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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/324/2020

ATA/484/2020 du 19.05.2020 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/324/2020-AIDSO ATA/484/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 mai 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Sébastien Lorentz, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1) a. Monsieur A______, né le ______ 1984, a bénéficié des prestations financières de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) à compter du 1er novembre 2012.

M. A______ a indiqué vivre avec son ex-beau-père, Monsieur B______ au 1______ avenue C______ à D______.

Sa mère, Madame E______, et son beau-père avaient divorcé le 2 juillet 2007 mais conservaient une bonne relation. Malgré la clause du jugement de divorce, laissant la jouissance exclusive du domicile conjugal à M B______, Mme E______ était restée au domicile de son ex-mari, usufruitier de la maison qu'il avait donnée à ses propres enfants.

b. Lors des renouvellements de sa demande de prestations d'aide financière, il a régulièrement indiqué que sa situation ne s'était pas modifiée. Parallèlement, il a signé à plusieurs reprises un document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général ». Il s'engageait à respecter la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), notamment en signalant immédiatement et spontanément toute modification dans sa situation familiale et financière. Il prenait acte du fait qu'au cas où il ne respecterait pas la loi, l'hospice se réservait le droit de réduire ou de supprimer ses prestations d'aide financière.

2) Mme E______ a signé un contrat de bail pour un appartement sis rue
F______ 2______ aux Pâquis, à compter du 1er juin 2014.

3) Dès 2015, le recourant a cherché à obtenir son propre appartement et a déposé une demande auprès de l'office du logement social. Il a indiqué à son assistante sociale, les 29 octobre 2015, 11 décembre 2018 et 23 janvier 2019, avoir relancé ledit office. Il a communiqué à l'hospice le fait que sa mère avait déménagé dans un appartement aux Pâquis.

4) a. Il ressort du rapport intitulé « contrôle terrain » du 6 juin 2019 que l'inspecteur du service des enquêtes de l'hospice (ci-après : l'inspecteur) s'est présenté le 22 mai 2019 à 10h29 au 1______ avenue C______. Personne n'avait répondu. La boîte aux lettres mentionnait les noms de « A______ Press Sàrl ; E______ » et « A______».

b. L'inspecteur s'est présenté le 24 mai 2019 à 15h18 au 1______, avenue
C______. Personne n'avait répondu.

c. Lors du passage de l'inspecteur du 3 juin 2019 à 16h25 à la même adresse, Mme E______ avait ouvert et déclaré que son fils était en vacances en Bulgarie depuis plus d'une semaine. L'intéressé reviendrait un mois plus tard.

L'inspecteur avait effectué, le même jour, à 17h40 une visite domiciliaire à l'adresse rue F______, domicile officiel de Mme E______. Trois paires de chaussures féminines de saison, deux jupes, deux blouses ainsi que beaucoup d'affaires masculines tels que vêtements, sous-vêtements, chaussures, produits cosmétiques, une Playstation 4, un ordinateur portable, un casque gaming ainsi que divers documents portant le nom de M. A______ avaient été constatés sur place. Mme E______ avait indiqué que ces affaires appartenaient à son fils. Le rapport du « contrôle terrain » mentionne : « Lorsque nous confrontons l'usagère au fait que tous ses retraits et paiements s'effectuaient à D______ et que ceux de son fils aux Pâquis, ainsi qu'aux déclarations du voisinage, notre interlocutrice concède finalement que son fils vit dans le logement sis
rue F______ 2______ depuis 2014 et qu'elle vit au 1______ avenue C______ avec son ex-époux ».

5) Interpellé lors d'un entretien avec son assistante sociale le 29 juillet 2019, M. A______ a produit, le lendemain, un document manuscrit, rédigé par lui-même, signé par M. B______, indiquant que M. A______ vivait avec ce dernier à son domicile et que les enfants de M. B______ pouvaient en attester.

6) Il ressort d'un rapport de « contrôle de terrain » du 20 septembre 2019 que, le 18 septembre 2019 à 17h15, M. A______ était à l'adresse de D______ lors de la visite de l'inspecteur. Il a présenté sa chambre aux inspecteurs dans laquelle ceux-ci avaient pu constater ses effets personnels ainsi que des vêtements féminins, sacs à main, accessoires et chaussures féminines. M. A______ avait déclaré partager la maison avec son beau-père, né le ______ 1929. Il avait regagné le domicile à D______ suite aux derniers contrôles de terrain. « Notre interlocuteur concède avoir vécu seul dans l'appartement de sa mère sis rue F______ 2______ et ce, depuis 2014. Monsieur dit avoir laissé ses appareils électroniques (Playstation 4, ordinateur portable, etc.) de loisirs ainsi que quelques vêtements aux Pâquis, chez sa mère. Il conc[édait] que les affaires féminines apparten[aient] à sa mère qui s'occup[ait] de manière régulière de M. B______ ».

7) Par décision du 4 octobre 2019, l'hospice a réduit le forfait d'entretien de M. A______ au barème d'aide financière exceptionnelle pendant six mois à compter du 1er novembre 2019. Ses prestations circonstancielles étaient supprimées, à l'exception des éventuelles participations aux frais médicaux et dentaires.

8) M. A______ a fait opposition à ladite décision le 30 octobre 2019. Il était domicilié depuis juillet 1997 chez M. B______ à D______. Il joignait copie de l'attestation de l'office cantonal de la population et des migrations
(ci-après : OCPM). Sa domiciliation était par ailleurs confirmée dans le document écrit et signé par M. B______, transmis à l'hospice en juillet 2019. Il joignait deux pièces nouvelles, à savoir un document signé par Madame G______ le 9 octobre 2019, « ami de Mme E______ », qui confirmait que cette dernière était domiciliée à la rue F______ et qu'elle passait du temps à s'occuper de son ex-mari, âgé de 90 ans. Elle confirmait aussi que M. A______ habitait chez son ex-beau-père. Un document identique, comprenant le même texte dactylographié était signé par Madame H______ « ami de Mme E______ ».

9) Par décision du 3 décembre 2019, l'hospice a rejeté l'opposition.

10) Par acte du 24 janvier 2020, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée.

Il a conclu à son annulation et à ce qu'il soit constaté qu'il était domicilié au 1______ avenue C______ et qu'il avait respecté son obligation de renseigner. Préalablement, une comparution personnelle des parties devait être ordonnée et, si la Cour l'estimait nécessaire, la comparution du contrôleur de l'hospice.

Durant la période de 2014 à 2019, M. B______ avait subi deux AVC qui l'avait rendu dépendant d'une aide pour les tâches et soins quotidiens. Mme E______ avait fourni cette aide depuis le début. Sa présence était devenue quotidiennement indispensable et impliquait également de devoir veiller, de temps en temps, l'intéressé durant la nuit. M. A______ avait toujours été domicilié et avait toujours vécu auprès de M. B______. Il formait, avec sa mère, une famille très unie, très proche. Il allait au domicile de celle-ci pour utiliser les connexions internet et jouer à la Playstation. À ces occasions, il avait laissé quelques affaires personnelles au domicile de celle-ci.

Le contrôleur avait hâtivement conclu que la Playstation, l'ordinateur portable et le casque gaming étaient des affaires masculines. Par ailleurs, des affaires dites masculines pouvaient aussi être portées par une femme ou être unisexes. La formule « notre interlocutrice concède finalement » prouvait que le contrôleur « avait dû insister, cuisiner, voire peut-être menacer Mme E______ afin qu'elle dise ce qu'il voulait entendre, puis les indiquer dans son rapport comme ses paroles ». Aucun procès-verbal n'avait été rédigé et signé par Mme E______. Le dossier de M. A______ ne contenait pas non plus de procès-verbal. Les constatations faites par le contrôleur dans son rapport du 3 juin et 18 septembre 2019 étaient « montées en épingle par l'hospice ». Elles n'avaient rien d'anormales à l'instar des opérations financières de paiements et de retraits qui se situaient dans les deux zones principales de vie et d'activités des deux personnes concernées. Dans sa décision sur opposition, l'hospice avait fait référence au voisinage de l'appartement de la rue F______ 2______. Aucune information ne figurait ni dans les rapports de contrôle ni dans le dossier de M. A______. Enfin, toute la correspondance de M. A______ était adressée à D______ et celle de sa mère aux Pâquis.

11) L'hospice a conclu au rejet du recours.

Il tenait à disposition de la chambre de céans les rapports du service des enquêtes effectués dans le dossier d'une bénéficiaire liée au recourant.

12) Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il subsistait une grande zone d'ombre sur les raisons qui avaient poussé l'hospice à effectuer le contrôle et les méthodes employées par ledit service. Les raisons à l'origine de ces contrôles n'étaient pas mentionnées, notamment quant à savoir s'il s'agissait de contrôles aléatoires ou de soupçons de fraude. L'hospice se fondait sur des pièces qui n'étaient pas produites. La façon de procéder des enquêteurs était contestée. Il devait être possible de remettre en cause le travail de ceux-ci dès lors que même celui de la police pouvait faire l'objet de critiques. À défaut et à suivre la thèse de l'hospice, les enquêteurs dudit service auraient un pouvoir qui irait
au-delà de ce que l'ordre juridique leur octroyait. Il persistait dans les conclusions en audition des enquêteurs concernés et dans la production des rapports non versés à la procédure.

13) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant conclut préalablement à son audition et à celle de l'enquêteur ainsi qu'à la production des rapports évoqués par l'hospice.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_157/2018 du 28 mai 2018 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/723/2018 du 10 juillet 2018 et les arrêts cités).

Cela n'implique pas une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci devant simplement disposer d'une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l'issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6).

Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités), de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_58/2018 du 29 juin 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_487/2017 du 5 juillet 2018 consid. 2.1. ; ATA/799/2018 du 7 août 2018). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2017 du 13 décembre 2017 consid. 2.2).

b. En l'espèce, le recourant a pu exposer son argumentation dans le cadre de son recours, puis de sa réplique. Il a pu produire toutes les pièces pertinentes. L'audition de l'enquêteur, dont les deux rapports ont été versés à la procédure, ne modifiera pas l'issue du litige, le recourant ne contestant pas les constats effectuées (absence lors des passages ; constats d'affaires dans les deux domiciles concernés notamment). La référence au voisinage faite dans un rapport est sans pertinence pour l'issue du litige, à l'instar de la production des rapports mentionnés par l'hospice comme étant à disposition de la chambre de céans. Il n'est pas nécessaire d'en solliciter la production, s'agissant de documents ayant trait à une tierce personne, lesquels ne sont pas déterminants pour l'issue du présent litige. Le dossier étant complet et en état d'être jugé, il ne sera pas donné suite aux requêtes du recourant.

3) Le litige porte sur la réduction du forfait d'entretien à hauteur du barème de l'aide financière exceptionnelle et la suppression de toutes les prestations circonstancielles, à l'exception des éventuelles participations aux frais médicaux et dentaires, pendant six mois à compter du 1er novembre 2019 en raison du fait que le recourant aurait caché son lieu de résidence effective.

4) a. La LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Ont droit aux prestations d'aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État (art. 21 al. 1 LIASI). Pour une personne majeure, cette limite est de CHF 4'000.- (art. 1 al. 1 let. a du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 - RIASI - J 4 04.01).

b. À teneur de l'art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (let. a), ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) et répondent aux autres conditions de la loi (let. c).

Il s'agit de l'aide financière ordinaire. Les trois conditions à remplir sont cumulatives. La condition du domicile et de la résidence effective sur le territoire du canton de Genève est une condition cumulative qui a pour effet que des prestations d'aide financière complète ne sont accordées qu'aux personnes autorisées à séjourner dans le canton de Genève, soit aux personnes d'origine genevoise, aux confédérés et aux étrangers bénéficiant d'un titre de séjour (ATA/1662/2019 du 12 novembre 2019 consid. 6a ; ATA/817/2019 du 25 avril 2019 consid. 3b).

La notion de domicile est, en droit suisse, celle des art. 23 et 24 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), soit le lieu où une personne réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 in initio CC). La notion de domicile contient deux éléments : d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances. Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2 ; 136 II 405 consid. 4.3 ; 134 V 236 consid. 2.1). Ce n'est pas la durée du séjour à cet endroit qui est décisive, mais bien la perspective d'une telle durée (arrêts du Tribunal fédéral 5A.398/2007 du 28 avril 2008 consid. 3.2 ; 5A.34/2004 du 22 avril 2005 consid. 3.2). Du point de vue subjectif, ce n'est pas la volonté interne de la personne concernée qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire qu'elle a cette volonté (ATF 137 II 122 consid. 3.6 = JdT 2011 IV 372 ; 133 V 309 consid. 3.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 5A.398/2007 précité consid. 3.2).

c. Le bénéficiaire est tenu de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière. Il doit se soumettre à une enquête de l'hospice lorsque celui-ci le demande (art. 32 al. 1 et 3 LIASI). De même, il doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner une modification du montant des prestations qui lui sont allouées (art. 33 al. 1 LIASI). Le document intitulé « Mon engagement » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/1662/2019 précité consid. 5b ; ATA/817/2019 précité consid. 3c).

d. L'art. 35 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées.

Tel est notamment le cas lorsque le bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (art. 35 al. 1 let. a LIASI) ou lorsqu'il ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 LIASI (art. 35 al. 1 let. c LIASI) ou qu'il refuse de donner les informations requises au sens des art. 7 et 32 LIASI, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35 al. 1 let. d LIASI).

5) a. En l'espèce, sur le formulaire de demande des prestations d'aide financière, rempli en 2012, le recourant a indiqué loger chez M. B______ au 1______, avenue C______ à D______.

Il n'a pas contesté les allégations de l'hospice selon lesquelles, lors de différents entretiens avec son assistante sociale entre 2012 et 2019, il a persisté à affirmer être domicilié à l'adresse susmentionnée. Il le soutient d'ailleurs toujours.

Il ressort toutefois du premier rapport de « contrôle terrain » datant du 6 juin 2019 qu'un enquêteur s'est rendu à l'appartement de M. A______ à trois reprises. Sur la boîte aux lettres, le nom du recourant y figurait, à l'instar de celui de sa mère. Le recourant n'était toutefois présent dans l'appartement à aucune de ces trois visites. Lors de la dernière visite, c'est la mère de l'intéressé qui a ouvert. Selon le rapport, elle aurait indiqué que son fils ne vivait pas à ce domicile. Ainsi, la présence du recourant à l'appartement n'a pas pu être attestée lors des différents contrôles. Le rapport laisse plutôt penser que le véritable occupant de cet appartement, aux côtés de M. B______, était la mère du recourant.

Par ailleurs, la visite effectuée le même jour par l'inspecteur au domicile de la mère a confirmé la présence d'habits masculins et d'affaires appartenant au recourant dans l'appartement de la rue F______ n° 2______. Le recourant soutient que les habits prétendument masculins peuvent être portés par des femmes ou être unisexes. Cet argument ne convainc pas, d'autant moins que l'appartement contenait en outre de nombreux documents au nom du recourant. La comparaison entre les deux lieux de vie le 6 juin 2019 rattache le centre des intérêts du recourant à l'appartement de la rue F______ n° 2______ et non à celui sis 1______,
avenue C______ à D______.

Par ailleurs, lors du second contrôle terrain, le 18 septembre 2019, le recourant a concédé à l'enquêteur qu'il n'habitait pas au domicile de D______, mais avoir habité seul dans l'appartement de sa mère aux Pâquis depuis 2014.

Sa mère avait aussi confirmé ce fait à l'enquêteur, le 6 juin 2019.

Ceci est encore conforté par les relevés de comptes bancaires du recourant pendant les années qui ont précédé les contrôles. Ceux-ci indiquent en effet, de façon très régulière, des retraits d'argent et des achats dans le quartier des Pâquis, notamment dans un supermarché de la place de la Navigation.

Le recourant n'a par ailleurs pas contesté les allégués de l'hospice selon lesquels il cherchait à obtenir son propre appartement depuis 2015. Il avait pour ce faire déposé une demande auprès de l'office du logement social. Il a indiqué à son assistante sociale, les 29 octobre 2015, 11 décembre 2018 et 23 janvier 2019, avoir relancé ledit office. Il avait toutefois indiqué le 29 octobre 2015 que sa mère avait trouvé un appartement et qu'elle y avait déménagé.

Les attestations versées à la procédure par le recourant n'ont qu'une force probante très limitée compte tenu de leurs auteurs et de leur proximité avec le recourant. M. B______, âgé de 90 ans, a subi, selon les écritures du recourant, deux AVC. Sa santé nécessite une aide permanente. Son audition n'a pas été proposée. M. B______ s'est limité à signer une lettre manuscrite de son ex-beau-fils. Le recourant a par ailleurs produit deux attestations, dactylographiées et identiques. Seul le nom du signataire, rajouté de façon manuscrite sur les pointillés en haut de l'attestation, ainsi que la signature et la date diffèrent. Ainsi, selon le texte dactylographié, chacune des deux personnes est un « ami de Madame E______ ». À déchiffrer les noms, la première serait Madame G______ et la seconde Madame H______, soit, selon le registre de de l'OCPM, la fille de M. B______ et une personne habitant à la même adresse que cette dernière.

Le recourant explique par ailleurs que la présence de Mme E______ aux côtés de M. B______ est devenue quotidiennement indispensable. Cet élément conforte l'idée que Mme E______, présente quotidiennement au domicile de D______, y réside et que son propre appartement est occupé par le recourant. Aucun indice n'a été versé à la procédure par le recourant de ce que, malgré les soins prodigués quotidiennement par Mme E______ à son ex-mari, au domicile de D______, elle logerait dans un domicile distinct nécessitant d'en acquitter le loyer et de nombreux transports quotidiens ente les Pâquis et D______.

Compte tenu des déclarations à l'enquêteur du recourant, de sa mère et des constats effectués sur place, l'hospice était autorisé à conclure que la résidence du recourant se situait aux Pâquis et non à D______.

b. Le recourant conteste le poids accordé aux déclaration des inspecteurs.

Ainsi que l'a souligné le Tribunal fédéral dans l'ATF 138 I 331, il existe un intérêt public - qualifié de sérieux et important - à pouvoir contrôler si l'octroi ou le maintien de prestations d'aide sociale est conforme à la situation financière effective de l'administré (ATA/810/2015 du 11 août 2015 consid. 13). Par ailleurs, de jurisprudence constante, la chambre administrative accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport établi par des agents assermentés (ATA/73/2017 du 31 janvier 2017 consid. 7 et les références citées), sauf si des éléments permettent de s'en écarter. Or, les membres du personnel chargés d'effectuer des enquêtes en lien avec l'octroi de prestations d'aide sociale sont assermentés par le Conseil d'État conformément à la loi sur la prestation des serments du 24 septembre 1965 (LSer - A 2 15 ; art. 24 al. 3 de la loi sur l'Hospice général du 17 mars 2006 (LHG - J 4 07) et rien, dans le cas d'espèce, ne permet de s'écarter des constats effectués par l'inspecteur.

c. Le recourant souhaite connaître les causes de l'enquête.

Cet élément est toutefois sans pertinence. Outre que selon la LIASI le demandeur de prestations de l'hospice doit se soumettre à une enquête de ce dernier lorsque celui-ci le demande (art. 32 al. 3 LIASI), le recourant y a expressément consenti en signant le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice général ». Ledit document contient une clause selon laquelle l'intéressé s'engage en particulier à se soumettre en tout temps et sur simple demande de l'hospice général à une enquête du Service des enquêtes de l'hospice général sur sa situation personnelle et économique.

d. Le recourant conteste le rapport de l'inspecteur au motif qu'il ne l'aurait pas signé.

S'agissant d'un rapport dans le cadre de l'établissement des faits (art. 20 al. 2 let. b LPA), il n'est pas nécessaire d'établir un procès-verbal signé. L'art. 20
al. 3 LPA limite en effet cette obligation à la procédure contentieuse.

e. Enfin, la décision respecte le principe de la proportionnalité, dès lors que la sanction consiste en une réduction de six mois au barème d'aide financière exceptionnelle, que la violation de l'obligation de renseigner a duré plusieurs années et que le recourant affirmait, faussement, à l'hospice chercher un logement.

Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, doit être rejeté.

6) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA), et vu son issue aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 janvier 2020 par Monsieur A______ contre la décision de l'Hospice général du 3 décembre 2019 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sébastien Lorentz, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

P. Hugi

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :