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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/736/2020

ATA/524/2020 du 26.05.2020 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/736/2020-FORMA ATA/524/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 mai 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______, enfant mineur, agissant par ses parents Madame et Monsieur B______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

 



EN FAIT

1) Madame et Monsieur B______ (ci-après : les époux B______ ou les parents), de nationalité française, habitent C______, en Haute-Savoie. Ils ont trois fils, dont le plus jeune, A______, est né le ______ 2006. M. B______ travaille à Genève où il est fonctionnaire international.

2) Le 23 janvier 2020, les époux B______ ont envoyé au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) une demande d'entrée au cycle d'orientation (ci-après : CO) pour A______.

Ils savaient qu'en principe l'accès au CO n'était possible que si un frère ou une soeur de l'élève était déjà scolarisé à Genève, ce qui n'était pas le cas en l'occurrence. Ils sollicitaient dès lors une dérogation pour leur fils cadet. Celui-ci était scolarisé en classe de quatrième au collège de D______ (France). Il suivait également les cours de danse et de théâtre de la filière préprofessionnelle au conservatoire populaire de musique de Genève (ci-après : CPMDT). Il avait donc douze à quinze heures de danse par semaine, ainsi que deux heures de transport chaque jour, rythme qui était particulièrement fatigant.

Il n'y avait pas d'aménagement horaire dans son collège, ni dans aucun autre collège à proximité. De plus, l'évolution des horaires de la filière préprofessionnelle ne lui permettrait pas d'être à l'heure pour les cours. Ils cherchaient dès lors une solution pour que leur fils puisse poursuivre la danse. Ils étaient encouragés par les professeurs de leur fils, lesquels confirmaient ses aptitudes.

Ils joignaient notamment une lettre du directeur du CPMDT, lequel appuyait leur démarche et soulignait qu'A______ s'était distingué remarquablement en tant que jeune danseur.

3) Par décision du 31 janvier 2020, le DIP, soit pour lui le service organisation et planification de la direction générale de l'enseignement obligatoire (ci-après : DGEO), a rejeté la demande.

A______ ne remplissait pas les conditions posées par l'art. 25 du règlement du cycle d'orientation (RCO - C 1 10.26), puisqu'il n'avait pas de fratrie déjà scolarisée au sein de l'enseignement public genevois.

4) Par acte posté le 28 février 2020, les époux B______ ont interjeté recours contre auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, sans prendre de conclusions formelles.

Actuellement scolarisé en France, A______ avait un niveau scolaire qui lui permettait de tout mener de front et d'obtenir de très bons résultats. Passionné de danse depuis l'enfance, A______ avait tout d'abord fréquenté les écoles de D______ et d'E______. Puis, sur les conseils de ses professeurs successifs, ils l'avaient inscrit au CPMDT, où il avait rapidement intégré la filière préprofessionnelle. Il s'épanouissait totalement dans cet apprentissage et était déterminé à s'engager dans une formation professionnelle en danse tout en poursuivant ses études.

À la rentrée 2020-2021, avec le développement du dispositif sport-art-études (ci-après : SAE), une grande partie des cours aurait lieu l'après-midi ou tôt dans la soirée. S'il restait dans le système français, il ne pourrait pas être libéré et devrait donc renoncer à la poursuite de ses études en danse. Ils avaient étudié d'autres possibilités ; à niveau équivalent, il pourrait postuler au conservatoire de Lyon, mais il n'y avait pas d'internat, et cela semblait trop périlleux de le laisser partir en foyer à 14 ans.

Frontaliers de nationalité française, ils savaient qu'ils n'étaient en principe pas éligibles à une inscription à l'école genevoise car aucun de leurs enfants n'y était scolarisé. Toutefois, au vu du nouveau dispositif SAE et des horaires de cours en journée, le cas tout à fait particulier d'un élève français avec un haut potentiel artistique et suivant déjà les cours de la filière préprofessionnelle à Genève devait pouvoir être examiné à nouveau.

5) Le 9 mars 2020, les époux B______ ont informé la chambre administrative qu'A______ avait passé l'audition pour intégrer la filière SAE le 29 février 2020, et qu'il l'avait réussie.

6) Le 17 mars 2020, le DIP a conclu au rejet du recours.

Le dispositif SAE était ouvert aux élèves scolarisés dans l'enseignement public genevois. Les élèves non domiciliés à Genève devaient remplir les conditions posées par l'art. 25 RCO, des exceptions n'étant possibles que dans le cadre posé par la convention intercantonale du 20 mai 2005 réglant la fréquentation d'une école située dans un canton autre que celui de domicile.

L'art. 25 RCO avait été jugé conforme au droit à plusieurs reprises par la chambre administrative.

A______ ne remplissait pas les conditions réglementaires, et la législation applicable ne prévoyait pas la possibilité d'accorder des dérogations, si bien que le voeu des époux B______ et de leur fils de voir ce dernier intégrer le dispositif SAE ne permettait pas de déroger à la réglementation en vigueur.

7) Le 18 mars 2020, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 4 mai 2020, prolongé par la suite d'office au 15 mai 2020, pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

8) Aucune des parties ne s'est manifestée.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/821/2018 du 14 août 2018 consid. 2 ; ATA/1243/2017 du 29 août 2017 consid. 2a).

c. En l'espèce, le recourant n'a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision. L'on comprend toutefois de son recours qu'il conteste le bien-fondé de la décision de la DGEO. Le recours est ainsi recevable.

3) a. À teneur de l'art. 19 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit est garanti. Au niveau cantonal, l'art. 24 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (A 2 00 - Cst - GE) dispose que le droit à l'éducation, à la formation et à la formation continue est garanti (al. 1). Toute personne a droit à une formation initiale publique gratuite (al. 2).

L'art. 62 Cst. prévoit pour sa part que l'instruction publique est du ressort des cantons (al. 1). Les cantons pourvoient à un enseignement de base suffisant ouvert à tous les enfants. Cet enseignement est obligatoire et placé sous la direction ou la surveillance des autorités publiques. Il est gratuit dans les écoles publiques (al. 2). Les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés, au plus tard jusqu'à leur vingtième anniversaire (al. 3). Si les efforts de coordination n'aboutissent pas à une harmonisation de l'instruction publique concernant la scolarité obligatoire, l'âge de l'entrée à l'école, la durée et les objectifs des niveaux d'enseignement et le passage de l'un à l'autre, ainsi que la reconnaissance des diplômes, la Confédération légifère dans la mesure nécessaire (al. 4). La Confédération règle le début de l'année scolaire (al. 5). Les cantons sont associés à la préparation des actes de la Confédération qui affectent leurs compétences ; leur avis revêt un poids particulier (al. 6).

b. Selon son art. 1, la loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10) régit l'instruction obligatoire, soit la scolarité et la formation obligatoires jusqu'à l'âge de la majorité pour l'enseignement public et privé (al. 1). Elle régit également l'intégration et l'instruction des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés de la naissance à l'âge de 20 ans révolus (al. 2). Elle s'applique aux degrés primaire et secondaire I (scolarité obligatoire) et aux degrés secondaire II et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles (ci-après : degré tertiaire B) dans les établissements de l'instruction publique (al. 3).

L'instruction publique comprend le degré primaire, composé du cycle élémentaire et du cycle moyen (art. 4 al. 1 let. a LIP). Selon l'art. 60 LIP, le degré primaire dure huit ans et comprend deux cycles d'une durée de quatre ans chacun, à savoir le cycle élémentaire (années 1 à 4) et le cycle moyen (années 5 à 8).

c. L'art. 37 al. 1 LIP prévoit que tous les enfants et jeunes en âge de scolarité obligatoire et habitant le canton de Genève doivent recevoir, dans les écoles publiques ou privées, ou à domicile, une instruction conforme aux prescriptions de ladite loi, au programme général établi par le département conformément à l'accord intercantonal sur l'harmonisation de la scolarité obligatoire du 14 juin 2007 (HarmoS - C 1 06) et à la convention scolaire romande du 21 juin 2007 (CSR - C 1 07).

Le département, avec le concours des services concernés, veille à l'observation de l'obligation d'instruction, telle que définie à l'art. 1 LIP (art. 38 al. 1 LIP). Les parents sont tenus, sur demande du département, de justifier que leurs enfants, jusqu'à l'âge de la majorité, reçoivent l'instruction obligatoire fixée par la loi (art. 38 al. 2 LIP).

La scolarité est obligatoire pour les enfants dès l'âge de 4 ans révolus au 31 juillet (art. 55 al. 1 LIP). Tout enfant, dès l'âge de 4 ans révolus au 31 juillet, doit être inscrit à l'école dans les trois jours qui suivent son arrivée à Genève (art. 57 al 1 LIP).

L'art. 58 LIP prévoit que, sous réserve des alinéas 2 à 5, les élèves sont scolarisés dans l'établissement correspondant au secteur de recrutement du lieu de domicile ou à défaut du lieu de résidence des parents (al. 1). Si les élèves de ce secteur de recrutement sont en nombre insuffisant ou sont trop nombreux pour l'organisation rationnelle de l'enseignement, le département peut les affecter à une autre école. Cette affectation n'est pas sujette à recours (al. 2). Après avoir entendu les parents concernés, la ou les directions des établissements concernés peuvent transférer un élève dans une autre classe ou un autre établissement, en cours d'année ou pour l'année scolaire suivante, lorsque le bon déroulement de la scolarité de l'élève et/ou le bon fonctionnement de la classe ou de l'établissement le commande (al. 3). Pour les élèves qui sont inscrits dans un dispositif spécifique, tel que les classes et institutions de l'enseignement spécialisé ou les classes SAE, notamment, des exceptions au lieu de scolarisation peuvent être prévues par voie réglementaire. Cette affectation n'est pas sujette à recours (al. 4). Enfin, le département peut, à titre exceptionnel, accorder des dérogations, notamment en cas de changement de domicile, de manière à permettre à l'élève de terminer l'année scolaire dans la classe où il l'a commencée (al. 5).

d. Au niveau réglementaire, l'art. 1 al. 1er RCO rappelle les principes énoncés à l'art. 67 LIP. L'art. 1er al. 2 RCO énonce quant à lui que le CO dispense un enseignement de culture générale et vise à développer l'ouverture d'esprit, la faculté de discernement, l'autonomie, la solidarité, toutes compétences qui contribuent à l'éducation citoyenne ; à l'articulation entre l'école primaire et le degré secondaire II, il assure un équilibre dans le développement des différentes aptitudes (intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques) des adolescents, qui leur permet de trouver du sens dans leurs apprentissages et leur donne progressivement les éléments de choix pour leur parcours de formation.

Le degré secondaire I (cycle d'orientation) fait partie de la scolarité obligatoire ; les enfants en âge de scolarité obligatoire doivent donc être inscrits à l'école et suivre une instruction dès le premier jour de l'année scolaire ou dans les 3 jours qui suivent leur arrivée à Genève (art. 16 al. 1 et 2 RCO).

L'art. 25 RCO est applicable aux enfants domiciliés hors canton. Il prévoit que sont admis au CO genevois :

-       les élèves domiciliés en France voisine et déjà scolarisés dans l'enseignement public genevois, pour autant que l'un de leurs parents au moins soit assujetti à Genève à l'impôt sur le revenu de l'activité rémunérée qu'il exerce de manière permanente dans le canton (al. 1 let. b) ;

-       les frères et soeurs ainsi que les demi-frères et les demi-soeurs des enfants scolarisés au sein d'établissements scolaires publics genevois (al. 1 let. c).

La demande d'admission au sens de l'al. 1 let. b et c doit être déposée auprès de la direction générale de l'enseignement obligatoire dans le délai fixé chaque année par le département et publié sur le site Internet de ce dernier
(al. 3).

Par ailleurs, les enfants domiciliés hors canton peuvent être scolarisés très exceptionnellement à Genève, selon les termes fixés par la convention intercantonale du 20 mai 2005 réglant la fréquentation d'une école située dans un canton autre que celui de domicile (ROF 2005_097 ; https://www.ge.ch/legislation/accords/doc/0087.pdf ; ci-après : la convention intercantonale réglant la fréquentation).

4) a. L'art. 19 Cst. garantit le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit, consacrant ainsi un droit social, justiciable, qui oblige la collectivité à fournir une prestation (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 2013, n. 1563 et la référence citée). L'art. 62 Cst. fonde quant à lui, outre la compétence cantonale en matière d'instruction publique, le caractère obligatoire de l'enseignement de base. Il en découle que l'un des corollaires du caractère obligatoire de l'enseignement primaire est que les enfants doivent fréquenter l'école du lieu où ils résident (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit.). Ainsi, sont titulaires du droit à un enseignement de base suffisant et gratuit tous les enfants domiciliés en Suisse, indépendamment de leur nationalité et du statut de résidence de leurs parents (Pascal MAHON, Droit constitutionnel, vol. II, 2015, p. 334 n. 200).

b. Quant à l'art. 24 Cst-GE, rien n'indique que sa portée, s'agissant du droit à un enseignement de base suffisant et gratuit, serait plus large que celle de l'art. 19 Cst.

c. En l'espèce, le recourant n'est pas domicilié en Suisse. Il ne peut en conséquence pas se prévaloir du droit à y recevoir un enseignement de base suffisant et gratuit. Seul le fait qu'il ne soit pas domicilié à Genève est pertinent pour lui dénier ce droit, étant précisé qu'il reconnaît expressément ne pas remplir les conditions de l'art. 23 al. 1 let. b RCO.

d. Cette conclusion ne contrevient pas à l'art. 13 par. 2 let. a du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels entré en vigueur pour la Suisse le 18 septembre 1992 (RS 0.103.1), lequel prévoit que l'enseignement primaire doit être obligatoire et accessible à tous. Cette disposition, qui selon le Tribunal fédéral n'est pas directement applicable, ne confère en effet aucun droit supplémentaire par rapport à l'art. 19 Cst. (ATF 144 I 1 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_433/2011 précité). Pour le même motif, elle n'est pas non plus contraire à l'art. 28 par.1 let. a de la Convention relative aux droits de l'enfant entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997 (RS 0.107), disposition qui prévoit que les États parties rendent l'enseignement obligatoire et gratuit pour tous.

5) Le recourant n'est pas davantage victime d'une discrimination proscrite par l'ALCP.

a. La chambre administrative a traité en détail de la problématique dans plusieurs arrêts auxquels il peut être renvoyé (ATA/999/2019 du 11 juin 2019 consid. 13 à 24 ; ATA/1017/2019 du 13 juin 2019 ; ATA/1016/2019 du 13 juin 2019 ; ATA/1015/2019 du 13 juin 2019 notamment). Elle a rejeté les recours d'enfants et de leurs parents domiciliés en France voisine contre le refus de les scolariser dans l'enseignement primaire public genevois. Ce refus, qui découlait de l'un des corollaires du caractère obligatoire de l'enseignements primaire, à savoir que les enfants doivent fréquenter l'école du lieu où ils résident, reposait sur une base légale suffisante et ne violait pas l'ALCP.

b. Par ailleurs, dans un arrêt du 11 juin 2019, le Tribunal fédéral a confirmé un arrêt de la chambre de céans s'agissant du refus de l'accès, pour un enfant handicapé suisse, domicilié en France, aux mesures de pédagogie spécialisée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_820/2018 consid. 4.1).

Aux termes de l'art. 3 Annexe I ALCP, les membres de la famille d'une personne ressortissant d'une partie contractante ayant un droit de séjour ont le droit de s'installer avec elle. Ce droit général comprend plusieurs facettes, qui correspondent pour l'essentiel aux droits accordés aux personnes qui jouissent elles-mêmes de la libre circulation, dont le droit à l'enseignement. Or, selon l'art. 3 par. 6 Annexe I ALCP, qui est calqué sur l'art. 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 (actuellement, art. 10 du règlement [UE] n° 492/2011), les enfants d'un ressortissant d'une partie contractante qui exerce ou non, ou qui a exercé une activité économique sur le territoire de l'autre partie contractante sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de l'État d'accueil, si ces enfants résident sur son territoire. Il ressort de ce qui précède que la condition de la résidence est prévue par l'ALCP lui-même. Si l'art. 3 par. 6 de l'Annexe I à l'ALCP établit bien un principe de non-discrimination relatif à l'admission aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle, celui-ci concerne les Suisses domiciliés dans un État membre et les ressortissants des États membres domiciliés en Suisse : ces personnes ont droit aux mesures de formation spécialisée aux mêmes conditions que les nationaux. La Cour de justice des Communautés européennes a d'ailleurs jugé que l'enfant d'un travailleur migrant, qui peut se réclamer de l'art. 12 du règlement n° 1612/68, doit être admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants du pays d'accueil, si cet enfant réside sur son territoire. Ainsi, en tant qu'il prévoit une condition de domicile, l'art. 3 par. 6 Annexe I ALCP constitue en quelque sorte une réserve par rapport au principe général de non-discrimination de l'art. 2 ALCP, qui lui-même ne s'applique au demeurant qu'aux personnes qui séjournent légalement sur le territoire de l'État concerné (arrêt 2C_820/2018 précité et les références citées).

Comme l'indique le Tribunal fédéral dans le cas précité, applicable au recourant, ceci s'explique par le but de l'art. 3 par. 6 Annexe I ALCP qui est l'intégration de la famille du travailleur dans l'État membre d'accueil. En effet, l'intégration de la famille dans le milieu du pays d'accueil présuppose, dans le cas de l'enfant d'un travailleur étranger, que cet enfant puisse bénéficier, dans les mêmes conditions que ses homologues nationaux, des avantages prévus par la législation du pays d'accueil dont les mesures éducatives prévues. Or, en l'espèce, le recourant était domicilié en France. Le but recherché de l'intégration était, en conséquence, de bénéficier de l'enseignement spécialisé de ce pays et non pas en Suisse.

Le recourant ne peut dès lors tirer de l'ALCP aucun droit à l'exception qu'il sollicite.

6) Enfin, le recourant met en avant son besoin d'être scolarisé à Genève du fait de ses aptitudes artistiques, dès lors qu'il suit la filière préprofessionnelle de danse du CPMDT et est susceptible de fréquenter le programme SAE dans ce cadre, étant précisé qu'il a réussi l'audition qui lui permettrait d'être intégré dans ledit programme.

7) Afin de permettre aux élèves dont les performances intellectuelles, sportives ou artistiques sont attestées par des organismes officiels reconnus par l'État de bénéficier d'aménagements de leur parcours scolaire, le département prend les mesures d'organisation adaptées selon les degrés d'enseignement, telles que l'adaptation de la durée de sa scolarisation ou l'admission en classe (art. 27 LIP). C'est le canton qui coordonne ce programme (art. 5 al. 1 let. d de la loi sur le sport du 14 mars 2014 - LSport - C 1 50 ; PL 12058, p. 10).

Selon l'art. 22 al. 2 RCO, les classes SAE reçoivent en fonction des places disponibles des élèves dont les performances sportives ou les potentialités artistiques sont attestées par des organismes officiels reconnus par l'État de Genève et qui ont besoin d'un aménagement horaire leur permettant de pratiquer leur sport ou leur art. Les programmes correspondent à ceux des classes régulières.

b. L'art. 58 al. 4 LIP, déjà cité, prévoit que pour les élèves qui sont inscrits dans un dispositif spécifique, tel que les classes et institutions de l'enseignement spécialisé ou les classes SAE, notamment, des exceptions au lieu de scolarisation peuvent être prévues par voie réglementaire.

L'exposé des motifs de la LIP se contente d'indiquer que « des exceptions au lieu de scolarisation sont également possibles pour les élèves qui fréquentent les classes et institutions de l'enseignement spécialisé, ou ceux des classes SAE » (PL 11470, p. 88).

c. L'art. 26 al. 6 RCO n'explicite pas davantage les situations dans lesquelles des exceptions au lieu de scolarisation sont possibles, dès lors qu'il prévoit que pour les élèves qui fréquentent un dispositif spécifique, tel que les classes et institutions de l'enseignement spécialisé ou les classes SAE, notamment, des exceptions au lieu de scolarisation peuvent être prévues par la direction générale, et que cette décision n'est pas sujette à recours.

8) a. Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s'interprète en premier lieu d'après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 138 II 557 consid. 7.1 ; 132 V 321 consid. 6 ; 129 V 258 consid. 5.1 et les références citées). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes d'interprétation de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 138 II 217 consid. 4.1 ; 133 III 175 consid. 3.3.1 ; ATA/714/2013 précité ; ATA/422/2008 du 26 août 2008). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 119 Ia 241 consid. 7a et les arrêts cités), ou plus généralement au droit supérieur.

b. Le juge est, en principe, lié par un texte légal clair et sans équivoque. Ce principe n'est cependant pas absolu. En effet, il est possible que la lettre d'une norme ne corresponde pas à son sens véritable. Ainsi, l'autorité qui applique le droit ne peut s'en écarter que s'il existe des motifs sérieux de penser que le texte ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, ainsi que de sa relation avec d'autres dispositions (ATF 138 II 557 précité consid. 7.1 ; 131 I 394 consid. 3.2 ; 130 V 472 consid. 6.5.1). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s'écarter du texte clair de la loi, surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e ; 117 II 523 consid. 1c ; ATA/997/2019 du 11 juin 2019 consid. 6b).

9) En l'espèce, l'art. 58 al. 4 LIP confère au Conseil d'État la possibilité de prévoir des exceptions au lieu de scolarisation pour la filière SAE, mais il ne prévoit de lui-même aucune exception au principe de la nécessité d'habiter le canton pour y être scolarisé.

Quant à l'art. 26 al. 6 RCO, il prévoit la possibilité d'exceptions au lieu de scolarisation pour les élèves qui « fréquentent » un dispositif tel que SAE, cela présuppose que l'élève soit déjà admis à fréquenter l'école publique genevoise, l'exception au lieu de scolarisation se référant alors à une situation intracantonale (telle que la scolarisation au cycle de l'Aubépine pour tous les membres de l'académie du Genève-Servette Hockey Club, quel que soit leur domicile dans le canton, en dérogation au principe de l'art. 58 al. 1 LIP).

Le texte du règlement étant clair, et aucune autre méthode d'interprétation ne permettant de retenir qu'il ne correspondrait pas à la volonté de son auteur ou au droit supérieur, il y a lieu d'admettre que la législation cantonale ne permet pas d'exception au domicile dans le canton pour les élèves potentiellement admissibles au dispositif SAE. S'il veut en bénéficier, le recourant devra donc avoir un lieu de vie dans le canton de Genève.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe. L'enfant mineur ayant agi par ses parents, ceux-ci se verront astreints au paiement dudit émolument (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 février 2020 par Monsieur A______, agissant par ses parents, contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 31 janvier 2020  ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge solidaire de Madame et Monsieur B______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, enfant mineur, soit pour lui ses parents Madame et Monsieur B______, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Verniory et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Ravier

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :