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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3427/2015

ATA/465/2020 du 07.05.2020 sur JTAPI/880/2016 ( ICCIFD ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3427/2015-ICCIFD ATA/465/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mai 2020

4ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Grégoire Piller, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 septembre 2016 (JTAPI/880/2016)


EN FAIT

1. Le litige opposant Monsieur A______ à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a porté sur la question de savoir si la responsabilité solidaire de celui-ci était engagée pour le paiement des dettes fiscales pour les années 2003 à 2007 de B______ SA (ci-après : B______), dont il avait été administrateur. Il s'agissait, en particulier, de déterminer si et dans quelle mesure ce dernier pouvait être recherché pour les dettes fiscales de la société avant la fin de la liquidation de celle-ci.

Par décision du 25 août 2009, l'AFC-GE a tenu M. A______ pour responsable de l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) de CHF 164'463.- pour 2003, de CHF 2'636'833.- (bordereau et amende) pour 2004, de CHF 16'333.15 pour 2005, CHF 10'670.95 en 2006 et CHF 1'314.15 pour 2007. L'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) pour lequel M. A______ était recherché était arrêté à CHF 71'166.25 pour 2003 et à CHF 1'987'766.50 (bordereau et amende) pour 2004.

La créance fiscale réclamée s'élevait au total à CHF 4'888'547.-.

2. a. Le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a considéré que l'administrateur ne pouvait être recherché avant la fin de la liquidation et avait admis le recours. M. A______ ayant comparu en personne, aucune indemnité de procédure ne lui avait été allouée.

b. La chambre administrative de la Cour de justice a admis le recours de l'AFC-GE, retenant que M. A______ pouvait être recherché pour les impôts précités, mais au maximum à concurrence du produit net de la liquidation de B______. La cause était renvoyée à l'AFC-GE afin qu'elle détermine ledit produit et fixe à nouveau les montants dus par M. A______. Elle a mis un émolument de CHF 5'000.- à la charge de M. A______, qui avait été assisté d'un avocat, et qui avait produit une écriture d'environ trente pages.

c. Le recours interjeté par M. A______ contre cet arrêt a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral le 8 janvier 2013, celui-ci considérant que l'arrêt de renvoi cantonal ne constituait pas une décision finale au sens de l'art. 90 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110).

3. Dans un second temps, le litige a porté sur le montant de la créance d'impôt, qui dépendait du produit net de la liquidation de B______. L'AFC-GE a retenu par décision du 31 juillet 2013, confirmée sur réclamation le 31 août 2015, que ledit produit se montait à CHF 14'508'397.- et la créance d'impôt en ICC à CHF 88'140.- pour 2003 et CHF 1'923'951.20 pour 2004 et la créance d'impôts en IFD à CHF 36'669.25 en 2003 et à CHF 1'192'660.50 en 2004. La créance fiscale s'élevait, pour ces deux années, à CHF 3'247'420.95.

Les recours interjetés par M. A______ contre ces décisions ont été rejetés par les instances cantonales, qui ont mis à sa charge des émoluments de respectivement CHF 800.- pour la procédure devant le TAPI et CHF 2'000.- pour la procédure devant la chambre administrative.

M. A______ a produit, devant le TAPI, des écritures de respectivement vingt-huit pages et huit pages et, devant la chambre administrative, un recours de vingt-neuf pages et une réplique de cinq pages.

4. Le Tribunal fédéral a, le 10 décembre 2018, admis le recours formé par M. A______ pour l'année fiscale 2004 (IFD et ICC), en ce qui concerne l'ICC 2003, l'a rejeté pour l'IFD 2003, et a renvoyé la cause à la chambre administrative pour nouvelle décision. Le Tribunal fédéral a confirmé dans un arrêt de principe qu'en cas de liquidation de fait, la responsabilité des administrateurs pour les créances fiscales de la société était également engagée jusqu'au moment où le mandat d'administrateur avait pris fin, soit le 20 octobre 2004 en l'espèce. Le Tribunal fédéral a précisé que la créance d'impôt IFD 2003 se prescrirait le 31 décembre 2018. Le renvoi portait sur le calcul du produit de la liquidation de B______.

Le Tribunal fédéral a arrêté les frais judiciaires devant lui à CHF 20'000.-, dont CHF 1'000.- à la charge de M. A______ et CHF 19'000.- à la charge de l'État de Genève.

5. Par arrêt du 19 juillet 2019, la chambre administrative a partiellement admis le recours de M. A______ et renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour nouveau calcul de l'impôt dû. Elle a fixé l'émolument de première instance à CHF 500.- et celui de recours à CHF 500.-, mis à la charge de M. A______, à qui une indemnité de procédure de CHF 1'000.- a été allouée par instance cantonale. Elle a rejeté les griefs soulevés contre la taxation IFD 2003 de CHF 34'467.50, définitivement tranchée, et renvoyé la cause à l'AFC-GE afin qu'elle calcule le montant dû par M. A______, en prenant en compte un bénéfice imposable de CHF 4'429'845.- et un capital imposable de CHF 3'517'587.-, des intérêts sur l'ICC et l'IFD 2004 à compter du 23 décembre 2007, et en déduisant du montant ainsi obtenu la provision de CHF 1'732'040.-. L'éventuel découvert en résultant correspondait au montant dû par M. A______, pour autant qu'il ne dépasse pas la somme de CHF 8'049'697.88.

M. A______ a produit, à la suite du renvoi de la cause par le Tribunal fédéral, deux courriers de quelques pages sollicitant des mesures d'instruction et des reports de délais, puis des déterminations circonstanciées de treize pages, relatives à la manière de calculer la dette d'impôts dont il devait répondre.

La chambre de céans a admis plusieurs de ses griefs, notamment celui relatif au fait qu'il ne pouvait être recherché pour la reprise d'impôt de CHF 1'000'000.- sur l'actif de Prilly (les faits étant postérieurs au 30 octobre 2004) et la déduction de son éventuelle dette fiscale de la provision de CHF 1'732'040.-.

6. Par arrêt du 4 février 2020, le Tribunal fédéral a admis le recours formé par M. A______.

Il a retenu que le grief relatif à l'année fiscal 2003 était irrecevable. La dette fiscale pour l'année 2004 était prescrite depuis le 31 décembre 2019, ce qui conduisait à l'admission du recours et des décisions portant sur cette année.

Par ailleurs, le Tribunal fédéral a considéré que les indemnités de procédure de deux fois CHF 1'000.- fixées par la chambre administrative étaient arbitraires, au regard de la durée de la procédure (près de dix ans) des recours et observations présentés et de la valeur litigeuse élevée (près de 4'000'000.-). Le Tribunal fédéral a mis les frais judiciaires à 9/10ème à la charge de l'État de Genève, exposant qu'il ne se justifiait pas de répartir autrement les frais de la procédure antérieure, puisqu'au moment du prononcé de l'arrêt cantonal, la période fiscale 2004 n'était pas encore prescrite.

7. Se déterminant après renvoi de la cause après l'arrêt du Tribunal fédéral, l'AFC-GE a exposé que le contribuable avait succombé sur le principe de sa responsabilité et que s'il n'avait finalement pas pu être recherché pour la créance fiscale 2004, c'était parce que celle-ci s'était prescrite devant le Tribunal fédéral et non parce que la position de l'AFC-GE était infondée.

8. M. A______ a conclu à l'octroi d'une indemnité de procédure de CHF 9'500.- pour chaque instance. Il avait, pour l'essentiel, obtenu gain de cause. Dans son arrêt de 2017, le Tribunal fédéral avait d'ailleurs mis 19/20ième des frais judiciaires à la charge de l'AFC-GE et dans celui de 2020 9/10ième.

La procédure avait duré dix ans. L'affaire était particulièrement complexe, le Tribunal fédéral s'étant, pour la première fois, prononcé sur la notion de produit de liquidation au sens de l'art. 55 loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11). Son avocat avait consacré cent quarante-trois heures au traitement des procédures cantonales. Par ailleurs, le recourant avait, au départ, été recherché pour une créance d'impôt de CHF 4'888'447.20. L'ensemble de ces éléments justifiaient l'octroi des indemnités réclamées.

9. Dans des déterminations spontanées formées dans les jours suivant la réception de celles de l'AFC-GE, M. A______ a insisté sur le fait que si, certes, sa responsabilité était engagée, elle ne l'était que pour les années fiscales 2003 et 2004 (et non les années suivantes). Par ailleurs, selon l'arrêt de la chambre administrative du 19 juillet 2019, il avait obtenu gain de cause en ce qui concernait i) la déduction, dans le montant qui lui était imputable, de la provision de CHF 1'736'040.- qu'il avait constituée à cet effet, ii) la prise en compte du bilan au 31 décembre 2013 et non au 31 décembre 2014 iii) la non-prise en compte de l'ajustement de CHF 8'430'000.- et iv) la libération de sa responsabilité pour la reprise d'impôts de CHF 1'000'000.- en ce qui concernait l'actif de Prilly.

10. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. L'objet du renvoi de la cause est limité à la fixation de l'indemnité de procédure pour la procédure cantonale.

Les émoluments de CHF 500.- mis, dans l'arrêt du 19 juillet 2019, à la charge du recourant pour chaque instance cantonale n'ont pas été contestés devant le Tribunal fédéral, de sorte qu'il n'y a pas lieu de revenir sur ceux-ci ; le recourant ne le soutient d'ailleurs pas.

2. a. Dans le canton de Genève, la juridiction administrative statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/1484/2017 du 14 novembre 2017 et les références citées). Elle peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA).

b. L'art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), intitulé « indemnité », prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d'un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-.

La juridiction saisie dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant à la quotité de l'indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu'une participation aux honoraires d'avocat (ATA/1484/2017 précité ; ATA/837/2013 du 19 décembre 2013), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-.

Pour déterminer le montant de l'indemnité, il convient de prendre en compte les différents actes d'instruction, le nombre d'échanges d'écritures et d'audiences. Quant au montant retenu, il doit intégrer l'importance et la pertinence des écritures produites et de manière générale la complexité de l'affaire (ATA/368/2020 du 16 avril 2020 consid. 2b; ATA/1031/2018 du 2 octobre 2018 consid. 2b).

3. En l'espèce, l'activité accomplie par le conseil du recourant a été très importante, comportant la confection d'écritures tant devant le TAPI que devant la chambre de céans, pour une procédure dans laquelle il est intervenu à compter de 2011. Après la procédure ayant donné lieu à l'arrêt d'irrecevabilité du Tribunal fédéral le 8 janvier 2013, l'AFC-GE à qui la chambre de céans avait renvoyé le dossier pour déterminer à nouveau le montant dû par le recourant en sa qualité de débiteur solidaire a rendu une nouvelle décision. Cette décision a fait l'objet de recours cantonaux rédigés par le conseil de M. A______, qui ont abouti à un arrêt du Tribunal fédéral, rejetant ses griefs quant au principe de la responsabilité du recourant, mais en les admettant partiellement quant à l'étendue de celle-ci, renvoyant la cause à la chambre de céans. Cette dernière a, une nouvelle fois, statué en retenant certains griefs soulevés par l'intéressé, susceptibles de réduire de manière substantielle le montant dont il devait répondre. Le Tribunal fédéral n'a pas pu se prononcer sur le bienfondé du raisonnement de la chambre de céans, dès lors que la créance fiscale de 2004 a été atteinte par la prescription au cours de la procédure pendante devant lui.

Les questions à traiter, à savoir si un ancien administrateur pouvait être recherché pour des créances fiscales nées avant la liquidation formelle de la société et comment il convenait de calculer le produit net de liquidation, présentaient une certaine complexité, étant relevé que ces questions n'avaient pas encore été tranchées par le Tribunal fédéral.

L'activité déployée par le conseil du recourant devant les instances cantonales a donc été importante. Elle a été considérablement plus importante devant la chambre de céans, l'avocat du recourant n'étant intervenu devant le TAPI qu'à l'occasion du second recours dont ce dernier a été saisi. Devant la chambre de céans, le recourant a été assisté à l'occasion des deux recours dont elle a été saisie et des deux procédures de renvoi après les arrêts rendus par le Tribunal fédéral.

Par ailleurs, si, certes, ce dernier a succombé en tant qu'il contestait sa responsabilité pour les dettes fiscales de la société faillie, sa responsabilité a été considérablement diminuée à la suite des décisions judiciaires rendues en sa faveur. Même en faisant abstraction de la prescription survenue le 31 décembre 2019 des montants pouvant être mis à la charge du recourant pour l'année 2004, sa responsabilité a été limitée dans le temps (le recourant ne pouvant être recherché pour les dettes fiscales nées après le 20 octobre 2014) et, de manière importante, dans sa quotité. En effet, à l'issue du dernier arrêt de la chambre de céans, la créance fiscale en ICC s'élevait pour 2003 à CHF 36'669.25 et la créance en ICC et IFD 2004, de respectivement CHF 1'923'951.20 et CHF 1'192'660.50, devait être recalculée sur la base d'un bénéfice imposable revu à la baisse par la chambre de céans, puis en portant en déduction la provision de CHF 1'732'040.- constituée par le recourant dans les livres de la société faillie, étant précisé que la reprise de CHF 1'000'000.- relative à l'année 2004 n'était pas imputable au recourant, dès lors qu'elle se fondait sur des faits postérieurs à sa démission du conseil d'administration.

Partant, bien qu'en raison de la prescription survenue après l'arrêt de la chambre de céans, l'impôt 2004 n'ait pas été recalculé, il est manifeste que celui-ci aurait été considérablement moins important qu'initialement fixé. En outre, le seul montant dû par le recourant s'élève, in fine, à environ CHF 35'000.-. En tant que le contentieux présente une valeur litigieuse, l'importance de celle-ci - le recourant était initialement recherché pour un montant de plus de CHF 4'880'000.- (sans les intérêts) - fait partie des critères dont il convient également de tenir compte dans la fixation de l'indemnité de procédure.

Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, il se justifie de fixer l'indemnité de procédure en faveur du recourant à CHF 3'000.- pour la première instance, devant laquelle le conseil du recourant n'est intervenu qu'une seule fois, en produisant des écritures de respectivement vingt-huit pages et huit pages, et à CHF 8'000.- pour la seconde instance, devant laquelle il est intervenu à quatre reprises.

4. Conformément à la pratique, il ne sera pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure pour le présent arrêt (ATA/368/2020 du 16 avril 2020 consid. 4 ; ATA/1252/2019 du 13 août 2019 consid. 4; ATA/1032/2018 du 2 octobre 2018 consid. 3 ; ATA/887/2015 du 1er septembre 2015).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

Statuant à nouveau sur les frais :

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 500.- pour la procédure devant le Tribunal administratif de première instance et un émolument de CHF 500.- pour la procédure devant la chambre administrative de la Cour de justice ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 3'000.- pour la procédure devant le Tribunal administratif de première instance et une indemnité de procédure de CHF 8'000.- pour la procédure devant la chambre administrative de la Cour de justice, à charge de l'État de Genève ; 

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Grégoire Piller, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. Deschamps

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :