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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3500/2019

ATA/492/2020 du 19.05.2020 ( FORMA ) , REJETE

Recours TF déposé le 25.05.2020, rendu le 01.12.2020, REJETE, 2C_538/2020, R 180/2019
Descripteurs : AVOCAT;FORMATION PROFESSIONNELLE;STAGE;DURÉE;SERMENT;REGISTRE PUBLIC;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;DROIT À LA FORMATION
Normes : LPAv.26; LPAv.31.al4; LPAv.31.al5; LPAv.33B; RPAv.14; RPAv.15; Cst-GE.124
Résumé : Confirmation du refus d’imputation, sur la durée du stage d’avocat, de l’activité effectuée hors étude avant la prestation de serment et l’inscription au registre des avocats stagiaires, en l’absence d’autorisation sollicitée par la recourante auprès de la commission du barreau. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3500/2019-FORMA ATA/492/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 mai 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

COMMISSION DU BARREAU

 



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1984, est titulaire de différents diplômes en droit délivrés par une université suisse.

2) Du 1er avril 2013 au 31 mai 2018, Mme A______ a travaillé en qualité de greffière au Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF), à la Cour V traitant des affaires en matière d’asile.

3) Le 3 août 2019, Mme A______ a sollicité de la commission du barreau (ci-après : la commission) l’autorisation d’effectuer le stage d’avocat à temps partiel ainsi que la prise en considération de son activité de greffière au TAF à hauteur de la moitié de la durée du stage.

4) Le 6 août 2019, Mme A______ a commencé un stage d’avocat auprès d’une étude d’avocats à Genève, à un taux d’occupation de 50 %.

5) Par décision du 16 août 2019, la commission a refusé la prise en compte de l’activité de greffière effectuée par Mme A______ au TAF dans le cadre du stage d’avocat.

L’autorisation requise ne pouvait être délivrée pour une période antérieure à la demande, indépendamment de la durée de l’activité et des motifs invoqués, dès lors qu’elle n’avait pas sollicité son autorisation et que, lors de son activité au TAF, elle n’était pas inscrite au registre cantonal des avocats stagiaires. S’agissant de sa demande d’effectuer le stage à temps partiel, une décision lui était adressée par courrier séparé.

6) Le 11 septembre 2019, Mme A______ a prêté le serment professionnel et a été inscrite au registre cantonal des avocats stagiaires.

7) Par acte expédié le 20 septembre 2019, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de la commission du 16 août 2019, concluant à la reconnaissance de l’activité accomplie pendant douze mois au TAF dans le cadre du stage d’avocat, subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause à la commission pour nouvelle décision au sens des considérants.

La possibilité d’accomplir une partie du stage dans un autre canton ou à l’étranger était prévue par l’art. 15 du règlement d’application de la loi sur la profession d’avocat du 7 décembre 2010 (RPAv - E 6 10.01), dont elle remplissait toutes les conditions. Son travail au TAF avait été accompli selon les conditions prescrites dans le canton de Saint-Gall, qui ne requérait aucune autorisation préalable ni inscription dans un registre ou prestation de serment des avocats stagiaires. Elle avait en outre sollicité l’autorisation de la commission avant l’accomplissement du stage en étude, soit le 3 août 2019, ce qui était suffisant. La décision litigieuse était contraire au principe d’égalité de traitement, puisqu’elle revenait à traiter de la même manière des situations différentes, soit des personnes venant d’achever leurs études universitaires, sans bénéficier d’expérience professionnelle, et celles en disposant dans le domaine juridique, comme elle.

8) Le 31 octobre 2019, la commission a conclu au rejet du recours.

Pour qu’un stage soit reconnu comme période de formation, l’avocat stagiaire devait être inscrit au registre cantonal et avoir obtenu son autorisation préalable, ce qui n’avait pas été le cas de Mme A______, qui ne lui avait pas présenté une telle demande lorsqu’elle travaillait au TAF.

9) Le 25 novembre 2019, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 20 décembre 2019 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

10) Le 20 décembre 2019, Mme A______ a persisté dans les conclusions et termes de son recours.

Seules les conditions posées par l’art. 15 RPAv devaient être remplies pour la reconnaissance d’un stage hors canton. Par ailleurs, la décision litigieuse contrevenait au droit à la formation, garanti par l’art. 24 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), dont les conditions de restriction n’étaient au demeurant pas réalisées. C’était également à tort que la commission faisait état de la prestation de serment, qu’elle n’exigeait pas dans sa pratique, au regard des indications figurant dans la base de données des avocats stagiaires inscrits au registre cantonal, dont certains n’avaient pas prêté serment. Enfin, la décision litigieuse était entachée de formalisme excessif, la commission ne faisant valoir aucun intérêt digne de protection qui justifiait de solliciter une autorisation avant de débuter une activité, ce qui pouvait, au contraire, conduire à des situations absurdes où différentes autorisations devaient être requises selon les cantons.

11) La commission ne s’est pas déterminée à l’issue du délai imparti.

12) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 -
LPAv - E 6 10 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige a trait au fait de savoir si l’activité de greffière accomplie par la recourante auprès du TAF doit être prise en compte aux fins de diminuer la durée du stage d’avocat.

3) La loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats
(LLCA - RS 935.61) réserve aux cantons la compétence de définir les conditions de formation et les exigences personnelles que doit remplir le candidat au brevet d’avocat (art. 3 al. 1 LLCA ; ATF
141 II 280 consid. 5.2.1), l’art. 7 al. 1 let. b LLCA ne prévoyant que la durée minimum du stage, à savoir un an.

4) a. À Genève, pour obtenir le brevet d’avocat, l’art. 24 LPAv prévoit les conditions cumulatives suivantes : avoir effectué des études de droit sanctionnées soit par une licence ou un master délivrés par une université suisse, soit par un diplôme équivalent délivré par une université de l’un des États qui ont conclu avec la Suisse un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes (let. a) ; avoir effectué une formation approfondie à la profession d’avocat validée par un examen (let. b) ; avoir accompli un stage (let. c) ; avoir réussi un examen final (let. d).

b. Pour se présenter à l’examen final, les trois premières conditions doivent être réalisées par le candidat (art. 33A al. 1 let. a à c LPAv). L’avocat stagiaire dispose d’un délai d’une durée maximale de cinq ans dès sa prestation de serment pour réussir l’examen final. Si à l’expiration de ce délai, l’intéressé n’a pas subi avec succès l’examen final, il peut, pour autant qu’il justifie de justes motifs, obtenir une prolongation de ce délai. La commission statue à ce sujet (art. 33B LPAv).

c. Pour se présenter à l’examen final, l’avocat stagiaire doit notamment avoir accompli un stage dans une étude d’avocat, d’une durée minimale de dix-huit mois dont douze mois au moins à Genève, dans le cas où il a réussi l’examen approfondi avant le début du stage (art. 31 al. 1 LPAv), et d’une durée minimale de vingt-quatre mois, dont douze mois au moins à Genève, dans le cas où il n’a pas encore réussi l’examen approfondi avant le début du stage (art. 31 al. 2 LPAv).

Le stage peut consister partiellement dans une activité juridique déployée auprès d’un tribunal ou au sein d’une administration publique, une telle activité ne pouvant dépasser la moitié de la durée du stage (art. 31 al. 4 LPAv). Dans ce cadre, l’art. 14 RPAv précise que le stage s’effectue alors sous la surveillance et la responsabilité d’une personne titulaire du brevet d’avocat depuis cinq ans au moins.

Par ailleurs, le candidat désireux de faire usage de la faculté prévue à l’art. 31 al. 4 LPAv, ainsi que celui désireux d’effectuer une partie de son stage dans un autre canton ou à l’étranger, doit requérir préalablement une autorisation à cet effet auprès de la commission, qui apprécie si et dans quelle mesure l’activité envisagée peut être prise en considération (art. 31 al. 5 LPAv). Le stage effectué dans un autre canton ou à l’étranger est constaté par un certificat délivré par le maître de stage et, pour être reconnu, ce stage doit être effectué dans les mêmes conditions que celles prévues dans le canton ou le pays choisi (art. 15 RPAv).

d. Les conditions d’admission au stage, prévues par la LPAv sont au nombre de quatre : l’avocat stagiaire doit remplir les conditions d’admission à la formation approfondie, être au bénéfice d’un engagement auprès d’un maître de stage (art. 26 al. 1 LPAv) et, avant de commencer le stage, l’avocat stagiaire doit prêter serment devant le Conseil d’État et demander son inscription au registre des avocats stagiaires (art. 26 al. 2 LPAv).

e. Le requérant désireux de prêter le serment professionnel prévu par l’art. 27 LPAv doit présenter au département une requête écrite avec les pièces justificatives établissant qu’il remplit les conditions de l’art. 26 al. 1 LPAv, soit celles concernant l’admission à la formation approfondie et être au bénéfice d’un contrat de stage (art. 10 al. 1 RPAv). Le département agissant par délégation du Conseil d’État statue par arrêté sur la requête et autorise le requérant à prêter le serment que reçoit le Conseil d’État (art. 10 al. 2 et 4 RPAv).

f. La loi prévoit que le registre des avocats stagiaires est tenu par la commission (art. 28 al. 1 LPAv), laquelle procède à l’inscription si elle constate que les conditions prévues à l’art. 26 LPAv sont remplies (art. 28 al. 2 LPAv).

g. Il découle de ces dispositions une chronologie concernant notamment les deux dernières conditions d’admission au stage puisque l’inscription au registre des avocats stagiaires ne pourra se faire que si la prestation de serment a eu lieu. Il découle également du texte clair de l’art. 26 al. 2 LPAv que ces deux exigences doivent être remplies avant que l’avocat stagiaire ne commence son stage. Il résulte aussi de ces dispositions que la commission fixe, de fait, le début du stage au sens de la LPAv, puisqu’elle est chargée par la loi de recevoir les demandes d’inscription au registre, quatrième condition d’admission au stage selon l’art. 26 LPAv ainsi que de procéder à ladite inscription (ATA/1657/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3e ; ATA/690/2009 du 22 décembre 2009).

5) En l’espèce, il ressort du dossier que la recourante, après avoir travaillé en tant que greffière entre 2013 et 2018, a commencé un stage d’avocat dans une étude genevoise à compter du mois d’août 2019, date à laquelle elle a sollicité son inscription au registre cantonal des avocats stagiaires et requis la prise en compte, pour la moitié de la durée du stage, de son activité au TAF, demande refusée par l’autorité intimée. Elle a prêté serment le 11 septembre 2019, à la suite de quoi elle a été inscrite au registre cantonal des avocats stagiaires.

Contrairement à ce que semble soutenir la recourante, l’art. 15 RPAv doit se lire en lien avec l’art. 31 al. 5 LPAv, dont la lettre claire prévoit l’autorisation préalable de la commission pour l’accomplissement du stage hors étude, c’est-à-dire dans un tribunal ou une administration publique, y compris dans un autre canton. Cela signifie que la requête doit être présentée avant le début d’un tel stage, conformément à la pratique de l’autorité intimée, qui, contrairement à ce que soutient la recourante, n’accorde aucune dérogation au texte de la loi (Emmanuelle BOILLAT/Pierre DE PREUX, La jurisprudence de la Commission du barreau 2010-2014, SJ 2015 II 209-275, p. 266). Une telle pratique, qui se fonde sur le texte clair de la loi, ne prête pas le flanc à la critique et n’est pas non plus constitutive de formalisme excessif.

C’est également à tort que la recourante soutient que la prestation de serment ne serait pas requise à cette fin, pas plus que l’inscription au registre cantonal des avocats stagiaires, étant donné que le droit saint-gallois ne prévoirait pas ces exigences. Outre le fait qu’elle ne sollicite pas une telle autorisation dans ce dernier canton, elle perd de vue que la reconnaissance du stage effectué dans un autre canton conformément à l’art. 15 RPAv ne peut avoir lieu qu’après l’octroi de l’autorisation de la commission, en vertu de l’art. 31 al. 5 LPAv, qui fait en l’occurrence défaut. Par ailleurs, la chambre de céans a déjà jugé qu’il résultait de la chronologie des conditions d’admission au stage que l’inscription au registre des avocats stagiaires ne pouvait se faire que si la prestation de serment avait eu lieu, ce qui fixe le début du stage (ATA/1657/2019 précité consid. 3e).

La décision litigieuse n’est au demeurant pas constitutive d’une inégalité de traitement mais vise, au contraire, à placer tous les candidats sur un pied d’égalité, en prévoyant une durée de stage identique, indépendamment ou non de leur expérience professionnelle antérieure, en faisant partir le délai visé à l’art. 33B al. 1 LPAv pour l’obtention du brevet d’avocat à compter de la prestation de serment, pour tous les candidats, ce qu’a du reste confirmé la chambre de céans dans sa jurisprudence (ATA/690/2009 précité consid. 14). Ce grief sera dès lors écarté.

6) a. La recourante soutient que la décision litigieuse contreviendrait au droit à la formation, garanti par l’art. 24 al. 1 Cst-GE.

b. À teneur de cette disposition, le droit à l’éducation, à la formation et à la formation continue est garanti. Comme complément au droit fondamental à la formation, la Cst-GE a confié à l’État la tâche de faciliter l’accès à la formation et de promouvoir l’égalité des chances (art. 195 Cst-GE ; ATA/1074/2015 du 6 octobre 2015 consid. 7c) et de soutenir la formation continue et le perfectionnement professionnel (art. 198 Cst-GE).

c. En l’espèce, l’on peine à voir en quoi la décision litigieuse serait contraire à ces dispositions constitutionnelles, la recourante ne se voyant aucunement empêchée d’accomplir son stage d’avocat, qu’elle effectue au sein d’une étude à Genève, en étant inscrite à ce titre au registre cantonal des avocats stagiaires. Ce grief sera par conséquent également écarté.

Il s’ensuit que le recours sera rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 septembre 2019 par
Madame A______ contre la décision de la commission du barreau du
16 août 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s’il porte sur le résultat d’examens ou d’autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d’exercice d’une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu’à la commission du barreau.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Verniory et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

Ch. Ravier

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :