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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4701/2019

ATA/296/2020 du 16.03.2020 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4701/2019-AIDSO ATA/296/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 mars 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES

 



EN FAIT

1) Le 21 décembre 2016, le Tribunal civil de première instance de Genève a condamné Monsieur B______ à verser à Madame C______, au titre de contribution mensuelle de D______, née le ______2014, les sommes de CHF 1'000.- dès janvier 2017 et jusqu'à l'âge de 10 ans de l'enfant, puis de CHF 1'200.- jusqu'à la majorité de celle-ci.

2) Par convention signée le 10 août 2017 avec le service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : SCARPA), Mme C______ a cédé à celui-ci, dès le 1er septembre 2017, la totalité de la créance future à l'égard de M. B______.

Était joint à cette convention un document intitulé « Vos droits et obligations », qu'elle a lu, approuvé et signé le même jour. Le document attirait l'attention de l'intéressée sur le fait qu'elle devait en tout temps fournir tout renseignement utile, et immédiatement informer le SCARPA de tout changement dans le droit de garde de l'enfant ou de son domicile. Elle devait aussi restituer les montants reçus à tort, notamment en raison de renseignements inexacts, incomplets ou tardifs transmis au SCARPA.

3) À compter du 1er septembre 2017, le SCARPA a entrepris des démarches en vue du recouvrement de la contribution d'entretien. En parallèle, il a versé mensuellement CHF 673.-, soit le montant maximal, à Mme C______.

4) À la suite du retour d'un courrier adressé à celle-ci par le SCARPA, ce dernier l'a contactée téléphoniquement le 14 octobre 2019. Mme C______, devenue A______ en mars 2019, lui a alors indiqué que sa fille avait été placée en foyer et que le père de celle-ci avait sollicité la modification de la pension. Le SCARPA a demandé à la mère de lui transmettre les documents relatifs au placement et à la demande du père.

5) N'ayant reçu aucun document, le SCARPA a, par courrier du 1er novembre 2019, octroyé à l'administrée un délai au 22 novembre 2019 pour produire les documents précités. Il a, en outre, suspendu ses prestations provisoirement, précisant que, dès réception des documents et pour autant que le mandat soit maintenu, il reprendrait le paiement des avances.

6) Le 18 novembre 2019, le SCARPA a reçu de Mme A______ un courrier du service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) du 11 novembre 2019 préavisant au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) d'élargir les relations personnelles entre la fille et chacun de ses parents. Mme A______ n'a pas produit la demande déposée par le père, mais uniquement un procès-verbal de l'audience de tentative de conciliation faisant état de son opposition à la demande.

7) Le même jour, le SCARPA a appelé le SPMi, qui a indiqué que la garde de D______ avait été retirée à sa mère et que l'enfant était placée en foyer depuis le 28 mai 2019. Il s'était agi d'un placement d'urgence. Chaque parent devait s'acquitter, en principe, d'une participation aux charges de l'enfant de CHF 450.- par mois. Mme A______ avait été dispensée de cette participation au vu de ses revenus.

8) Selon l'ordonnance du TPAE du 20 juin 2019, transmise au SCARPA par le SPMi, ce tribunal avait, notamment, ratifié la clause péril, retiré aux parents tant la garde sur l'enfant que le droit de déterminer son lieu de résidence et fixé un droit de visite en faveur de chacun d'eux. En outre, le TPAE avait ordonné la réalisation d'un bilan psychologique de la fillette, invitant les curateurs désignés pour mettre en oeuvre rapidement ce bilan, à remettre au TPAE une évaluation sociale complète de la mineure jusqu'au 2 décembre 2019.

9) Par décision du 28 novembre 2019, le SCARPA a mis fin à son mandat avec effet rétroactif au 27 mai 2019. Il lui a par ailleurs demandé de soumettre une proposition de remboursement de la somme de CHF 3'365, correspondant au montant perçu à tort entre juin et octobre 2019, à savoir 5 x CHF 673.-.

Il a précisé qu'il pourrait être tenu de dénoncer Mme A______ au Ministère public pour violation potentielle de l'art. 148a du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

10) Par acte expédié le 19 décembre 2019 à la chambre administrative de la Cour de justice, Mme A______ a recouru contre cette décision.

Elle a exposé que la garde de D______ lui avait été retirée le 28 mai 2019 et l'enfant placée en foyer, à la suite de violences sexuelles commises à l'encontre de celle-ci à son domicile par son demi-frère. Vu la nature des évènements, elle n'avait pas été en état d'informer immédiatement le SCARPA. Le SPMi lui avait dit que le retrait de la garde serait provisoire. Elle avait continué à payer les frais de crèche et d'assurance-maladie de sa fille. Selon un rapport du 2 décembre 2019 du SPMi, elle devrait prochainement recouvrer la garde de celle-ci. Elle était partie de l'idée que le SPMi se chargerait de toutes les démarches administratives inhérentes à la situation, y compris celle de prévenir le SCARPA.

Elle a conclu à la restitution de l'effet suspensif, au remboursement par le SCARPA des sommes qu'elle avait déjà restituées et à l'annulation de la décision querellée.

Elle a joint le rapport du SPMi du 2 décembre 2019 adressé au TPAE, qui a préconisé la restitution de la garde à la mère. Il ressort de ce rapport que cette dernière avait pris contact le 14 octobre 2019 avec la psychiatre qui l'avait suivie deux ans auparavant lorsque la mère rencontrait des problèmes avec le comportement de son fils. Selon la psychiatre, la mère était actuellement consciente de la situation de ses enfants. Elle était adéquate dans ses réflexions et réactions et ne nécessitait aucune médication. Elle évoluait bien.

11) Le même jour, Mme A______ a soumis au SCARPA une proposition de remboursement à hauteur de CHF 70.- par mois. Cette proposition a été acceptée le 20 décembre 2019.

12) Le SCARPA a conclu au rejet du recours.

Il a relevé que, selon les renseignements obtenus du SPMi le 17 janvier 2020, la situation de l'enfant restait inchangée. Mme A______ avait versé CHF 70.- le 3 janvier 2020.

13) La recourante ne s'est pas manifestée dans le délai imparti pour répliquer.

14) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieux le bienfondé de la décision mettant fin au mandat du SCARPA et réclamant la restitution des prestations versées depuis juin 2019.

a. Le SCARPA aide de manière adéquate et gratuitement tout créancier d'une pension alimentaire en vue d'obtenir l'exécution des prestations fondées sur un jugement ou sur une promesse juridique valable (art. 2 al. 1 de la loi sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires du 22 avril 1977 - LARPA - E 1 25). Le créancier de pensions allouées au titre de contribution aux frais d'entretien des enfants a droit de demander des avances au SCARPA (art. 5 al. 1 et 6 let. b LARPA). Le créancier signe une convention par laquelle il lui donne mandat d'intervenir (art. 2 al. 2 LARPA). Cette dernière est accompagnée d'un document « Vos droits et obligations » que le mandant signe.

Les avances peuvent être refusées si le bénéficiaire compromet l'action du service, notamment en fournissant volontairement des renseignements inexacts ou incomplets. Il peut être alors contraint à rembourser les avances consenties en tout ou en partie (art. 12 LARPA). Il en découle que si le bénéficiaire compromet l'action du service d'une manière ou d'une autre, volontairement ou non, c'est-à-dire de manière délibérée ou par négligence, le SCARPA est en droit de cesser ses avances (ATA/125/2009 du 10 mars 2009 ; ATA/719/1999 du 30 novembre 1999 et les références citées).

L'art. 12 LARPA impose aux administrés d'informer ouvertement et honnêtement le SCARPA. Sans ce devoir de collaboration, le service pourrait se trouver dans l'impossibilité de procéder à l'application conforme de la loi et de respecter l'égalité de traitement, en raison de la difficulté à réunir les preuves nécessaires concernant notamment la situation financière de l'intéressé. Des obligations similaires ne sont pas inhabituelles en droit administratif (ATF 121 II 257 consid. 4).

b. Le bénéficiaire des prestations d'avance est tenu de se conformer au principe de la bonne foi dans ses relations avec l'administration, notamment en ce qui concerne l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit. Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/1237/2018 du 20 novembre 2018 consid. 2e ; ATA/265/2017 du 7 mars 2017 consid. 15b). Toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'administration est une prestation perçue indûment (ATA/817/2019 du 25 avril 2019 consid. 7 ; ATA/1237/2018 précité et les références citées).

3) En l'espèce, en signant le document « Vos droits et obligations » accompagnant la convention entre le SCARPA, la recourante s'est engagée à signaler immédiatement « tout changement dans le droit de garde de [son] enfant ou de son domicile ». Il était précisé que le SCARPA pouvait supprimer ses prestations et réclamer celles versées si les conditions légales n'étaient pas réalisées, notamment en raison de renseignements incomplets ou tardifs.

Il n'est pas contesté que la fille de la recourante a été placée en foyer le 28 mai 2019. Cette décision, prise en application de la clause péril par le SPMi, a été ratifiée par le TPAE le 20 juin 2019, après audition des parents, singulièrement de la recourante. Outre le placement de l'enfant et le retrait du droit de garde, le TPAE a ordonné la réalisation d'un bilan psychologique de la fillette, invitant les curateurs désignés pour mettre en oeuvre rapidement ce bilan, à remettre au TPAE une évaluation sociale complète jusqu'au 2 décembre 2019.

Contrairement à ce que soutient la recourante, il était ainsi manifeste que le placement de sa fille intervenu le 28 mai 2019 ne serait pas de courte durée ; il serait décidé de son maintien ou non au plus tôt après le 2 décembre 2019. En outre, quand bien même elle espérait que ce placement prenne fin plus rapidement, il n'en demeure pas moins qu'il s'agissait d'un changement de garde et de lieu de résidence de l'enfant qu'elle s'était, en toute hypothèse, engagée à communiquer immédiatement au SCARPA.

La question de savoir si la recourante continuait après le placement à assumer des frais d'entretien pour sa fille et pouvait ainsi, selon elle, continuer à percevoir les avances du SCARPA n'est pas pertinente. En effet, l'obligation de l'intéressée consistait à informer le SCARPA de tout changement dans la situation de son enfant, en particulier une modification du droit de garde ou de son domicile. L'appréciation de la situation appartient au SCARPA. En effet, il n'incombe pas au bénéficiaire de décider de la pertinence de ces changements sur la détermination des prestations qui lui sont versées (ATA/66/2019 du 22 janvier 2019 consid. 3). La recourante doit donc se voir reprocher d'avoir violé son devoir de renseigner en ne signalant pas ces éléments au SCARPA.

Enfin, aucun élément ne rend vraisemblable que l'état psychologique de la recourante l'aurait empêchée de transmettre les informations relatives à sa fille au SCARPA depuis le mois de mai 2019. Au contraire, la recourante est décrite par la psychiatre qu'elle est allée consulter en octobre 2019 comme étant adéquate dans ses réflexions et réactions, ne nécessitant aucune médication et évoluant bien. Aucune difficulté de santé, notamment d'ordre psychique, n'empêchait ainsi la recourante de remplir son obligation de renseigner.

Au vu de ce qui précède, la chambre administrative retiendra que la recourante a dissimulé des informations importantes au SCARPA, ce qui légitimait cette autorité à mettre fin au mandat avec effet rétroactif au 1er juin 2019, premier mois pour lequel la décision de l'autorité tutélaire du 20 juin 2019 s'appliquait, et à réclamer le remboursement des avances versées entre juin et octobre 2019.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

4) Le présent arrêt rend sans objet la requête de restitution d'effet suspensif.

5) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et vu son issue il n'y a pas lieu à l'allocation d'une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 décembre 2019 par Madame A______ contre la décision du service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires du 28 novembre 2019 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'au service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

P. Hugi

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :