Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3966/2018

ATA/288/2020 du 10.03.2020 sur JTAPI/393/2019 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3966/2018-ICCIFD ATA/288/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 mars 2020

4ème section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 avril 2019 (JTAPI/393/2019)


EN FAIT

1) Le litige concerne l'impôt à la source (ci-après : IS) 2015, 2016 et 2017 de Madame A______.

2) Selon la base de données CALVIN de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), Mme A______ a quitté Genève pour Annemasse (France) et s'est séparée de son mari, Monsieur B______, le 1er octobre 2001.

3) Dans un courrier adressé à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) le 2 septembre 2013, Mme A______ a indiqué : « Je vous informe par la présente que je n'ai pas changé d'état civil. Effectivement, nous sommes séparés avec mon mari depuis de nombreuses années sans divorcer car aucun de nous deux en (sic) avait le besoin pour un remariage éventuel. Nous pensons effectivement régulariser la situation très prochainement. Je vis donc séparée de M. B______ et j'habite seule avec notre fille C______. Je vous informe que je n'ai jamais demandé de révision des impôts, ce qui est peut-être une erreur ».

4) Dans un autre courrier adressé à l'AFC-GE le 23 mars 2016, relatif à l'IS 2014, Mme A______ a indiqué : « Je vous informe que je suis séparée de mon mari depuis de nombreuses années et que l'on vit chacun à une adresse différente. M. B______ habite (habitait) à D______. Il était employé de la E______. De ce fait j'ignore totalement s'il était également imposé à la source mais je peux le supposer. À l'heure actuelle, il n'est plus employé à la E______ et il a quitté la Suisse pour vivre en France mais pas dans la région. Je ne sais pas s'il a retrouvé un emploi. J'ignore ce qu'il fait mis à part quelques nouvelles qu'il donne à notre fille. Je ne peux donc pas vous donner plus de renseignements. J'ai tenu au courant mon employeur. J'ai été assujettie à l'impôt en tant que personne mariée jusqu'en début d'année 2016 où je les ai avisés du départ de mon mari pour la France et qu'il n'avait plus d'emploi en Suisse. Je vivais donc en tant que célibataire avec enfant à charge, ce qui n'a pas forcément été reconnu tout au long de ces années et je pense avoir payé largement ma part d'impôt. Je vous laisse voir éventuellement avec son ex-employeur quels revenus ont été déclarés car cela ne me concerne pas et surtout ne me regarde pas ».

5) Pour l'année 2015, l'employeur de Mme A______, soit F______ (ci-après : F______), a procédé à une retenue à la source selon le barème C (contribuable marié dont le conjoint perçoit aussi un revenu en Suisse).

Pour les années 2016 et 2017, il a appliqué le barème B (contribuable marié dont le conjoint n'a pas de revenu).

6) Par bordereaux datés du 31 juillet 2018, l'AFC-GE a rectifié l'IS 2015 à 2017 de Mme A______ en appliquant le barème A0 (personne séparée sans enfant à charge) comme suit :

Année

Total IS rectifié

Retenue déjà effectuée

Solde d'IS à payer

2015

CHF 19'631.20

CHF 17'704.85

CHF 1'926.35

2016

CHF 19'631.20

CHF 11'179.70

CHF 8'451.50

2017

CHF 19'698.00

CHF 11'291.05

CHF 8'406.95

7) Par courriers recommandés du 20 août 2018, Mme A______ a élevé réclamation à l'encontre de ses bordereaux IS 2015 à 2017, concluant à ce que le barème B0 (contribuable marié sans enfant mineur et dont le conjoint n'a pas de revenu) lui soit appliqué pour ces années. Elle avait informé F______ que son mari, dont elle vivait séparée, n'avait plus retrouvé de travail depuis le 31 août 2015. Elle avait ainsi été considérée par son employeur comme personne mariée dont le conjoint ne travaillait pas.

8) L'AFC-GE ayant adressé à Mme A______ un rappel de paiement daté du 1er octobre 2018 concernant l'IS 2017, cette dernière a répondu, par lettre du 2 octobre 2018, que le bordereau 2017 avait également fait l'objet d'une réclamation adressée par pli recommandé du 20 août 2018. Une copie de cette réclamation était jointe à son courrier.

9) Par deux décisions sur réclamation datées du 16 octobre 2018, l'AFC-GE a maintenu les bordereaux IS 2015 et 2016 du 31 juillet 2018, au motif que Mme A______ était séparée de son mari durant ces années.

10) Par trois actes du 12 novembre 2018, Mme A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ces deux décisions sur réclamation IS 2015 et 2016, ainsi que pour l'année 2017, concluant à l'annulation des taxations pour ces trois périodes. Elle a souhaité qu'un seul jugement soit rendu dans cette affaire.

Elle contestait formellement le barème A0 appliqué par l'AFC-GE. Depuis 2015, son employeur avait procédé à une retenue à la source selon le barème B0 du fait que son époux était sans emploi et n'avait reçu aucune indemnité depuis son licenciement. F______ lui avaient confirmé à plusieurs reprises l'application du barème B0, étant donné qu'elle était toujours mariée et qu'elle ne pouvait pas leur remettre un document officiel de jugement de séparation ou de divorce. Par ailleurs, selon les pages explicatives relatives à l'IS publiées par l'AFC-GE, le barème A0 devait correspondre à une séparation de fait ou de corps constatée judiciairement, puisqu'il était mentionné : « séparé(e) de fait ou de corps (judiciairement) ». En outre, l'attestation d'imposition à la source 2015 de son époux mentionnait par erreur que ce dernier était divorcé, alors que son employeur ne lui avait pas réclamé de jugement correspondant.

11) Par décision sur réclamation datée du 22 novembre 2018, l'AFC-GE a également maintenu le bordereau IS 2017 du 31 juillet 2018, pour le même motif que celui des deux années précédentes.

12) Par courrier du 26 novembre 2018, Mme A______ a complété son recours au TAPI en précisant être propriétaire avec son époux d'une maison située à D______ (France), dont l'emprunt avait été intégralement remboursé. D'un commun accord avec son mari, celui-ci habitait dans cette maison. Toutefois, dès lors que ce dernier était sans revenu et qu'ils étaient encore mariés et « coresponsables », c'était elle qui en assumait les charges obligatoires, à savoir la taxe foncière, les factures d'électricité et celles d'assurance. Elle a joint à cet effet des pièces justificatives. Dès lors, dans son cas, on ne pouvait « pas faire état d'une séparation de biens, financiers indépendants, mais une vie en commun avec partage des frais conformément à la loi, tant qu'une séparation judiciaire n'a pas été prononcée par un tribunal ». La recourante a joint notamment une copie de la décision sur réclamation du 22 novembre 2018 relative à l'IS 2017.

13) Le 15 janvier 2019, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La seule question litigieuse était de savoir si la recourante formait avec son époux une unité fiscale au 31 décembre de chacune des trois années en cause, ce qui justifierait, le cas échéant, une taxation commune en application du barème marié B0.

Selon la base de données de l'OCPM, les époux étaient séparés depuis dix-sept ans. Mme A______ admettait elle-même dans sa réclamation et son recours qu'ils vivaient séparés depuis plusieurs années. Elle avait produit des pièces attestant qu'ils étaient domiciliés, respectivement, à Annemasse et D______. De surcroît, son époux avait confirmé qu'il ne vivait plus avec elle depuis 2001. Dans ces circonstances, les pièces produites par la recourante au stade du recours, notamment les factures concernant la taxe foncière, ne constituaient pas des preuves suffisantes pour admettre la mise en commun des moyens d'existence des époux.

14) Par jugement du 29 avril 2019, le TAPI a rejeté le recours.

S'agissant de la condition d'absence de ménage commun, selon la base de données de l'OCPM, Mme A______ était domiciliée à Annemasse et s'était séparée de son époux depuis le 1er octobre 2001. Il ressortait des pièces du dossier que M. B______ habitait D______. Mme A______ avait de plus confirmé dans ses courriers des 2 septembre 2013 et 23 mars 2016 qu'elle vivait séparée depuis de nombreuses années. Le fait que, dans sa réplique du 24 janvier 2019, elle ait allégué avoir repris la vie commune avec son époux en 2009 et 2010, tendait à confirmer qu'elle ne vivait pas avec lui durant les autres années. Il y avait donc lieu de retenir que la condition de l'absence de ménage commun était réalisée pour les périodes fiscales en cause. Ce point n'était d'ailleurs pas contesté.

En ce qui concernait la condition du défaut de mise en commun des moyens d'existence, Mme A______ n'alléguait pas disposer avec son époux d'un compte bancaire commun permettant à chacun de prélever de l'argent pour ses propres besoins. Alors que son mari n'aurait pas retrouvé un emploi depuis son licenciement en août 2015, elle ne prétendait pas avoir pourvu à son entretien durant les années en cause. La prise en charge par Mme A______ des dépenses relatives à la maison de D______ occupée par son époux ne saurait suffire à justifier la persistance d'une communauté de moyens, le paiement de ces frais étant inhérent au statut de copropriétaire solidairement responsable.

En outre, il ressortait des déclarations faites par Mme A______ dans sa lettre à l'AFC-GE du 23 mars 2016 que non seulement elle n'était pas directement informée par son époux sur sa situation et ses moyens d'existence, mais qu'elle s'en désintéressait. Dans ces circonstances, elle ne pouvait raisonnablement soutenir qu'elle formait encore avec lui une communauté conjugale et de moyens.

Les deux conditions constitutives d'une séparation de fait étaient remplies, si bien que c'était à bon droit que l'AFC-GE avait appliqué le barème A0.

15) Par acte posté le 28 mai 2019, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à l'annulation « des impositions effectuées par l'AFC-GE ».

Elle avait participé activement à la « vie de la maison », payé des factures, fait des achats et travaillé dans le jardin. Elle avait maintenu un lien très fort avec son mari durant les dernières années, qui avaient été très difficiles dans toutes les démarches administratives nécessitées par son licenciement, et l'avait soutenu financièrement.

Ils n'avaient jamais voulu de séparation mais « garder leur état de mariés », et n'avaient jamais établi de convention attestant du versement de pensions ou autres arrangements « qui seraient affiliés en tant que document de séparation, à savoir une séparation de fait ». Enfin, ils avaient voulu garder leurs adresses propres pour avoir une meilleure vie.

16) Le 26 juin 2019, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Celui-ci ne contenant aucun argument nouveau ni aucune pièce nouvelle déterminante, elle priait la chambre administrative de se référer à ses précédentes écritures ainsi qu'au jugement du TAPI, qui devait être confirmé.

17) Le 23 juillet 2019, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 30 août 2019 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

18) Le 31 juillet 2019, l'AFC-GE a indiqué ne pas avoir d'observations complémentaires.

19) Le 26 août 2019, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

Comme déjà mentionné dans son acte de recours, l'AFC-GE avait envoyé une lettre à son employeur pendant la procédure de recours au TAPI, ainsi que des rappels à elle-même, ce qui constituait un vice de forme, et toute la procédure devait être annulée de ce fait.

Elle ne pouvait pas être qualifiée de personne seule, car elle n'était pas en concubinage ni avec des enfants mineurs.

F______ l'avaient toujours considérée comme mariée dans la mesure où elle n'avait pas de document officiel à faire valoir concernant sa séparation.

Elle se formalisait également de ce que le TAPI ait rejeté son recours comme « mal fondé ».

20) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige concerne l'impôt à la source payé par la recourante pour les périodes fiscale 2015 à 2017. Sont applicables au litige, au niveau fédéral, les dispositions de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), et sur le plan cantonal, celles découlant des art. 32 ss de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), soit celles de la loi sur l'imposition à la source des personnes physiques et morales du 23 septembre 1994 (LISP - D 3 20) et du règlement d'application de la loi sur l'imposition à la source des personnes physiques et morales du 12 décembre 1994 (RISP - D 3 20.01), ainsi que, pour les questions de l'assujettissement fiscal, les dispositions de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08).

3) a. Le système de l'impôt à la source est défini aux art. 83 ss LIFD pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et, s'agissant de l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) aux art. 32 ss LHID, 1 ss LISP et 1 ss RISP. En matière d'imposition cantonale, le régime d'imposition à la source mis en place par la LHID est harmonisé avec le droit fédéral et le législateur genevois en a repris la teneur dans la LISP (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 289-290 n. 2).

b. Le système d'imposition à la source a pour fonction de se substituer à l'ICC et à l'IFD perçus selon la procédure ordinaire (art. 32 al. 1 LHID et 17 LISP). La déduction des cotisations périodiques versées en vue de l'acquisition des droits aux prestations dans le cadre de la prévoyance professionnelle est ainsi comprise dans le forfait (art. 86 al. 1 LIFD, 33 al. 3 LHID et 4 al. 1 LISP). Dans ce système, le débiteur de l'impôt est le débiteur de la prestation imposable, celui qui a l'obligation de retenir l'impôt et de verser au fisc. Ensuite d'une substitution fiscale, le sujet fiscal n'est plus directement le débiteur de l'impôt et il n'a plus aucun droit ni obligation tant que dure la substitution, laquelle porte d'abord sur le paiement, puis sur la procédure (Andrea PEDROLI in Dominique YERSIN/ Yves NOËL [éd]., Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, p. 1004 n. 2 ; Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, System des Steuerrechts, 6ème éd., p. 77 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 290 n. 3). Malgré cette substitution, le contribuable conserve certaines obligations de procédure, telle celle de donner des renseignements sur les éléments déterminants pour la perception de l'impôt à la source (art. 136 LIFD ; art. 49 al. 1 LHID et 31 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 auquel se réfère l'art. 22 LISP ; Andrea PEDROLI, op. cit., ad art. 136 LIFD, p. 1289 n. 1).

4) a. Pour l'IFD, l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) établit le barème des retenues d'après les taux de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (art. 85 al. 1 LIFD). En accord avec l'autorité cantonale, elle fixe, en outre, les taux qui doivent être incorporés dans le barème cantonal au titre de l'impôt fédéral direct (art. 85 al. 2 LIFD).

Le barème tient compte des frais professionnels (art. 26 LIFFD) et des primes et cotisations d'assurances (art. 33 al. 1 let. d, f et g LIFD) sous forme de forfait, ainsi que des charges de famille du contribuable (art. 35, 36 et 86 al. 1 LIFD). Les retenues opérées sur le revenu des époux vivant en ménage commun qui exercent tous deux une activité lucrative sont calculées selon des barèmes qui tiennent compte du cumul des revenus des conjoints (art. 9 al. 1 LIFD), des déductions prévues à l'art. 86 al. 1 LIFD et de la déduction accordée en cas d'activité lucrative des deux conjoints (art. 33 al. 2 LIFD ; art. 86 al. 2 LIFD).

b. Pour l'ICC, le barème des retenues est établi d'après les taux de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (art. 3 al. 1 LISP). Les retenues comprennent les impôts fédéral, cantonal et communal, ce dernier correspondant à la charge fiscale moyenne des communes du canton (art. 3 al. 2 LISP). Les taux de l'impôt fédéral sont fixés par la législation fédérale (art. 3 al. 3 LISP). Le même barème s'applique dans tout le canton (art. 3 al. 4 LISP).

Le barème tient compte des frais professionnels, des primes et des cotisations d'assurance sous forme de forfait, ainsi que des charges de famille (art. 4 al. 1 LISP). L'impôt concernant les époux vivant en ménage commun et qui exercent tous deux une activité lucrative est calculé selon des barèmes qui tiennent compte du cumul des revenus des conjoints, des déductions prévues à l'art. 4 al. 1 LISP et de la déduction accordée en cas d'activité des deux conjoints (art. 4 al. 2 LISP).

Les barèmes prévus aux art. 3 et 4 LISP sont, pour le revenu brut de la période en cause (prestations en nature comprises) et compte tenu de la situation familiale, recensés dans un tableau annexé au RISP, et qui est adopté chaque année (art. 1 al. 1 RISP). L'état civil et les charges de famille pris en considération sont ceux du contribuable au 31 décembre de l'année en cours ou à la date de fin d'assujettissement si elle est antérieure (art. 1 al. 2 RISP).

5) a. D'après l'art. 9 al. 1 LIFD, les revenus des époux qui vivent en ménage commun sont additionnés, quel que soit le régime matrimonial applicable. A contrario, en cas de divorce ou de séparation durable de fait ou de droit durant la période fiscale, les époux sont imposés séparément (art. 42 al. 2 LIFD), pour l'ensemble de la période fiscale (art. 42 al. 2 LIFD ; ATF 138 II 300 consid. 2.1).

b. Selon la jurisprudence rendue sous l'angle de la LIFD, pour que l'on admette la séparation de fait, il ne doit plus y avoir de ménage commun et les moyens financiers ne doivent plus être gérés en commun. Ces conditions sont cumulatives. Une séparation au sens de l'art. 9 al. 1 LIFD suppose ainsi que les époux aient renoncé à la vie commune. Partant, aussi longtemps que chaque époux a un domicile propre tout en maintenant la communauté conjugale, il n'y a pas de vie séparée (sur ce point, le droit fiscal se distancie du droit civil : arrêt du Tribunal fédéral 2C_707/2018 du 16 septembre 2019 consid. 2.2). Il est dès lors nécessaire, pour que les conditions d'une taxation séparée soient réalisées, que les époux entendent réduire à néant la communauté conjugale, plus précisément qu'ils renoncent à vivre en ménage commun, en particulier pour l'un des motifs indiqués aux art. 137, 175 et 176 CC, et qu'ils vivent séparés de manière durable. Par ailleurs, l'imposition séparée suppose l'absence de mise en commun des moyens d'existence des époux s'agissant notamment des dépenses afférentes à l'appartement et au ménage ; autrement dit, l'assistance d'un époux par l'autre ne se fait plus que sous la forme de subsides d'un montant déterminé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_837/2015 du 23 août 2016 consid. 4.4 et les références citées). Ainsi, par exemple, le ménage commun perdure lorsque des époux ayant des domiciles distincts mènent leur vie de couple durant les fins de semaine (arrêt du Tribunal fédéral 2A.433/2000 du 12 juillet 2001 consid. 2, in Archives 71 p. 558).

6) En l'espèce, le prétendu « vice de forme » allégué par la recourante, à savoir l'envoi de rappels à son intention alors qu'une procédure judiciaire était pendante, constituerait tout au plus une violation de l'art. 67 al. 1 LPA, étant précisé que les courriers concernent une autre période fiscale que celles faisant l'objet de la présente procédure. Or une telle violation n'entraîne aucune conséquence particulière sur la validité de la procédure en cours, et la recourante n'invoque aucune base légale susceptible de fonder sa prétention d'« annulation de la procédure » - laquelle aurait d'ailleurs un effet contraire à celui qu'elle souhaite, soit de maintenir les taxations litigieuses.

S'agissant du barème A « personne seule », il ne s'applique pas qu'aux concubins (les personnes vivant avec des enfants mineurs sont imposées selon le barème H), mais aussi aux personnes divorcées, ou séparées de corps ou de fait, ce qui est le cas de figure visé en l'espèce par l'autorité intimée ; étant précisé que la séparation de fait n'implique pas nécessairement de prononcé judiciaire.

Le domicile séparé n'est pas contesté par la recourante, qui indique dans son recours qu'elle et son mari ont voulu « garder leurs adresses propres pour avoir une meilleure vie ». Seul donc est litigieux le maintien ou non du ménage commun malgré le domicile séparé.

À cet égard, les éléments mis en avant par la recourante ne sont pas suffisants pour remettre en cause la séparation de fait. En effet, elle indique avoir participé activement à la « vie de la maison » en payant des factures, faisant des achats et travaillant dans le jardin, avoir maintenu un lien très fort avec son mari durant les dernières années, et l'avoir soutenu financièrement. Ces allégations ne sont, à l'exception de la production de quelques factures (taxe foncière, électricité notamment), pas étayées. De plus, comme l'a relevé pertinemment le TAPI, le paiement de ces frais est inhérent au statut de copropriétaire de la maison. La recourante ne prétend pas avoir pourvu dans une large mesure à l'entretien de son mari, et n'a d'ailleurs pas fourni d'attestation émanant de ce dernier et susceptible de confirmer ses dires. Le fait de maintenir un lien avec son mari, ou encore de faire des achats pour la maison ou de jardiner, ne sauraient quoi qu'il en soit valoir à eux seuls ménage commun.

Il résulte de ce qui précède que c'est à raison que l'intimée a considéré la recourante comme séparée de fait et l'a taxée selon le barème « personne seule ». Le recours doit dès lors être rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 mai 2019 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 avril 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Verniory et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :