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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/205/2019

ATA/272/2020 du 10.03.2020 ( NAT ) , ADMIS

Descripteurs : ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ;NATURALISATION;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;FORMALISME EXCESSIF
Normes : Cst.29.al1; Cst.38.al2; Cst-GE.210.al2; LN.49; LN.50; LNat.1.letb; LNat.14.al1; LNat.11; RNat.1.al2; RNat.11
Résumé : Recours contre un refus de l’office cantonal de la population et des migrations (OCPM) d’engager une procédure de naturalisation, dont la demande avait été déposée le 21 décembre 2017, aux motifs qu’au 31 décembre 2017 le recourant n’avait pas été en mesure de présenter un extrait de son casier judiciaire et qu’à cette date il n’était pas au bénéfice d’un titre de séjour valable. Dans la mesure où le recourant avait sollicité la production de l’extrait de casier avant de déposer sa demande de naturalisation, qu’il en avait informé l’OCPM et qu’il a pu verser cet extrait avant le prononcé de la décision litigieuse, le refus d’engager la procédure de naturalisation constitue un cas de formalisme excessif. S’agissant du titre de séjour, l’OCPM ne pouvait pas reprocher au recourant d’en être dépourvu dès lors que ce dernier avait requis de cet office, presque trois ans avant de déposer devant lui sa demande de naturalisation, le renouvellement de son autorisation de séjour. Recours admis et dossier renvoyé à l’OCPM afin qu’il se prononce sur la demande de renouvellement de l’autorisation de séjour avant de décider s’il engage ou non la procédure de naturalisation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/205/2019-NAT ATA/272/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 mars 2020

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pierre Ochsner, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1983, est un ressortissant d'Algérie. Le 13 août 2015, M. A______ a épousé Madame B______  née C______ le ______ 1990, de nationalité marocaine. Le couple a eu deux enfants : D______, née le ______ 2016, et E______, née le ______ 2019.

2) Pour ce qui concerne ses conditions de séjour, M. A______ a été mis au bénéfice d'un livret L, autorisation de courte durée pour séjour en traitement médical, moins de douze mois, le 18 février 2011. Cette autorisation a été renouvelée du 9 mai au 30 octobre 2014.

Le 5 février 2015, M. A______ a demandé le renouvellement de son autorisation de séjour auprès du service étrangers/séjour (ci-après : service étrangers) de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Il souffrait d'un problème ophtalmologique et devait suivre un traitement médical rigoureux en Suisse.

Le 8 décembre 2016, le service étrangers a informé M. A______ qu'il était disposé à faire droit à sa requête. Sa décision était toutefois soumise à l'approbation du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM).

Par courriel du 12 janvier 2017, M. A______ a demandé au service étrangers s'il avait des nouvelles relatives à son autorisation de séjour. Il avait en parallèle déposé une demande de naturalisation et avait en conséquence besoin d'obtenir l'approbation du SEM. Le service étrangers lui a répondu le 17 février 2017 ; pour lui permettre de se prononcer sur sa demande en toute connaissance de cause, M. A______ était invité à lui faire parvenir un rapport médical, une attestation de non-poursuite et à indiquer quels étaient ses moyens financiers. M. A______ a répondu le 29 mai 2017.

Le 18 juillet 2018, M. A______ a interpellé le SEM, aucune décision n'ayant été rendue suite à la demande de renouvellement de son autorisation de séjour du 5 février 2015. Le SEM lui a précisé que son dossier était en possession de l'OCPM, lequel lui répondrait directement. Le 24 juillet 2018, l'OCPM a indiqué à M. A______ que, dans le cadre de la procédure d'examen de sa demande de renouvellement de son autorisation de séjour et de sa famille, il l'invitait à lui transmettre divers documents.

M. A______ a répondu le 1er octobre 2018.

3) Par un courrier de son mandataire daté du 21 décembre 2017, M. A______ a déposé une demande de naturalisation suisse et genevoise auprès du service suisse - secteurs des naturalisations (ci-après : secteur naturalisations) de l'OCPM. Sa fille D______ était comprise dans cette demande. Le 31 décembre 2017, le secteur naturalisations a tamponné ce courrier, de même que le formulaire officiel qui l'accompagnait.

Sur ce formulaire officiel, sous la rubrique « Le candidat réside légalement dans le canton de Genève dès le : », il est indiqué en lettres manuscrites : « 18.02.2011 (selon Calvin) (2008 Symic) ». Le terme « Calvin » désigne la base de données de la population genevoise, tenue à jour par l'OCPM. Le terme Symic désigne le système d'information central sur la migration, tenu à jour par la Confédération.

Dans son courrier, le mandataire de M. A______ a expliqué qu'il ferait parvenir au secteur naturalisations une attestation fiscale et un extrait du casier judiciaire suisse destiné à des particuliers (ci-après : extrait de casier) actualisés dans un très bref délai. Parmi les pièces jointes à la demande de naturalisation figurait un extrait du casier délivré le 27 septembre 2016 portant la mention « ne figure pas au casier judiciaire ».

4) Le 1er janvier 2018 est entrée en vigueur la nouvelle loi sur la nationalité suisse du 20 juin 2014 (LN - RS 141.0), abrogeant la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse du 29 septembre 1952 (ci-après : aLN).

5) Le 3 janvier 2018, le secteur naturalisations a tamponné le courrier du 22 décembre 2017 que lui a adressé M. A______. À ce courrier étaient joints l'attestation fiscale actualisée et le justificatif d'une demande d'extrait de casier du 22 décembre 2017, sur lequel il était indiqué qu'il serait délivré par poste vraisemblablement le 8 janvier 2018.

6) Le 13 juillet 2018, l'OCPM a informé M. A______ de son intention de ne pas engager la procédure de naturalisation.

Au 31 décembre 2017, lui-même et sa fille n'étaient pas en possession d'un titre de séjour valable. De plus, ni lui ni sa fille ne se trouvaient dans le cas où la décision de renouvellement avait été prise mais que le titre de séjour n'avait pas encore été produit et délivré. En outre, l'extrait de casier ne figurait pas dans son dossier.

7) Le 14 août 2018, M. A______ a exercé son droit d'être entendu.

Il avait sollicité le renouvellement de son permis de séjour auprès de l'OCPM le 5 février 2015. Le 8 décembre 2016, cet office l'avait informé qu'il était disposé à faire droit à sa demande, sa décision étant soumise à l'approbation du SEM. Relayant une demande du SEM, l'OCPM avait sollicité des informations complémentaires le 17 février 2017. Il y avait répondu le 29 mai 2017.

Depuis lors, il était dans l'attente d'une décision du SEM, cette autorité l'ayant toutefois informé le 23 juillet 2018, suite à sa demande, que son dossier était resté en possession de l'OCPM. Le secteur naturalisations ne pouvait dès lors pas se fonder sur une prétendue absence de permis de séjour pour refuser d'entrer en matière sur sa demande de naturalisation et sur celle de sa fille.

À sa réponse, M. A______ a joint l'extrait du casier actualisé qui lui avait été délivré le 24 juillet 2018, et dont il ressortait qu'il n'y figurait pas.

8) Le 28 novembre 2018, le secteur naturalisations a refusé d'engager la procédure de naturalisation en faveur de M. A______ et de sa fille.

Dès lors qu'au 31 décembre 2017, il n'avait pas été en mesure de présenter un extrait du casier et que ni lui ni sa fille n'étaient au bénéfice d'un titre de séjour valable, les conditions de l'art. 11 al. 6 let. b et c du règlement d'application de la loi sur la nationalité genevoise du 15 juillet 1992 (RNat - A 4 05.01) n'étaient pas remplies.

9) Par acte posté le 14 janvier 2019, M. A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant, sous suite de dépens, à son annulation.

L'OCPM avait violé l'art. 11 RNat et fait preuve de formalisme excessif. Il n'était pas formellement au bénéfice d'un titre de séjour valable, mais cette situation était entièrement imputable à l'OCPM et ne pouvait dès lors pas constituer un motif suffisant pour refuser d'engager la procédure de naturalisation. L'autorité ne pouvait pas lui reprocher de ne pas être au bénéfice d'un tel titre de séjour dès lors qu'il en avait sollicité le renouvellement près de quatre ans auparavant et que son dossier était, depuis lors, en cours d'instruction. Pour le reste, il avait fait parvenir au secteur naturalisations un extrait de casier le 14 août 2018.

10) Entre-temps, le 11 janvier 2019, M. A______ a sollicité la reconsidération de cette décision. L'OCPM a refusé d'y donner suite le 24 janvier 2019.

11) Le 15 mars 2019, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

L'autorisation de séjour de M. A______ était échue depuis le 30 octobre 2014. Il ne disposait dès lors pas d'un titre de séjour valable au 31 décembre 2017, condition indispensable pour lui donner accès à la naturalisation. Il n'était pas non plus dans la situation où la décision de renouvellement ayant été prise, il était dans l'attente de la production et de la délivrance de son titre de séjour.

Seul un titre de séjour valable fondait dans son cas un droit de séjour en Suisse. Le séjour effectué dans le cadre de l'instruction de la demande de renouvellement ne constituait qu'une simple tolérance.

Les autorités compétentes en droit de la nationalité n'étaient pas soumises au droit des étrangers. Elles n'étaient pas non plus liées par les actes d'instruction ou par la procédure en droit des étrangers. Les deux procédures étaient distinctes et le secteur naturalisations n'avait pour seule obligation que d'appliquer la législation topique. Cela étant, il apparaissait que l'autorité cantonale en matière de droit des étrangers n'avait cessé d'instruire la demande de renouvellement du permis de séjour de M. A______.

Pour que la procédure de naturalisation soit engagée, tous les documents requis devaient être présentés. Le secteur naturalisations n'avait pas fait preuve de formalisme excessif, mais appliqué à juste titre le droit en vigueur en refusant également d'ouvrir la procédure du fait que l'extrait de casier ne figurait pas au dossier le 31 décembre 2017.

12) Le 23 janvier 2019, le juge délégué a demandé à M. A______ de verser à la procédure les pièces prouvant sa présence en Suisse pendant douze ans et conforme aux dispositions légales sur la police des étrangers.

13) Le 11 février 2019, M. A______ a versé à la procédure :

-       les copies de ses permis de séjour délivrés par l'OCPM le 18 mars 2011 et le 30 octobre 2014 et valables respectivement au 30 octobre 2011 et au 30 octobre 2014. La date d'entrée en Suisse figurant sur ces documents était le 17 novembre 2001 ;

-       une attestation de résidence délivrée le 3 novembre 2014 par la commune de F______, dans le canton de Vaud. Il avait été domicilié dans cette commune du 17 novembre 2001 au 1er novembre 2008 ;

-       une attestation délivrée par l'OCPM le 5 février 2019 et à teneur de laquelle il résidait sur le territoire genevois depuis le 18 février 2011.

14) Bien que la cause fût gardée à juger, le juge délégué a interpellé les parties le 9 janvier 2020. La chambre administrative souhaitait savoir, en l'absence de toute information à ce sujet, à quel stade en était la procédure de renouvellement du titre de séjour de M. A______.

Le 24 janvier 2020, ce dernier a expliqué qu'il était sans nouvelles de l'OCPM s'agissant du renouvellement de son permis de séjour. Il ressortait d'un courrier du 15 janvier 2019 adressé au service étrangers, et joint à sa réponse, que M. A______ avait donné suite à une sollicitation de ce service datée du 23 novembre 2018.

Le 3 février 2020, l'OCPM a pour sa part fait savoir que la demande de renouvellement du titre de séjour de M. A______ était « actuellement à l'examen » auprès de ses services, sans plus de précision.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit du refus de l'OCPM d'engager la procédure de naturalisation en faveur du recourant et de sa fille aînée.

3) a. L'entrée en vigueur, le 1er janvier 2018, de la LN a entraîné l'abrogation de l'aLN, conformément à l'art. 49 LN (en relation avec le chiffre I de son annexe). Selon la disposition transitoire figurant à l'art. 50 LN, l'acquisition et la perte de la nationalité suisse sont régies par le droit en vigueur au moment où le fait déterminant s'est produit (al. 1). Les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de ladite loi sont traitées conformément aux dispositions de l'ancien droit jusqu'à ce qu'une décision soit rendue (al. 2).

b. À l'appui de son recours, l'intéressé a indiqué avoir déposé, en parallèle à la procédure de renouvellement de son permis de séjour, une demande de naturalisation le 14 décembre 2016 déjà. Il est fait référence à cette demande dans le courriel du 12 janvier 2017 qu'il a adressé au service étrangers. Toujours dans son recours, le recourant a indiqué que dans la mesure où son permis de séjour n'avait pas été renouvelé, cette demande de 2016 lui avait été renvoyée dans le courant de l'année 2017.

c. Parmi les pièces versées à la procédure, figure un courrier du mandataire du recourant daté du 14 décembre 2016 et adressé au secteur naturalisations, dans lequel il annonce déposer une demande de naturalisation. Sur le formulaire officiel de demande de naturalisation figure également, à côté de la signature du recourant, la date du 14 décembre 2016. Toutefois, seul le courrier du mandataire daté du 21 décembre 2017 porte le tampon du secteur naturalisations attestant de la réception de la demande de naturalisation le 31 décembre 2017. Cette même date figure sur le tampon apposé par ce service sur le formulaire officiel.

Dans la mesure où il n'est, quoi qu'il en soit, pas contesté que la demande de naturalisation litigieuse a été déposée avant le 31 décembre 2017, les dispositions de l'ancien droit s'appliquent au présent litige.

4) En matière de naturalisation ordinaire des étrangers par les cantons, la Confédération édicte des dispositions minimales et octroie l'autorisation de naturalisation (art. 38 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Elle dispose d'une compétence concurrente à celle des cantons, dite limitée aux principes. Une interprétation de cette disposition constitutionnelle implique en effet que la compétence dont dispose la Confédération lui permet de fixer des principes et, ainsi, de prévoir dans la loi des conditions dites « maximales », que les cantons sont tenus de respecter et qu'ils ne peuvent outrepasser. Tel est notamment le cas des règles sur la procédure de vote sur les demandes de naturalisation au niveau cantonal et communal (art. 15 à 15c aLN), sur les voies de recours (art. 50 aLN) et sur les émoluments de naturalisation (art. 38 aLN ; ATA/914/2019 du 21 mai 2019 consid. 4 et les références citées).

Les dispositions de l'aLN contenant des conditions formelles et matérielles minimales en matière de naturalisation ordinaire, les cantons peuvent définir des exigences concrètes en matière de résidence et d'aptitude supplémentaires, en respectant toutefois le droit supérieur, pour autant qu'ils n'entravent pas l'application du droit fédéral, par exemple en posant des exigences élevées au point de compliquer inutilement la naturalisation ou de la rendre tout simplement impossible (ATF 139 I 169 consid. 6.3 ; 138 I 305 consid. 1.4.3 ; 138 I 242 consid. 5.3).

Bien que ni le droit fédéral ni le droit cantonal n'accordent en principe aux candidats étrangers un droit subjectif à la naturalisation, il n'en reste pas moins que les procédures et les décisions de naturalisation doivent respecter les droits fondamentaux, et que ce respect peut en principe être contrôlé par les tribunaux (ATA/914/2019 précité consid. 4).

5) En vertu de l'art. 29 al. 1 Cst., toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Selon le Tribunal fédéral, le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 130 V 177 consid. 5.4.1). L'excès de formalisme peut résider dans la règle de comportement qui est imposée au plaideur ou dans la sanction qui est attachée à cette règle (ATF 132 I 249 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_145/2014 du 1er mai 2014 consid. 3.1).

En tant que tel, le respect des règles de procédure est indispensable pour assurer l'égalité devant la loi et la sécurité du droit. Le principe postule une sorte d'application du principe de la proportionnalité, sous l'angle de l'exigence d'un rapport raisonnable entre le but poursuivi et les moyens employés à cette fin (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les droits fondamentaux, 3ème éd., 2013, n. 1316). Dans l'exercice de ses compétences, toute autorité administrative est tenue de respecter le principe de la proportionnalité découlant des art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., qui commande que la mesure étatique en cause soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit dans un rapport raisonnable avec l'atteinte aux droits des particuliers qu'elle entraîne (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1).

6) a. À Genève, le candidat à la naturalisation doit remplir les conditions fixées par le droit fédéral et celles fixées par le droit cantonal (art. 1 let. b LNat). Selon l'art. 210 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), l'État facilite la naturalisation des personnes étrangères. La procédure est simple et rapide. Elle ne peut donner lieu qu'à un émolument destiné à la couverture des frais.

b. En ce qui concerne la procédure, en vertu de l'art. 7 al. 1 LNat, le candidat adresse sa demande de naturalisation au département sur une formule ad hoc.

c. Les conditions de la naturalisation figurent à l'art. 11 LNat. Il est prévu que l'étranger qui remplit les conditions du droit fédéral peut demander la nationalité genevoise s'il a résidé deux ans dans le canton d'une manière effective, dont les douze mois précédant l'introduction de sa demande. (al. 1). Il peut présenter une demande de naturalisation quel que soit le titre de séjour dont il bénéficie (al. 2). Il doit en outre résider effectivement en Suisse et être au bénéfice d'un titre de séjour valable pendant toute la durée de la procédure. Le Conseil d'État détermine les cas dans lesquels des exceptions à l'exigence du titre de séjour valable peuvent être admises (al. 3). Il doit s'acquitter d'un émolument (al. 4).

d. En vertu de l'art. 54 al. 1 LNat, le Conseil d'État est chargé d'édicter le règlement d'application de la LNat.

e. Sous l'intitulé « Introduction de la requête », l'art. 11 al. 1 RNat - inchangé depuis le 1er juin 2017 sous réserve de modifications de dénominations - précise les documents qui doivent obligatoirement accompagner la demande de naturalisation, soit : un acte tiré du registre de l'état civil suisse datant de moins de six mois (let. a) ; une photographie (let. b) ; une attestation de l'AFC-GE, datant de moins de trois mois, certifiant qu'il a intégralement acquitté ses impôts (let. c) ; une attestation de l'office cantonal des poursuites (ci-après : OP), datant de moins de trois mois, certifiant qu'il n'a fait l'objet d'aucune poursuite en force ni acte de défaut de biens dans les cinq ans (let. d) ; un extrait du casier judiciaire central, datant de moins de trois mois, ne comportant aucune condamnation révélant un réel mépris de nos lois (let. e) ; une attestation de connaissance orale de la langue nationale, correspondant à un niveau équivalent ou supérieur au niveau A2 (intermédiaire) du Cadre européen commun de référence pour les langues, publié par le Conseil de l'Europe ; la maîtrise du français est exigée pour la naturalisation ordinaire (let. f) ; une attestation de réussite du test de validation des connaissances d'histoire, de géographie et des institutions suisses et genevoises (let. g).

f. À teneur de l'art. 11 al. 6 RNat, la procédure de naturalisation est engagée si : la durée du séjour répond aux normes fédérales et cantonales (let. a) ; tous les documents requis sont présentés (let. b) ; le candidat est au bénéfice d'un titre de séjour valable (let. c) ; le séjour en Suisse du candidat n'a pas subi d'interruption de fait de plus de six mois (let. d).

g. L'art. 11 al. 8 RNat prévoit quant à lui que le candidat doit être au bénéfice d'un titre de séjour valable pendant toute la durée de la procédure, sous réserve du cas où la décision de renouvellement a été prise mais que le titre de séjour n'a pas encore été produit et délivré.

h. L'étranger adresse sa demande de naturalisation au Conseil d'État (art. 13 al. 1 LNat). Selon l'art. 14 al. 1 LNat, le Conseil d'État délègue au département chargé d'appliquer la LN la compétence de procéder à une enquête sur la personnalité du candidat et sur celle des membres de sa famille ; il s'assure notamment que les conditions fixées à l'art. 12 LN sont remplies. Le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : le département) est chargé de l'application de la LNat (art. 1 al. 1 RNat). Il délègue cette tâche au service cantonal des naturalisations sous réserve des attributions conférées au service d'état civil et légalisations (art. 1 al. 2 RNat).

Le département procède à l'enquête prescrite par la loi (art. 13 al. 1 RNat). La procédure peut être suspendue par le département jusqu'à l'amélioration notoire des carences constatées lors de l'enquête (art. 13 al. 6 RNat).

7) Dans un ATA/1658/2019 du 12 novembre 2019, la chambre de céans a admis le recours d'une ressortissante étrangère contre une décision de l'OCPM refusant d'engager la procédure de naturalisation suite à la demande qu'elle avait déposée le 22 décembre 2017, aux motifs d'une part que l'attestation de l'OP qu'elle avait produite mentionnait des poursuites et actes de défaut de biens et, d'autre part, qu'elle n'avait pas produit avant le 31 décembre 2017 un extrait du casier. S'agissant des poursuites et actes de défaut de biens figurant sur l'extrait de l'OP, la chambre de céans a rappelé sa jurisprudence (ATA/914/2019 précité ; ATA/1223/2019 du 13 août 2019 ; ATA/1281/2019 du 21 août 2019). L'autorité intimée s'étant en réalité prononcée sur des questions d'ordre matériel, elle avait violé le principe de la légalité et celui de la séparation des pouvoirs. S'agissant de l'absence de l'extrait de casier au 31 décembre 2017, la chambre de céans a retenu que refuser l'ouverture de la procédure de naturalisation pour ce motif constituerait un cas de formalisme excessif dès lors que celui-ci avait requis avant la fin de l'année 2017, soit le 15 décembre 2017, et cela même si la date exacte de réception du document ne ressortait pas du dossier. Un extrait du casier vierge daté du 24 janvier 2019 avait été versé à la procédure.

8) En l'espèce, l'OCPM refuse d'engager la procédure de naturalisation du fait que le recourant n'avait pas, au 31 décembre 2017, déposé un extrait de casier.

Il n'est pas contesté qu'au 31 décembre 2017, le dossier du recourant ne contenait pas un extrait de casier datant de moins de trois mois. Les conditions posées par les art. 11 al. 1 let. e et 11 al. 6 let. b RNat n'étaient en conséquence pas remplies.

Il ressort toutefois du dossier que le recourant a sollicité la production de l'extrait de casier le 22 décembre 2017. À l'instar de la situation décrite dans l'ATA/1658/2019, la date de réception de ce document par la recourant ne ressort pas du dossier. Il n'en demeure pas moins qu'il a été en mesure de fournir ce document lorsqu'il a exercé son droit d'être entendu le 14 août 2018. Dans ce contexte, le refus d'engager la procédure de naturalisation au seul motif que l'extrait de casier ne figurait pas encore au dossier au 31 décembre 2017 constitue un cas de formalisme excessif.

9) a. Le SEM refuse en outre d'engager la procédure de naturalisation du recourant et de sa fille du fait qu'ils n'étaient, au 31 décembre 2017, pas titulaires d'un titre de séjour valable.

b. Les textes des art. 11 al. 2 et 3 LNat et 11 al. 6 RNat sont clairs, et il n'est pas contesté que ni le recourant ni sa fille n'en remplissaient les conditions.

c. Il n'est pas non plus contesté que le recourant a déposé une demande de renouvellement de son autorisation de séjour auprès de l'intimé le 5 février 2015. En décembre 2016, le service étrangers l'a informé qu'il était disposé à faire droit à sa demande, sa décision étant toutefois soumise à l'approbation du SEM. Dans sa réponse au recours, l'OCPM indique avoir transmis le dossier au SEM en novembre 2016.

Dans un courriel du 12 janvier 2017 adressé au service étrangers, le recourant s'est inquiété des suites données par le SEM à sa demande de renouvellement d'autorisation de séjour. Il y fait référence à la demande de naturalisation qu'il aurait déposée en 2016 et explique qu'il avait en conséquence besoin du préavis des autorités fédérales. En février 2017, le service étrangers lui a demandé la production de plusieurs documents, ce à quoi le recourant a donné suite le 29 mai 2017. Il ne ressort pas du dossier que l'intimé aurait ensuite agi avant le mois de juillet 2018, soit après que le recourant s'est inquiété du sort réservé à sa demande de renouvellement de son permis de séjour, cette fois auprès du SEM. Dans sa réponse au recours, l'OCPM ne prétend pas le contraire.

La question de savoir si, dans ce contexte, le refus de l'OCPM d'engager la procédure de naturalisation au motif que le titre de séjour du recourant n'avait pas été renouvelé constitue un cas de formalisme excessif souffrira de rester indécise, le comportement de l'intimé étant critiquable sous un autre aspect.

10) Exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., le principe de la bonne foi entre administration et administré exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré, et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7).

L'OCPM relève à juste titre dans sa réponse au recours qu'il n'appartient pas aux autorités de naturalisation de se substituer à celles compétentes en matière de droit des étrangers. En l'espèce, il se trouve néanmoins que ces deux autorités sont rattachées à la même entité administrative, l'OCPM, lequel ne pouvait par ailleurs pas ignorer l'importance que constituait, pour le recourant, l'échéance du 31 décembre 2017, la LN entrant en vigueur le 1er janvier 2018. Le recourant avait déposé sa demande de naturalisation en décembre 2017. Il attendait depuis près de trois ans que l'intimé se prononce sur la demande de renouvellement de son autorisation de séjour préavisée favorablement une année plus tôt. Le recourant pouvait dès lors, de bonne foi, compter sur une décision de l'OCPM relative à son permis de séjour avant que n'intervienne le changement de loi sur la naturalisation. Le sort réservé au recourant crée l'apparence que la très longue durée, restée jusqu'ici inexpliquée, prise par l'intimé pour renouveler ou non son titre de séjour pourrait être dictée par des motifs qui ne ressortent pas du dossier, mais qui ont quoi qu'il en soit eu pour conséquence de faire obstacle à sa demande de naturalisation. Ce faisant, l'OCPM se prévaut de sa propre faute, ce qui n'est pas admissible, le principe nemo auditur suam propriam turpitudinem allegans valant également en droit public (ATA/169/2020 du 11 février 2020 consid. 7b et les références citées ; ATA/109/2018 du 6 février 2018 consid. 12 in fine).

Il découle de ce qui précède que le recours sera admis. La décision litigieuse sera annulée, l'OCPM étant invité à décider rapidement du sort qu'il réserve à la demande de renouvellement de l'autorisation de séjour du recourant, ceci avant de décider s'il engage ou non la procédure de naturalisation du recourant et de sa fille aînée.

11) À teneur des pièces versées au dossier, la présence en Suisse du recourant est attestée pour les périodes du 17 novembre 2001 au 1er novembre 2008 et du 18 février 2011 à ce jour. Pour la période du 1er novembre 2008 au 18 février 2011, seule une référence manuscrite au Symic figure sur le formulaire de demande de naturalisation déposée par le recourant en décembre 2017. Dans la mesure où l'OCPM n'a pas remis en cause la présence continue du recourant en Suisse depuis 2001, cette question n'a pas empêché de trancher le présent litige, le dossier devant quoi qu'il en soit être retourné à l'OCPM.

12) Aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA), la procédure étant gratuite s'agissant d'une décision en matière de naturalisation (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera par ailleurs allouée au recourant, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 janvier 2019 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 28 novembre 2018 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 7 décembre 2018 28 novembre 2018 [rectification erreur matérielle] ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Ochsner, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Mascotto, juges

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :