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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/444/2020

ATA/350/2020 du 16.04.2020 ( MARPU ) , REFUSE

Parties : ASSOCIATION UNIMOBILITY GENEVE / DEPARTEMENT DES INFRASTRUCTURES, DONKEY REPUBLIC
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/444/2020-MARPU ATA/350/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 16 avril 2020

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

ASSOCIATION UNIMOBILITY GENÈVE
représenté par Me Guillaume Etier, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES INFRASTRUCTURES
représenté par Me Tobias Zellweger, avocat

et

DONKEY REPUBLIC ADMIN APS

 

 



Vu, en fait, l'appel d'offres publié le 17 octobre 2019 par le département des infrastructures (ci-après : le département), en procédure ouverte, soumise à l'accord GATT/OMC, sur le site Simap relatif au projet « Réseau de vélos en libre-service pour le canton de Genève en partenariat avec les communes» ; il concernait l'attribution d'une concession de mise en place et d'exploitation d'un réseau de stations de vélos en
libre-service, sur le territoire des communes partenaires ; le marché devait prendre effet le 1er juin 2020, pour une durée de sept ans ; il n'y aurait aucune participation financière de l'autorité concédante, à part la réduction exceptionnelle du coût de l'usage du domaine public ;

que, selon l'art. 3.9 des conditions administratives (ci-après : CA), la sous-traitance était admise mais limitée à une implication du sous-traitant de maximum 49 % ;
l'art. 4.6 CA spécifiait les critères d'adjudication et leur pondération ;

que le cahier des charges prévoyait que le concessionnaire devait offrir un réseau de vélos en libre-service en adéquation avec l'interopérabilité du réseau genevois avec les réseaux vélos en libre-service existants et à venir, la proximité des générateurs de trafic importants (notamment les entreprises, écoles supérieures et services publics) ; l'offre tarifaire devait être attractive pour les usagers et établie sur le base d'un plan financier crédible et solide (art. 2.2 cahier des charges) ;

que devaient être fournies, notamment, une annexe P2, comportant des attestations des assurances sociales obligatoires démontrant l'affiliation du soumissionnaire et son respect des obligations légales ainsi que la preuve du respect des usages professionnels et des conditions de base relatives à la protection des travailleurs ;

que, selon l'art. 2.3 du cahier des charges, le soumissionnaire devait produire des documents démontrant, notamment, des garanties suffisantes qu'il était en mesure d'exploiter et de gérer un réseau de vélos en libre-service d'un minimum de cinquante stations, dont au moins trente-cinq sur le territoire de la Ville de Genève avec un maillage cohérent et de deux-cents vélos au plus tard dès le 1er juin 2020 ; la proportion de vélos mécaniques devait être d'au minimum 30 % sur l'ensemble du réseau (let. c) ; les garanties que l'accès au réseau de vélos en libre-service se ferait avec une technologie « RFID ou similaire mais au moins compatible au SwissPass dès le 1er juin 2020, la compatibilité avec le système OùRA étant souhaitée au plus tard le 31 mai 2022 » (let. m) ; un modèle financier dont les recettes étaient réinjectées prioritairement dans la gestion du réseau de vélos en libre-service du canton (let. o) ; un business plan crédible, détaillé année par année (let. q) ;

qu'aux termes de l'art. 6.6 du cahier des charges, si le concessionnaire choisissait un système sans attaches ou mixte, il devait privilégier un système qui avait des caractéristiques fiables pour lutter contre le vol ou le vandalisme ; le concessionnaire devait justifier son choix avec des chiffres à l'appui, la préférence étant donnée au système démontrant, statistiques à l'appui, un risque moindre de vol ou de vandalisme ;

que le client devait pouvoir accéder facilement aux produits proposés, que ce soit sur le web ou par smartphone, auprès d'un point de vente ou auprès de partenaires (entreprises, hôtels etc.) ; le paiement devait pouvoir être effectué par carte de crédit ou débit, au moyen d'un lecteur à puce ainsi que sans contact et si possible par smartphone avec une application telle que twint ; l'accès aux produits devait être « facile, « sans lourde formalité » ; « l'usager devrait pouvoir arriver devant la station et louer un vélo directement, sans faire de transactions en relation avec un guichet d'enregistrement » ; il devait pouvoir emprunter un vélo en peu de temps (art. 7.2 cahier des charges) ;

que lors de la séance de questions-réponses du 1er novembre 2019, il a été précisé que la compatibilité avec le SwissPass et le système OùRa n'était pas une obligation, mais le soumissionnaire devait démontrer que le système proposé était au moins équivalent aux caractéristiques du « RFID » ;

qu'Unimobility Genève (ci-après : Unimobility) est une association constituée le 11 novembre 2019, inscrite le 29 novembre 2019 au Registre du commerce du canton de Genève ;

que, le 29 novembre 2019, elle a déposé une offre pour le réseau de vélos en
libre-service ; elle n'a produit aucune pièce ni explication faisant état de l'expérience dont disposait ses membres pour réaliser la soumission ; elle a fondé son business plan sur un sponsoring à hauteur de CHF 4,5 millions pendant les quatre premières années pour CHF 1 million de francs pour les deux années suivantes ; elle prévoyait des entrées liées à la vente d'abonnements de CHF 380'000.- la première année, revenu qui devait doubler en 2021 et en 2022 et être stable à compter de 2023 ; elle prévoyait également la vente des stations pour environ CHF 500'000.- par année et le bénéfice de subsides de CHF 100'000.- par année ; les vélos seraient équipés d'une puce GPS afin de les localiser ; un bonus serait accordé favorisant le retour des vélos électriques dans les stations avec accroches, les vélos garés en dehors des espaces délimités resteraient sous la responsabilité des usagers ; la réalisation des vélos n'était pas possible avant la signature du contrat, mais elle prenait le risque de commander la production d'au minimum deux-cents vélos pour le mois de mai 2020 ;

qu'elle a produit une lettre de soutien de l'Aéroport international de Genève
(ci-après : AIG), s'engageant, si la candidature d'Unimobility était retenue, à la soutenir sous forme d'un partenariat et/ou d'un sponsoring à définir, étant précisé que ce soutien n'avait pas de caractère d'exclusivité ; de même, les Services industriels de Genève
(ci-après : SIG) indiquaient être « favorables à la mise en place d'un système de VLS » ; ils soutenaient le projet d'Unimobilty, qui leur paraissait sérieux, ambitieux et crédible ;

qu'il ressort de son offre que ses ressources financières sont les cotisations de ses membres, les dons et legs, les aides financières publiques et privées, la vente des abonnements et des stations ; elle prévoyait de collaborer avec plusieurs entités dont Genèveroule, qui s'occuperait du stockage des vélos, de la participation au déploiement de ceux-ci, du service d'entretien des vélos et stations, de la réparation des vélos, de l'équilibrage des vélos et de la hotline et du service client ; d'autres sociétés, telles que Wattworld SA, Pro Entreprise Sociale Privée, Vélo Truck, Fondation des ateliers Feu-Vert, Espace entreprise, le centre de formation professionnelle, Mobilidée et Citec, se chargeraient de la fourniture de l'ensemble des vélos, des pièces de rechange pour les vélos et les stations, de la mise à disposition de la solution informatique, de la formation technique aux partenaires d'exploitation, de l'intervention sur les stations en cas d'urgence, du support technique au service client, aux diverses études et demandes d'autorisation pour l'installation des stations, au stockage des stations, à la réparation des stations en atelier de l'intervention sur les stations privées, du support ponctuel en cas de besoin urgent, du nettoyage et de la remise en état des stations, du rangement des vélos, du contrôle du bon fonctionnement, de la campagne initiale de communication, de la création du site web et des pages de réseaux sociaux, de l'organisation d'action de promotion, du suivi marketing, de l'analyse des flux des usagers, de la définition et de l'emplacement des stations (offre d'Unimobility, p. 12ss) ; ses partenaires d'exploitation seraient Wattworld SA, Genèveroule et Espace entreprises ;

qu'Unimobilty se chargerait, notamment, de la supervision des divers prestataires, du financement, de la comptabilité, des aspects juridiques, de présenter les rapports d'exploitation et de la supervision du service client (offre, p. 12) ;

qu'elle a expliqué lors de son audition par le département (PV du 8 janvier 2020) que ce ne serait que lorsqu'elle serait adjudicataire qu'elle pourrait apporter la preuve du financement, qu'elle n'avait pas pu produire l'attestation de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, car elle n'avait pas encore d'employés ; Wattworld SA proposait le système, Genèveroule s'occuperait de l'exploitation et elle du pilotage du dossier ; Unimoblity pensait que certaines communes fourniraient l'emplacement équipé en électricité ;

que Donkey Republic Admin APS (ci-après : Donkey), société fondée en 2012 dont le siège se trouve à Copenhague et dont le but est de mettre en place un service mondial de location de vélos en libre-service alimenté par l'application donkey, a également déposé le 29 novembre 2019 une offre ; son dossier, notamment les pièces requises, était complet ; elle a expliqué qu'elle disposait d'une expérience acquise dans environ cinquante villes européennes ; elle avait inventé un cadenas électronique et un système de vélopartage automatisé en 2015 ; elle mettait à disposition des vélos dont le cadenas se déverrouille avec l'application donkey ; l'infrastructure des stations était ainsi minimaliste et permettait la création de stations virtuelles, dans l'idée de permettre à l'utilisateur d'avoir accès à une place de parking toujours proche du lieu auquel il se rendait ; une amende était prévue pour inciter les utilisateurs à remettre le vélo en place en fin de location ; son système n'était pas compatible avec la technologie « RFID », mais permettait un fonctionnement plus flexible, qui ne requerrait pas d'inscription ou de carte ; l'application pouvait être utilisée par n'importe quel smartphone ; elle était en cours d'intégration de la carte Oùra qu'elle pensait pouvoir intégrer comme moyen de paiement avant le 31 mai 2022 ; elle pouvait immédiatement mettre sur le marché cent vélos ; elle a produit un plan financier détaillé ; les recettes liées à l'exploitation du réseau de vélos en libre-service seraient prioritairement reversées pour l'exploitation de celui-ci ;

qu'elle prévoyait également de collaborer avec Genèveroule, qui se chargerait de gérer les opérations, réparer les vélos et effectuer le rééquilibrage ; Donkey s'occuperait du « business development », du marketing et du service clients ;

que, par décision du 23 janvier 2020, le département a informé Unimobility que le marché avait été adjugé à Donkey avec en sous-traitance Genèveroule comme partenaire d'exploitation ; était joint le tableau de synthèse de l'analyse multicritères ; l'offre de Donkey remplissait pleinement les conditions et avait été jugée plus avantageuse selon les critères et exigences fixés ; selon le tableau annexé, Unimobilty avait reçu 370 points et Donkey 402.50 ;

que par acte expédié le 3 février 2020 à la chambre administrative de la Cour de justice, Unimobility a recouru contre cette décision, dont elle a demandé l'annulation ; préalablement, elle a requis l'effet suspensif ;

qu'elle a fait valoir que Donkey avait reçu, pendant la durée de l'appel d'offres, le soutien financier et matériel du pouvoir adjudicateur, du fait que son partenaire Genèveroule avait perçu une subvention de CHF 100'000.-, ce qui était constitutif d'un avantage illicite, violait les principes de la concurrence efficace, de l'impartialité et de l'égalité de traitement et était arbitraire ; elle-même bénéficiait de plusieurs soutiens, dont celui de l'AIG ou encore des SIG ; contrairement à Donkey, elle avait tissé un réseau genevois d'entreprises décidées à favoriser un projet local ; Donkey n'était qu'une
plate-forme, telle qu'Uber ; Donkey était incapable de réaliser le marché public en question ; l'application de Donkey n'était pas compatible avec la technologie « RFID » ni avec le SwissPass ; le système de cadenas proposé par Donkey ne protégeait pas du vol ou du vandalisme ; son produit n'était pas accessible à des points de vente particuliers ; l'évaluation des critères « caractéristiques du réseau », « plan de développement » et « gestion de l'exploitation » était ainsi injustifiée ;

qu'Unimobility a justifié l'octroi de l'effet suspensif par le fait que les vices formels et matériels de la décision querellée étaient tels qu'il ne pouvait être considéré que la procédure d'adjudication avait été respectée et qu'aucun intérêt public ne s'opposait à l'octroi de l'effet suspensif ;

que le département a conclu au rejet de la requête d'effet suspensif ; l'offre de la recourante reposait sur les compétences de ses membres, mais elle n'avait jamais expérimenté leur collaboration ; elle n'avait produit aucune lettre d'intention ou attestation relative aux soutiens financiers qu'elle invoquait ; elle n'avait pas produit non plus l'annexe P2, ne proposait aucun système antivol ou contre le vandalisme pour les vélos garés en dehors des espaces délimités et ne disposait d'aucun vélo ;

que Donkey ne s'est pas déterminée sur effet suspensif dans le délai imparti;

que dans sa réplique sur effet suspensif, Unimobilty a, en sus des arguments déjà avancés, relevé que Donkey était une coquille vide, n'ayant même pas répondu au recours ; Donkey n'exploitait aucun réseau de vélos en libre-service ; elle fournissait uniquement la plate-forme de cadenas connectés ; l'exploitation était systématiquement réalisée par d'autres entités ; lorsque la subvention avait été octroyée à Genèveroule en mars 2019, le chef du département savait déjà qu'un marché public allait être lancé et que Genèveroule comptait y participer en partenariat avec Donkey ;

qu'il apparaissait, selon Unimobility, après consultation des pièces produites par le département, que Donkey n'avait pas produit les propositions de contrats nécessaires pour la concession d'exploitation, n'avait pas démontré qu'elle pouvait exploiter le réseau dans toutes les communes souhaitées ; elle n'avait pas non plus produit un plan de développement s'achevant le 31 mai 2022, mais uniquement un plan de développement s'achevant en 2025/2026 ; Donkey avait répondu non à la question de savoir si le réseau de vélos en libre-service serait à maturité le 31 mai 2020 ; Donkey proposait d'utiliser le mobilier urbain existant et ne faisait aucune proposition d'un design de stations homogènes, identifiables jour et nuit ; Donkey n'avait pas prévu de faire des demandes liées aux autorisations de construire ; l'application « RFID » n'était pas compatible avec l'application donkey, qui était une application « fermée » ; le business plan de Donkey n'était pas crédible ; Donkey admettait qu'un certain nombre de vélos se trouveraient en dehors des périmètres impérativement définis par le cahier des charges ; la sous-traitance n'était autorisée qu'à hauteur de 49% ; or, Donkey sous-traitait l'exploitation du réseau, ce qui représentait bien plus que 49 % des tâches ; les cent vélos que Donkey prétendait pouvoir immédiatement mettre à disposition étaient ceux acquis par Genèveroule grâce à la subvention de l'État ;

que par courrier du 1er avril 2020, la chambre de céans a informé les parties que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, que, interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 15 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01) ;

que la présidente ou vice-présidente de la chambre administrative a compétence pour statuer seule (art. 21 et 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - GE  - E 5 10  ; art. 9 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 26 septembre 2017) ;

qu'aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif ; toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, octroyer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose ;

que l'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; l'effet suspensif doit être refusé au recours manifestement dépourvu de chances de succès et dont le résultat ne fait aucun doute ; inversément, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire, mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/1349/2019 du 9 septembre 2019 ; ATA/446/2017 du 24 avril 2017 consid. 2 ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, p. 317) ;

que la restitution de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics, et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/1349/2019 précité ; ATA/446/2017 précité consid. 2 ; ATA/62/2017 du 23 janvier 2017 consid. 2 ; ATA/793/2015 du 5 août 2015 consid. 2) ;

que l'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP) ; il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) ; ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP) ;

que la jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6), l'appréciation de la chambre administrative ne pouvant donc se substituer à celle de ce dernier, seul l'abus ou l'excès de pouvoir d'appréciation devant être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2) ;

qu'en outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d'appréciation (ATA/1349/2019 du 9 septembre 2019; décision de la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics du 29 juin 1998, publiée in JAAC 1999 p. 136 consid. 3a) ;

qu'en l'espèce, il convient, en premier lieu, de relever que, prima facie, le recours paraît recevable, la recourante ayant lors de son assemblée générale extraordinaire du 28 janvier 2020 décidé de recourir contre la décision d'adjudication et ayant prié ses président et vice-président d'entreprendre les démarches nécessaires à cet égard ;

qu'il y a lieu de retenir, avec la recourante, que l'urgence alléguée par le pouvoir adjudicateur ne saurait, à lui seul, justifier le refus d'octroyer l'effet suspensif au recours ; qu'en effet, si la réalisation du projet est souhaitable depuis de nombreuses années, elle ne présente pas une urgence telle qu'elle justifierait à elle seule le refus de restituer l'effet suspensif ;

qu'il n'en demeure pas moins que s'agissant d'une concession portant sur l'utilisation de vélos en libre-service, celle-ci fait particulièrement sens à l'arrivée des beaux jours, élément dont il convient de tenir compte dans la pesée des intérêts en présence ;

que, cela étant, il apparaît, prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, que le recours ne présente que de faibles chances de succès ;

qu'en effet, la subvention accordée à Genèveroule ne l'a pas été à l'entité adjudicataire ; par ailleurs, la recourante elle-même proposait dans son offre de collaborer avec Genèveroule, de sorte qu'elle ne peut, à première vue et sans préjudice de l'examen au fond, reprocher au département d'avoir adjugé le marché à une société qui, comme elle, entend collaborer avec Genèveroule ; cette critique relève d'un comportement contradictoire, qui ne mérite pas protection (art. 2 al. 2 CC) ;

que, pour le même motif, elle ne peut non plus se prévaloir d'une violation des règles régissant la récusation ; qu'au surplus, le grief est d'autant moins fondé que la recourante indique que ses propres ressources financières proviennent, en partie, d'« aides financières publiques » ;

que la recourante soutient que Donkey aurait délégué plus de 49 % de la réalisation du marché public à un tiers, à savoir Genèveroule, ce qui ne serait pas admissible au regard des CA; qu'il ressort, toutefois, de son offre qu'elle entendait déléguer l'ensemble des tâches à des tiers - dont Genèveroule -, elle-même n'assurant que la supervision des divers prestataires, le financement et les aspects juridiques ; que dès lors qu'elle se propose de déléguer l'essentiel des tâches à des tiers, elle adopte, en critiquant l'offre de Donkey sur ce point, derechef un comportement contradictoire, ne méritant, derechef, pas protection au regard du principe de la bonne foi (art. 2 al. 2 CC);

que, par ailleurs, l'art. 2.3 let. m du cahier des charges indiquait que l'accès au réseau de vélos en libre-service devait se faire avec une technologie « RFID ou similaire mais au moins compatible avec le SwissPass dès le 1er juin 2020 » ; qu'il ressort de ce libellé que l'utilisation de la technologue « RFID » n'était donc pas impérative, ce que le département a confirmé dans les réponses données aux questions écrites en précisant que l'utilisation de cette technique n'était pas obligatoire, mais que le système proposé devait au moins être équivalent aux critères de « RFID » ; qu'ainsi, il n'apparaît, prima facie, pas que le fait que Donkey ne prévoit pas de l'utiliser devait conduire à son exclusion ;

que dans son offre, Donkey a exposé que le système « RFID » avait permis la mise en place des systèmes de vélos en libre-service dans les années 2000, mais que les nouveaux opérateurs préféraient des solutions plus flexibles, comme l'était l'application donkey ; qu'au regard de ces explications, il ne semble, à première vue et sans préjudice de l'examen au fond, pas que le pouvoir adjudicateur ait arbitrairement considéré que l'application proposée par l'adjudicataire était équivalente aux critères de « RFID » ;

que Donkey a exposé, dans son offre, qu'elle avait déjà commencé à mettre en place le SwissPass dans son application et qu'elle espérait qu'il soit actif en avril 2020 ; elle était en discussion avec le chef de projet auprès des CFF ; il serait donc possible de payer avec le SwissPass avec son application dès le 1er juin 2020 ; la recourante critique la formulation choisie par Donkey, à savoir de pouvoir « payer » avec le SwissPass ; si, certes, cette carte n'est pas en tant que telle un moyen de paiement, elle donne accès à des avantages à ses détenteurs, notamment auprès des partenaires des CFF, comme cela ressort de son site internet (https://www.swisspass.ch/faq?lang=fr);

qu'en tant que Donkey a indiqué le nom du chef de projet auprès des CFF avec qui elle était en contact pour que son application soit compatible avec le SwissPass, il n'apparaît, prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, pas que l'autorité adjudicatrice aurait arbitrairement considéré que l'exigence de la compatibilité entre la technologie proposée et le SwissPass serait remplie ;

qu'en outre, Donkey a proposé comme mesures contre le vol et le vandalisme le cadenas électronique, un système de déverrouillage à deux points, le logo figurant sur plusieurs composantes du vélo, la selle ne pouvant pas être enlevée en raison d'un mécanisme caché dans le tube de la selle et la nécessité de disposer d'un outil spécial pour enlever les boulons antivol ; qu'au vu de ces éléments, il n'apparaît pas d'emblée que le pouvoir adjudicateur serait tombé dans l'arbitraire en considérant que les mesures proposées par Donkey seraient propres à diminuer le risque de vol et de vandalisme ;

que l'adjudicataire a exposé le système de stations virtuelles et comment il entendait faire respecter le retour des vélos aux emplacements autorisés (indication claire sur l'application, amende) et la possibilité de les déplacer (par vélo cargo électrique ou van), le système utilisé donnant une vue d'ensemble de l'emplacement des vélos ; que, contrairement à ce que soutient la recourante, il ne peut, à première vue, être déduit de ces indications que Donkey n'a pas pris l'engagement, conformément à l'art. 2.3. let. h du cahier des charges, que les vélos soient stationnés dans un périmètre limité du domaine public conformément aux autorisations reçues ; au contraire, les stationnements, tels que décrits dans l'offre de l'adjudicataire, seront marqués et des dispositions seront prises pour chercher à les faire respecter par les usagers et à retirer du domaine public les vélos mal garés ;

qu'en tant que la recourante fait valoir que l'adjudicataire n'avait pas prévu de faire des demandes d'autorisations de construire et des demandes auprès de la commission des monuments, de la nature et des sites, comme requis à l'art. 2.3 let. i et j du cahier des charges, son grief ne paraît, prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, pas non plus fondé, dès lors que les stations prévues par l'adjudicataire sont soit celles existant déjà, soit celles décrites plus haut, ne nécessitant pas de construction particulière ;

que, par ailleurs, le pouvoir adjudicateur a dûment tenu compte du fait que Donkey prévoyait d'ajuster le système jusqu'en 2025/2026, considérant qu'il ne « serait pas à maturité » à fin mai 2022 ; que ce point a été retenu au titre des « points faibles » dans le critère « plan de développement » ;

qu'en outre, l'appel d'offres étant soumis aux accords GATT/OMC, le pouvoir adjudicateur n'était, a priori, pas tenu de choisir un soumissionnaire local, comme le laisse entendre la recourante ;

que le cahier des charges prévoit l'obligation d'un modèle financier dont les recettes sont prioritairement réinjectées dans la gestion du réseau VLS du canton de Genève ; que la recourante n'indique pas en quoi l'offre de Donkey ne répondrait pas à ce critère ou quels éléments permettraient de retenir que cette dernière ne se conformerait pas à cette charge ;

qu'en tant que la recourante fait valoir que l'offre de Donkey ne répondrait pas à l'exigence d'accès aux produits conformément à l'art. 7.2 du cahier des charges, elle omet de citer l'exigence complétement ; qu'en effet, il apparaît que le descriptif de ce critère exige un accès facile aux produits, « sans lourde formalité », précisant que « l'usager devrait pouvoir arriver devant la station et louer un vélo directement, sans faire de transactions en relation avec un guichet d'enregistrement » ; que la recourante n'expose pas en quoi le système proposé par l'adjudicataire, qui ne nécessite pas l'achat dans un point de vente ou auprès d'un partenaire, ne répondrait pas à l'exigence de facilité d'accès aux produits ;

que la recourante pointe l'absence de la production par Donkey d'un projet de contrat de sous-traitance avec Genèveroule, qui aurait dû conduire à l'exclusion de l'adjudicataire ; que Donkey a expliqué, lors de son audition, qu'elle était liée à Genèveroule par un contrat de fournisseur de système ; elle allait le modifier en contrat de sous-traitance ; qu'au regard de cette réponse, le pouvoir adjudicateur qui avait demandé dans son cahier des charges la production d'une proposition de contrat nécessaire pour la concession d'exploitation, pouvait, prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, considérer que cette condition était remplie ;

que la recourante critique, en outre, le manque d'investissement financier de Donkey dans la construction des emplacements de stationnement ; qu'à cet égard, Donkey a exposé qu'elle utiliserait, en partie, les stations déjà utilisées par Genèveroule ; à la lecture de son offre, il apparaît que le système proposé ne nécessite pas d'importantes infrastructures de stations, dès lors qu'il n'est pas nécessaire de bloquer les vélos au sol ; les emplacements seront marqués au sol et indiqués par des panneaux ; cela explique, a priori, le fait que Donkey ne prévoit pas d'importants investissements pour les stations de vélos ; cet élément ne permet en tout cas pas d'emblée de retenir que Donkey ne se serait pas conformée à l'art. 2.3 du cahier des charges, qui exigeait l'utilisation d'un design de vélos et de stations homogène, identifiable jour et nuit, et que le stationnement des vélos soit défini dans un périmètre limité  (let. g, h et i) ;

qu'enfin, Donkey a admis, lors de son audition, qu'elle avait oublié d'intégrer trois communes dans son offre ; qu'il ressort de cette réponse que l'adjudicataire ne refusait pas de desservir également ces communes ; que par ailleurs, il n'apparaît pas d'emblée manifeste que cet oubli aurait dû conduire à l'exclusion de Donkey ; qu'en effet, les autorités adjudicatrices peuvent se montrer plus ou moins strictes par rapport au respect des exigences formelles, pour autant qu'elles respectent l'égalité de traitement entre soumissionnaires (ATA/401/2012 du 26 juin 2012 consid. 7 et 9 et les références citées);

qu'il ressort du dossier que le pouvoir adjudicateur a également offert à la recourante la possibilité, dans les réponses aux questions posées lors de son audition, d'apporter des éléments complémentaires à son offre, de sorte que, prima facie, le traitement réservé à la recourante est le même qu'à Donkey ;

qu'en tant que la recourante critique le sérieux du business plan proposé par Donkey, elle se borne à invoquer le fait que cette dernière estime que « les vélos électriques sont déficitaires sur 7 ans » et ne prévoit pas d'investissement lié aux infrastructures pour qualifier le business plan de « ni réaliste ni crédible » ; or, l'absence d'investissements importants dans les infrastructures est liée à la faible infrastructure nécessitée, d'une part, et le seul fait que les vélos électriques soient, dans le business plan, considérés comme une opération déficitaire, ne permet, a priori et sans préjudice de l'examen au fond, pas de retenir que le pouvoir adjudicateur aurait commis une appréciation arbitraire en retenant que le critère d'un business plan crédible était réalisé, d'autre part ;

que, par ailleurs, le tableau d'évaluation des critères « caractéristiques du réseau VLS », « plan de développement » et « gestion de l'exploitation » traitent de manière détaillée et circonstanciée les différents critères examinés ; la recourante soutient que son offre aurait dû obtenir de meilleures évaluations, mais ne rend, prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, pas vraisemblable que le pouvoir adjudicateur aurait abusé de son pouvoir d'appréciation à cet égard ;

qu'il est en particulier relevé que dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a critiqué la note attribuée à Donkey pour le critère « hivernage » des vélos, alors que celle-ci ne prévoyait pas un tel hivernage ; or, la recourante perd de vue que l'adjudicataire a exposé que ses vélos étaient conçus pour résister aux intempéries, ce qu'elle avait pu tester au Danemark, en Suède et en Finlande ; dans ces conditions, le pouvoir d'adjudicateur ne peut, a priori, se voir reprocher un abus de son pouvoir d'appréciation en ayant attribué la note maximale à Donkey pour le critère « hivernage » ;

qu'en tant que la recourante critique le fait qu'elle n'a reçu que la moitié des points s'agissant du critère « 90 % du réseau toujours opérationnel », elle omet de citer la remarque justifiant cette note, à savoir que la réponse qu'elle a donnée se rapporte au serveur ; or, elle n'expose pas en quoi cette observation ne serait pas fondée ; de même, l'évaluation du critère « risque de vol et vandalisme » est expliquée par l'indication qu'il était paré à ce risque par le fait que les vélos électriques étaient verrouillés en station ; la recourante ne discute pas cette explication, qui n'apparaît pas, à première vue, arbitraire ;

que s'agissant du critère « selle réglable de manière fine et rapide », l'évaluation a été la même pour les deux concurrents, qui n'ont reçu qu'un point sur deux, alors que le critère est considéré comme rempli pour chacun ; ainsi, l'on ne discerne pas d'inégalité de traitement dans l'évaluation à cet égard ;

que, pour le surplus, même si la recourante s'était vu attribuer les 7 points de plus qu'elle estime mériter pour le critère « caractéristiques du réseau VLS » et aurait, ainsi, obtenu la note de 4.5 et 90 points pour ce critère et que Donkey aurait dû, selon elle, obtenir la note de 4 et 80 points pour celui-ci, la différence de points en résultant n'aurait pas suffi pour que la recourante emporte la soumission ; en effet, elle totaliserait alors 380 points et Donkey 392.5 points, ce qui n'aurait pas suffi pour lui attribuer le marché ;

qu'au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, il n'apparaît pas que les faibles chances de succès du recours formé par Unimobility justifieraient de restituer l'effet suspensif au recours ;

que la requête sera ainsi rejetée ;

qu'il sera statué sur les frais de la présente décision avec l'arrêt au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l'effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110),  la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

si elle soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de
l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Guillaume Etier, avocat de la recourante, à Donkey Republic Admin APS, ainsi qu'à Me Tobias Zellweger, avocat du département des infrastructures.

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :