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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2463/2019

ATA/390/2020 du 23.04.2020 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2463/2019-EXPLOI ATA/390/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 avril 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Marco Rossi, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR

 



EN FAIT

1) Par décision du 16 octobre 2017, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a autorisé Madame A______ à exploiter l'établissement à l'enseigne « B______ », situé______

2) a. Par pli du 12 avril 2019, le PCTN a informé Mme A______ de son intention de révoquer son autorisation. La société C______, propriétaire de l'établissement et employeur des personnes y travaillant, avait du retard dans le paiement de ses contributions sociales, le total de ses arriérés au 1er février 2019 s'élevant à CHF 119'039.-. Elle avait également une année de retard dans le paiement des cotisations sociales pour la prévoyance professionnelle de ses employés, les cotisations LPP n'étant payées que jusqu'au 31 décembre 2017.

Le PCTN sollicitait la production d'un certain nombre de documents.

b. Par pli du même jour, le PCTN a interpellé C______.

3) a. Mme A______ n'a pas fait usage de son droit d'être entendue à la suite du courrier précité.

b. Le 25 avril 2019, C______ a indiqué avoir versé quelques CHF 20'000.- auprès de la caisse de compensation Gastrosocial le 23 avril 2019. Un nouveau versement interviendrait le 15 mai 2019. Elle s'engageait à respecter le plan de paiement que Gastrosocial allait mettre en oeuvre. Étaient jointes des preuves de paiement de CHF 19'963.20.

4) Par décision du 28 mai 2019, le PCTN a révoqué l'autorisation d'exploiter l'établissement à l'enseigne « B______ ».

5) Par acte du 28 juin 2019, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée. Elle a conclu à son annulation. Préalablement Monsieur D______, administrateur d'C______, devait être auditionné.

L'existence d'arriérés n'était pas contestée. Une partie du montant avait toutefois déjà été réglée. Des discussions avec le créancier se poursuivaient. Les cotisations devraient être rapidement mises à jour. Au vu de l'intérêt public au paiement des charges sociales des employés et du principe de la proportionnalité, le PCTN aurait dû renoncer à révoquer l'autorisation.

La cause a été enregistrée sous les références A/2463/2019.

Le même jour, Mme A______ a recouru contre la révocation de son autorisation d'exploiter le « E______ », sis ______. La problématique était identique, le propriétaire et employeur étant le même que pour le B______. Cette cause a été ouverte sous les références A/2464/2019. Les causes ont été instruites en parallèle.

6) Le PCTN a conclu au rejet du recours.

C'était dans le cadre d'une requête visant la création d'un établissement à l'enseigne « F______ », sis ______, déposée par C______ en qualité de propriétaire et Mme A______ en qualité d'exploitante, que les retards dans les cotisations sociales étaient apparus, quand bien même la requête indiquait que les cotisations AVS / AI / LPP étaient à jour.

Il n'était pas démontré que les cotisations litigieuses étaient aujourd'hui à jour. Des pièces continuaient à faire défaut.

7) Par courrier du 20 septembre 2019, la recourante a sollicité une prolongation de délai. De nombreux changements étaient intervenus, notamment le départ à l'étranger de l'administrateur, la résiliation de son mandat et un projet de vente du E______ afin d'assainir la situation financière de la société.

8) Dans le délai, prolongé, pour la réplique, la recourante a indiqué que CHF 60'000.- avaient récemment été payés pour combler les arriérés de cotisations sociales. C______ avait vendu le fonds de commerce du E______, moyennant l'obtention d'un transfert de bail et d'une autorisation d'exploitation. Selon le contrat, l'acheteur verserait la première part du prix de vente, à savoir CHF 68'000.-, directement auprès de Gastrosocial.

Elle sollicitait la tenue d'une audience et renonçait à l'audition de M. D______.

9) Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 12 décembre 2019, la recourante a produit des avis de versement pour CHF 70'000.-, des preuves de la radiation de la requête de faillite dirigée contre C______ et de radiation des avis de défaut de biens contre la société. Deux paiements restaient en suspens, pour une valeur totale de CHF 14'809.15 représentant des cotisations courantes. Des discussions étaient en cours avec le PCTN.

10) a. Dans le délai imparti pour tenir la chambre de céans informée des suites données par les parties au litige, le PCTN a maintenu ses conclusions. Il n'avait pas la preuve que l'entier des cotisations dues avaient été acquittées.

b. La recourante a produit deux avis de versement en CHF 8'000.- et 7'540.-. La révocation de l'autorisation d'exploiter n'était plus justifiée. Un nouveau bail était sur le point d'être établi. Il devrait déployer ses effets dès le 1er février 2020.

11) a. Dans le cadre d'un ultime échange d'écritures, le PCTN a relevé qu'il existait un changement de propriétaire du E______ dès le 1er février 2020. Confirmer le bien-fondé de la décision restait nécessaire. À défaut, la recourante pourrait faire recours contre la décision de constat de la caducité au moment du changement de propriétaire. Indépendamment des arriérés auprès de Gastrosocial, C______ conservait plus de deux ans de retard en matière de cotisations LPP. La décision était fondée.

b. La recourante a produit des pièces complémentaires. Seuls CHF 6'000.-, soit les cotisations courantes, étaient encore arriérées en matière de LPP. Les paiements étaient, dans l'ensemble, à jour. Gastrosocial ne pouvait toutefois pas attester que l'ensemble des charges paritaires étaient payées, C______ n'ayant pas encore fait la déclaration idoine. Le B______ était toujours en activité.

12) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 66 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 - LRDBHD ; art. 62 al. 1 du règlement d'exécution de la LRDBHD du 28 octobre 2015 - RRDBHD - I 2 22.01 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA -
E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du PCTN du 28 mai 2019 révoquant l'autorisation de la recourante d'exploiter l'établissement.

3) a. La LRDBHD règle les conditions d'exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l'hébergement ou encore au divertissement public (art. 1 al. 1 LRDBHD).

b. L'art. 8 LRDBHD soumet l'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons et à l'hébergement, soit notamment les cafés-restaurants et bars (art. 5 al. 1 let. a LRDBHD), à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département (al. 1), qui doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie ou de lieu, agrandissement et transformation, changement d'exploitant ou de propriétaire de l'entreprise, ou modification des conditions de l'autorisation antérieure (al. 2).

Selon l'art. 9 let. e LRDBHD, qui fixe les conditions relatives à l'exploitant, soit la ou les personnes physiques responsables de l'entreprise, qui exercent effectivement et à titre personnel toutes les tâches relevant de la gestion de celle-ci (art. 3 let. n LRDBHD), l'autorisation d'exploiter une entreprise est délivrée notamment à condition que l'exploitant offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l'entreprise est exploitée conformément aux prescriptions en matière de sécurité sociale et de droit du travail.

L'autorisation d'exploiter l'entreprise est délivrée notamment à condition que son propriétaire offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l'entreprise est exploitée conformément aux prescriptions en matière de sécurité sociale et de droit du travail. S'il est l'employeur des personnes qui travaillent au sein de l'entreprise, le propriétaire doit en outre démontrer au moyen d'une attestation officielle ne pas avoir de retard dans le paiement des cotisations sociales. Lorsque le département est en possession d'indices factuels permettant de présumer le non-respect des conditions de travail en usage, le département demande au propriétaire employeur de signer auprès de l'office l'engagement de respecter les conditions de travail en usage à Genève et fait dépendre sa décision de la signature dudit engagement (art. 10 LRDBHD).

Selon l'art. 20 al. 3 let. d RRDBHD, doit notamment être joint, pour l'examen des conditions relatives au propriétaire, une attestation prouvant que le propriétaire s'est acquitté envers ses employés des prestations sociales (AVS/AI/LPP) durant les douze derniers mois précédant le dépôt de la requête (si le propriétaire est employeur, respectivement a été employeur).

L'autorisation d'exploiter est révoquée par le département lorsque les conditions de sa délivrance ne sont plus remplies, ainsi qu'en cas de non-paiement de la taxe annuelle prévue par la présente loi (art. 14 LRDBHD).

4) En 2018, la chambre de céans a jugé une affaire portant sur le refus d'octroyer une autorisation d'exploiter pour retard dans le paiement des cotisations sociales. Il ressortait des pièces du dossier que l'intéressé était en retard dans le versement des cotisations sociales de ses employés pour la période du 1er mars au 31 décembre 2016 ; les conditions fixées par l'art. 10 LRDBHD n'étaient donc pas remplies, et le PCTN était ainsi fondé à refuser l'autorisation sollicitée. En revanche, le recourant dans cette affaire avait produit devant la chambre administrative des pièces attestant que la société propriétaire était désormais en règle avec les cotisations sociales, si bien que le recours devait être admis (ATA/358/2018 du 17 avril 2018 consid. 3c et 4).

5) En l'espèce, les discussions et les nombreux paiements intervenus au cours de la procédure n'ont pas permis de trouver une solution consensuelle au litige ni de solder les arriérés.

La recourante ne conteste pas qu'au moment de la décision, le propriétaire de l'établissement accusait des retards dans le paiement des cotisations sociales auprès des assurances d'un montant supérieur à CHF 100'000.-. Le propriétaire n'est par ailleurs toujours pas en mesure de produire ce jour l'attestation prévue à l'art. 20 al. 3 let. d RRDBHD. La décision de l'autorité intimée est en conséquence fondée, les conditions pour l'autorisation d'exploiter un établissement n'étant plus remplies (art. 9 let. e et 10 LRDBHD). S'agissant de l'absence d'une condition légale nécessaire et cumulative, il n'y avait pas lieu d'examiner la proportionnalité de la décision de révocation (ATA/1214/2018 du 13 novembre 2018 consid. 2d).

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

6) Un émolument de procédure de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, et aucune indemnité de procédure ne sera allouée vu l'issue du recours (art. 87 LPA).


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 juin 2019 par Madame A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 28 mai 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de procédure de CHF 1'000.- ;

dit qu'aucune indemnité de procédure n'est allouée ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marco Rossi, avocat de la recourante, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Cuendet, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière:

 

 

P. Hugi

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :