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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2934/2018

ATA/285/2020 du 10.03.2020 sur JTAPI/592/2019 ( LCI ) , ADMIS

Parties : D&B IMMOBILIER SÀRL ET MME HAGGER CORINNE, HAGGER Corinne, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, REGENASS Jean Claude, HAGGER Corinne, D&B IMMOBILIER SÀRL, COMMUNE DE THONEX
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2934/2018-LCI ATA/285/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 mars 2020

3ème section

 

dans la cause

 

Madame Corinne HAGGER
D&B IMMOBILIER SÀRL
représentés par Me Diane Schasca, avocate

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

et

Madame Corinne HAGGER
D&B IMMOBILIER SÀRL
représentés par Me Diane Schasca, avocate

et

COMMUNE DE THÔNEX
représentée par Me Nicolas Wisard, avocat

et

Monsieur Jean-Claude REGENASS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juin 2019 (JTAPI/592/2019)


EN FAIT

1) Madame Corinne HAGGER est propriétaire des parcelles adjacentes n°s  3'912 et 3'920 de la commune de Thônex, situées en zone 5. Les parcelles précitées ont une surface respective de 257 m2 et de 1'439 m2.

2) Par requête déposée le 31 juillet 2017 auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le 1er juin 2018 le département du territoire (ci-après : DT ou le département), D&B Immobilier Sàrl a requis, pour le compte de Mme HAGGER, l'autorisation de construire sur la parcelle n° 3'920 un habitat groupé de haute performance énergétique (ci-après : HPE) dont la surface brute de plancher représenterait 44 % de la surface des parcelles.

3) Par décision DD 110'668 du 10 août 2018, publiée le même jour dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève, le département a autorisé la construction du projet.

4) Par acte du 29 août 2018, Monsieur Jean-Claude RENEGASS, propriétaire de la parcelle n° 3'913 adjacente à la parcelle n° 3'912, a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre l'autorisation DD 110'668 en concluant à son annulation. Il critiquait la densité du projet, les abattages d'arbres et les problèmes de circulation que le projet entraînerait au débouché de la route d'Ambilly. Les questions relatives aux eaux usées, réseau d'électricité et de téléphone ainsi que la gestion et dépose des ordures n'avaient pas été discutées avec lui (cause A/2934/2018).

5) Par acte du 14 septembre 2018, la commune de Thônex (ci-après : la commune) a recouru auprès du TAPI en concluant à l'annulation de l'autorisation DD 110'668 (cause A/3255/2018).

Elle a produit un extrait de son plan directeur communal (ci-après : PDCom) en cours de validation et un extrait du procès-verbal de la commission d'urbanisme du 1er novembre 2018 relatif à l'examen de l'avant-projet de PDCom de la commune de Thônex, relevant la pertinence d'une différentiation de la zone 5 selon trois stratégies de densité et la clarté des objectifs définis par secteur géographique. Elle a également produit un courrier qu'elle avait adressé le 8 novembre 2018 au conseiller d'État en charge du DT, prenant note que le travail conséquent fourni par la commune pourrait être utilisé comme élément de test.

6) Par un courrier ultérieur du 28 décembre 2018, la commune a encore produit un courrier que lui avait adressé le conseiller d'État en charge du DT le 21 décembre précédent, indiquant son adhésion à la proposition faite par la commune d'une période de test de l'application de la stratégie communale dans le cadre de l'instruction des requêtes dans la zone 5, courant jusqu'à l'approbation du PDCom par le Conseil d'État.

7) Par jugement du 26 juin 2019, le TAPI a joint les deux causes, a admis le recours et a annulé l'autorisation de construire DD 110'668.

Le DT aurait dû tenir compte du futur PDCom pour refuser d'appliquer la dérogation prévue à l'art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et en conséquence refuser l'autorisation de construire.

8) Le 27 août 2019, dans une cause portant sur une parcelle voisine de la parcelle n° 3'920 et traitant de la même problématique de l'adoption du PDCom de la commune de Thônex, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours de la commune et confirmé l'autorisation de construire DD 109'454 (ATA/1301/2019 ; cause A/3956/2017).

9) a. Par acte du 29 août 2019, le DT a interjeté recours contre le jugement du TAPI du 26 juin 2019, concluant à son annulation et à la confirmation de l'autorisation de construire.

b. Par acte du 2 septembre 2019, Mme HAGGER et D&B Immobilier Sàrl
(ci-après : les recourantes) ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 26 juin 2019, concluant à son annulation et à la confirmation de l'autorisation de construire.

10) M. REGENASS a fourni sa réponse le 23 septembre 2019.

La cause A/3956/2017 relative à la parcelle voisine était pendante devant le Tribunal fédéral.

D'autres autorisations avaient été délivrées à proximité de la parcelle concernée, mais ne consistaient qu'en des villas jumelées, préservant mieux l'harmonie de l'endroit, la faune et la flore. Elles se distinguaient en conséquence de la demande présentement querellée (DD 110'668) et de celle de la parcelle voisine (DD 109'454).

11) Après avoir sollicité un report compte tenu des discussions entre les parties, la commune a conclu au rejet des recours contre le jugement du TAPI du 26 juin 2019.

12) Le 4 novembre 2019, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours de la commune interjeté contre l'arrêt concernant la parcelle voisine (cause A/3956/2017).

Le Tribunal fédéral a relevé que la contestation portait sur une autorisation de construire une maison de neuf appartements sous la forme d'un habitat groupé à très haute performance énergétique en cinquième zone de construction. La commune contestait que le projet litigieux puisse bénéficier de la dérogation au rapport de surfaces prévue à l'art. 59 al. 4 let. a LCI car la construction projetée prendrait place dans un secteur sensible qu'elle entendait soumettre à une densité modérée dans son PDCom en raison de sa proximité avec le Foron. À teneur de cette disposition, le DT pouvait autoriser, après consultation de la commune et de la commission d'architecture, un projet de construction sous forme d'habitat groupé dont la surface de plancher habitable n'excédait pas 48 % de la surface du terrain, lorsque la construction était conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent, que les circonstances le justifiaient et que cette mesure était compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier. La consultation des communes prenait la forme d'un préavis qui ne liait pas davantage le DT que celui qu'elles étaient amenées à rendre pour tout projet de construction dans le cadre de l'art. 3
al. 3 LCI concernant les demandes d'autorisations, de sorte qu'elles ne disposaient d'aucune autonomie ou compétence propre dans l'octroi d'une dérogation au rapport de surfaces fondée sur l'art. 59 al. 4 let. a LCI qui leur conférerait un intérêt public propre à faire contrôler l'usage fait de cette disposition dérogatoire par l'autorité cantonale (arrêt 1C_476/2015 du 3 août 2016 consid. 4.3.1). Le fait que le DT avait privilégié les intérêts public et privé à la densification des parcelles sises en cinquième zone aux intérêts qui avaient amené la commune à prévoir une densification modérée du secteur dans son PDCom ne conduisait pas à une autre appréciation dès lors que ce plan, s'il était contraignant pour les autorités, ne saurait conduire à refuser une autorisation de construire pour un projet de construction qui serait conforme à l'affectation et à la réglementation de la zone selon la planification en vigueur (arrêt du Tribunal fédéral 1C_535/2019 du 4 novembre 2019 et la jurisprudence citée).

13) Dans le cadre de leur réplique, les recourantes ont produit un courrier, signé de toutes les parties à l'exception de M. REGENASS.

La commune acquiesçait aux conclusions des recourantes. Le projet s'avérait compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier. Son éventuelle contravention avec le PDCom en cours d'adoption n'apparaissait plus problématique, compte tenu du fait que l'autorisation de construire portant sur un projet d'ampleur similaire, mais d'une qualité esthétique moindre situé sur la parcelle voisine était entré en force définitivement (DD 109'454).

Le DT persistait à tenir l'autorisation de construire litigieuse pour valable et cosignait l'accord.

Les recourantes renonçaient à « l'allocation de dépens » et assumeraient les frais de la procédure.

14) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La chambre administrative est liée par les conclusions des parties, mais non par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA). Elle connaît le droit d'office et ne peut se limiter à entériner un accord auquel sont parvenues les parties (ATA/541/2016 du 28 juin 2016 ; ATA/930/2014 du 25 novembre 2014 et la jurisprudence citée).

3) Le litige porte sur le bien-fondé de l'autorisation de construire DD 110'668 délivrée par le DT le 10 août 2018.

4) Le principal grief soulevé par les recourantes et le département porte dans l'application anticipée, par le TAPI, d'un PDCom non encore adopté.

Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral dans le dossier relatif à la parcelle voisine, c'est à tort que le TAPI a pris en considération le PDCom en voie d'élaboration pour mettre à néant l'autorisation querellée.

Le grief des recourantes est dès lors fondé, ce dont tiennent compte les conclusions d'accord trouvées entre les parties et qui peuvent dès lors être entérinées.

Pour le surplus, les écritures de M. REGENASS, consistant en quelques précisions sur le dossier, ne sont pas de nature à infléchir ce qui précède, l'intéressé n'ayant par ailleurs pas pris de conclusions formelles.

En conséquence, conformément à l'accord intervenu, les recours seront admis, le jugement du TAPI annulé et l'autorisation de construire querellée rétablie.

5) Vu l'issue de la procédure, un émolument de CHF 800.-, couvert par l'avance de frais, sera mis à la charge des recourantes (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA), les parties y ayant renoncé dans le cadre de leur accord (art. 87 al. 2 LPA).

Aucun émolument ne sera mis à la charge de Monsieur REGENASS qui n'a pas pris de conclusions formelles dans ses écritures.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 29 août 2019 par le département du territoire et le 2 septembre 2019 par Madame Corinne HAGGER et D&B Immobilier Sàrl contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juin 2019 ;

au fond :

les admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juin 2019 dans les causes n° A/2934/2018 et A/3255/2018 ;

confirme l'autorisation de construire DD 110'668 prononcée par le département du territoire le 10 août 2018 ;

met à la charge de Madame Corinne HAGGER et D&B Immobilier Sàrl, pris solidairement, un émolument de CHF 800,- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Diane Schasca, avocate des recourantes, au département du territoire, à Me Nicolas Wisard, avocat de la commune de Thônex, à Monsieur Jean REGENASS ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Mascotto, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :