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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1291/2019

ATA/271/2020 du 10.03.2020 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1291/2019-FPUBL ATA/271/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 mars 2020

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Andrea Von Flüe, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

1) Le ______ 1999, Madame A______, née en 1980, a été engagée par le département de l'instruction publique, de la culture et du sport, devenu depuis lors le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP), en qualité d'enseignante suppléante auprès de l'école primaire de B______.

2) Par arrêté du Conseil d'État du 12 novembre 2003, avec effet au 1er septembre 2003, elle a été nommée à la fonction de maîtresse dans l'enseignement primaire, à un taux d'activité de 100 % et a été affectée, en 2006, à l'école de C______, à D______ (ci-après : l'école).

3) Selon le cahier des charges des titulaires de l'enseignement primaire, établi le 12 avril 2013, mis à jour le 12 décembre 2013, l'enseignant - responsable de la formation de l'élève - devait assumer, notamment « des missions d'instruction, de transmission culturelle », ainsi que « des missions d'éducation et de transmission de valeurs sociales ». Outre des travaux de gestion pédagogique et administrative en rapport avec sa charge, il pouvait être appelé à assumer des activités subsidiaires et/ou ponctuelles, notamment la tenue des comptes de l'école ou de l'établissement.

4) Dès l'année scolaire 2014-2015, outre sa fonction d'enseignante, Mme A______, qui ne disposait alors d'aucune formation en la matière, a pris en charge la tenue des comptes de l'école, et Madame E______, une de ses collègues, celle de vérificatrice des comptes.

5) Durant l'été 2017, dans le cadre des contrôles annuels par échantillonnage des comptes des écoles, le service finances et administration (ci-après : le service FA) de la direction générale de l'enseignement obligatoire (ci-après : DGEO) a procédé à un contrôle des comptes de l'école et a constaté des irrégularités entre les relevés figurant dans la comptabilité de l'école et les relevés de la Banque cantonale de Genève (ci-après : BCGE), extraits par ledit service lors du contrôle. Une investigation plus poussée a mis en évidence des différences comptables d'environ CHF 10'000.- depuis 2015, en défaveur du DIP.

Le service FA a dès lors demandé au directeur de l'école, Monsieur F______(ci-après : le directeur de l'école) de lui remettre la comptabilité des trois dernières années scolaires correspondant à la date de la prise en charge des comptes de l'école par Mme A______.

6) Le 25 août 2017, lors d'un entretien tenu en présence du directeur de l'école, de Madame G______, directrice du service FA (ci-après : la directrice du service FA), de Monsieur H______, son adjoint et contrôleur de gestion du service FA (ci-après : le contrôleur de gestion du service FA), et de Monsieur I______, adjoint au service des ressources humaines de la DGEO (ci-après : le RRH), Mme A______ a reconnu avoir détourné un montant d'environ CHF 4'000.- pour le reverser sur le compte d'un collègue, membre de sa famille. Afin de dissimuler ses actes, elle avait régulièrement produit de faux relevés bancaires qu'elle avait fabriqués en scannant des relevés d'origine et en extrayant des données sur Internet.

7) Le 28 août 2017, tous les accès au compte bancaire de l'école ont été immédiatement retirés à Mme A______, qui devait restituer sa « calculette » BCGE et les pièces comptables conservées à son domicile. Sa signature auprès de la BCGE a également été radiée.

8) Par courriel du même jour, adressé aux participants de la séance du 25 août 2017, Mme A______ les a remerciés pour leur « attitude avenante » à son égard. Elle a admis avoir spolié son employeur en fabriquant de faux relevés de compte pour dissimuler ses actes qu'elle estimait « peu élogieux » et qu'« aucune circonstance atténuante ne pourrait atténuer (ses) mauvais choix ». Elle a précisé avoir agi seule.

9) Le 29 août 2017, la directrice du service FA a dénoncé les faits au Ministère public. Une procédure pénale a été ouverte sous la cote P/1______ contre Mme A______, notamment pour gestion déloyale.

10) Le 8 septembre 2017, Mme A______ - qui avait comme à l'ordinaire effectué la rentrée scolaire - a été convoquée à un entretien de service le 4 octobre 2017.

11) Au cours de cet entretien de service, en présence du directeur de l'école et du RRH, Mme A______ a confirmé le contenu de l'entretien du 25 août 2017.

a. Elle a expliqué avoir détourné du compte de l'école un montant de l'ordre de CHF 15'000.-, dont il fallait déduire une somme d'environ CHF 9'000.- qu'elle avait restituée en juillet 2016, à la réception de son 13ème salaire.

Le premier détournement était intervenu en octobre 2014, parce que son mari avait exigé d'elle le versement intégral de son salaire et lui avait fait « vivre un enfer ». Elle avait ainsi prélevé du compte de l'école un montant de plus de CHF 4'000.- pour le verser sur le compte de son mari, afin « qu'il la laisse tranquille ». Les autres prélèvements avaient servi à payer des factures de ses dépenses exceptionnelles, suite aux rappels des créanciers.

S'agissant de la double signature pour le compte BCGE, Mme A______ a expliqué avoir, avec la vérificatrice des comptes, échangé le code d'accès de leur carte bancaire. Ni celle-ci, ni le directeur n'étaient au courant de ses actes, puisqu'elle avait falsifié informatiquement les documents comptables ad hoc. Sur ce point, le RRH a observé que, selon le contrôleur de gestion de la FA, les documents falsifiés étaient si bien faits qu'ils ne pouvaient éveiller le soupçon des personnes amenées à les manipuler.

b. Elle a ensuite expliqué qu'elle vivait un contexte de désarroi personnel qui l'avait amenée à commettre lesdits détournements. Elle avait été victime d'un viol collectif, le 15 août 2014, à Amsterdam, lors d'un voyage d'agrément avec des amis et son mari, qui n'avait pas été en mesure de lui apporter le moindre réconfort lorsqu'elle lui avait relaté l'agression. Elle n'avait pas eu la force d'aller déposer plainte à la police et n'avait jamais évoqué ces événements avec d'autres personnes. À son retour à Genève, elle avait eu une sorte de « blackout » total. Elle avait consulté son médecin, qui avait suspecté un choc psychologique en raison de sa subite intolérance au gluten et au lactose alors qu'elle ne lui avait pas parlé de ce viol.

c. Elle a enfin fait état des difficultés de son couple relativement à la gestion des charges du ménage et au comportement de son mari à ce propos, qu'elle jugeait maladif. Jusqu'en 2010, elle aurait supporté seule les charges familiales, ce qui avait conduit à une rupture du couple sept ans auparavant. En 2010, ils avaient repris la vie commune, moyennant que son mari se charge de la gestion des dépenses familiales et qu'elle lui verse l'intégralité de son salaire. Son mari aurait cependant refusé des achats essentiels pour la famille, de sorte qu'elle s'était trouvée dans l'obligation de les effectuer avec ses réserves personnelles. Elle avait dès lors décidé de conserver un montant de CHF 1'200.- sur son salaire mensuel et d'en verser le solde à son mari, soit CHF 6'000.-, étant précisé que sur les CHF 1'200.- précités, CHF 600.- avaient été affectés au paiement de l'écolage de ses trois pupilles au conservatoire de musique. Peu avant le décès de son beau-père, il y avait environ deux ans, son mari avait réduit son taux d'activité de 100 % à 75 % sans l'en informer. Cette année-là, la famille avait en outre subi un cambriolage.

Séparée actuellement de son mari, en procédure de divorce, elle vivait seule avec leurs deux enfants, nés respectivement en 2005 et 2006, dont elle avait la garde.

d. À l'issue de cet entretien de service, elle a été informée que son employeur envisageait de prononcer une sanction disciplinaire à son encontre, voire de résilier leurs rapports de service.

12) Dans un courriel adressé le 2 novembre 2017 (non pas le 2 décembre 2017 comme indiqué dans le rapport d'enquête administrative et repris dans les écritures du DIP) à la directrice du service FA, le contrôleur de gestion du service FA a indiqué que les contrôles des comptes de l'école avaient permis de constater les graves irrégularités suivantes :

- comptabilité incomplète, avec une dernière écriture au 30 juin 2017 sans justificatifs complets et détaillés ;

- absence de justificatifs pour plusieurs écritures ;

- rapport annuel de vérification pour 2016-2017 non signé par le vérificateur ;

- relevés bancaires falsifiés et absence de certaines écritures dans les comptes ;

- une analyse complémentaire avait permis d'identifier des transactions de la main à la main, non documentées.

Le dommage subi par le DIP pouvait, en l'état, être estimé à environ CHF 30'000.-.

13) Le 27 novembre 2017, le contrôleur de gestion du service FA a établi un récapitulatif des détournements effectués par Mme A______ durant les trois années scolaires 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017.

Le montant du préjudice subi par le DIP s'élevait à CHF 29'433.30, après déduction de CHF 9'477.65 qu'elle avait versés en juillet 2016 sur le compte de l'école, à titre de remboursement partiel du montant total détourné de CHF 39'059.90.

14) Par arrêté du 31 janvier 2018, le Conseil d'État a désigné un enquêteur et ordonné l'ouverture d'une enquête administrative à l'encontre de Mme A______, la suspension provisoire de l'intéressée, ainsi que la suppression de toute prestation en sa faveur à la charge de l'État.

15) Au 10 juillet 2018, les dernières copies des pièces de la procédure pénale ouverte contre l'intéressée (P/1______) ont été transmises à l'enquêteur, notamment les rapports de renseignement des 2 mars et 28 juin 2018 de la brigade financière de la police judiciaire à l'intention du Ministère public, une analyse de la documentation du compte bancaire de Mme A______, ainsi que les procès-verbaux des auditions de Mme A______, de son époux Monsieur J______, de sa collègue vérificatrice des comptes de l'école à l'époque des faits et de la directrice du service FA.

16) Les éléments suivants du dossier pénal ont été retenus comme pertinents par l'enquêteur administratif dans son rapport d'enquête, soit en substance :

a. Entendue par la police judiciaire le 20 novembre 2017, la directrice du service FA a exposé que les écoles primaires disposaient toutes d'une caisse, ainsi que d'un compte bancaire auprès de la BCGE, notamment pour recevoir des subventions cantonales et communales, et les versements des parents d'élèves. Le contrôle de leur comptabilité n'était pas systématique, mais s'opérait par échantillonnages de six écoles primaires et de deux cycles d'orientation par année.

Elle a confirmé que la teneuse et la vérificatrice des comptes de l'école étaient tenues de suivre une formation et d'être enregistrées formellement auprès de la BCGE avec un code d'accès personnel, intransmissible, afin d'assurer une double validation selon le principe du contrôle à « quatre yeux ». Le directeur de l'école avait un accès et la signature sur le compte bancaire de l'école, mais n'avait jamais effectué ni validé les mouvements du compte.

b. Le 1er février 2018, lors de son audition, Mme A______ a déclaré s'être mariée avec M. J______ en 2001, et vivre séparée depuis mai 2017. Ses parents, retraités, vivaient à Genève. Par le passé, elle avait contracté des dettes à hauteur de CHF 60'000.-, entièrement remboursées par son père.

Elle a exposé avoir enseigné à B______ et à K______, puis à l'école de C______ dès son ouverture, douze ans plus tôt. Dans la plupart des établissements scolaires et sur la base de la confiance, le teneur de comptes connaissait le code d'accès du vérificateur et réciproquement, même si cela ne devrait pas être le cas. Le rôle de vérificateur était assez simple et consistait à vérifier deux fois par année les relevés et les mouvements du compte. En pratique, le vérificateur, qui devait valider chaque paiement, ne le faisait pas, puisque le teneur de comptes contresignait les débits avec son double accès. En l'occurrence, sa collègue vérificatrice de comptes n'avait jamais validé les transferts qu'elle avait effectués et réciproquement. Sa hiérarchie ne semblait pas être au courant de cette pratique.

Le directeur de l'école n'avait pas d'accès e-banking, ni pour la saisie ni pour la consultation. En toute hypothèse, il n'aurait pu s'apercevoir des détournements puisqu'elle avait modifié les relevés bancaires pour « qu'ils collent avec le journal des comptes ».

Elle avait accepté d'être teneuse de comptes de l'école parce que personne ne voulait ce poste. Elle aurait dû suivre une formation ad hoc, mais ne l'avait jamais fait, ayant repris l'activité « au vol ».

Après avoir évoqué les différents prélèvements effectués sur le compte de l'école, Mme A______ a expliqué qu'il s'agissait du « serpent qui se mord(ait) la queue » en ce sens qu'elle était parvenue à rembourser une somme de CHF 9'477.65 avec son 13ème salaire, en juillet 2016, puis tout avait repris l'année suivante, son couple ayant dysfonctionné, elle-même étant dépensière et son mari « pingre », outre le fait que leur système de partage de frais avait été, selon elle, inégal.

Elle a confirmé que la vérificatrice de comptes n'avait joué aucun rôle dans les détournements d'argent qu'elle avait effectués. Son mari n'était pas au courant de la provenance de l'argent qu'elle lui avait versé. Elle a, par ailleurs, reconnu avoir prélevé divers montants sur l'argent qui lui était remis de la main à la main par ses collègues, notamment pour les camps et lors des ventes de Noël, qu'elle avait placés dans le coffre de l'école sans les déposer sur le compte bancaire de l'école.

c. Auditionnée le même jour, la vérificatrice de comptes a déclaré être collègue et amie de Mme A______ depuis l'ouverture de l'école, il y avait douze ans. Elle avait entièrement confiance en celle-ci. Elle avait eu à s'occuper des comptes des différentes écoles où elle avait enseigné auparavant. Elle avait contrôlé le compte de l'école pour l'année 2016 et n'avait pas eu le temps de le faire pour l'année 2017.

d. Le 26 juin 2018, M. J______ a déclaré à la police judiciaire qu'après le décès de leur premier enfant, en 2001, son couple avait accumulé des dettes, sans qu'il puisse l'expliquer, sinon que son épouse avait commencé à faire des dépenses extraordinaires. Différents systèmes de gestion de l'argent du ménage s'étaient avérés inefficaces, son épouse ayant presque toujours eu un problème avec l'argent. Le compte commun se retrouvait systématiquement à zéro dès le 15 de chaque mois. Le couple avait dès lors décidé que M. J______ allait désormais gérer les dépenses du ménage. Des dettes étant à nouveau apparues, ils avaient décidé que son épouse ne devait recevoir que CHF 1'500.- sur son salaire mensuel. Ce dernier système d'organisation avait duré jusqu'à leur séparation, en mai 2017, lorsque son épouse s'était installée dans une villa en France voisine.

Il a affirmé avoir remis à cette dernière CHF 20'000.- pour l'aménagement de ce nouveau logement et lui avoir prêté près de CHF 30'000.- pour régler un ancien leasing de voiture, sans lui en avoir, à ce jour, réclamé le remboursement.

S'agissant de la tenue des comptes de l'école, Mme A______ lui avait indiqué que l'ensemble de l'école et des enfants seraient pénalisés si personne ne s'en chargeait.

17) a. Au cours de l'enquête administrative, Mme A______, assistée de son conseil, a été entendue les 21 août et 11 octobre 2018. Elle a confirmé les déclarations faites lors de l'entretien de service du 4 octobre 2017, ainsi que celles du 1er février 2018 à la police judiciaire.

Elle a reconnu avoir détourné du compte de l'école un montant total de CHF 39'059.90, du 28 octobre 2014 au 30 juin 2017. Elle avait remboursé sur ce compte CHF 9'477.65, en juillet 2016.

Sa fonction de teneuse de comptes était rémunérée moyennant une fiche de paiement qu'elle avait dû remplir. Elle n'avait pas suivi la formation ad hoc proposée par le directeur, s'étant déjà inscrite à une autre formation. L'année suivante, elle avait demandé à en être dispensée.

Elle a estimé n'avoir aucun problème avec l'argent. Elle n'avait jamais dépensé de l'argent pour elle-même, ses dépenses ayant toutes été en lien avec les besoins du ménage, excepté plusieurs voitures, neuves ou d'occasion, en leasing, ainsi une Audi, une Jaguar, une Lexus puis une Tesla. Elle avait toutefois dû honorer seule le leasing de la Tesla, avec l'aide de ses parents. Sous la pression de son mari, elle avait par ailleurs dû cesser son mécénat pour ses trois pupilles au conservatoire de musique.

Son métier d'enseignante était toute sa vie, une véritable vocation. Son sentiment général était un énorme regret résultant d'un cumul d'éléments qui l'avait conduite à mal agir.

En ce qui concernait sa situation personnelle actuelle, elle a indiqué être domiciliée, avec ses deux enfants, à Beaumont, en France, moyennant un loyer mensuel de CHF 3'200.-, sans occupation professionnelle et sans salaire depuis le 1er février 2018. Ses dettes s'élevaient à environ CHF 2'000.-. Elle couvrait ses besoins grâce à une avance sur héritage de ses parents - dont le montant n'avait pas été précisé - ainsi qu'une somme de CHF 1'800.- par mois que son mari lui versait depuis janvier 2018.

b. Entendue le 25 septembre 2018, la directrice du service FA a indiqué que, pour assurer sa tâche de teneuse de comptes, Mme A______ avait suivi une formation unique consistant en un module de deux heures. La signature à deux, soit le principe « des quatre yeux », n'avait pas fonctionné en l'occurrence, puisque Mme A______ disposait du nom d'utilisateur et du mot de passe de sa collègue.

En tant qu'enseignante, Mme A______ était reconnue par ses collègues et avait une très bonne notoriété. Le directeur tenait également cette dernière en grande estime.

c. Le même jour, le directeur de l'école a exposé avoir exercé ses fonctions depuis septembre 2012. Il a décrit en termes élogieux les qualités d'enseignante de Mme A______.

Il avait examiné, deux fois par année, la tenue des comptes dont elle s'était chargée, sans avoir rien constaté de spécial sinon que les subventions avaient été utilisées à bon escient. Il ignorait qu'elle disposait du code d'accès de la vérificatrice, bien qu'il savait qu'une telle pratique avait pu exister dans d'autres écoles. Il n'avait pas insisté auprès de Mme A______ s'agissant du caractère intransmissible des codes d'accès dès lors que la documentation bancaire le stipulait. Les enseignants étaient amenés à gérer certaines sommes d'argent reçues pour des sorties et camps scolaires. Ces montants pouvaient être relativement importants selon les activités budgétées.

Il a affirmé que Mme A______ ne s'était jamais officiellement plainte de sa charge de teneuse de comptes, mais avait relevé, lors d'échanges informels, qu'il s'agissait d'une tâche chronophage et lourde. Elle ne lui avait jamais demandé d'être relevée de sa charge. Il ne se souvenait pas qu'une telle demande avait été formulée lors d'une réunion d'équipe.

Au printemps 2017, il avait remarqué chez elle un certain abattement et de la tristesse. Elle lui avait fait part de ses difficultés conjugales, de son éventuelle séparation et du fait que son salaire était mis à la disposition de son mari qui s'occupait de la gestion du ménage.

Selon lui, Mme A______ n'avait pas conscience de la gravité de ses actes. Elle était restée très présente dans la vie de l'école, avait participé à des repas, des sorties et week-ends en équipe. Elle avait créé une ambigüité difficile à gérer en n'ayant respecté ni l'injonction de ne pas parler de ses détournements ni l'attitude correspondant aux explications convenues pour justifier son absence, censée être liée à son état de santé.

d. Le 17 septembre 2018, la vérificatrice de comptes de l'école a confirmé à l'enquêteur ses déclarations du 1er février 2018 à la police judiciaire et indiqué avoir reçu un blâme pour la façon dont elle avait exercé sa fonction de vérificatrice.

Avant l'arrivée de Mme A______, alors qu'elle-même était teneuse de comptes, elle avait fonctionné moyennant deux codes d'accès e-banking séparés avec la précédente vérificatrice. Vu le caractère peu pratique de ce mode de fonctionnement, cette dernière lui avait donné son code d'accès après avoir précisé qu'elle vérifierait ses opérations après coup. Elle n'avait pas eu l'impression d'enfreindre une interdiction de transmission de codes, personne n'ayant attiré son attention sur ce point. Enfin, elle n'avait pas lu ou pas vu la mention de cette interdiction sur les documents bancaires.

Elle a confirmé ne pas avoir vérifié les comptes pour l'exercice 2016-2017, et avoir proposé à Mme A______ - qui l'avait refusé - de les reprendre au printemps 2017. En tant qu'enseignante, elle avait en effet reçu de l'argent en liquide, notamment pour des camps d'élèves. Elle l'avait versé sur son compte privé afin de ne pas le laisser en classe.

Mme A______ était une excellente enseignante dont elle avait apprécié de reprendre les élèves. La classe de cette dernière avait bien fonctionné, dans une ambiance de respect mutuel, et avait couvert le programme de l'année. Elle savait que l'intéressée avait vécu des choses difficiles dans sa vie privée.

« Sauf erreur », lors de réunions temps de travail en commun (ci-après : TTC) qui réunissaient tous les enseignants, parfois avec le directeur, au cours de l'année 2014-2015, elle-même et Mme A______ avaient demandé à être relevées de leur charge respective, importante et complexe. Cette dernière avait exprimé à plusieurs reprises son souhait d'être relevée de sa charge, mais personne ne s'était manifesté pour la remplacer.

e. Le 2 octobre 2018, un enseignant à l'école a déclaré connaître Mme A______ sur le plan professionnel depuis douze ans. Elle était une enseignante très précise, travailleuse, exigeante, attentionnée envers les élèves. Elle prenait très à coeur son métier. Elle avait contribué à la bonne entente existant au sein de l'équipe des enseignants et rendu service à plusieurs reprises à ses collègues, notamment en ayant accepté de se charger de classes avec des degrés inconfortables. Ayant eu des élèves provenant de sa classe, il avait pu constater qu'ils avaient été bien préparés, tant sur le plan scolaire que sous l'angle du comportement et de l'implication. Malgré le fait qu'elle avait été très exigeante avec ses élèves, il n'avait pas eu de retour négatif de la part des parents.

S'agissant de la tenue des comptes de l'école, Mme A______ s'était dévouée et avait accepté cette tâche lorsque le directeur leur avait indiqué qu'ils seraient bloqués si personne ne s'en chargeait.

f. Le même jour, une autre enseignante a déclaré connaître Mme A______ depuis environ dix ans. Elle l'a décrite comme une personne très engagée, dévouée, droite, avec des valeurs fortes, pleine d'humour, très aimante, juste et à l'écoute des enfants. Elle savait que, sur le plan financier, le couple J______ avait connu certains dysfonctionnements. Sa collègue lui avait confié être harcelée par son mari.

g. Entendu également ce jour-là, Monsieur L______ a exposé connaître l'intéressée par l'intermédiaire de sa compagne qui était maîtresse de sport. Selon lui, celle-ci n'avait aucun problème financier, mais se trouvait actuellement sans revenus. Il avait, à plusieurs reprises, participé aux camps de classe avec Mme A______, comme accompagnateur. Il avait pu constater qu'elle s'était bien occupée des enfants, qui paraissaient beaucoup l'apprécier, et qu'elle les avait bien cadrés, avec une humeur toujours égale.

h. Le 4 octobre 2018, le RRH a déclaré connaître l'intéressée depuis une année pour l'avoir reçue à plusieurs reprises dans son bureau. Selon le directeur de l'école, il s'agissait d'une très bonne enseignante qui avait rendu service en ayant accepté de recevoir dans sa classe, à titre de stage, une autre enseignante de retour d'un congé thérapeutique.

Pour avoir assisté aux entretiens de Mme A______ avec sa hiérarchie, il avait pu constater qu'elle n'avait pas contesté les faits qui lui étaient reprochés et qu'elle avait sans cesse indiqué regretter ce qu'elle avait fait.

i. Le même jour, une mère de deux jeunes filles qui avaient eu Mme A______ comme enseignante - durant deux années scolaires pour l'aînée, il y avait cinq ans et, durant une année pour la cadette, il y avait trois ans - a décrit celle-ci comme une enseignante bienveillante, qui avait su cerner les besoins de ses filles et avait mis toute son énergie au service des enfants. Elle n'avait pas connu de problème lié au financement d'activités scolaires durant les années où ses filles étaient en classe avec l'intéressée. Ses filles avaient beaucoup apprécié leur maîtresse et avaient gardé un très bon souvenir d'elle. Elles lui rendaient visite lorsqu'elles le pouvaient.

j. Entendu par l'enquêteur le 9 octobre 2018, M. J______, enseignant depuis 1999 ou 2000, a confirmé ses déclarations du 26 juin 2018 à la brigade financière.

Après son mariage avec Mme A______, en 2001, il avait été décidé qu'ils se partageraient la gestion des charges courantes. Entre 2005 et 2007, le couple avait ouvert un compte bancaire commun sur lequel une partie du salaire de chacun était versée pour payer ces charges. Ce compte s'était trouvé systématiquement à zéro avant chaque fin du mois. Un nouveau système consistant à ce qu'il reçoive l'intégralité du salaire de son épouse avait été adopté. Selon le dernier système qu'ils avaient mis en place, son épouse devait lui verser CHF 5'000.- par mois, ce qu'elle n'avait pas fait tous les mois.

Le couple avait, en 2008-2009, emménagé dans la maison de sa famille, moyennant des charges hypothécaires d'environ CHF 1'500.- par mois. Selon ses souvenirs, en 2010-2011, il aurait découvert des rappels de factures, au nom de son épouse, dans un tiroir d'une armoire, pour un total d'environ CHF 40'000.-. Dépassée par les événements, elle ne lui avait donné aucune explication. Il s'était adressé au père de son épouse, qui avait réglé toutes ces factures.

Il a par ailleurs évoqué les acquisitions de voitures de luxe par son épouse, dont une Jaguar neuve, une Audi et une Lexus d'occasion. Aux alentours des années 2014-2015, des difficultés pour le paiement de certaines mensualités du leasing de la Lexus étaient apparues. Il a affirmé avoir payé entre CHF 15'000.- et CHF 20'000.- pour éviter de perdre la voiture, grâce à des avoirs que son père lui avait donnés de son vivant.

Il a assuré n'avoir jamais reçu de la part de son épouse des montants de l'ordre de CHF 4'000.- et CHF 5'000.- en espèces. Elle ne lui avait jamais fait part de ses soucis financiers, mais avait évoqué certains problèmes avec la banque qui n'aurait pas fait certains versements ou s'était trompée. Avec le temps, il avait estimé que ces explications n'étaient pas crédibles. Son épouse entretenait un rapport difficile avec l'argent.

Il a confirmé qu'il s'était « passé quelque chose » lors de leur voyage à Amsterdam. Son épouse lui avait indiqué avoir été victime d'une agression. Il lui avait proposé d'aller voir la police et de se rendre à l'hôpital, ce qu'elle n'avait pas fait. Un suivi médical avait eu lieu à Genève. Il n'avait pas remarqué une modification du comportement de son épouse en société. Affichant plutôt la jovialité, elle ne montrait pas ce qui pouvait la toucher, bien qu'elle avait sûrement changé en profondeur.

Enfin, il a souligné que son épouse vouait une véritable vocation à sa fonction d'enseignante. Il n'avait jamais senti un changement d'attitude de sa part durant la période de 2014 à 2017. À sa connaissance, le frère et la soeur de son épouse avaient hérité un terrain à M______, sur la commune de N______. Un appartement à Crans-Montana pourrait revenir à son épouse. Il n'avait jamais pressé celle-ci pour qu'elle lui rembourse les montants qu'elle lui devait, notamment pour la Lexus.

k. Le 11 octobre 2018, une enseignante remplaçante a déclaré avoir eu l'occasion de faire un remplacement de longue durée à l'école de C______ et avait pu apprécier Mme A______ comme collègue ainsi que ses qualités professionnelles.

18) Le 21 novembre 2018, le rapport d'enquête administrative a été remis au Conseil d'État. L'enquêteur a conclu que les documents mis à disposition par le DIP, l'apport de la procédure pénale P/1______ et les auditions auxquelles il avait procédé avaient permis d'établir que Mme A______ avait détourné à huit reprises un montant total de CHF 39'059.90 du compte de l'école :

- CHF 7'100.- le 20 octobre 2014 ;

- CHF 285.- le 11 novembre 2014 ;

- CHF 5'788.70 le 21 mai 2015 ;

- CHF 10'000.- le 16 décembre 2016 ;

- CHF 7'600.- le 27 avril 2017 ;

- CHF 716.60 prélevés frauduleusement dans la caisse de l'école, le 21 mai 2015 ;

- CHF 3'409.60 prélevés frauduleusement dans la caisse de l'école, le 28 mai 2017 ;

- CHF 2'820.- et CHF 1'340.-, remis par les enseignants pour le camp Cernois en mai 2017, non versés dans la caisse ou sur le compte bancaire de l'école.

Le préjudice économique causé s'élevait à CHF 29'582.25, après déduction du montant de CHF 9'477.65 que Mme A______ avait remboursé, en juillet 2016, sur le compte de l'école.

Pour masquer ces détournements, Mme A______ avait falsifié la comptabilité de l'école à l'aide de faux relevés bancaires. La découverte des détournements avait été possible grâce au contrôle financier, par échantillonnages, effectué durant l'été 2017 par le service FA auprès de l'école. Entendue une première fois le 25 août 2017, lors d'une réunion avec la DGEO, Mme A______ avait reconnu des détournements pour une somme d'environ CHF 4'000.-, qu'elle avait masqués au moyen de faux relevés bancaires. Elle n'avait reconnu l'intégralité des montants détournés, établis ultérieurement par la DGEO, qu'au cours de l'enquête administrative. L'enquête n'avait pas permis de déterminer si la vérificatrice de comptes était au courant des détournements opérés par sa collègue.

Mme A______ avait fait part de ses difficultés à assurer l'entretien de sa famille et des pressions exercées par son mari à son égard. Elle avait admis avoir acquis des voitures de luxe, la dernière, une Tesla, financée par un leasing d'un montant de CHF 90'000.-, contracté en janvier 2017. Elle avait été rémunérée à hauteur de CHF 1'329.50 comme teneuse de comptes pour les exercices scolaires de 2014 à 2017.

Selon plusieurs témoins, Mme A______ était une excellente enseignante, ce qui avait été confirmé par la direction du DIP. Le fait qu'elle n'ait pas suivi la formation prévue pour les teneurs de comptes était regrettable, mais ne pouvait être mis en relation de causalité avec les détournements qu'elle avait commis.

En détournant un montant total de CHF 39'059.90, pour un préjudice économique de CHF 29'582.25, et en dissimulant ces détournements par la falsification de la comptabilité de l'école à l'aide de faux relevés, sur une période de près de trois ans - de septembre 2014 à mai 2017 - Mme A______ avait manifestement et gravement violé ses devoirs de fonction, plus particulièrement ses devoirs de dignité et de respect de l'intérêt de l'État. Ces violations étaient incompatibles avec les missions d'éducation et d'instruction qui lui incombaient en sa qualité de membre du corps enseignant.

19) Le 14 janvier 2019, par l'intermédiaire de son conseil, Mme A______ a présenté ses observations relatives au rapport d'enquête administrative.

Elle a soutenu avoir d'emblée reconnu les faits qui lui étaient reprochés et avoir, rapidement, reconnu l'entier des montants qu'elle avait détournés. Le premier détournement avait eu lieu peu de temps après l'événement tragique survenu lors de son voyage à Amsterdam, en août 2014. Il convenait de tenir également compte du fait qu'elle avait connu une situation de couple « délétère » et une séparation conflictuelle. Malgré ces difficultés, elle avait exercé au mieux sa profession d'enseignante.

Un enseignant du secteur primaire ne devrait a priori pas être en charge de la comptabilité de son école. Elle n'avait d'ailleurs pas voulu s'en charger et avait demandé à en être libérée. L'absence d'un cadre bien défini en la matière, ajoutée à une pratique non conforme, en vigueur depuis des années, avaient rendu possibles les détournements opérés, lesquels n'auraient pas eu lieu si le système « à quatre yeux » avait été respecté. L'absence de formation de sa part y avait contribué.

S'agissant des conséquences de ses actes, il convenait de différencier son activité d'enseignante de celle de teneuse de comptes. Elle n'avait jamais manqué à ses devoirs d'enseignante, s'agissant de sa fonction principale, mais uniquement à ceux de teneuse de comptes. Ni les élèves de l'école, ni leurs parents n'avaient été informés de ses actes. La sanction de son comportement devrait être examinée en fonction du rapport de confiance avec l'État et non au regard du devoir d'exemplarité, dès lors que son image d'enseignante n'avait aucunement été « écornée » vis-à-vis des tiers. Ce n'était qu'à l'égard de son employeur qu'elle avait fauté, en sa qualité de teneuse de comptes. Lui accorder une seconde chance lui permettrait de réintégrer son poste d'enseignante. Elle rembourserait le préjudice causé.

20) Par arrêté du 27 février 2019, le Conseil d'État a révoqué Mme A______ dans ses fonctions, avec effet au 31 janvier 2018. La décision était exécutoire nonobstant recours.

Il était établi que Mme A______ avait profité de sa charge de teneuse de comptes de l'école durant les trois années scolaires considérées pour détourner à huit reprises, à son profit, la somme totale de CHF 39'059.90, en ayant élaboré, à certaines occasions, de faux documents bancaires à l'entête de la BCGE afin de masquer ses agissements.

Elle avait trompé son employeur, sa hiérarchie, ses collègues et les communes subventionnant l'école. Elle avait ainsi irrémédiablement détruit le rapport de confiance, indispensable à la poursuite de la relation de travail, et porté atteinte à la considération et à la confiance dont la fonction publique devait être l'objet.

La répétition de ses agissements, sur une période de trois années scolaires de surcroît, ainsi que la confection de faux documents bancaires, parfois élaborés au sein de l'école même, conféraient à ses manquements un caractère de gravité accrue. Ce n'était que grâce au contrôle aléatoire effectué par la DGEO que ses agissements avaient été mis à jour. Elle n'avait reconnu les faits reprochés qu'au fil de leur découverte.

Au vu de la gravité et de la durée de ses actes, son bon parcours professionnel et sa motivation pour son métier ne permettaient pas d'apprécier différemment son comportement, étant relevé que la charge de teneur de comptes figurait dans le cahier des charges des enseignants et que Mme A______ avait été rémunérée pour cette charge, en sus de son salaire d'enseignante. Au regard des directives et procédures régissant la tenue de la comptabilité des écoles/établissements, elle ne saurait faire porter à l'État la responsabilité des détournements commis en invoquant sa non-participation aux cours de formation ou l'absence de cadre défini en la matière. Malgré les directives, les procédures et le manuel d'instruction en la matière, Mme A______ avait, avec sa collège vérificatrice, décidé de ne pas respecter le système de contrôle « à quatre yeux ».

Ainsi, de par sa volonté délictuelle et les stratégies mises en place, Mme A______ était parvenue à contourner les règles de sécurité comptables mises en place par son employeur et à détourner à son profit plusieurs dizaines de milliers de francs en trois ans. Elle n'avait jamais exprimé sa volonté de mettre un terme à son activité de teneuse de comptes auprès du directeur de l'école. La période difficile qu'elle indiquait avoir vécue sur le plan privé ne pouvait aucunement justifier les actes commis, ni même les expliquer et partant, ne pouvait avoir pour conséquence d'amoindrir leur gravité.

À teneur des faits établis, il convenait de retenir que les montants détournés avaient servi avant tout à enrichir personnellement Mme A______ dont la prise de conscience de ses errements paraissait faible. Celle-ci se préoccupait plus des effets désagréables que ses agissements avaient sur sa vie familiale, notamment la suppression de son salaire, que de leur impact sur l'école en particulier, et l'institution en général.

D'une part, Mme A______ avait manifestement et gravement violé ses devoirs de fonction, plus particulièrement son devoir de dignité, et d'autre part, son devoir de respect de l'intérêt de l'État, étant relevé que ces violations étant incompatibles avec ses missions d'éducation et d'instruction. Elle ne saurait scinder la notion de confiance entre les différents aspects de la profession d'enseignant. Elle ne revêtait désormais plus les conditions d'exemplarité, de respectabilité, de probité et de bonne réputation exigées d'un fonctionnaire de l'État, s'agissant de surcroît d'un enseignant.

21) Par ordonnance pénale du 1er mars 2019, le Ministère public a déclaré Mme A______ coupable de gestion déloyale, de faux dans les titres, de conduite d'un véhicule non couvert par l'assurance-responsabilité civile et de non restitution de permis ou de plaques, et l'a condamnée à une peine pécuniaire de cent quatre-vingts jours-amende, fixée à CHF 140.- le jour, assortie du sursis avec un délai d'épreuve de quatre ans.

Il l'a par ailleurs condamnée à une amende sans sursis de CHF 5'040.-, à une peine privative de liberté de substitution de trente-six jours en cas de non-paiement de l'amende, et lui a donné acte de ce qu'elle avait admis les conclusions civiles de la DGEO, dans leur principe et dans leur quotité pour un montant de CHF 29'582.25.

En ce qui concernait sa situation personnelle, il a retenu qu'elle était divorcée, avec deux enfants à charge, sans revenus, qu'elle était aidée par ses parents et qu'elle avait déclaré disposer d'une fortune estimée à CHF 2'000'000.-. La nature de cette fortune - vraisemblablement non mobilisable en l'état - n'a pas été précisée par l'autorité pénale dans son ordonnance.

22) Par acte déposé le 1er avril 2019, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre l'arrêté du 27 février 2019 précité - reçu le lendemain - en concluant à son annulation, à ce qu'une sanction telle qu'une réduction de traitement, avec effet au jour de l'ouverture de l'enquête administrative, soit prononcée, afin de permettre son maintien au poste d'enseignante dans le secteur primaire, ainsi qu'à l'allocation d'une indemnité de procédure de CHF 3'000.-. Subsidiairement, elle a conclu à son transfert à un autre poste, dans le domaine de l'enseignement ou de la pédagogie.

L'arrêté querellé violait le principe de la proportionnalité. Le Conseil d'État aurait dû tenir compte des compétences particulièrement bonnes de la recourante dans le domaine de l'enseignement, malgré la gravité de sa faute. La recourante n'avait pas failli dans l'exercice de sa profession de maîtresse au sens strict.

Pour le surplus, en priant la chambre de céans de se référer aux faits tels qu'établis par l'enquêteur dans son rapport d'enquête administrative, la recourante a repris l'essentiel des arguments développés lors de ses observations du 14 janvier 2019 mentionnées ci-dessus.

23) Le 20 mai 2019, le Conseil d'État, soit pour lui le DIP, s'en rapportait à justice quant à la recevabilité du recours, en concluant à son rejet quant au fond.

Reprenant l'essentiel des faits établis par l'enquêteur dans son rapport, l'autorité intimée a relevé la relation de confiance particulière devant exister avec un enseignant, lequel était amené à exercer un rôle d'autorité, d'exemplarité et d'intégrité envers les élèves. L'intérêt public à protéger la confiance du public, des parents et des élèves concernés avait été considéré comme prépondérant. Ledit intérêt l'emportait sur l'intérêt privé de la recourante à conserver son poste d'enseignante, dans les circonstances particulières du cas d'espèce.

Par ailleurs, tout au long de la procédure, la recourante n'avait pas démontré avoir pris conscience de la gravité des faits qui lui étaient reprochés. Elle avait fait état des conséquences négatives de ses actes sur sa propre personne, mais pas sur l'institution, et n'avait rien entrepris pour les réparer. Elle avait nié avoir le moindre problème avec l'argent, comme elle n'avait vu aucun problème à sponsoriser trois pupilles au conservatoire de musique, outre le leasing d'une voiture de luxe, alors qu'elle n'avait pas remboursé, à une exception près, les montants qu'elle avait détournés, laissant un découvert de plus de CHF 29'000.- à la charge de l'État.

Les personnes qui avaient témoigné de ses qualités d'enseignante n'avaient pas été au courant de la réalité de ses détournements répétés, ni de ses manoeuvres pour les dissimuler (par exemple, les contre-vérités et les explications incorrectes fournies à ses collègues), étant rappelé que la recourante avait en outre détourné de l'argent récolté pour des camps que des collègues lui avaient remis. La qualité d'enseignante était un tout qui devait s'apprécier dans son ensemble. La présence face aux élèves ne saurait être suffisante en soi pour remplir les devoirs de dignité, d'intégrité, d'honnêteté et d'exemplarité. La recourante ne pouvait se prévaloir d'une situation personnelle difficile et des conséquences qu'elle en subirait en étant sans revenus, alors qu'elle avait déclaré devant l'autorité pénale détenir une fortune de CHF 2'000'000.-.

Au vu de l'ampleur des détournements qu'elle avait commis, de la gravité des nombreuses violations de ses devoirs de fonction, et considérant l'ensemble des circonstances, la révocation de l'intéressée apparaissait comme une mesure proportionnée. En outre, ayant été condamnée pour gestion déloyale des biens de l'État en sa qualité de teneuse de comptes, faux dans les titres, et violation des règles de la circulation routière, son casier judiciaire ne répondait pas aux exigences de probité, d'intégrité et d'honnêteté exigées d'un membre du corps enseignant.

24) Le 14 août 2019, la recourante a persisté dans les termes de son recours, ainsi que dans les explications fournies dans ses observations du 14 janvier 2019 relatives à l'enquête administrative. Elle a exprimé ses regrets et ses excuses s'agissant de son comportement, estimant avoir toujours pris soin d'épargner les élèves.

25) Par courrier du 15 août 2019, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

26) L'argumentation des parties sera reprise, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 let. b LPA.) Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

3) La recourante - qui ne conteste pas les faits reprochés - estime que sa révocation n'est pas justifiée au regard du principe de la proportionnalité. Ses qualités d'enseignante, qui devraient être dissociées de son comportement en tant que teneuse de comptes de l'école, auraient dû être prises en considération pour la maintenir dans son poste, voire la transférer à un autre poste dans l'enseignement ou dans un autre domaine pédagogique.

4) a. Rattachée administrativement et hiérarchiquement au département, la recourante est soumise à la loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10 ; art. 1 al. 4 LIP) et au règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire B (RStCE - B 5 10.04 ; art. 1 let. a RStCE).

b. Selon l'art. 10 al. 1 LIP, l'école publique a pour buts, dans le respect de la personnalité de chacun, notamment de donner à chaque élève le moyen d'acquérir les meilleures connaissances et compétences dans la perspective de ses activités (let. a) et de préparer chacun à participer à la vie sociale, culturelle, civique, politique et économique du pays, en affermissant le sens des responsabilités, la faculté de discernement et l'indépendance de jugement (let. d).

Les activités et les responsabilités des membres du corps enseignant sont décrites dans des cahiers de charges (art. 6 al. 1 RStCE).

c. À teneur de l'art. 123 LIP, les membres du personnel enseignant doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux missions, notamment d'éducation et d'instruction, qui leur incombent (al. 1). Ils sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (al. 2).

L'art. 20 RStCE précise, de même, que les membres du corps enseignant doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux responsabilités leur incombant.

5) a. Travailler pour une collectivité publique implique des devoirs particuliers et notamment, le devoir de fidélité, la plus caractéristique des obligations des fonctionnaires ou employés de l'État. À la différence d'un employé du secteur privé, un fonctionnaire doit non seulement défendre les intérêts de son employeur dans l'exercice de ses tâches, mais il doit en plus s'attacher à préserver la confiance que les administrés sont en droit de placer dans leur État, afin que l'administration puisse correctement fonctionner (Pierre MOOR/ François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Droit administratif, 2018, vol. III, n° 7.3.3.3).

Il résulte de ce devoir de fidélité l'obligation de faire tout ce qui est conforme aux intérêts de l'État. Le fonctionnaire doit s'acquitter de sa tâche, dans la mesure qui correspond à ses fonctions, avec diligence, en respectant notamment la légalité et l'intérêt public. Le devoir de fidélité implique aussi qu'en accomplissant sa tâche, le fonctionnaire défende les intérêts de la collectivité au-delà de sa prestation de travail proprement dite (Pierre MOOR/ François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, op. cit., n° 7.3.3.1).

De même, le fonctionnaire a l'obligation de s'abstenir de tout acte qui pourrait porter préjudice à l'État. Aussi bien dans l'exercice de ses tâches qu'en-dehors, le fonctionnaire doit se montrer digne de la considération et de la confiance que sa fonction officielle exige et doit avoir un comportement tel que la population puisse avoir confiance dans l'appareil administratif à qui est confiée la gestion des affaires publiques (Pierre MOOR/François BELLANGER/ Thierry TANQUEREL, op. cit., n° 7.3.3.1).

b. Les collaborateurs de la fonction publique ont une vie privée, qu'ils peuvent mener librement. Ils ont néanmoins une obligation de dignité. Celle-ci ne saurait dépasser ce qui est requis pour une exécution correcte de leurs tâches. L'obligation de dignité va donc dépendre de la position occupée et de la nature des fonctions. Elle oblige également les agents publics à avoir une attitude privée irréprochable, en ce sens qu'ils ne doivent commettre ni crime ni délit passibles d'une condamnation devant les tribunaux pénaux, à tout le moins dans la mesure où il s'agit d'infractions dénotant une attitude incompatible avec la fonction publique. Il doit y avoir une relation qualifiée entre le comportement exigé ou sanctionné et la fonction. La commission d'un crime ou d'un délit spécial, tel que la corruption, est manifestement une violation de l'obligation de fidélité, voire du devoir de fonction. Pour les infractions d'ordre général, un rapport à la fonction exercée doit être établi, lequel doit impliquer une perte de confiance dans l'exécution des tâches à remplir (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, op. cit., n° 7.3.3.2 ; Blaise KNAPP, violation du devoir de fidélité, in Revue de droit suisse, 1984 I, p. 494-495).

c. S'agissant du devoir de fidélité d'un enseignant, il ne s'arrête pas au comportement qu'il doit adopter à l'école, mais également à celui qu'il doit observer en dehors de celle-ci. En tant que membre du corps enseignant, il est chargé d'une mission d'éducation dont les objectifs sont énoncés à l'art. 10 LIP.

Dans un arrêt concernant un membre du corps enseignant secondaire, la chambre de céans a souligné que le rôle de l'enseignant était de contribuer au développement intellectuel, manuel et artistique des élèves, à leur éducation physique, mais aussi à leur formation morale à une période sensible où les élèves passaient de l'adolescence à l'état de jeune adulte. L'enseignant constituait, à l'égard des étudiants, à la fois une référence et une image qui devaient être préservées. Il lui appartenait donc, dès qu'il se trouvait hors de sa sphère privée, d'adopter en tout temps un comportement auquel ceux-ci pouvaient s'identifier. À défaut, il détruirait la confiance que la collectivité et en particulier les parents et les élèves ont placée en lui. Ce devoir de fidélité embrassait l'ensemble des devoirs qui lui incombaient dans l'exercice de ses activités professionnelles et extra-professionnelles (ATA/605/2011 du 27 septembre 2011 consid. 8 et les références citées : ATF 120 Ia 203 = JT 1995 626 ; 101 Ia 172 = JT 1976 I 170 ; ACOM/92/2004 du 23 septembre 2004 ; Herbert PLOTKE, Schweizeriches Schulrecht, Berne et Stuttgart, 2003, p. 571 ; Isabelle HÄNER, Grundrechte im öffentlichen Personalrecht p. 406, in Peter HEBLING/Tomas POLEDNA, Personalrecht des öffentlichen Dienstes, Berne 1999).

6) a. La responsabilité disciplinaire est celle qu'encourt le collaborateur ou l'employé soumis à un statut de droit public, à raison de la violation de ses obligations de service. Les mesures disciplinaires sanctionnent la violation fautive des devoirs de service des collaborateurs. Elles se fondent sur le constat d'une violation par un collaborateur des devoirs de sa charge, intentionnellement ou par négligence, et d'un degré de gravité de la faute justifiant une sanction disciplinaire (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, op. cit., 7.3.5.1). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle, méconnaissance qui doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse romande, in Revue Jurassienne de Jurisprudence (RJJ) 1998, p. 29 n. 55, p. 14).

b. À teneur de l'art. 142 al. 1 LIP, les membres du personnel enseignant qui enfreignent leurs devoirs de service ou de fonction, soit intentionnellement, soit par négligence peuvent faire l'objet des sanctions suivantes, dans l'ordre croissant de gravité :

- prononcé par le supérieur ou la supérieure hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie (let. a) :

1° le blâme ;

- prononcées par la conseillère ou le conseiller d'État chargé du département (let. b) :

2° la suspension d'augmentation de traitement pendant une durée déterminée ;

3° la réduction du traitement à l'intérieur de la classe de fonction ;

- prononcés par le Conseil d'État à l'encontre d'un membre du personnel enseignant nommé (let. c) :

4° le transfert dans un autre emploi avec le traitement afférent à la nouvelle fonction, pour autant que le membre du personnel dispose des qualifications professionnelles et personnelles requises pour occuper le nouveau poste ;

5° la révocation, notamment en cas de violations incompatibles avec la mission éducative.

Lorsqu'il prononce la révocation, le Conseil d'État peut stipuler que celle-ci déploie un effet immédiat si l'intérêt public le commande, en dérogation au délai de résiliation ordinaire de trois mois pour la fin d'un mois (art. 142 al. 2 LIP).

7) a. Pour prononcer une sanction disciplinaire, l'autorité compétente dispose d'un pouvoir d'appréciation sous un double aspect. Elle a d'abord le choix, lorsqu'une infraction disciplinaire est avérée, de prendre ou non une sanction. C'est le principe de l'opportunité de la poursuite disciplinaire. L'autorité a ensuite le choix entre différentes sanctions ou du moins entre différentes quotités d'une même sanction. Lorsqu'elle choisit la sanction qu'elle considère appropriée, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation (Thierry TANQUEREL/ François BELLANGER, Le droit disciplinaire, 2018 p. 23 ; Pierre MOOR/François BELLANGER/ Thierry TANQUEREL, op. cit., 7.3.5.1).

b. La révocation disciplinaire, qui est la sanction la plus lourde prévue par la loi, implique une faute grave, soit une violation particulièrement grave d'un devoir de service (MGC 2005-2006/XI A - 10423 et 10436 ; ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018 consid. 7b ; ATA/694/2015 du 30 juin 2015 consid. 6b ; ATA/820/2010 du 23 novembre 2010 consid. 6).

La révocation revêt l'aspect d'une peine et a un caractère plus ou moins infamant. Elle s'impose surtout dans les cas où le comportement de l'agent démontre qu'il n'est plus digne de rester en fonction. Vu son impact, cette sanction ne peut être prononcée qu'en cas de violation spécialement grave des devoirs au regard des exigences de la fonction en cause, soit d'un ensemble de transgressions devenant graves par leur répétition (Pierre MOOR/ François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, op. cit., 7.3.5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5 ; ATA/54/2018 du 23 janvier 2018 consid. 6). Parmi les motifs propres à justifier une révocation disciplinaire, on peut mentionner, à titre d'exemple, la violation du secret de fonction dans un domaine sensible, l'abus des pouvoirs de la fonction, l'indication fausse des heures de travail ou des irrégularités dans le cadre de l'enregistrement du temps de travail, l'alcoolisme ou encore le vol (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 précité consid. 3.5 et les références citées).

c. L'autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_922/2018 du 13 mai 2019 consid. 6.2.2 ; 2C_500/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3.3). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATF 108 Ia 230 consid. 2b ; 106 Ia 100 consid. 13c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_922/2018 précité consid. 6.2.2 ; 2C_448/2014 du 5 novembre 2014 consid. 4.3 ; 8C_480/2012 du 28 juin 2013 consid. 6.4). En particulier, elle doit tenir compte de l'intérêt du recourant à poursuivre l'exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l'intérêt public (ATA/56/2019 du 22 janvier 2019 consid. 19a et les références citées).

Le pouvoir d'examen de la chambre de céans se limite dès lors à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/56/2019 précité, consid. 19a ; ATA/1052/2017 du 4 juillet 2017 consid. 6c). L'autorité commet un abus de son pouvoir d'appréciation, tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATA/56/2019 précité consid. 19a et les références citées ; ATA/1328/2018 du 11 décembre 2018 consid. 6a).

8) En l'espèce, la recourante ne conteste pas avoir, en sa qualité de teneuse de comptes de l'école où elle enseignait, du 1er septembre 2014 jusqu'à fin mai 2017, soit durant trois années scolaires, détourné à huit reprises des sommes d'argent pour un montant total de CHF 39'059.90 du compte de l'école. Elle a agi de la sorte d'une part moyennant son accès e-banking et celui de la vérificatrice de comptes, qui le lui avait remis, et d'autre part, en conservant par-devers elle deux sommes totalisant CHF 4'160.- qui lui avaient été remises, de la main à la main, par les enseignants pour un camp scolaire en mai 2017, outre deux prélèvements frauduleux de CHF 716.60 et de CHF 3'409.60 dans la caisse de l'école.

La recourante a ainsi contrevenu aux obligations énoncées aux art. 123 LIP et 20 RStCE, violant fautivement ses devoirs de fonction, de dignité et de fidélité à l'égard de son employeur. Dans son appréciation, l'autorité intimée a retenu que d'avoir sciemment élaboré de faux documents bancaires pour masquer ses agissements en cas de contrôle et d'avoir réitéré les agissements incriminés sur une période de trois années scolaires, constituaient une violation particulièrement grave de ses devoirs de fonction, propre à anéantir irrémédiablement et complètement la confiance et l'autorité indispensables à l'exercice de la fonction d'enseignante. L'autorité intimée a par ailleurs souligné qu'au cours de l'entretien de service et de la procédure d'enquête, la recourante n'avait pas d'emblée reconnu l'intégralité des détournements effectués. Il n'y avait pas lieu de scinder la notion de confiance entre les différentes activités exercées par la recourante en tant que membre du corps enseignant. La recourante ne remplissait désormais plus les conditions d'exemplarité, de respectabilité, de probité et de bonne réputation exigées d'un enseignant.

Cette appréciation ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmée pour les motifs qui vont suivre.

9) a. La recourante se prévaut d'un viol qu'elle explique avoir subi le 14 août 2014 lors d'un voyage à Amsterdam, ainsi que du décès du père de son mari et du cambriolage de leur domicile en octobre 2014. Sans remettre en cause la dureté de telles épreuves, il y a lieu d'observer que la recourante avait accepté la charge de teneuse de comptes en septembre 2014, date à laquelle elle avait fonctionné comme enseignante à l'école primaire depuis près de douze ans. Elle ne pouvait dès lors ignorer en quoi consistaient les activités et les responsabilités liées à cette charge, subsidiaire et ponctuelle. Même si elle s'était « dévouée » parce que personne ne voulait s'en charger, aucun des événements précités ne saurait excuser les détournements commis aux dépens de son employeur, le premier le 20 octobre 2014 et les derniers, en mai 2017.

De même, comme l'a relevé à juste titre l'autorité intimée, les difficultés rencontrées dans la gestion des charges de sa famille et le mal-être résultant des pressions qu'elle soutient avoir subies de son mari à ce propos ne sauraient ni excuser ni atténuer la gravité des agissements incriminés et répétés de la recourante, durant trois années scolaires. Ses explications peuvent d'autant moins être suivies que les difficultés invoquées ne l'avaient pas empêchée d'acquérir des voitures de luxe, la dernière en date en janvier 2017, par un leasing pour un montant de CHF 90'000.-.

b. La tâche de teneuse de comptes n'est pas « exceptionnelle à la fonction d'enseignante » comme le prétend la recourante, s'agissant d'une tâche administrative nécessaire et liée à la gestion des frais et activités de l'école (sorties, camps, etc.). Elle est de ce fait prévue dans le cahier des charges des enseignants. Dans cette perspective, les directives y relatives ont été adoptées (cf. notamment P-DGEP-04-06 sur la tenue de la comptabilité des écoles/établissements, en vigueur le 27.08.2012 qui remplace la directive D-DGPE-04B-06) et les formations ad hoc planifiées pour les enseignants qui acceptent la charge de teneur de comptes de l'école. C'est donc à tort que la recourante minimise la gravité de ses agissements en prétendant à l'absence de règles et de formation. Il importe peu qu'elle n'avait à aucun moment pris en considération ces directives. Le fait qu'elle n'avait pas estimé utile de suivre la formation proposée et avait privilégié une autre formation pour laquelle elle s'était inscrite plaide plutôt en sa défaveur. En tout état, une formation spécifique n'est pas nécessaire pour enjoindre à un enseignant de ne pas détourner les avoirs de son école dont la gestion lui est confiée.

La recourante tente en vain d'atténuer sa responsabilité en affirmant avoir demandé d'être relevée de sa charge de teneuse de comptes qui aurait été excessivement lourde et chronophage. Le directeur de l'école ne se souvient pas que la recourante lui aurait demandé à être relevée de cette charge et aucun élément matériel du dossier ne permet de l'établir. Surtout, on voit mal en quoi la lourdeur alléguée de gérer un compte justifierait un seul instant d'y puiser indûment à son propre profit, outre que la falsification de relevés bancaires paraît sensiblement plus chronophage qu'une gestion correcte du compte.

c. Enfin, la recourante soutient à tort que ses activités de teneuse de comptes devaient être dissociées de sa fonction d'enseignante, se prévalant de son excellente réputation en tant qu'enseignante et du fait que ni les élèves et ni leurs parents n'étaient au courant des détournements incriminés.

Les qualités d'enseignante de la recourante, unanimement reconnues tant par ses collègues que par ses supérieurs hiérarchiques, ne modifient en rien la gravité des actes qu'elle a commis en tant que teneuse de comptes de son école. Dans cette mesure, les détournements répétés qu'elle a opérés et le fait qu'elle a créé de faux documents particulièrement élaborés afin de les dissimuler durant trois années scolaires, ont indéniablement entaché l'image et la probité qu'un enseignant se doit d'offrir à la collectivité, en particulier aux élèves et aux parents d'élèves.

En persistant à nier la relation intrinsèque entre les violations de son devoir de fidélité et de dignité dans l'accomplissement de sa charge de teneuse de comptes et les exigences inhérentes à sa fonction d'enseignante, la recourante perd de vue la portée nuisible et dommageable de ses actes sur « des missions d'instruction, de transmission culturelle » incombant à une enseignante, et particulièrement « des missions d'éducation et de transmission de valeurs sociales » stipulées à l'art. 123 LIP et dans le cahier des charges des enseignants. Ses arguments dénotent plutôt une attitude désinvolte, inconciliable avec les exigences particulières d'exemplarité, de respectabilité, de probité et de bonne réputation.

La recourante a été condamnée pénalement pour gestion déloyale, faux dans les titres, conduite d'un véhicule non couvert par l'assurance-responsabilité civile et non restitution de permis ou de plaques. Il en découle que son comportement ne peut être considéré comme irréprochable et digne de confiance pour exercer la fonction d'enseignante.

Il importe enfin peu que les élèves de la recourante et leurs parents ignorent les détournements qui lui sont reprochés. Cette ignorance supposée n'est en rien propre à restaurer le lien de confiance avec son employeur.

d. Compte tenu de la gravité des actes commis, incompatibles avec les missions d'instruction et d'éducation de la recourante, les regrets qu'elle a exprimés - sans pour autant chercher à rembourser le préjudice causé - ne sauraient suffire pour admettre le caractère injustifié de la sanction disciplinaire prononcée.

Au vu de ce qui précède, l'autorité intimée n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en sanctionnant les agissements de la recourante par la sanction la plus grave, soit la révocation, le lien de confiance entre les parties ayant été irrémédiablement rompu.

10) Le recours sera rejeté.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er avril 2019 par Madame A______ contre l'arrêté du Conseil d'État du 27 février 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame A______;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andrea Von Flüe, avocat de la recourante, ainsi qu'au Conseil d'État .

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Mascotto, juges, Mme Steiner Schmid, juge suppléante.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :