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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/695/2020

ATA/301/2020 du 17.03.2020 sur JTAPI/204/2020 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/695/2020-MC ATA/301/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 mars 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur X______
représenté par Me Matthieu Gisin, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 février 2020 (JTAPI/204/2020)


EN FAIT

1) Monsieur X______, né le ______ 1977, ressortissant algérien, réside en Suisse depuis 2004 environ, sans y être autorisé.

2) M. X______ a fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse prononcée le 26 janvier 2010 par l'office cantonal de la population, devenu depuis lors l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), définitive et exécutoire.

3) Il a fait l'objet de plus de quinze condamnations pénales depuis le 1er décembre 2008, représentant plus de quarante-cinq mois de privation de liberté, principalement pour des infractions contre le patrimoine, dont vol et tentative de vol, qualifié de crime par l'art. 10 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

4) Le 4 décembre 2014, M. X______ s'est vu notifier une interdiction d'entrée en Suisse valable du 7 novembre 2014 au 6 novembre 2024.

5) M. X______ a fait l'objet d'une mise en détention administrative le 4 août 2015.

6) Le 2 mars 2016, la remise en liberté immédiate de M. X______ a été prononcée par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), l'exécution du renvoi devenant trop aléatoire pour justifier son maintien en détention administrative.

7) Pendant la détention de M. X______, les conditions de celle-ci ont été régulièrement vérifiées par les autorités judiciaires (ATA/1377/2015 du 21 décembre 2015 ; ATA/1173/2015 du 30 octobre 2015 ; ATA/881/2015 du 28 août 2015 principalement).

8) Le 3 juillet 2017, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a informé l'OCPM que M. X______ avait été reconnu comme citoyen algérien par l'ambassade de la République d'Algérie à Berne en date du 20 juin 2017 et que celle-ci était disposée à délivrer un laissez-passer.

9) M. X______ a fait l'objet d'une interdiction de pénétrer au centre-ville du canton de Genève le 3 juillet 2017 pour une durée de douze mois.

10) Depuis sa libération le 2 mars 2016, M. X______ a fait l'objet de nombreuses condamnations, les 27 mai 2016, 27 mars 2017, 6 juillet 2017, 5 août 2017, 1er septembre 2017, 17 septembre 2017 et 5 octobre 2017, pour violation de domicile, vol, dommages à la propriété, séjour illégal, recel, non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121 ; consommation d'héroïne, de cocaïne, de cannabis).

11) Le 8 octobre 2017, M. X______ a été interpellé par les services de police pour vol et violation d'une interdiction de pénétrer au centre-ville du canton de Genève du 22 septembre 2017 et pour séjour illégal et consommation de stupéfiants.

Lors de son audition, M. X______ a déclaré consommer quotidiennement de l'héroïne, ainsi que de la cocaïne, du haschich et de la marijuana. Il prenait également du Dormicum, de la méthadone et du Rivotril.

Il avait une tante qui vivait à Genève, une autre qui vivait à Lausanne et une fille à Zurich dont il ne s'occupait pas. Il voulait quitter la Suisse pour se rendre en Espagne ou en Italie. N'ayant aucun domicile, il dormait dans les rues genevoises. Il était démuni de moyens de subsistance et n'était pas en mesure de payer les frais de son rapatriement. Il ne souhaitait pas obtenir les coordonnées d'un organisme d'aide au retour et à la réinsertion qui pouvait l'accompagner dans ses démarches visant à son retour dans son pays d'origine. Il a refusé de prendre l'engagement de contacter son ambassade afin de rendre possible son retour en Algérie.

12) M. X______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon du 9 octobre 2017 au 28 mai 2018, date à laquelle il a été transféré à la prison de La Brenaz.

13) Par jugement du 20 avril 2018, le Tribunal de police a condamné M. X______ à une peine privative de liberté de trente jours pour non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée, séjour illégal et contravention à la LStup.

14) Le 7 juin 2018, l'OCPM a mandaté les services de police pour exécuter le renvoi de M. X______ à destination de l'Algérie.

15) Par jugement du 26 septembre 2018, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé la libération conditionnelle de M. X______.

Le pronostic se présentait sous un jour fort défavorable au vu des très nombreux antécédents de l'intéressé et du fait que la libération conditionnelle dont il avait bénéficié en 2009 n'avait pas permis de mettre un terme à la commission d'infractions.

16) À sa sortie de prison, le 21 mars 2019, M. X______ a été remis en mains des services de police.

17) Le 21 mars 2019, à 14h30 le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. X______ pour une durée de quatre mois, fondé sur les art. 76 al. 1 let. b ch. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) en lien avec l'art. 75 al. 1 let. b et let. h LEI.

M. X______ avait fait l'objet d'une décision de renvoi le 26 janvier 2010, définitive et exécutoire. Il avait été condamné à plusieurs reprises pour vol, tentative de vol et recel, infractions qualifiées de crime au sens de l'art. 10 al. 2 CP, de même qu'il avait violé diverses décisions d'interdiction de pénétrer au centre-ville de Genève pour lesquelles il avait été condamné six fois. Il récidivait notamment à consommer de l'héroïne et de la cocaïne. Il était prévisible qu'il allait réitérer les infractions qu'il avait commises. Son renvoi de Suisse était prévu et un vol réservé d'ici fin juin 2019. La mise en détention était proportionnée.

Au commissaire de police, M. X______ a déclaré qu'il s'opposait à collaborer à son renvoi en Algérie. Il souffrait de plusieurs pathologies en cours de traitement. L'intéressé a refusé de signer son procès-verbal d'audition.

18) Par jugement du 25 mars 2019, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 21 mars 2019 à l'encontre de M. X______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 21 juillet 2019.

19) Par acte du 4 avril 2019, M. X______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l'annulation du jugement précité et au prononcé de sa mise en liberté immédiate. Subsidiairement, la mise en détention devait être réduite à trois mois.

Les faits tels qu'établis par le TAPI étaient admis sous la réserve que son état de santé était grave. Il faisait l'objet de plusieurs pathologies sérieuses comme l'hépatite C active, une épilepsie, des douleurs épigastriques avec ulcère perforé, une dépendance aux opiacés, une gonarthrose et une rupture du genou. À cela, venaient s'ajouter divers problèmes psychiatriques, notamment un trouble de la personnalité avec syndrome de conversion et un trouble dépressif pour lesquels il était suivi et soigné aux moyens de traitements adaptés.

Le système médical en Algérie était certes gratuit pour les personnes démunies, mais le pays était classé parmi les pays les plus corrompus par Transparency International. Cela affectait aussi le monde médical. Les hôpitaux publics manquaient de services entiers. Les médecins ne pouvaient pas pratiquer leur spécialité faute de matériel adéquat ou d'équipes dédiées. Le nombre de lits était souvent limité dans les hôpitaux de sorte que les filières familiales et claniques s'étaient installées pour pouvoir avoir accès aux médecins et aux ressources. L'Algérie traversait également une crise institutionnelle et politique actuellement grave.

M. X______ ne contestait pas le bien-fondé de la décision de mise en détention administrative mais invoquait l'exécution impossible du renvoi.

Il avait d'ores et déjà passé plus de sept mois en détention administrative. Rien ne permettait de déterminer l'exécutabilité du renvoi dans un délai déterminable. Les vols spéciaux n'étaient pas possibles avec l'Algérie. De surcroît, ses problèmes médicaux et notamment l'épilepsie rendaient impossible le rapatriement sous contrainte du recourant. Le jugement violait l'art. 80 al. 6 LEI dès lors que le renvoi était impossible juridiquement.

Le jugement attaqué violait aussi l'art. 83 al. 4 LEI : sa prise en charge médicale en Algérie ne serait pas garantie. Il vivait en Suisse depuis 2006 et n'avait plus aucun contact avec son pays d'origine. Au vu de l'ensemble des traitements qui lui étaient nécessaires, il y avait lieu de craindre que son état de santé ne se dégrade rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie. Les soins psychiatriques dont il avait besoin ne pouvaient être prodigués en Algérie aux personnes démunies, non assurées socialement. Par ailleurs, le traitement des personnes toxicomanes à l'instar de sa situation n'était pas pris en charge en Algérie. Le renvoi était impossible matériellement.

20) Par arrêt du 16 avril 2019, la chambre de céans a rejeté le recours de M. X______.

Il n'était pas contesté que les conditions d'une privation de liberté étaient réunies.

La durée prévue de la détention l'inscrivait encore dans le maximum disposé à l'art. 79 al. 2 LEI.

La situation en Algérie ne rendait pas le renvoi impossible.

M. X______ n'établissait pas que son renvoi était inexigible pour raisons de santé.

21.         Le 20 juin 2019, le consulat général d'Algérie à Genève a émis un laissez-passer, valable un jour, devant permettre le retour en Algérie de M. X______ le 24 juin 2019, date à laquelle une place sur un vol à cette destination était réservée.

22.         Par courrier posté le 21 juin 2019, reçu le 24 juin 2019 par le TAPI, M. X______ a sollicité de celui-ci la levée de sa détention, « de façon à pouvoir (se) soigner correctement ailleurs ». Il supportait très mal l'enfermement, car il était très malade. Il souffrait aussi bien physiquement que mentalement. Sa place était dans un hôpital, non dans une prison. Il souhaitait être traité « comme un être humain, pas plus que ça ».

23.         Le 24 juin 2019, M. X______ a fait échouer son embarquement à bord de l'avion qui devait le reconduire - sous escorte policière (vol dit « DEPA ») - en Algérie. Sur le formulaire relatif à l'évènement, la police a indiqué : « Une fois dans l'avion celui-ci menace les passagers et mentionne qu'il a une bombe sur lui et qu'il veut la faire exploser en vol, selon le maître de cabine. Le représentant AH refuse le DEPA ».

24.         Le 1er juillet 2019, le commissaire de police a fait savoir au TAPI qu'une nouvelle tentative de refoulement de M. X______ à destination de l'Algérie aurait lieu le 8 juillet 2019, à nouveau par vol de ligne avec escorte policière au départ de Genève.

25.         Le 3 juillet 2019, devant le TAPI, M. X______ a déclaré qu'il n'avait pas vu le médecin depuis le dépôt de sa demande de mise en liberté.

M. X______ est par la suite revenu sur cette déclaration et a indiqué qu'il avait malgré tout vu le médecin le 24 juin 2019, au centre de détention de Frambois, après être redescendu de l'avion, et que celui-ci lui avait donné des médicaments.

Comme il l'avait déjà déclaré, M. X______ ne souhaitait pas retourner en Algérie. La situation était catastrophique dans ce pays. De plus, il était malade. Il avait perdu beaucoup de poids ces derniers temps. Il avait besoin de soins médicaux.

La représentante du commissaire de police a confirmé que la tentative de renvoi prévue le 8 juillet 2019 était toujours d'actualité. Un nouveau laissez-passer avait été sollicité. Il devrait être reçu un ou deux jours avant le vol. Il s'agirait de la dernière tentative de renvoi, étant précisé qu'il s'agissait d'un concours de circonstances, dans la mesure où une place s'était libérée suite à la mise en détention pénale d'une personne qui devait prendre place sur ce vol.

Le conseil de M. X______ a sollicité la mise en liberté immédiate de celui-ci, seule issue possible, à son sens, en l'état de la situation. La détention litigieuse violait l'art. 76 LEI et était disproportionnée. Encore une fois, M. X______ était très malade et avait besoin de traitements médicaux indisponibles en Algérie, de sorte que l'exécution de son renvoi était impossible. En outre, il souhaitait rester en Suisse auprès de sa fille et d'autres membres de sa famille et rien ne justifiait qu'il soit séparé d'eux. Au demeurant, les vols spéciaux n'étaient pas envisageables à destination de l'Algérie. Or il fallait s'attendre à ce qu'il ne monte pas dans l'avion le 8 juillet 2019. Le renvoi n'était donc pas exécutable.

26.         Par jugement du 3 juillet 2019, le TAPI a rejeté la demande de mise en liberté formée par M. X______. Les conditions pour la mise en détention de M. X______ étaient réunies et en l'absence d'éléments nouveaux il n'y avait toujours pas lieu de considérer que l'exécution du renvoi de l'intéressé serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible.

Le TAPI rappelait que les problèmes de santé de M. X______ n'atteignaient pas le degré de gravité exigé par la jurisprudence pour exclure le caractère admissible du renvoi.

En outre, le fait qu'une personne souffrait de problèmes de nature psychiatriques n'était pas en soi un empêchement à la mise en détention administrative et une telle mesure ne constituait pas pour elle-même un traitement proscrit par l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

Enfin, la difficulté à supporter l'enfermement dont M. X______ se plaignait ne justifiait pas sa mise en liberté dès le moment où l'étranger n'était pas disposé à collaborer avec les autorités pour permettre l'exécution de son renvoi.

27.         Le 8 juillet 2019, M. X______ a fait échouer son embarquement à bord de l'avion qui devait le reconduire - sous escorte policière (vol dit « DEPA ») - en Algérie. La fiche de renseignements rédigée par la police internationale/brigade des renvois à l'intention de l'OCPM mentionnait qu'au moment de la descente du fourgon de la police internationale, M. X______ s'était violement jeté contre la barrière de l'échelle arrière de l'avion sans qu'il ne se blesse. L'intéressé avait dû être porté et placé sur son siège. Une fois à bord, M. X______ s'était mis à vociférer et à faire un scandale en insultant le personnel de bord ainsi que tous les passagers. Il avait également commencé à cracher sur les agents d'escorte ainsi qu'à être très violent, sur quoi le commandant de bord avait ordonné le débarquement de l'intéressé.

28.         Le 12 juillet 2019, M. X______ a été libéré de sa détention administrative par l'OCPM au motif que le renvoi de ce dernier n'apparaissait alors plus suffisamment prévisible et son maintien en détention administrative était susceptible de violer le principe de proportionnalité.

29.         Le 1er octobre 2019, M. X______ a été arrêté par les services de police à la rue de la Pépinière 6 à Genève, soit à l'adresse du local d'injection Quai 9 tenu par l'association Première Ligne, et prévenu de vol (art. 139 al. 1 CP) et de diverses infractions à la LEI.

30.         Le lendemain, M. X______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public de Genève pour vol, au sens de l'art 139 al. 1 CP, et séjour illégal en Suisse (art 115 LEI), puis il a été libéré.

31.         Le 2 octobre 2019, M. X______ s'est également vu notifier par le commissaire de police une interdiction de pénétrer dans le centre-ville de Genève pour une durée de douze mois.

32.         Le 5 octobre 2019, M. X______ a à nouveau été arrêté par les services de police à la rue de la Pépinière 6 à Genève, et prévenu d'infraction à l'art. 19 al. 1 LStup, à l'art. 115 al. 1 et à l'art. 119 CP (non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée).

Il ressortait du rapport d'arrestation que M. X______ avait été aperçu par les services de police en train d'effectuer le 4 octobre 2019 une transaction de stupéfiants (6 comprimés de Dormicum contre CHF 30.-) avec une personne qui avait formellement reconnu M. X______ sur une planche photographique comme étant son vendeur. Lors de la palpation de sécurité de M. X______, il avait été constaté que celui-ci était notamment porteur de six flacons de méthadone étiquetés au nom d'une personne tierce et trente comprimés de Dormicum.

Entendu par les services de police, M. X______ a expliqué qu'il achetait diverses drogues dures comme l'héroïne et la cocaïne à des revendeurs autour du centre d'injection Quai 9 derrière la gare Cornavin, que les médicaments retrouvés sur lui étaient prescrits pas son médecin, qu'il travaillait de temps en temps à l'Association B______ à Genève et qu'il dormait soit chez des amis, soit à l'Armée du Salut et au Quai 9.

33.         Le 6 octobre 2019, M. X______ a été placé en détention provisoire à la prison de Champ-Dollon dans l'attente de son jugement pénal.

34.         Par jugement du 8 janvier 2020, le Tribunal de police de Genève a condamné l'intéressé à une peine privative de liberté de cinq mois, sous déduction de nonante-huit jours de détention avant jugement, après l'avoir reconnu coupable de vol (art. 139 ch. 1 CP), d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c et d et 19a LStup, de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et d'infraction à l'art. 119 al. 1 LEI. Simultanément, le Tribunal de police a ordonné l'expulsion de Suisse de l'intéressé pour une durée de cinq ans conformément à l'art. 66abis CP.

35.         Le 24 janvier 2020, les services de police ont été informé par le SEM que la réservation d'une place à bord d'un vol de ligne devant assurer le rapatriement de M. X______ avait été confirmée pour le 16 mars 2020.

36.         Le 28 janvier 2020, un nouveau rapport médical « dans le domaine du retour (exécution du renvoi) » avait été établi sous l'égide notamment de la conférence des médecins pénitentiaires suisses.

37.         Le 5 février 2020, l'intéressé s'est vu notifier, par l'OCPM une décision de non-report de son expulsion judiciaire après que l'occasion de s'exprimer à ce sujet lui ait été accordée.

38.         Le 11 février 2020, le service des huissiers du Ministère public a informé l'OCPM que le jugement du Tribunal de police rendu le 8 janvier 2020 était devenu définitif et exécutoire.

39.         Le 25 février 2020, le TAPEM a accordé la libération conditionnelle de l'intéressé.

40.         Le même jour, M. X______ a été remis entre les mains des services de police en vue de son renvoi hors de Suisse.

41.         Le même jour, M. X______ a été placé en détention administrative en application de l'art. 76 al. al. 1 let. b ch. 1 LEI pour une durée de six semaines.

42.         Le 25 février 2020, à 15h25, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. X______ pour une durée de six semaines, considérant que celle-ci ne paraissait pas d'emblée disproportionnée au vu des circonstances et notamment du fait qu'en cas de problème de nature technique qui conduirait à l'annulation du vol prévu le 16 mars 2020, les autorités devaient disposer du temps nécessaire pour étudier la possibilité de réserver un nouveau vol à destination de l'Algérie ainsi que de demander la prolongation de la détention administrative.

Au commissaire de police, M. X______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Algérie, dans la mesure où il n'était pas en bonne santé et poursuivait actuellement un traitement médical.

43.         Le commissaire de police a soumis l'ordre de mise en détention au TAPI.

44.         Le TAPI a entendu les parties.

M. X______ n'a pas comparu.

Le représentant du commissaire de police a expliqué que les autorités avaient fondé la détention sur les art. 75 et 76 LEI étant donné qu'avec l'expulsion judiciaire prononcée au début de l'année, un nouveau motif de détention était à présent réalisé.

Il a rappelé que M. X______ n'avait jusqu'ici jamais fait l'objet d'une détention pour insoumission.

Le commissaire de police ne pouvait pas poser de pronostic sur les chances que M. X______ montrerait plus de bonne volonté lors de la prochaine tentative de renvoi que par le passé. Il a ajouté que la société médicale Oseara SA, chargée par le SEM d'évaluer l'aptitude au retour (ci-après : OSEARA) ne s'était pour le moment pas prononcée sur l'aptitude médicale de M. X______ à supporter son renvoi. Il a indiqué que, comme cela se faisait dans la pratique, des contacts informels avaient à nouveau bien eu lieu entre les autorités suisses et les autorités algériennes qui avaient fait savoir qu'elles étaient disposées à délivrer encore une fois un laissez-passer. Il fallait également savoir que cela n'était formalisé par les autorités algériennes que quelques jours avant le vol et que le laissez-passer n'était octroyé que pour la date précise du vol. Il a demandé la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de six semaines.

Le conseil de l'intéressé a produit un certificat médical daté du 18 juin 2019, signé par le Docteur Y______ et décrivant l'état de santé de M. X______ suite à un examen du 16 juin 2019. Étant donné l'absence de son client à l'audience, l'avocat avait pris contact avec lui le matin. M. X______ lui avait indiqué que c'était son état de santé qui ne lui permettait pas de se rendre ä l'audience. Il avait de la fièvre et avait vomi le matin même. Il avait rappelé qu'il avait déféré aux autres convocations du TAPI et que son absence tenait réellement à ses soucis de santé. Le conseil de M. X______ a conclu à la mise en liberté immédiate de ce dernier.

45) Par jugement du 27 février 2020, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police pour une durée d'un mois soit jusqu'au 25 mars 2020.

L'ordre était fondé sur les art. 75 al. 1 let. b et h et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI. Or, la détention sur ces bases n'était possible que s'il était possible d'exécuter à terme un renvoi sous la contrainte. L'attitude de M. X______ lors des précédentes tentatives de renvoi avait montré qu'il s'opposait systématiquement à l'exécution de son renvoi, et on pouvait s'attendre à ce qu'il s'oppose à un nouveau renvoi. L'Algérie n'admettant pas les renvois sous contrainte (vols dits « spéciaux »), la mise en détention de M. X______ ne pouvait se fonder, par substitution de motifs, que sur l'art. 78 LEI, dont les conditions étaient réalisées.

L'impossibilité médicale d'exécuter le renvoi n'était toujours pas établie.

De nouvelles infractions fondaient la nouvelle mise en détention, dont la durée, ajoutée aux précédentes, ne devait pas excéder dix-huit mois.

Le TAPI a réduit la durée de la détention à un mois.

46) Par acte remis à la poste le 9 mars 2020, M. X______ a recouru à la chambre administrative contre le jugement du TAPI et conclu à son annulation.

M. X______ souffrait d'une otite requérant un traitement à la Ciproxine puis au Céfuroxime jusqu'au 10 décembre 2020.

La difficulté d'accès aux soins en Algérie constituait une contre-indication au renvoi. Le système de santé algérien fonctionnait difficilement, le pays, y compris son système de santé, était corrompu et l'accès à certains médicaments, dont certains nécessaires au recourant, était difficile, voire impossible. L'Algérie ne disposait pas de structures pour prendre en charge des toxicomanes présentant de graves troubles psychiatriques. Le renvoi de M. X______ devait être considéré comme inexécutable.

La détention était par ailleurs disproportionnée car inapte à atteindre son but, au vu de la détermination de M. X______ à s'opposer à tout renvoi vers l'Algérie.

47) Le 11 mars 2020, le commissaire de police a persisté dans sa décision, a fait siens les considérants du TAPI, et produit un certificat de l'OSEARA décrivant l'état de santé de M. X______ et prescrivant qu'il soit accompagné lors de son vol de retour par un médecin.

Étaient diagnostiqués par l'OSEARA une otite moyenne Classification Internationale des Maladies - CIM - de l'Organisation mondiale de la Santé - OMS - H66.9), une personnalité émotionnellement labile (CIM F60.30), des troubles de l'adaptation (réaction mixte anxio-dépressive - CIM F13.2) et une histoire des troubles de l'addiction aux stupéfiants (CIM F11.2).

Le traitement consistait en une médication et une psychothérapie. Aucune information n'était disponible quant à la présence ou au dépistage d'une maladie infectieuse. Le patient présentait un risque suicidaire, devait être accompagné par un médecin et pouvait marcher seul.

48) Au 17 mars 2020, la durée de détention administrative cumulée par M. X______ (détention en vue du renvoi) s'élève à trois cent quarante-sept jours.

49) Le 16 mars 2020, M. X______ a rappelé qu'il souffrait d'un trouble de l'adaptation (CIM F43.2) et était suicidaire, et que son renvoi aurait un impact particulièrement fort sur son état de santé général, et psychique notamment, et mettrait sa vie en danger. L'actuelle crise de coronavirus devait être prise en considération : son renvoi en pleine épidémie vers un pays au système de santé défaillant mettrait sa vie en danger.

50) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.            Aux termes de l'art. 78 al. 1 LEI, si l'étranger n'a pas obtempéré à l'injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit et que la décision exécutoire de renvoi ou l'expulsion ne peut être exécutée en raison de son comportement, il peut être placé en détention pour insoumission afin de garantir qu'il quittera effectivement le pays, pour autant que les conditions de sa détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne soient pas remplies et qu'il n'existe pas d'autre mesure moins contraignante susceptible de conduire à l'objectif visé.

Le but de la détention pour insoumission est de pousser un étranger tenu de quitter la Suisse à changer de comportement, lorsqu'à l'échéance du délai de départ, l'exécution de la décision de renvoi entrée en force ne peut être assurée sans la coopération de celui-ci malgré les efforts des autorités (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_984/2013 du 14 novembre 2013 consid. 3.1 ; 2C_1089/2012 du 22 novembre 2012 consid. 2.2).

La détention pour insoumission apparaît comme une ultima ratio, dans la mesure où il n'existe plus d'autres mesures permettant d'aboutir à ce que l'étranger présent illégalement en Suisse puisse être renvoyé dans son pays (arrêts du Tribunal fédéral 2C_984/2013 du 14 novembre 2013 consid. 3.1 ; 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1). Selon la jurisprudence, elle doit en tous les cas respecter le principe de la proportionnalité et suppose d'examiner l'ensemble des circonstances pour déterminer si elle paraît appropriée et nécessaire (ATF 135 II 105, consid. 2.2.1 ; 134 II 201, consid. 2.2.2 ; 134 I 92, consid. 2.3.2).

En l'espèce, le recourant s'est systématiquement opposé, depuis 2010, date de la première décision de renvoi exécutoire, à toute tentative d'exécuter son renvoi de Suisse, et il a constamment répété qu'il s'opposait et s'opposerait à un renvoi vers l'Algérie, ce jusque dans la présente procédure.

Il est par ailleurs établi que l'Algérie n'accepte pas les vols dits « spéciaux », soit les renvois exécutés sous la contrainte.

3) Bien que cela ne soit plus contesté, il est observé que c'est à juste titre que le commissaire de police puis le TAPI ont retenu que la nouvelle détention objet de la présente procédure reposait sur de nouveaux motifs, à savoir le vol et le non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée pour lesquelles M. X______ a été condamné par le Tribunal de police de Genève le 8 janvier 2020, et que le TAPI a rappelé que la jurisprudence n'exigeait pas qu'un nouveau type de motif de détention soit réalisé pour que l'on puisse placer à nouveau une personne en détention. Un nouveau vol pour lequel l'intéressé est condamné constituait bien un nouveau motif de détention.

4.             Le recourant soutient que son renvoi ne peut être exécuté pour des raisons médicales.

a. Comme l'a relevé le TAPI, cette question avait déjà été examinée dans le cadre de la demande de mise en liberté formée par le recourant le 21 juin 2019, et les renseignements médicaux avaient été pris en considération dans le cadre du jugement JTAPI/628/2019 du 3 juillet 2019.

Les renseignements médicaux figurant dans le certificat rédigé le 28 janvier 2020 et produit par le recourant devant le TAPI se rapportent au même constat que ceux qui avaient déjà été pris en considération par le TAPI, sous réserve d'une otite constatée le jour de l'examen.

En substance, le recourant connaît ou a connu les problèmes de santé suivants : ulcère gastrique perforé en 2012, suspicion de crise d'épilepsie avec crise convulsive en mai 2019, hépatite C active, gonarthrose droite, polytoxicomanie active et trouble de la personnalité.

En juin 2019, le Dr Y______ recommandait un examen neurologique pour évaluer le risque de récidive d'épilepsie, un contrôle échographique annuel du foie ainsi qu'un suivi spécialisé dans la toxicomanie et un traitement substitutif. Une prise en charge orthopédique du genou droit avait été proposée.

L'OSEARA a tout récemment confirmé le diagnostic additionnel d'une otite moyenne et a déclaré pour le surplus le renvoi exécutable sous réserve que le recourant soit accompagné d'un médecin.

b. Le recourant soutient que l'importation en Algérie du Tramal ou Tramadol serait prohibée.

Cette affirmation est inexacte : en Algérie le Tramadol est classé comme antalgique de catégorie 2, délivré sur ordonnance, commercialisé et remboursable, et fourni par plusieurs fabricants, ainsi qu'en atteste le site algérien PharmNet (http://www.pharmnet-dz.com/m-2670-tramadol-sandoz-50mg-gles-b-30).

c. Le recourant soutient que l'épidémie en cours de coronavirus s'opposerait à son renvoi.

S'il est certes avéré que l'épidémie produit des effets sur le trafic aérien - sous forme par exemple d'une suspension des vols entre l'Algérie et la France à tout le moins, dès le 16 mars 2020 - il n'est par contre pas certain que la santé du recourant serait plus exposée en Algérie, où les cas de contagion paraissent à ce jour bien moins nombreux qu'en Suisse.

d. Le recourant soutient que l'Algérie serait dépourvue de structures adaptées pour prendre en charge les patients présentant de graves troubles psychiatriques, de même que les anciens toxicomanes.

Or, le recourant est affecté d'un trouble de la personnalité émotionnellement labile et d'un trouble de l'adaptation. Il ne soutient ni n'établit que ceux-ci constitueraient un grave trouble psychiatrique, ou que les structures de soin en Algérie ne seraient pas en mesure de lui offrir des soins adéquats.

Ainsi, l'état de santé du recourant ne s'oppose pas à son renvoi en Algérie.

5.            C'est donc à juste titre que le TAPI a considéré que la mise en détention administrative du recourant était fondée, en application de l'art. 78 LEI - par substitution de motif, les art. 75 et 75 LEI ne pouvant fonder la détention du recourant.

6.            La chambre de céans confirmera encore que la nouvelle détention dont le recourant fait l'objet s'inscrit dans le cadre des précédentes pour le calcul de la durée maximale. Elle ne saurait donc, ajoutée aux précédentes détentions, excéder la durée maximale de dix-huit mois prévue par l'art. 79 LEI.

La durée maximale n'a pas été atteinte en l'espèce, la détention totale s'élevant à ce jour à un peu plus de onze mois et demi.

C'est à juste titre que le TAPI a rappelé que le fait que le recourant faisait depuis peu l'objet d'une expulsion judiciaire n'était pas de nature à faire partir une nouvelle durée totale de dix-huit mois, et rappelé que le Tribunal fédéral avait récemment eu l'occasion de préciser que lorsqu'une expulsion pénale venait s'ajouter à un renvoi administratif, seul un écart de plusieurs années entre les deux permettait de faire repartir une nouvelle durée de détention d'au maximum dix-huit mois en vertu de l'expulsion judiciaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_135/2019 du 18 novembre 2019).

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA- E 5 10.03). Vu l'issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 mars 2020 par Monsieur X______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 février 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Matthieu Gisin, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

Ch. Ravier

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :