Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4741/2019

ATA/336/2020 du 07.04.2020 ( AIDSO ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4741/2019-AIDSO ATA/336/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 avril 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______1977, a sollicité de l'Hospice général (ci-après : l'hospice), le 13 février 2019, des prestations d'aide financière.

Sur le formulaire de demande, elle a indiqué loger chez Monsieur B______ au 4, chemin C______ à D______, en sous location, et s'acquitter d'un loyer de CHF 750.-.

Elle a également signé le formulaire intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice », lequel lui rappelait ses obligations à l'égard de l'hospice.

2) Lors de l'entretien d'accueil, qui s'est déroulé le 25 février 2019, Mme A______ a expliqué sous-louer un trois pièces à M. B______. Elle ne possédait pas de documents qui l'attestaient.

L'hospice allait intervenir durant trois mois pour le versement du loyer sans preuve mais il fallait que durant ce temps, elle trouve une autre solution d'hébergement.

Mme A______ a alors déclaré avoir deux demandes de logement en cours, l'une auprès de la gérance immobilière municipale (ci-après : GIM) et l'autre auprès de l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF). Il lui a été demandé de déposer une demande auprès de la commune de D______ également.

3) Par courrier du 5 mars 2019, l'hospice a confirmé à l'administrée les termes de la prise en charge exceptionnelle de son loyer. Au-delà du délai de trois mois, son loyer ne serait plus pris en charge à moins qu'une autre solution de logement n'eut été trouvée.

4) Lors de l'entretien de suivi du 26 mars 2019, Mme A______ n'avait pas encore trouvé d'autre solution d'hébergement. Son logeur avait proposé de baisser le prix durant quelques mois, elle payerait ainsi son loyer avec son forfait d'entretien.

5) Mme A______ a téléphoné pour annuler son rendez-vous du 28 mai 2019. Il n'y avait aucun changement dans sa situation.

6) L'hospice a versé des prestations financières avec effet dès le 1er mars 2019 et jusqu'au 31 août 2019 pour un montant de CHF 11'683.80.

À compter du mois de juin 2019, le loyer de Mme A______ n'a plus été pris en charge par l'hospice.

7) Le 15 août 2019, le service des enquêtes de l'hospice a établi un rapport de « contrôle terrain ». Il en ressortait que le contrôleur s'était rendu à quatre reprises au prétendu domicile de Mme A______. Sur la porte palière et la boîte aux lettres ne figurait que le nom de M. B______.

L'inspecteur n'avait pas rencontré l'administrée les trois premières fois. Lors de la dernière visite, M. B______ avait ouvert. Il avait indiqué que Mme A______ ne vivait pas sur place et que ce n'était qu'une adresse postale. Il n'était pas en mesure de dire où elle habitait.

Les relevés Postfinance de Mme A______ démontraient qu'elle avait effectué de nombreuses opérations bancaires (retraits d'espèces/achats) à la E______ durant la période de mars à juin 2019.

8) Par décision du 26 août 2019 du centre d'action sociale (ci-après : CAS), déclarée exécutoire nonobstant opposition, l'hospice a mis fin, avec effet au 31 août 2019, aux prestations d'aide financière que Mme A______ percevait et lui a demandé la restitution de la somme de CHF 11'683.80 perçue indûment entre le 1er mars et le 31 août 2019.

Mme A______ ne vivait pas chez M. B______ comme elle l'avait déclaré.

9) Par courrier du 11 octobre 2019, Mme A______ a formé opposition à cette décision.

Mme A______ avait suivi son entreprise qui avait été délocalisée en 2016 à F______. Elle avait été licenciée en juin 2017. Lors de son retour à Genève, elle avait sous-loué une chambre au G______ mais avait quitté cet appartement à cause d'un loyer excessif.

Par la suite, elle s'était installée chez M. B______ pour quelques temps avant de trouver un appartement à la H______ en sous-location et « non déclarée ». Elle ne pouvait pas faire le changement d'adresse car le propriétaire n'était pas d'accord, c'est pourquoi elle avait gardé l'adresse chez M. B______.

Lorsqu'elle avait fait la demande de prestations à l'hospice, elle avait déclaré son adresse chez M. B______ ce qui lui semblait « normal » car elle était officiellement inscrite à cette adresse. Par ailleurs, elle avait eu peur de se retrouver sans aucune aide financière ce qui aurait compliqué davantage sa situation difficile.

10) Le 28 novembre 2019, l'hospice a rejeté l'opposition de Mme A______. L'intéressée n'avait pas établi avoir sa résidence effective dans le canton de Genève, ce qui justifiait également l'arrêt du versement des prestations.

11) Le 20 décembre 2019, Mme A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d'un recours contre la décision précitée.

La décision l'avait mise dans une situation de précarité du jour au lendemain. Depuis quatre mois, elle ne possédait plus aucun revenu. Le remboursement requis était injustifié car elle avait le droit aux prestations de l'aide sociale comme toute personne domiciliée à Genève se retrouvant dans le besoin.

Étant donné la période compliquée qu'elle traversait, elle avait eu besoin d'être entourée et soutenue. Elle avait ainsi passé ses week-ends à la E______ auprès de sa famille afin d'éviter d'être seule à Genève. C'est pourquoi, la plupart de ses retraits d'espèces et ses achats avaient été effectués dans cette région. Mme A______ précisait revenir « après quelques jours à [son] appartement de Genève ». Elle réfutait vivre en dehors de Genève.

L'administrée ne pouvait pas fournir d'éléments concernant l'appartement sous-loué à la H______ car il s'agissait d'un arrangement « non déclaré » entre elle et la personne ayant mis à disposition ce logement. Elle avait payé en argent comptant son loyer pendant qu'elle l'occupait et n'avait pas eu d'autres choix que d'accepter cette solution afin de pouvoir se loger. Elle ne voulait pas fournir le nom et l'adresse de la personne qui lui avait sous-loué l'appartement afin d'éviter de la mettre dans l'embarras. Néanmoins, elle le ferait si elle en était contrainte.

12) Le 3 février 2020, l'hospice a conclu au rejet du recours.

Il ressortait du rapport de contrôle que l'intéressée n'avait jamais habité chez M. B______. Elle n'avait pas respecté son devoir d'information, et ce de manière fautive. Dans son opposition, l'administrée confirmait avoir logé dans un appartement sous-loué à la H______. L'hospice n'avait donc aucune preuve que durant la période d'aide, Mme A______ avait sa résidence à Genève. Par ailleurs, l'examen des relevés du compte Postfinance faisait apparaître que celle-ci avait effectué l'essentiel de ses opérations bancaires à la E______ constituant un indice sérieux de son absence de résidence à Genève.

Les prestations versées à l'administrée l'avaient été sur la foi d'une information incorrecte concernant son domicile. C'était en conséquence à juste titre que la restitution était réclamée.

13) Les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle le 9 mars 2020.

De retour à Genève en septembre 2017, Mme A______ avait logé pendant deux ou trois mois chez sa tante au G______ puis avait sous-loué une chambre dans le même quartier pour un loyer de CHF 1'200.- par mois. Par la suite, elle avait sous-loué une chambre chez M. B______. « Elle avait déposé ses papiers à cette adresse ». Concrètement, elle n'y était restée qu'un mois car elle ne se sentait pas à l'aise de cohabiter avec un homme.

Ensuite, elle avait trouvé une sous-location au avenue I______. La locataire était une amie de sa cousine. Il s'agissait d'une sous-location officieuse ainsi la locataire n'avait pas été d'accord que Mme A______ inscrive l'adresse à l'office cantonal de la population et des migrations. Il s'agissait d'un petit appartement où elle vivait seule pour un loyer de CHF 750.- sans les charges. Elle y était restée pendant sept mois. Lors de son inscription à l'hospice, elle avait uniquement annoncé la sous-location chez M. B______. Au bout d'un certain temps, l'hospice lui avait coupé les versements à l'aide sociale et elle avait ainsi dû quitter l'appartement qu'elle ne pouvait désormais plus payer.

Elle était alors retournée pendant quatre mois « chez sa tante et elle dormait chez une amie ou autre selon les disponibilités ». Depuis le 23 janvier 2020, elle logeait à la J______ en échange d'activités qu'elle accomplissait. Elle n'avait toujours pas retrouvé de travail mais elle touchait à nouveau des prestations d'aide, soit CHF 600.- de J______ et l'hospice complétait.

Mme A______ était en Suisse depuis 2001 et avait de la famille qui y vivait. Elle avait notamment un frère vivant à K______ et une autre tante et des amis à la E______. L'année dernière, elle ne se sentait pas bien à Genève, c'est pourquoi elle allait souvent à la E______. Elle y avait notamment rencontré quelqu'un avec qui elle entretenait toujours une relation. Elle allait encore souvent lui rendre visite et cette personne venait parfois à Genève mais elle ne savait pas où l'accueillir.

Elle continuait à chercher un emploi et un appartement à Genève. Elle avait d'ailleurs eu des entretiens la semaine dernière.

Les deux dernières années avaient été très difficiles car jusqu'à présent, elle avait toujours eu un logement et un emploi à Genève. À l'époque, elle avait absolument voulu protéger le logement qu'elle avait trouvé c'est pourquoi elle n'avait pas exposé toute la situation à l'hospice, ce qu'elle regrettait amèrement à présent. C'était pour cela aussi qu'elle avait annoncé une adresse officielle et pas celle où elle habitait effectivement. Enfin, elle précisait n'avoir jamais envisagé de s'installer à la E______ malgré les relations qu'elle y entretenait. Elle avait toujours habité à Genève et « sa vie était ici » même si elle continuait à passer des week-ends à la E______.

14) Au terme de l'audience, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/1302/2017 du 19 septembre 2017 ; ATA/518/2017 du 9 mai 2017). Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/1302/2017 précité).

b. En l'espèce, la recourante n'a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision de l'hospice du 28 novembre 2019. L'on comprend toutefois de ses écritures qu'elle est en désaccord avec celle-ci et qu'elle souhaite son annulation. Il s'ensuit que le recours est également recevable sous cet angle.

3) Le litige porte sur la suppression des prestations d'aide financière accordées à la recourante dès le 1er mars 2019 en raison du fait qu'il n'était pas établi que son lieu de résidence effective se trouvait à Genève.

4) a. La loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Ont droit aux prestations d'aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État (art. 21 al. 1 LIASI). Pour une personne majeure, cette limite est de CHF 4'000.- (art. 1 al. 1 let. a du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 - RIASI - J 4 04.01).

b. À teneur de l'art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (let. a), ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) et répondent aux autres conditions de la loi (let. c).

Il s'agit de l'aide financière ordinaire. Les trois conditions à remplir sont cumulatives. La condition du domicile et de la résidence effective sur le territoire du canton de Genève est une condition cumulative qui a pour effet que des prestations d'aide financière complète ne sont accordées qu'aux personnes autorisées à séjourner dans le canton de Genève, soit aux personnes d'origine genevoise, aux confédérés et aux étrangers bénéficiant d'un titre de séjour (ATA/1662/2019 du 12 novembre 2019 consid. 6a ; ATA/817/2019 du 25 avril 2019 consid. 3b).

La notion de domicile est, en droit suisse, celle des art. 23 et 24 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), soit le lieu où une personne réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 in initio CC). La notion de domicile contient deux éléments : d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances. Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2 ; 136 II 405 consid. 4.3 ; 134 V 236 consid. 2.1). Ce n'est pas la durée du séjour à cet endroit qui est décisive, mais bien la perspective d'une telle durée (arrêts du Tribunal fédéral 5A.398/2007 du 28 avril 2008 consid. 3.2 ; 5A.34/2004 du 22 avril 2005 consid. 3.2). Du point de vue subjectif, ce n'est pas la volonté interne de la personne concernée qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire qu'elle a cette volonté (ATF 137 II 122 consid. 3.6 = JdT 2011 IV 372 ; 133 V 309 consid. 3.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 5A.398/2007 précité consid. 3.2).

c. Le bénéficiaire est tenu de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière. Il doit se soumettre à une enquête de l'hospice lorsque celui-ci le demande (art. 32 al. 1 et 3 LIASI). De même, il doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner une modification du montant des prestations qui lui sont allouées (art. 33 al. 1 LIASI). Le document intitulé « Mon engagement » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/1662/2019 précité consid. 5b ; ATA/817/2019 précité consid. 3c).

d. L'art. 35 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées.

Tel est notamment le cas lorsque le bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (art. 35 al. 1 let. a LIASI) ou lorsqu'il ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 LIASI (art. 35 al. 1 let. c LIASI) ou qu'il refuse de donner les informations requises au sens des art. 7 et 32 LIASI, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35 al. 1 let. d LIASI).

5) En l'espèce, sur le formulaire de demande des prestations d'aide financière, la recourante indique loger chez M. B______ au chemin C______, en sous location. Lors de l'entretien d'accueil du 25 février 2019, elle confirme ce lieu d'habitation sans pouvoir fournir de documents attestant de cette sous-location. Il en est de même lors de l'entretien de suivi du 26 mars 2019 et lors de son appel téléphonique à l'hospice le 28 mai 2019 révélant n'avoir pas trouvé d'autre solution d'hébergement. Néanmoins, il existe des doutes quant au domicile de l'intéressée à cette adresse.

Tout d'abord, il ressort du rapport de « contrôle terrain » datant du 15 août 2019 qu'un enquêteur s'est rendu à l'appartement de M. B______ à quatre reprises. Sur la porte palière et la boîte aux lettres, le nom de la recourante n'y figurait pas. Par ailleurs, les trois premières fois, la recourante n'était pas présente à l'appartement. Lors de la dernière visite, M. B______ a ouvert et indiqué que l'intéressée ne vivait pas à ce domicile. Il ne s'agissait que d'une adresse postale et il n'était pas en mesure d'indiquer où elle habitait. Ainsi, la présence de la recourante à l'appartement n'a pas pu être attestée lors des différents contrôles. Elle laisse plutôt penser que l'unique véritable occupant de cet appartement était M. B______.

Par ailleurs, lors de son opposition du 11 octobre 2019, la recourante a confirmé s'être installée quelques temps chez M. B______ avant de trouver un appartement à la H______ en sous location. Elle reconnaît ainsi qu'elle n'habitait pas à l'adresse qu'elle avait inscrite dans le formulaire de demande de prestations le 13 février 2019 et n'en avoir pas informé l'hospice. De plus, elle a confirmé ses dires en audience de comparution personnelle le 9 mars 2020 affirmant qu'elle n'était restée chez M. B______, « concrètement », qu'un mois.

Ces éléments constituent des indices laissant à penser que la recourante n'avait pas son domicile ou sa résidence effective à l'adresse chemin C______. Néanmoins, cela ne signifie pas encore qu'elle n'avait pas son domicile à Genève.

L'hospice invoque l'examen des relevés du compte de la recourante comme étant un indice sérieux de sa résidence en dehors de Genève. L'analyse des relevés Postfinance met en exergue de nombreuses transactions financières qu'elle a effectuées à la E______ durant la période de mars 2019 à juin 2019. Cependant, en audience de comparution personnelle, la recourante a expliqué sa situation délicate. Ne trouvant pas de logement fixe à Genève et ne s'y sentant pas très bien, elle passait du temps auprès d'une partie de sa famille à la E______ ainsi qu'auprès de la personne qu'elle avait rencontrée et qui y résidait. Dans ce sens, elle a expliqué ne pas pouvoir faire venir son compagnon à Genève faute de lieu pour l'accueillir. Par ailleurs, dans son recours, elle précisait revenir « après quelques jours à [son] appartement de Genève » démontrant qu'elle n'avait pas déplacé son lieu de vie dans un autre canton. Au vu de la plausibilité de ces explications, il est difficile d'en tirer des conclusions pertinentes quant au déplacement du domicile genevois de la recourante.

Par ailleurs, que ce soit dans ses écritures ou lors de l'audience de comparution personnelle, l'intéressée a toujours maintenu habiter à Genève invoquant et dénonçant ses sous-locations officieuses. À son retour de F______ en septembre 2017, elle avait logé au G______ chez sa tante dans un premier temps puis dans un appartement sous-loué. Elle s'était ensuite installée chez M. B______ pendant quelques temps. Enfin, elle avait vécu dans un appartement avenue I______. Actuellement, elle se trouvait à la J______. Ainsi, au vu de ces éléments, la recourante avait toujours maintenu sa résidence à Genève avec l'intention de s'y établir durablement. Par ailleurs, elle continue à rechercher activement du travail et un appartement à Genève comme elle l'indiquait à l'audience de comparution personnelle démontrant encore une fois son domicile dans le canton. Par conséquent, l'élément objectif du domicile est ainsi rempli ainsi que la volonté de l'intéressée de rester durablement à cette adresse, soit l'élément subjectif et interne.

L'hospice n'a ainsi pas établi à satisfaction de droit que la recourante avait réellement quitté son domicile genevois ou ne résidait plus à Genève. L'autorité a seulement établi dans le rapport de « contrôle terrain » du 15 août 2019 que lors du passage de l'enquêteur au chemin C______, la recourante ne résidait pas à cette adresse, ce que M. B______ avait confirmé. L'autorité ne saurait se baser sur ces seuls éléments pour établir que la recourante n'avait plus son domicile à Genève.

Au vu de l'ensemble de ces éléments et indices, objectivement perceptibles, il apparaît que le centre de vie de la recourante est resté à Genève. Cette situation est toujours actuelle.

6) a. Selon l'art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3). L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l'hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 5).

b. Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 168 ss), tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/590/2018 du 12 juin 2018 consid. 5b).

De jurisprudence constante, les prestations obtenues en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/1058/2018 du 9 octobre 2018 consid. 4b ; ATA/419/2017 du 11 avril 2017 consid. 5a). Les bénéficiaires des prestations d'assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l'administration, notamment en ce qui concerne l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit. Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps.

Dans une jurisprudence récente, le Tribunal fédéral a précisé que, lorsque la violation du devoir de collaboration n'avait pas pour conséquence le versement de prestations indues, aucun remboursement ne pouvait être exigé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_499/2019 du 20 février 2020).

Il convient toutefois d'apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l'entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l'objet d'une demande de remboursement (ATA/947/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3d ; ATA/72/2017 du 31 janvier 2017 consid. 5 ; ATA/127/2013 du 26 février 2013).

c. La suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 ; ATA/357/2017 du 28 mars 2017 consid. 7c).

7) En l'espèce, la recourante, en signant les formulaires de demande de prestations, a attesté que les informations qu'elle avait fournies étaient exactes et complètes. Par sa signature du document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général », la recourante s'est, en outre, engagée à signaler immédiatement et spontanément à l'hospice toute modification concernant la situation personnelle.

Or, la recourante a indiqué loger chez M. B______. Par la suite, elle a continué à soutenir qu'il s'agissait de son lieu d'habitation lors des rendez-vous avec l'hospice. Néanmoins, à l'occasion de son opposition, elle a exposé de manière circonstanciée la situation indiquant qu'elle avait été au bénéfice de sous-location officieuses la mettant dans une position de vulnérabilité certaine. Elle semble avoir désiré régulariser sa situation sans succès puisque les différents locataires ou propriétaires mettant à disposition leur bien n'avaient pas été d'accord.

Il convenait également de tenir compte, de manière accrue, de sa situation personnelle, financière et des circonstances à l'origine de la perception indue des prestations. En l'espèce, l'autorité intimée ne pouvait ainsi procéder à la simple demande de remboursement de l'intégralité des prestations indûment perçues. Il lui appartenait de prendre en compte, notamment, la situation financière de la recourante et la vulnérabilité dans laquelle elle se trouvait durant cette période. Un tel examen, prenant en compte l'ensemble des circonstances d'espèce, mettant également en balance les montants indûment perçus et la précarité de la recourante.

Ainsi, la suppression du droit aux prestations d'aide financière de la recourante avec effet au 31 août 2019 ainsi que le remboursement de la somme de CHF 11'683.80 apparaissent disproportionnés et inadaptés au cas d'espèce, compte tenu de toutes les circonstances susrappelées. Cette sanction apparaît comme portant atteinte à ses moyens minimaux d'existence. Par ailleurs, la recourante n'a pas fait l'objet d'un avertissement préalable, elle a directement et très sévèrement été sanctionnée. L'hospice a en conséquence abusé de son pouvoir d'appréciation en prononçant une telle sanction à l'encontre de l'intéressée en violation du principe de proportionnalité.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision querellée annulée. Le dossier sera renvoyé à l'intimé afin qu'une demande en restitution respectant le principe de la proportionnalité soit effectuée, après avoir déterminé le montant exact des prestations indûment touchées, en tenant compte des loyers effectivement versés par la recourante.

8) L'attention de l'intéressée sera toutefois expressément attirée sur son obligation de collaborer avec l'hospice, prévue à l'art. 32 LIASI, sous peine de risquer d'être privé des prestations de l'hospice.

9) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), ni alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 décembre 2019 par Madame A______ contre la décision de l' Hospice Général du 28 novembre 2019 ;

au fond :

admet le recours interjeté le 20 décembre 2019 par Madame A______ contre la décision sur opposition de l'Hospice général du 28 novembre 2019 ;

annule la décision sur opposition rendue par l'Hospice général le 28 novembre 2019 et lui renvoie la cause pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Cuendet, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Meyer

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :