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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3648/2019

ATA/282/2020 du 10.03.2020 sur JTAPI/958/2019 ( RECU ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3648/2019-RECU ATA/282/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 mars 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Agrippino Renda, avocat

contre

Madame B______

et

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre la décision sur récusation du Tribunal administratif de première instance du 29 octobre 2019 (JTAPI/958/2019)


EN FAIT

1) Monsieur A______, ressortissant tunisien né en 1975, a vu la demande de renouvellement de son autorisation de séjour être refusée par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), par décision du 11 juin 2019. Son renvoi en Tunisie était ordonné.

Cette décision a fait l'objet d'un recours (cause A/2677/2019) par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Par décision du 6 août 2019, Madame B______, juge du TAPI en charge du dossier, a rejeté la demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles formée par l'intéressé (DITAI/362/2019).

L'OCPM ayant retiré sa décision le 11 juin 2019 - information transmise au TAPI par l'avocat du recourant le 9 août 2019 - le TAPI a déclaré le recours sans objet et a rayé la cause du rôle en mettant à la charge du recourant un émolument de CHF 350.-, ledit émolument étant toutefois laissé à la charge de l'État de Genève et ne lui a pas lui alloué d'indemnité de procédure.

2) Le 26 août 2019, après avoir donné à M. A______ l'occasion de se déterminer, l'OCPM a prononcé une décision similaire à celle du 11 juin 2019, déclarée exécutoire nonobstant recours.

3) Le 18 septembre 2019, M. A______ a saisi le TAPI d'un recours contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif (cause A/3457/2019), dont l'instruction a été confiée à la juge B______.

4) Le 30 septembre 2019, M. A______ a demandé la récusation de Mme B______, laquelle s'était prononcée d'une manière qui lui était défavorable le 6 août 2019, en rejetant sa demande d'effet suspensif et, le 27 septembre 2019, en refusant de lui accorder une indemnité.

5) Le 1er octobre 2019, le TAPI a rejeté la demande de restitution de l'effet suspensif déposée le 18 septembre 2019 (DITAI/457/2019).

Cette décision a été annulée par un arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 19 novembre 2019 (ATA/1692/2019). Le droit d'être entendu de M. A______ n'avait pas été respecté.

6) Par jugement du 29 octobre 2019 (JTAPI/958/2019 dans la cause A/3648/2019), le TAPI a écarté la demande de récusation, après avoir recueilli les observations de l'OCPM, de la juge B______ et donné à M. A______ l'occasion d'exercer son droit à la réplique.

La juge B______ s'était prononcée uniquement sur la question de l'effet suspensif et sur les frais de la première procédure. Elle n'avait jamais eu à trancher le fond du litige. Le fait qu'elle ait tranché en défaveur du requérant n'était pas, selon la jurisprudence, un indice de partialité.

7) Le 9 décembre 2019, M. A______ a saisi la chambre administrative d'un recours contre le jugement précité.

La juge B______ s'était prononcée défavorablement en premier lieu en refusant de restituer l'effet suspensif dans la cause A/2677/2019, puis en refusant de lui accorder une indemnité de procédure et en mettant un émolument à sa charge, toujours dans la même cause, alors que le courrier du 12 juin 2019 annulant la décision initialement litigieuse, était dans le dossier de l'OCPM.

L'intéressée avait, dans ce premier jugement, mentionné la seconde procédure, ce qui était incohérent et arbitraire.

La juge B______ devait être récusée et dessaisie de cette procédure.

8) Le 17 décembre 2019, le TAPI a transmis son dossier, sans émettre d'observations.

9) Mme B______ s'est déterminée dans un pli non daté, reçu le 20 décembre 2019.

Les griefs de M. A______ devaient être formés par la voie ordinaire du recours. Ils ne permettaient pas de retenir une apparence de prévention à son égard. Le fait qu'une affaire soit encore pendante devant la chambre administrative ne permettait pas de penser qu'elle ne serait pas à même de se prononcer objectivement sur le nouveau litige ouvert.

10) Le 23 décembre 2019, l'OCPM a aussi conclu au rejet du recours, rien ne permettant d'admettre que la juge B______ ait fait preuve de partialité.

Cet office précisait que la référence à la nouvelle procédure, dans le cadre du jugement ayant rayé du rôle la cause A/2677/2019, était probablement due à son écriture, qui avait attiré l'attention de la juge sur le fait que les écritures réalisées dans la première affaire pouvaient être réutilisées par l'avocat dans la seconde ; l'OCPM ne désirait pas devoir verser deux fois des indemnités.

11) M. A______ ne s'étant pas déterminé dans le délai qui lui a été accordé pour exercer son droit à la réplique, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 15A al. 1 LPA, les juges se récusent s'ils ont un intérêt personnel dans la cause (let. a), s'ils ont agi dans la même cause à un autre titre (let. b), s'ils se trouvent apparentés ou alliés d'une partie ou d'un représentant de partie (let. c à e) ou s'ils pourraient être prévenus de toute autre manière (let. f).

La garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par l'art. 30 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.  RS 101) - qui de ce point de vue a la même portée que l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 131 I 24 consid. 1.1) - permet de demander la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Elle vise à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de la part du juge ne peut guère être prouvée ; il suffit que les circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat ; cependant, seules des circonstances objectivement constatées doivent être prises en compte, les impressions purement individuelles n'étant pas décisives (ATF 134 I 20 consid. 4.2, 238 consid. 2.1 ; 133 I 1 consid. 5.2 ; 131 I 24 consid. 1.1 et les références citées).

Le cas de récusation de l'art. 15A al.1 let b LPA présuppose aussi que le magistrat en question ait agi à « un autre titre », soit dans des fonctions différentes (arrêt du Tribunal fédéral 1B_362/2015 du 10 décembre 2015 consid. 3.2.1). Tel n'est pas le cas du juge qui doit trancher à nouveau d'une cause suite à l'annulation de sa décision et au renvoi de la cause par l'autorité de recours, des juges d'appel qui ont à examiner à nouveau l'affaire qu'ils ont renvoyée à l'autorité inférieure ou du juge qui tranche plusieurs recours subséquents ou concomitants (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011 consid. 2.3.2 ; cf. aussi en matière pénale 1B_398/2017 du 1er mai 2018 consid. 3.2). La garantie du juge impartial ne commande pas non plus la récusation d'un juge au simple motif qu'il a, dans une procédure antérieure - voire dans la même affaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_151/2012 du 4 juin 2012 consid. 2.2) -, tranché en défaveur du requérant (ATF 129 III 445 consid. 4.2.2.2 ; 114 Ia 278 consid. 1). La jurisprudence considère en effet que le magistrat appelé à statuer à nouveau après l'annulation d'une de ses décisions est en général à même de tenir compte de l'avis exprimé par l'instance supérieure et de s'adapter aux injonctions qui lui sont faites. Seules des circonstances exceptionnelles permettent de justifier une récusation dans de tels cas, lorsque, par son attitude et ses déclarations précédentes, le magistrat a clairement fait apparaître qu'il ne serait pas capable de revoir sa position et de reprendre la cause en faisant abstraction des opinions qu'il a précédemment émises (ATF 138 VI 142 consid. 2.3).

3) En l'espèce, la juge B______ n'a à ce jour jamais tranché le fond du litige, et elle n'en a pas connu à d'autre titre, par exemple dans une autre juridiction ou un autre cadre. Le fait - dans un jugement antérieur qui n'est pas définitif à ce jour - d'avoir mis à la charge du requérant un émolument et refusé de lui allouer une indemnité de procédure, comme le prononcé d'un refus de restitution de l'effet suspensif ne sont pas aptes à justifier la récusation de l'intéressée. En effet, la personne concernée doit avoir agi dans la même cause à un autre titre que celui de magistrat titulaire de sa juridiction, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Les autres circonstances mises en avant par le recourant ne permettent pas d'admettre que la juge B______ aurait fait apparaître, par son attitude ou ses écrits, qu'elle ne serait pas capable d'examiner en toute objectivité la cause dont elle est saisie, nonobstant les décisions et jugements précédemment rendus.

4) Le recours sera dès lors rejeté et la décision sur récusation du TAPI du 29 octobre 2019 sera confirmée.

5) Malgré l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant, au vue des spécificités du dossier (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 décembre 2019 par Monsieur A______ contre la décision sur récusation du Tribunal administratif de première instance du 29 octobre 2019 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Agrippino Renda, avocat du recourant, à Madame B______, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'office cantonal de la population et des migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :