Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/328/2020

ATA/318/2020 du 31.03.2020 ( PRISON ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/328/2020-PRISON ATA/318/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 mars 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assaël, avocat

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON

_________



EN FAIT

1) Monsieur A______ est incarcéré à la prison de Champ-Dollon depuis le
30 décembre 2018 en détention avant jugement.

2) Depuis son incarcération, il a fait l'objet de deux sanctions disciplinaires, à savoir le 29 avril 2019 une sanction de trois jours de cellule forte et suppression de travail pour trouble à l'ordre de l'établissement et possession d'un objet prohibé et le 14 décembre 2019 une sanction de deux jours de cellule forte pour confection d'objets prohibés.

3) M. A______ a travaillé à l'atelier ferblanterie du 8 au 30 avril 2019, cette activité ayant pris fin en raison de la sanction prononcée le 29 avril 2019. Il a également travaillé à la buanderie du 20 décembre 2019 au 20 janvier 2020.

4) Le 20 janvier 2020, il a été sanctionné pour « attitude incorrecte envers le personnel » à deux jours de cellule forte et suppression de travail.

Selon le rapport d'incident établi le jour même à 08h05, le sous-chef cuisine avait informé le gardien principal que le détenu avait sifflé une surveillante dans le couloir menant à la buanderie. Interrogé par ledit gardien si c'était lui qui s'était permis ce manque de respect, M. A______ avait répondu positivement. Le gardien l'avait alors fait remonter à sa cellule et l'a informé qu'il y resterait jusqu'à ce que la direction rende une décision.

Selon le rapport, le détenu a été entendu à 15h55 et la sanction lui a été signifiée à 16h00.

Un complément de rapport d'incident, établi le même jour à 09h15, précise qu'après lecture du rapport du responsable de secteur, le gardien-chef adjoint avait décidé de la mise en cellule forte du détenu. Le transfert et la fouille s'étaient déroulés sans contrainte.

5) La sanction était cosignée par le gardien-chef adjoint et « p.o. le directeur », précisait que le détenu avait été entendu par le directeur adjoint à 15h55 et qu'elle lui avait été notifiée à 16h00. Elle a été déclarée exécutoire nonobstant recours. La signature « p.o. le directeur » est la même que celle indiquant sur le premier rapport d'incident que le détenu avait été entendu à 15h55.

6) La décision a été notifiée une seconde fois, le 31 janvier 2020, avec les signatures tant du directeur que du gardien-chef adjoint. Il y est précisé que l'intéressé avait pu s'exprimer auprès du gardien-chef le 20 janvier 2020 à 15h55 et que la décision lui avait été remise le jour même à 16h00.

7) Par acte expédié le 24 janvier 2020 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a recouru contre cette sanction. Il avait sifflé « à tue-tête » et non à l'adresse de la surveillante, ce qu'il avait expliqué au responsable. Avant de rejoindre la cellule forte, il avait été fouillé et s'était retrouvé complètement nu. Il avait dû partager sa cellule avec Monsieur B______. Après le passage du directeur adjoint, un matelas et deux couvertures lui avaient été remis.

En tant que la sanction avait comporté d'être fouillé nu, de partager la cellule forte avec un autre détenu, de passer trente-six heures à dormir sur un matelas à même le sol et de perdre sa place de travail, elle était injustifiée. Il contestait ce qui lui était reproché et reprochait au service pénitentiaire un abus d'autorité.

Il souhaitait recourir « et/ou » déposer plainte contre les agents de détention responsables de la sanction, le directeur et son adjoint. Il voulait faire valoir ses droits et récupérer son travail.

8) Par courrier du 13 février 2020, le conseil nouvellement constitué pour le recourant a sollicité la restitution de l'effet suspensif en ce qui concernait la suppression du travail.

9) Invitée à se déterminer sur le recours et à produire les éventuelles images de vidéosurveillance, la direction de la prison a conclu au rejet du recours et de la requête de restitution d'effet suspensif.

La fouille d'une personne détenue se déroulait en deux temps et par-devant du personnel pénitentiaire du même sexe. Elle ne se retrouvait jamais nue.

L'attitude du recourant, qui avait reconnu avoir sifflé une agente de détention, était un acte non verbal dégradant et attentatoire à l'honneur. Siffler une personne et siffler à « tue-tête » n'étaient pas des actes identiques. Par ailleurs, le sous-chef avait entendu le sifflement et l'avait identifié comme un sifflement d'une personne et non le fait de siffler à « tue-tête ».

10) Par courrier du 2 mars 2020, le recourant a persisté dans les arguments déjà avancés.

Il a rajouté que le fait d'avoir eu à porter une tenue spécifique portant les majuscules « CFCD » (cellule forte Champ-Dollon) pour entrer en cellule forte portait atteinte à sa liberté personnelle, à la dignité humaine et au respect de la vie privée. Cette exigence ne reposait sur aucune base légale, ne se justifiait par aucun intérêt public et violait le principe de la proportionnalité.

En outre, le procureur en charge de la procédure pénale avait émis un avis de prochaine clôture.

Enfin, il sollicitait la production des images de vidéosurveillance.

11) Par courrier du 3 mars 2020, la chambre de céans a invité la direction de la prison à lui faire parvenir les images de vidéosurveillance de la descente à la buanderie ainsi que de la fouille précédant la mise en cellule forte.

12) Par décision du 5 mars 2020, la requête de restitution de l'effet suspensif a été admise en ce qui concernait la suppression du travail.

13) Dans sa réplique du 6 mars 2020, le recourant a insisté sur le fait que la fouille ne s'était pas faite en deux temps (haut d'abord, puis bas ensuite) : il avait dû se déshabiller complètement. À la demande des gardiens, il avait dû faire un tour sur lui-même et se baisser en position accroupie. Il s'agissait là d'un traitement portant atteinte à la liberté personnelle, inhumain ou dégradant et violant le droit à la vie privée.

14) Par courrier du 9 mars 2020, la direction de la prison a indiqué qu'il n'y avait pas d'images de vidéosurveillance de la descente la buanderie. Par ailleurs, la fouille d'une personne détenue n'était jamais filmée.

15) Le 11 mars 2020, le recourant, à la suite de la restitution de l'effet suspensif, a intégré l'atelier reliure, l'atelier buanderie étant complet.

16) Dans ses déterminations du 13 mars 2020, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Le rapport d'incident était sujet à caution dès lors qu'il indiquait que le recourant avait été entendu à 15h55, puis raccompagné à sa cellule jusqu'à la décision par la direction de la prison, alors que la décision lui avait été notifiée à 16h00.

Il maintenait que la fouille n'avait pas été effectuée en deux temps. Le conseil du recourant a précisé que d'autres de ses clients placés en cellule forte affirmaient avoir subi la fouille de la même manière. Par ailleurs, la direction de la prison n'expliquait pas pour quelle raison il avait dû partager la cellule forte avec un autre détenu. Enfin, aucune circonstance décrite dans la convention d'occupation signée par le recourant permettant la suppression du travail n'était réalisée. La suppression du travail était donc injustifiée.

17) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) En premier lieu, il convient de circonscrire l'objet du litige.

a. L'objet du litige est principalement défini par l'objet de la contestation, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible. La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5).

b. En l'espèce, l'acte contesté est la sanction prononcée à l'encontre du recourant de deux jours de cellule forte et de suppression de travail. La chambre de céans ne peut ainsi que revoir le bien-fondé de celle-ci. Elle ne peut donc examiner les conditions de détention, notamment celles de la fouille et de l'exécution de la sanction en cellule forte.

Il convient donc d'examiner le bien-fondé de la sanction de deux jours de cellule forte et de suppression du travail.

3) a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, ce qui suppose l'existence d'un intérêt actuel. L'existence de celui-ci s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATA/60/2020 du 21 janvier 2020 consid. 2b et 2c et les références citées). En matière de sanctions disciplinaires, la chambre administrative fait en principe abstraction de l'exigence de l'intérêt actuel lorsque le recourant se trouve encore en détention au moment du prononcé de l'arrêt, faute de quoi une telle mesure échapperait systématiquement à son contrôle étant donné la brièveté de la sanction (ATA/284/2020 du 10 mars 2020 consid. 3a et la référence citée).

b. En l'espèce, bien que la sanction de deux jours de cellule forte ait été exécutée, le recourant conserve un intérêt actuel à l'examen de la légalité de celle-ci, dès lors qu'il ne ressort pas du dossier que sa peine aurait pris fin, la procédure pénale en cours n'ayant pas encore donné lieu à jugement. Le recours est ainsi recevable également en ce qui concerne cet aspect de la sanction.

4) a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème  éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

b. Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04), dont les dispositions doivent être respectées par les détenus (art. 42 RRIP). En toute circonstance, ceux-ci doivent observer une attitude correcte à l'égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP). Il est interdit aux détenus, notamment, d'une façon générale, de troubler l'ordre et la tranquillité de l'établissement (art. 45 let. h RRIP).

c. Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP). Conformément à la jurisprudence constante de la chambre de céans, en cas d'incident nécessitant une sanction se produisant après les horaires ordinaires d'activité de la prison, l'exercice du droit d'être entendu peut être différé au lendemain matin, en raison des besoins du service (ATA/1846/2019 du 20 décembre 2019 consid. 3c et les références citées).

À teneur de l'art. 47 al. 3 RRIP, le directeur ou, en son absence, son suppléant sont compétents pour prononcer, notamment, la privation de travail (let. f) et le placement en cellule forte pour dix jours au plus (let. g). Le directeur peut déléguer ces compétences à un membre du personnel gradé (art. 47 al. 7 RRIP). Ces sanctions peuvent être cumulées (art. 47 al. 4 RRIP). L'art. 47 al. 7 RRIP prévoit que le directeur peut déléguer la compétence de prononcer les sanctions prévues à l'al. 3 à d'autres membres du personnel gradé. Les modalités de la délégation sont prévues dans un ordre de service. L'ordre de service B 24 de la prison prévoit une telle délégation pour le placement en cellule forte de un à cinq jours en faveur du membre « consigné » de la direction, et pour la suppression de travail en faveur du gardien-chef adjoint (ATA/1631/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3).

d. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).

e. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation, le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limitant à l'excès ou l'abus de ce pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/97/2020 précité consid. 4f et les références citées).

f. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s'en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 19 de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/284/2020 précité consid. 4f et les références citées).

g. Selon la convention d'occupation que doivent signer les personnes détenues qui souhaitent travailler dans un atelier de la prison, les détenus travaillant aux ateliers sont « notamment tenus de faire preuve à tout moment d'une attitude correcte envers le personnel de la prison ainsi que des autre personnes incarcérées ». Des rapports faisant référence à des comportements troublant l'ordre et la tranquillité « seront analysés avec une attention particulière. Des sanctions telles que la suspension temporaire ou immédiate (avec la possibilité de se réinscrire) du travail seront possibles ».

5) a. En l'espèce, les faits reprochés au recourant ressortent du rapport établi le 20 janvier 2020. Ainsi, le même jour, lors de la descente vers la buanderie, dans laquelle le recourant se rendait pour travailler, le sous-chef cuisine l'avait entendu siffler une agente de détention. Interpellé sur la question de savoir si c'était lui qui s'était permis ce manque de respect, le recourant avait répondu par l'affirmative.

En tant que le recourant soutient qu'il avait simplement sifflé à « tue-tête », son allégation n'est pas crédible. D'une part, un tel sifflement se distingue clairement d'un sifflement destiné à une personne. D'autre part, le sous-chef cuisine a identifié ce sifflement et le recourant lui-même l'a reconnu lorsqu'il a été interrogé à ce sujet par le gardien principal. Contrairement à ce que soutient le recourant, il n'y a donc pas lieu de s'écarter des constatations figurant dans le rapport susmentionné, établi par un agent assermenté et qui a une pleine valeur probante.

Ce rapport ne se trouve pas en contradiction avec celui établi à 09h15, le jour de l'incident. En effet, celui-ci, signé par le gardien-chef adjoint, indique que ce dernier a décidé du placement du recourant en cellule forte. Il ne vient cependant pas contredire les faits décrits dans le premier rapport.

En sifflant une agente de détention, le recourant s'est montré irrespectueux envers celle-ci. Un tel manque de respect était susceptible de porter atteinte à la personnalité de cette agente et de troubler l'ordre et la tranquillité de l'établissement, violant ses obligations de détenu, telles que figurant aux art. 42 ss RRIP, en particulier aux art. 44 et 45 let. h RRIP. Il s'ensuit que l'autorité intimée était fondée à sanctionner le recourant en relation avec ces faits.

b. S'il est vrai que le placement en cellule forte constitue la sanction la plus sévère mentionnée à l'art. 47 al. 3 RRIP, il n'en demeure pas moins que le recourant, à teneur du dossier, a fait l'objet de deux précédentes sanctions depuis son incarcération, respectivement pour trouble à l'ordre de l'établissement et possession d'un objet prohibé et confection d'objets prohibés. L'autorité intimée était dès lors fondée à faire preuve de plus de sévérité en lui infligeant une sanction de deux jours de cellule forte, dont la quotité se situe au demeurant en bas de la fourchette, puisqu'un placement en cellule forte peut être prononcé pour dix jours au plus.

Elle pouvait également, à teneur de l'art. 47 al. 4 RRIP, assortir cette mesure d'une privation de travail. En tant que le détenu avait été admis à travailler à l'atelier buanderie, son comportement devait être exemplaire, notamment à l'égard du personnel, ce qui n'a pas été le cas.

La question de savoir si le cumul d'une sanction de deux jours de cellule forte et de la suppression immédiate du travail se heurte au principe de la proportionnalité peut cependant demeurer indécise au vu de ce qui suit.

c. Conformément à art. 47 al. 2 RRIP, avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu.

En l'espèce, il ressort du dossier que le 20 janvier 2020 à 09h15, le gardien-chef adjoint, après lecture du rapport d'incident du même jour, a décidé du placement en cellule forte du recourant. Cette mesure a immédiatement été exécutée, à 09h20. Or, le recourant n'a eu l'occasion de s'exprimer sur les faits reprochés qu'à 15h55, le même jour, soit plus de six heures après avoir commencé à exécuter la sanction. L'autorité intimée ne donne aucune explication quant à l'écoulement d'une période si longue entre la mise en cellule forte et l'exercice du droit d'être entendu par le détenu. Aucun élément la justifiant ne ressort par ailleurs du dossier. En effet, l'incident est survenu pendant les horaires ordinaires d'activité de la prison.

En outre, les indications relatives à la personne auprès de qui le recourant aurait exercé son droit d'être entendu demeurent floues : selon la décision notifiée le 20 janvier 2020, le directeur adjoint aurait entendu le recourant avant le prononcé de la sanction, alors que selon la décision nouvellement notifiée le 31 janvier 2020, le gardien-chef l'aurait entendu. Par ailleurs, sur le premier rapport d'incident, l'exercice du droit d'être entendu aurait eu lieu devant la personne ayant signé la décision du 20 janvier 2020.

Au vu de l'ensemble de ces circonstances, la violation du droit d'être entendu du recourant ne peut en aucun cas être réparée dans le cadre de la procédure de recours.

Le recours sera ainsi admis en tant qu'il est recevable.

Dès lors que la sanction de deux jours de cellule forte a été exécutée à ce jour, il n'est matériellement plus possible de l'annuler. La suppression du travail a pris fin le 11 mars 2020, à la suite de la décision sur effet suspensif. La chambre de céans se limitera ainsi à constater le caractère illicite de la sanction (ATA/1454/2019 précité consid. 8f ; ATA/934/2014 du 25 novembre 2014 consid. 6).

6) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 24 janvier 2020 par Monsieur A______ contre la décision de la direction de la prison de Champ-Dollon du 20 janvier 2020 ;

constate le caractère illicite de la décision de la prison de Champ-Dollon du 20 janvier 2020, au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assaël, avocat du recourant, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Verniory et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

S. Cardinaux

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :