de céans, ce d’autant que l’activité du juge en question a eu lieu entre les mois de mai et juin 2019.

En tout état de cause, aucun élément ne permet d’admettre la prévention du juge assesseur ayant statué dans le cadre de leur recours. Outre le fait que l’activité de celui-ci pour le compte d’un office de l’État a eu lieu alors que le recours en était au stade de l’instruction, menée par le seul président de chambre, le mandat qu’il a effectué dans ce cadre n’avait aucun lien avec le présent litige ni avec les recourants, ce que ceux-ci n’allèguent du reste pas. Rien ne permet ainsi d’admettre que le juge assesseur en question n’aurait pas tranché la cause en toute objectivité. Il en va de même de l’autre assesseur, associé auprès d’une grande fiduciaire de la place, dont il n’est au demeurant pas soutenu qu’il aurait exercé en 2019 une activité lucrative dans le secteur public. Le grief en lien avec le manque d’indépendance du TAPI sera écarté.

3. a. Les recourants demandent à être entendus par la chambre de céans.

b. Le droit d’être entendu, tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., comprend le droit pour l’intéressé de prendre connaissance du dossier, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat. Il n’empêche toutefois pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 143 III 65 consid. 3.2 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_42/2019 du 25 mars 2020 consid. 3.1). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1).

c. En l’espèce, outre le fait qu’ils ne peuvent prétendre à la tenue d’une audience selon la jurisprudence susmentionnée, les recourants ont pu s’exprimer à de nombreuses reprises par écrit et faire valoir leurs arguments, tant en procédure non contentieuse que devant le TAPI et la chambre de céans. Ils ont également pu verser au dossier les pièces qu’ils jugeaient nécessaires pour l’issue du litige. Il ne se justifie ainsi pas de procéder à leur audition, la procédure contenant suffisamment d’éléments pour qu’il soit statué sur le recours.

4. Le litige porte sur l’estimation de la valeur fiscale des participations non cotées en bourse de la société au titre de l’impôt sur la fortune des recourants pour les périodes fiscales 2014 et 2015.

5. Réglé aux art. 13 et 14 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), l’impôt sur la fortune des personnes physiques a pour objet l’ensemble de la fortune nette (art. 13 al. 1 LHID), qui est estimée à la valeur vénale (art. 14 al. 1, 1ère phr. LHID, qui correspond à l’art. 49 al. 2 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 [LIPP - D 3 08]), la valeur de rendement pouvant toutefois être prise en considération de façon appropriée (art. 14 al. 1, 2ème phr. LHID).

Si l’évaluation à la valeur vénale est contraignante pour les cantons, la LHID ne prescrit cependant pas au législateur cantonal une méthode d’évaluation précise pour déterminer cette valeur, de sorte qu’ils disposent en la matière d’une marge de manœuvre importante pour élaborer et appliquer leur réglementation, aussi bien dans le choix de la méthode de calcul que pour déterminer dans quelle mesure la valeur de rendement doit être prise en considération dans l’estimation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_953/2019 du 14 avril 2020 consid. 4.1 et les références citées).

6. a. La circulaire n° 28 prévoit des règles unifiées d’estimation des titres non cotés en vue de leur imposition sur la fortune dans un domaine où les cantons jouissent d’un large pouvoir d’appréciation, si bien que la jurisprudence a souligné que ladite circulaire poursuivait un but d’harmonisation fiscale horizontale et concrétisait ainsi l’art. 14 al. 1 LHID (arrêt du Tribunal fédéral 2C_328/2019 du 16 septembre 2019 consid. 5.2 et les arrêts cités). En tant que directive, ladite circulaire ne constitue cependant pas du droit fédéral ou intercantonal, ne crée aucun droit ni aucune obligation et ne lie donc pas le juge (arrêt du Tribunal fédéral 2C_321/2019 du 1er octobre 2019 consid. 2.2 et les références citées). Elle est toutefois reconnue, de jurisprudence constante, comme présentant une méthode adéquate et fiable pour l’estimation de la valeur vénale des titres non cotés en bourse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_953/2019 précité consid. 4.2). Elle n’exclut toutefois pas que d’autres méthodes d’évaluation reconnues puissent, isolément, s’avérer appropriées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 5.3.1 et les arrêts cités).

b. La circulaire a pour objectif l’estimation uniforme en Suisse, pour l’impôt sur la fortune, des titres nationaux et étrangers qui ne sont négociés dans aucune bourse et sert à l’harmonisation fiscale intercantonale (ch. 1.1 de la circulaire n° 28). Les principes d’estimation doivent être choisis de telle manière que le résultat se rapproche au mieux de la réalité économique, la circulaire contenant des instructions à cet égard, auxquelles il peut être dérogé, pour des motifs d’égalité de traitement, lorsque leur application se révélerait contraire au droit ou si la valeur vénale d’un titre peut être mieux évaluée (commentaire 2019 p. 2 ad ch. 1). Par ailleurs, c’est l’approche « technique » ou « juridique » qui est déterminante pour la détermination de la valeur vénale et non une approche « économique » subjective. Ainsi, le contribuable concerné ne peut pas soutenir une valeur patrimoniale qui se baserait sur des circonstances individuelles (commentaire 2019 p. 3 ad ch. 1).

c. La fortune est estimée en principe à la valeur vénale, soit le prix que l’on peut obtenir d’un bien dans des circonstances normales (ch. 1.3 de la circulaire). Pour les titres non cotés pour lesquels on ne connaît aucun cours, la valeur vénale correspond à la valeur intrinsèque et se détermine en règle générale selon le principe de continuation de l’exploitation (ch. 2.4 de la circulaire n° 28).

Toutefois, si les titres font l’objet d’un transfert substantiel entre tiers indépendants, la valeur vénale correspond alors généralement au prix d’acquisition (ch. 2.5 de la circulaire n° 28). Des transferts entre actionnaires, et/ou partenaires ne sont pas considérés comme transferts entre tiers indépendants. Il en va notamment ainsi quand la formation du prix n’est pas transparente et qu’elle ne résulte pas d’une méthode correspondant à des critères économiques reconnus (commentaire 2019 p. 5 ad ch. 2). Le prix obtenu lors d’un tel transfert n’est à prendre en considération que s’il permet de déterminer une valeur vénale représentative et plausible de la société, situation qui doit être examinée selon les circonstances de chaque cas d’espèce (arrêt du Tribunal fédéral 2C_953/2019 précité consid. 4.3). Si tel est le cas, la détermination par le biais de la méthode dite « des praticiens » n’a pas lieu d’être.

d. L’activité effective d’une société détermine son mode d’estimation (ch. 6 de la circulaire n° 28). Pour les sociétés commerciales, industrielles et de services, la valeur de l’entreprise résulte de la moyenne pondérée entre la valeur de rendement qui est doublée, d’une part, et la valeur substantielle déterminée selon le principe de continuation de l’exploitation, d’autre part (ch. 34 de la circulaire n° 28). Cette méthode est généralement appelée « méthode des praticiens » (arrêt du Tribunal fédéral 2C_953/2019 précité consid. 4.3). La valeur de rendement s’obtient par la capitalisation du bénéfice net des exercices déterminants augmenté ou diminué des reprises ou déductions (ch. 8.1 de la circulaire n° 28).

Si, dans des cas exceptionnels, une entreprise ne peut être aliénée, ou est difficilement aliénable à la valeur de rendement, en particulier si son rendement repose exclusivement ou presque sur la performance d’une personne unique détenant la totalité ou la majorité des droits de participation de celle-ci et que la création de valeur de l’entreprise est obtenue uniquement par le détenteur d’une participation majoritaire et si l’entreprise n’emploie pas d’autres personnes hormis quelques-unes occupées à des tâches d’administration et de logistique, l’autorité fiscale peut prendre en considération cette situation par une pondération simple de la valeur de rendement, c’est-à-dire non doublée, et de la valeur de substance (commentaire 2019 p. 10 ad ch. 5). La jurisprudence a par exemple retenu dans le cas d’une société de gestion, courtage et conseil en immobilier, dont le contribuable était l’administrateur et actionnaire unique, qui employait deux salariées, dont l’épouse du contribuable assumait la fonction de secrétaire ainsi qu’une assistante, que le rendement de la société reposait presque exclusivement sur la performance de l’actionnaire et qu’il se justifiait de s’écarter de la méthode d’estimation générale (ATA/595/2015 du 9 juin 2015).

7. a. En matière fiscale, il appartient à l’autorité fiscale de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter spontanément la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve, ces règles s’appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 140 II 248 consid. 3.5 ; ATA/14/2020 du 7 janvier 2020 consid. 5d et les références citées).

b. En matière de titres non cotés en bourse, si leur estimation est effectuée sur la base de la circulaire n° 28, il convient de supposer que l’estimation aboutit à une valeur vénale correcte et que, par ce calcul, l’autorité fiscale a apporté une preuve suffisante. Si le contribuable est d’un avis contraire, il lui appartient dès lors d’apporter ses propres preuves (commentaire 2019 p. 3 ad ch. 1).

8. En l’espèce, les recourants contestent l’utilisation de la méthode dite des « praticiens », soutenant que les titres de la société devaient être estimés au prix d’acquisition, à la suite de la vente de cinquante bons de participations en 2014 et de cinquante autres en 2015 à M. D______ . Indépendamment du fait de savoir si ce dernier peut être considéré comme un tiers indépendant, étant précisé qu’il ressort néanmoins du dossier que sa place au sein de la société permet d’en douter, les recourants n’ont apporté aucun élément en mesure de démontrer que le prix payé par l’acquéreur correspondait bien au prix du marché, ce qu’à juste titre constaté le TAPI. Dans le cadre de leur recours devant la chambre de céans, les recourants n’ont pas apporté d’éléments supplémentaires à ce propos, se contentant de réitérer leurs précédents arguments. Rien ne permet ainsi d’admettre que le montant payé par M. D______ en 2014 et 2015 pour l’achat desdits bons de participation correspondait bien au prix du marché, de sorte que c’est à bon droit que l’AFC-GE puis le TAPI ont refusé de prendre en compte le prix d’acquisition pour la détermination de la valeur fiscale des participations détenues par le recourant dans la société et appliqué la méthode dite des « praticiens ».

Les recourants soutiennent que cette méthode, qui ne tiendrait pas compte des spécificités du métier d’architecte, ne pourrait être appliquée à leur cas, sous peine de contrevenir au droit fédéral. Ils perdent toutefois de vue que la jurisprudence a, à de nombreuses reprises, validé l’application de cette méthode ainsi que de la circulaire n ° 28, comme ci-dessus rappelé. Par ailleurs, la possibilité de prendre en compte la valeur de rendement des titres d’une société est expressément réservées par le droit fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_328/2019 précité consid. 5.3), de sorte que le fait pour l’autorité intimée d’avoir appliqué ladite circulaire ne contrevient pas non plus à la LHID. Pour les mêmes motifs, la comparaison effectuée avec le domaine immobilier est sans pertinence.

Les recourants requièrent enfin une pondération simple de la valeur de rendement, au motif que la société serait dépendante de la performance individuelle des deux actionnaires. La chambre de céans a toutefois déjà jugé que tel n’était pas le cas de la société du recourant, qui employait plusieurs salariés dont il n’était pas contesté que l’activité concourait à son rendement (ATA/809/2018 du 7 août 2018). La situation n’a pas évolué depuis lors, puisque la société, outre les deux associés, emploie plus d’une vingtaine de personnes, dont un directeur adjoint, quatre collaborateurs cadres architectes, une quinzaine d’architectes, quelques dessinateurs et d’autres collaborateurs administratifs. Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que le rendement de la société repose sur les seules performances des associés, et c’est à juste titre que l’AFC-GE puis le TAPI ont refusé de prendre en compte une pondération simple de la valeur de rendement, situation qui ne peut au demeurant être admise que dans des cas exceptionnels, non réalisés en l’espèce. Par ailleurs, aucun élément ne permet de s’écarter du taux de capitalisation prévu par la circulaire n° 28, en l’absence de démonstration, de la part des recourants, du risque accru de l’activité de la société.

Il s’ensuit que le recours sera rejeté.

9. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 janvier 2020 par Madame et Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 décembre 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de Madame et Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à NDC-Conseil SA, mandataire des recourants, à l’administration fiscale cantonale, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. Deschamps

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :