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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2964/2019

ATA/456/2020 du 07.05.2020 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2964/2019-AIDSO ATA/456/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mai 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1962, a épousé le ______ 1990 à B______ (Valais) Madame C______, née le ______ 1960. Les époux A______ ont eu deux enfants, D______, née à F______ (Valais) le ______ 1998, et E______, né à F______ le ______ 2002.

2) Le 16 mars 2018, M. A______ a rempli un formulaire de demande d'aide financière auprès de l'Hospice général (ci-après : l'hospice). Selon les données fournies par M. A______, celui-ci habitait rue G______, dans un appartement d'une pièce et demie dont le bail était à son nom et qu'il louait CHF 1'490.- par mois. Son épouse n'habitait pas le canton de Genève. Il ne possédait aucun véhicule.

3) M. A______ a été mis au bénéfice de prestations d'aide financière à partir du 1er mai 2018.

4) Le 16 mai 2018, M. A______ a signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice », aux termes duquel il s'engageait à donner immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et pièce nécessaires à l'établissement de sa situation financière et à l'informer de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification des prestations versées.

5) Par courriel du 12 octobre 2018, une collaboratrice de l'hospice a rendu attentif M. A______ au fait que le 4 mai 2018, il lui avait été demandé de se situer par rapport à sa situation maritale, la législation ne l'autorisant pas à prétendre à l'aide sociale en étant marié sans entreprendre de démarches de séparation. Il lui était demandé si de telles démarches avaient été entreprises.

S'en est ensuivi un échange de courriels dont il ressortait que M. A______ n'avait pas entrepris de démarches, n'ayant selon ses dires pas été orienté en ce sens, et que l'assistante sociale ne pouvait pas le recevoir pour en discuter avec lui, précisant qu'il avait déjà bénéficié pour ce faire d'un délai supérieur à la normale.

6) Le 29 octobre 2018, l'hospice a envoyé un courrier dans le même sens à M. A______. Il avait déclaré le 4 mai 2018 qu'il était marié et que sa femme séjournait en Valais, qu'il avait l'intention de rester marié mais qu'il n'avait pas l'intention de la rejoindre avant d'avoir retrouvé une activité.

Le droit civil prévoyant un devoir d'entretien mutuel entre époux, et la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) prévoyant que l'aide sociale dépendait de la situation du groupe familial, un délai au 1er février 2019 lui était imparti pour « entamer des démarches de divorce et produire des documents en rapport ».

7) Le 12 février 2019, un inspecteur du service des enquêtes de l'hospice a établi un rapport d'enquête complète.

Il était passé au domicile de M. A______ à la rue G______ le jeudi 8 février à 16h40. Sur la boîte aux lettres figurait l'inscription « A______ A. H. I. », sur la porte palière uniquement le nom de famille. Personne n'avait répondu. Selon l'enquête de voisinage qu'il avait effectuée après avoir déposé une convocation dans la boîte aux lettres, M. A______ ne vivait pas à cette adresse, mais était domicilié dans le Valais. Le logement était occupé par Monsieur H______ ainsi que le fils de ce dernier, Monsieur I______.

Le jour de la convocation, M. A______ était arrivé en avance et s'était montré révolté et peu collaborant. Il avait signé les documents « Déclaration de biens mobiliers » et « Déclaration de biens immobiliers », mais avait refusé de signer les procurations, ajoutant au stylo sur celles-ci qu'il ne pensait pas ces documents valables. Il avait aussi refusé catégoriquement la visite domiciliaire.

Il était résulté des recherches effectuées par ailleurs que M. A______ était détenteur d'un véhicule de marque et de modèle Audi A6 2.8 l immatriculé dans le canton de Valais, avec un domicile au ch. des J______ à K______ (Valais).

MM. H______ et I______ étaient domiciliés selon l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) à la rue G______, chez
M. A______.

En outre, les retraits effectués par M. A______ dans des distributeurs automatiques depuis l'octroi des prestations d'aide financière l'avaient été à Genève (en particulier à la gare de Cornavin) mais aussi à Vevey, Aigle ou Montreux.

8) Par décision déclarée exécutoire nonobstant opposition du 6 mai 2019, le service de réinsertion professionnelle (ci-après : SRP) de l'hospice a mis fin aux prestations d'aide financière allouées à M. A______, avec demande de restitution de la somme de CHF 27'152.45.

Il avait refusé de signer les procurations en faveur du service des enquêtes et avait refusé qu'il soit procédé à une visite domiciliaire. Il résultait du rapport d'enquête qu'il n'habitait pas à l'adresse annoncée à l'hospice. Il était en outre détenteur d'un véhicule immatriculé dans le canton du Valais.

Sa résidence effective à Genève n'était dès lors pas confirmée, et il avait contrevenu à son devoir d'information et de collaboration.

Lors d'un entretien avec une conseillère en insertion professionnelle le 16 mars 2019, il avait été rappelé à ses devoirs imposés par la LIASI, mais avait refusé en toute connaissance de cause de se soumettre à l'enquête.

Il avait obtenu indûment des prestations pour un montant de CHF 27'152.45, lesquelles devaient par conséquent être remboursées.

9) Le 9 mai 2019, M. A______ a formé opposition à l'encontre de la décision précitée, opposition qu'il a complétée en date du 3 juin 2019.

Il n'avait pas totalement refusé de signer les procurations demandées. Son refus était basé sur la méthode de l'enquêteur, qui lui avait demandé de signer deux documents, puis plusieurs autres sans l'informer au départ sur le déroulement de l'entretien et les différents types de documents à signer. Il était cependant prêt à collaborer et à signer les procurations du service des enquêtes « en respect de la loi et de la dignité de [s]a personne ». Concernant la visite domiciliaire, il n'avait que demandé la base légale, ce à quoi l'enquêteur n'avait pas su répondre, mais il n'avait pas refusé la visite.

Il ne savait pas sur quels éléments l'hospice retenait qu'il n'habitait pas à Genève. Il confirmait y habiter, être au bénéfice d'un contrat de bail et y payer ses impôts.

Le véhicule dont il était question dans la décision attaquée datait de 1999 et était sans valeur. Il avait déposé les plaques de cette voiture qui avait été à la disposition de sa fille en Valais, et il avait probablement oublié de cocher une case dans un des formulaires qu'il avait remplis.

Sa conseillère en insertion professionnelle ne l'avait « pas averti sur les conséquences ». Son stage de réinsertion professionnelle à la police avait commencé le 2 janvier 2019. La police genevoise souhaitait prolonger ledit stage de six mois ; vu son âge et la nécessité pour lui de retrouver une activité, il était d'accord avec une telle prolongation, qui pouvait lui permettre de trouver un travail fixe.

Il était donc prêt à collaborer avec les services de l'hospice pour l'obtention de tout renseignement sur sa personne, mais demandait l'annulation de la décision de remboursement car il n'avait pas les moyens de rembourser une telle somme.

10) Le 5 juillet 2019, l'hospice a rejeté l'opposition de M. A______.

Lors d'un entretien téléphonique s'étant déroulé le 21 décembre 2018, la conseillère de M. A______ lui avait fait part de ce qu'elle avait appris que son frère vivait à la même adresse que lui. Il avait alors déclaré ne pas savoir qu'il était tenu de déclarer la présence de son frère dans son appartement, ajoutant ne pas vivre sur place, et ne trouvant absolument pas grave d'avoir menti à l'hospice sur ce point.

Il ne s'était pas présenté, sans s'excuser, à l'entretien de suivi du 4 février 2019. Le 19 mars 2019, sa conseillère l'avait confronté au contenu du rapport d'enquête. Il avait réfuté ce qui y figurait et répété qu'il refusait de signer les procurations car il estimait qu'il s'agissait de sa vie privée. Il avait été informé qu'au vu de ce comportement et du contenu du rapport, il serait mis fin à son droit aux prestations et que le remboursement de celles-ci allait lui être demandé.

M. A______ avait refusé de collaborer avec le service des enquêtes et d'autoriser la visite de son domicile, alors qu'il y était tenu ; ce qu'il savait puisque cela était prévu dans la formule « Mon engagement ». Il était ressorti de l'enquête menée qu'il n'était pas domicilié à l'adresse indiquée dans sa demande de prestations et n'avait donc pas établi avoir de résidence à Genève. Le contrat de bail à son nom n'y changeait rien. Le fait que la plupart de ses retraits d'argent aient lieu à la gare de Cornavin ainsi qu'à Montreux, Aigle et Vevey était un indice de plus de son absence de résidence à Genève. C'était ainsi de manière légitime que le SRP avait mis fin aux prestations.

S'agissant de la restitution de l'aide financière, dans la mesure où les prestations lui avaient été versées, du 1er mai 2018 au 31 janvier 2019, sur la foi d'une information incorrecte concernant son domicile, c'était aussi à juste titre qu'elle était demandée. Le montant n'était pas contesté. Quant à une remise, il n'avait pas formulé de conclusions en ce sens (sic), mais à toutes fins utiles il était précisé que les conditions n'en étaient pas remplies, la violation de l'obligation de renseigner ne lui permettant pas de se prévaloir de sa bonne foi.

11) Le 7 août 2019, M. A______ a écrit au directeur de l'hospice. Il voulait répondre aux « accusations » contenues dans la décision sur opposition.

Son frère H______ vivait avec son amie, Madame L______, à la rue M______. Il s'était installé en septembre 2018 dans son appartement car il était atteint d'un cancer en phase finale. Il avait été hospitalisé à l'hôpital de Bellerive à fin décembre 2018 et était décédé en mars 2019. M. I______ n'avait jamais habité l'appartement, mais vivait à N______ (Vaud) ; ils avaient seulement une boîte aux lettres chez lui. Il joignait une attestation signée par Mme L______, ainsi que, au sujet de son véhicule, le permis de circulation de celui-ci établi le
26 septembre 2017 par l'autorité valaisanne compétente.

12) Par acte posté le 19 août 2019, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée, concluant préalablement à la comparution personnelle des parties et, principalement, à l'annulation de la décision attaquée et à la dispense de devoir rembourser la somme de CHF 27'152.45, ainsi qu'à l'octroi de « dépens ».

Il avait déposé une demande à l'hospice sur recommandation de son conseiller de l'office cantonal de l'emploi, car il était en fin de droit auprès de l'assurance chômage. Lors de son inscription, il avait confirmé qu'il vivait séparé de son épouse, qu'il habitait Genève, qu'il travaillait auprès de la police dans le cadre d'un contrat d'insertion professionnelle, que la famille avait un vieux véhicule sans valeur, et que sa femme restée en Valais était au bénéfice d'une rente pleine de l'assurance-invalidité. Sur la base de ces informations, la collaboratrice de l'hospice lui avait indiqué qu'il aurait droit aux prestations comme il vivait séparé de sa famille, et que le véhicule n'avait pas besoin d'être mentionné car il n'avait aucune valeur, ayant plus de dix ans et 400'000 km au compteur.

Il avait également produit ses relevés bancaires et indiqué avoir mis son appartement à disposition de son frère malade, lequel était décédé le 4 mars 2019. Il en découlait qu'il s'était conformé à son obligation de collaboration et de renseignement.

Il n'avait pas pu s'exprimer avant que la décision du 6 mai 2019 ne soit rendue, si bien que celle-ci violait son droit d'être entendu et était arbitraire.

S'agissant de la remise, il avait été de bonne foi, et il ne pouvait à l'évidence pas rembourser le montant réclamé.

13) Le 31 octobre 2019, l'hospice a conclu au rejet du recours, reprenant largement la motivation contenue dans sa décision sur opposition.

M. A______ avait été averti lors de l'entretien avec son assistante sociale du 19 mars 2019 des conséquences de son refus de collaborer avec le service des enquêtes, et il avait persisté dans son attitude. Il n'avait par ailleurs jamais informé l'hospice au sujet de la possession d'un véhicule, ni de la mise à disposition de son appartement.

S'agissant de la remise, l'examen de la bonne foi devait s'effectuer au moment des faits. Il résultait de l'énoncé de ceux-ci que M. A______ avait failli à son obligation de renseigner et ne pouvait donc être considéré comme de bonne foi.

14) Le 25 novembre 2019, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 20 décembre 2019 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

15) Le 19 décembre 2019, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Il avait bien fait les déclarations mentionnées dans son acte de recours. En revanche, il n'avait jamais dit qu'il « ne trouvait absolument pas grave d'avoir menti ». Il ne s'était pas rendu au rendez-vous qu'il avait manqué en raison de l'état de santé de son frère. Ce dernier avait été accueilli dans son appartement pour un séjour de très courte durée. Son deuxième frère n'avait jamais vécu dans l'appartement.

M. A______ joignait diverses pièces, notamment des attestations prérédigées par ses soins mais signées de quatre voisins affirmant qu'il habitait bien rue G______, ainsi qu'un courrier émanant de son bailleur lui confirmant la résiliation anticipée de son bail pour le 31 août 2019.

16) L'hospice ne s'est quant à lui pas manifesté.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 52 LIASI.

2) Le litige a trait à la demande de restitution des prestations d'aide financière accordées par l'intimé au recourant entre le 1er mai 2018 au 31 janvier 2019, d'un montant total de CHF 27'152.45, qui n'est pas contesté en tant que tel, ainsi que l'absence de remise en faveur de l'intéressé.

3) Le recourant sollicite au préalable sa comparution personnelle.

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2). Ce droit n'empêche cependant pas la juridiction saisie de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 136 I 229 consid. 5.2).

b. Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

c. En l'espèce, le recourant, qui n'a pas de droit à être entendu oralement, a pu se prononcer par écrit tant devant l'autorité intimée et l'instance précédente que devant la chambre de céans, qui dispose d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause, tout comme le TAPI avant elle. Le recourant n'explique de plus pas en quoi son audition permettrait d'apporter un quelconque élément décisif supplémentaire par rapport à des pièces ou des observations écrites.

Dans ces circonstances, il ne sera pas donné suite à sa demande de comparution personnelle devant la chambre administrative.

4) a. Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L'art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

b. En droit genevois, la LIASI et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l'aide sociale individuelle sont l'accompagnement social, des prestations financières et l'insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n'est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d'aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI). Elles sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

5) À teneur de l'art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (let. a), ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) et répondent aux autres conditions de la loi (let. c).

Il s'agit de l'aide financière ordinaire. Les trois conditions à remplir sont cumulatives. La condition du domicile et de la résidence effective sur le territoire du canton de Genève est une condition cumulative qui a pour effet que des prestations d'aide financière complète ne sont accordées qu'aux personnes autorisées à séjourner dans le canton de Genève, soit aux personnes d'origine genevoise, aux confédérés et aux étrangers bénéficiant d'un titre de séjour (ATA/1662/2019 du 12 novembre 2019 consid. 6a ; ATA/817/2019 du 25 avril 2019 consid. 3b).

La notion de domicile est, en droit suisse, celle des art. 23 et 24 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), soit le lieu où une personne réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 in initio CC). La notion de domicile contient deux éléments : d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances. Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2 ; 136 II 405 consid. 4.3 ; 134 V 236 consid. 2.1). Ce n'est pas la durée du séjour à cet endroit qui est décisive, mais bien la perspective d'une telle durée (arrêts du Tribunal fédéral 5A.398/2007 du 28 avril 2008 consid. 3.2 ; 5A.34/2004 du 22 avril 2005 consid. 3.2). Du point de vue subjectif, ce n'est pas la volonté interne de la personne concernée qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire qu'elle a cette volonté (ATF 137 II 122 consid. 3.6 = JdT 2011 IV 372 ; 133 V 309 consid. 3.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 5A.398/2007 précité consid. 3.2).

6) a. Le demandeur doit fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/365/2020 du 16 avril 2020 consid. 4a ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a).

Le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

b. Selon l'art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3). L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l'hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 5).

c. Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/93/2020 précité consid. 3c et les références citées).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/365/2020 précité consid. 4 ; ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2). Les bénéficiaires des prestations d'assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l'administration, notamment en ce qui concerne l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit. Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d'apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l'entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l'objet d'une demande de remboursement (ATA/947/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3d).

7) Le bénéficiaire de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI). De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l'assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4).

Selon la jurisprudence de la chambre administrative, un assuré qui viole ses obligations d'informer l'hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La bonne foi doit être niée quand l'enrichi pouvait, au moment du versement, s'attendre à son obligation de restituer parce qu'il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l'attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3).

8) a. En l'espèce, le recourant a perçu l'aide financière de l'intimé du 1er mai 2018 au 31 janvier 2019.

b. Le rapport d'enquête du 12 février 2019 retient que le recourant ne vivait pas à la rue J______ à Genève, mais était domicilié dans le Valais, et que le logement était en fait occupé par Monsieur H______ ainsi que le fils de ce dernier, Monsieur  I______. La décision sur opposition retient quant à elle que
M. A______ n'avait pas établi avoir de résidence à Genève.

Le bail de l'appartement de deux pièces a été conclu avec le recourant à partir du 15 décembre 2009. Son frère puis son neveu y ont eu leur domicile selon le registre de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Ils avaient du reste tous deux leurs initiales sur la boîte aux lettres, et lors de l'enquête de voisinage, l'enquêteur a indiqué que selon les voisins, le recourant habitait dans le Valais. De plus, en juin 2017, le permis de circulation du véhicule du recourant mentionnait un domicile de celui-ci à K______, ce que confirment ses retraits d'argent de l'époque. Lors de son inscription à l'hospice, le recourant a fait état de ce que son épouse et ses enfants habitaient le Valais, et qu'il n'était pas séparé de son épouse mais ne voulait revenir habiter avec elle que lorsqu'il aurait retrouvé une activité lucrative. Quant à ses retraits d'argent en 2018, ils ont souvent eu lieu à la gare de Cornavin - ce qui ne revêt qu'un assez faible poids - mais aussi, moins souvent mais plus significativement, à Vevey, Montreux et Aigle.

Face à ce faisceau d'indices convergents, les explications du recourant ont été fluctuantes ; elles n'emportent pas conviction. Il explique ainsi que son frère H______ n'a séjourné que très brièvement dans l'appartement, soit d'octobre à décembre 2018, en raison de son état de santé, et qu'auparavant il habitait à la rue M______. Pourtant, M. H______ était déjà auparavant inscrit auprès de l'OCPM comme habitant la rue J______. L'on ne comprend quoi qu'il en soit ni pourquoi il aurait dû déménager dans un quartier voisin en raison de ses problèmes de santé, ni pourquoi il aurait eu besoin d'une boîte aux lettres chez son frère s'il habitait lui-même le même canton et la même commune. La raison pour laquelle le neveu du recourant avait besoin d'une boîte aux lettres chez son oncle à Genève n'a pas non plus été explicitée. Enfin, le recourant, qui ne conteste pas avoir vécu à K______ la plupart des années entre 2009 et 2018, ne donne aucun élément permettant de penser que l'appartement aurait été occupé par d'autres personnes que son frère ou son neveu, ne mentionnant par exemple pas avoir jamais eu de sous-locataire.

Fait encore plus important, le recourant a refusé qu'une visite domiciliaire soit effectuée. Il apparaît en effet invraisemblable que l'intimé ait renoncé à une telle visite si le recourant a simplement, comme il le prétend, demandé à connaître la base légale d'une telle pratique, sans manifester ouvertement de refus.

Il découle de ce qui précède que l'intimé était légitimé à retenir que le recourant n'avait pas sa résidence effective à Genève.

c. Même si le frère du recourant n'était venu vivre que quelques mois chez lui - ce qui serait singulier dès lors qu'il s'agissait d'un appartement de deux pièces -, le recourant aurait dû l'annoncer à l'intimé, ce qu'il n'a pas fait.

De même, il a coché la case du formulaire selon laquelle il ne possédait aucun véhicule. S'il allègue que tel a été le cas après discussion avec l'assistante sociale présente, il n'arrive pas à en faire la démonstration.

Ce faisant, le recourant a violé son obligation de renseigner et de collaborer, contrevenant aux devoirs que lui imposait la LIASI.

L'intimé était par conséquent fondé à lui demander la restitution des montants versés entre le 1er mai 2018 et le 31 janvier 2019.

En refusant de signer les procurations en faveur du service des enquêtes, le recourant a empêché l'hospice de vérifier l'exactitude de sa situation et, par voie de conséquence, les droits de l'intéressé, notamment le bien-fondé des montants qui lui ont été versés durant la période susmentionnée. C'est dès lors à bon droit que l'hospice a considéré les prestations dont l'intéressé a bénéficié comme ayant été perçues indûment et que l'intimé a fait porter la demande de remboursement sur l'entier de la période précitée.

d. La violation du devoir de renseigner et de collaborer du recourant implique par ailleurs, au vu de la jurisprudence susmentionnée, qu'il ne remplit pas la condition nécessaire et cumulative de la bonne foi pour se voir octroyer une remise sur le montant dû. Le montant à rembourser ne peut dès lors pas être limité et doit porter sur l'entier des prestations allouées, comme ci-dessus mentionné.

Pour le surplus, l'action en restitution n'est pas prescrite, dès lors que l'hospice l'a intentée dans les cinq ans à partir du jour où il a eu connaissance des faits qui ont ouvert le droit au remboursement, à savoir lors de la réception du rapport établi le 12 février 2019 par le service des enquêtes (art. 36 al. 5 LIASI). En outre, le droit au remboursement n'est pas non plus prescrit, celui-ci s'éteignant au plus tard dix ans après la survenance des faits (art. 36 al. 5 LIASI ; ATA/1083/2016 du 20 décembre 2016). Le recourant ne soutient d'ailleurs pas le contraire.

En tous points mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

9) Vu la nature et l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 août 2019 par Monsieur A______ contre la décision sur opposition de l'Hospice général du 5 juillet 2019 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Verniory et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

Ch. Ravier

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :