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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/64/2020

ATA/278/2020 du 10.03.2020 ( FPUBL ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/64/2020-FPUBL ATA/278/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 mars 2020

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Andrea Von Flüe, avocat

contre

AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE



EN FAIT

1) Par arrêt du 10 décembre 2019, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) a admis partiellement le recours formé par Monsieur A______ contre la décision de l'Aéroport international de Genève (ci-après : AIG) du 31 octobre 2018 résiliant les rapports de services au motif que son incapacité de travail présentait un caractère durable et qu'il n'existait pas de possibilité de reclassement.

M. A______, né le ______1968, avait été employé de l'AIG depuis le 1er juin 2006 en qualité d'agent de sûreté. À l'exception d'un avertissement en 2016, pour violation des règles de sûreté, les entretiens de développement de M. A______ avaient toujours été globalement bons, ce dernier remplissant ou dépassant les objectifs fixés. À compter de novembre 2017, M. A______ n'avait, en raison de graves lombalgies, plus été en mesure d'assurer son poste de manière satisfaisante, ne pouvant plus demeurer debout de manière prolongée, position pourtant exigée par son affectation à partir de la fin de l'année 2015. Entre novembre 2015 et début 2017, il avait alterné des périodes d'incapacité de travail, totales ou partielles, et des périodes de travail. Durant ces périodes, des aménagements dans son activité, afin d'éviter le piétinement et la station debout, avaient été mis en place, sur recommandation du médecin conseil de l'AIG. Malgré ceux-ci, la situation avait évolué de manière négative. M. A______ s'était retrouvé en arrêt de travail total dès le 7 mars 2017.

Durant la procédure de reclassement, la liste des postes internes adaptés à l'état de santé de celui-ci n'avait pas été revue et discutée lors des réunions trimestrielles avec le médecin conseil, l'employeur, le département des ressources humaines et le syndicat. Le médecin conseil avait pourtant confirmé qu'un poste comme celui de « VIP » n'était pas exclu pour M. A______. Par ailleurs, l'AIG, en invitant ce dernier à lui indiquer si une autre activité professionnelle était compatible avec son état de santé, lui avait délégué de ce fait son obligation de reclassement. L'AIG ne s'était pas adressé aux autres établissements autonomes pour connaître l'existence de postes vacants adaptés et n'avait proposé ni formation ni stage à M. A______. En outre, l'existence de deux postes qui auraient pu correspondre au profil de ce dernier ne lui avait pas été signalée.

La chambre administrative a ainsi retenu que l'AIG avait manqué à son obligation de tenter de reclasser l'intéressé. Constatant que le licenciement n'était pas conforme au droit, la chambre a annulé le licenciement et renvoyé le dossier à l'AIG afin qu'il réintègre ce dernier ou, à défaut, transmette sa décision à la chambre administrative afin qu'elle fixe une indemnité.

2) Par courrier du 7 janvier 2020, l'AIG a informé la chambre administrative qu'il n'entendait pas réintégrer M. A______.

3) M. A______ a regretté cette prise de position. L'AIG n'acceptait manifestement pas l'arrêt rendu. Cela permettait « d'apprécier dans toute son ampleur le manque d'attention » qui lui avait été accordé dans la situation très pénible qu'il vivait. Si dans son recours, il avait conclu à une indemnité de six mois de salaire, il amplifiait ses conclusions et sollicitait ainsi une indemnité équivalant à neuf mois de salaire.

4) L'AIG a conclu à l'irrecevabilité des conclusions nouvelles et s'en est rapporté quant au montant de l'indemnité à fixer.

5) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) La saisine de la chambre administrative fait suite à l'arrêt du 10 décembre 2019 (ATA/1780/2019), en application de l'art. 57 let. A al. 5 du statut du personnel de l'AIG approuvé le 16 février 2006, entré en vigueur le 1er mars 2006 (ci-après : statut) selon lequel lorsqu'un licenciement est déclaré injustifié par l'autorité de recours, cette dernière peut proposer la réintégration de l'intéressé et, en cas de refus de l'AIG, condamner celui-ci au paiement d'une indemnité ne dépassant pas dix-huit mois de salaire fixe.

La question de savoir si le recourant était habilité à amplifier ses conclusions relatives à la quotité de l'indemnité réclamée après le refus d'AIG de le réintégrer peut demeurer indécise au vu de ce qui suit.

2) a. Selon la jurisprudence de la chambre de céans relative à la fixation de l'indemnité pour refus de réintégrer, en vertu de l'art. 31 al. 4 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), pendant de l'art. 57 let. A al. 5 statut (ATA/123/2012 du 6 mars 2012 consid. 4a ; ATA/791/2010 du 16 novembre 2010 consid. 7a), l'indemnité en question doit être fixée en prenant en compte toutes les circonstances du cas d'espèce (ATA/693/2015 du 30 juin 2015 consid. 11 ; ATA/161/2013 du 12 mars 2013 consid. 6 ; ATA/791/2010 du 16 novembre 2010 consid. 10a).

Elle est exprimée en un certain nombre de mois du dernier traitement brut de l'employé, qui inclut le 13ème salaire lorsque celui-ci fait partie de la rémunération fixe, comme c'est le cas pour les employés soumis à la LPAC (art. 2 al. 1 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 - LTrait - B 5 15), à l'exclusion d'autres éléments de rémunération, l'art. 57 let. A al. 1 du statut mentionnant le salaire « fixe » (ATA/1042/2016 du 13 décembre 2016 ; ATA/258/2014 du 15 avril 2014). De plus, l'indemnité n'est pas soumise à la déduction des cotisations sociales (ATA/1042/2016 précité ; ATA/590/2016 du 12 juillet 2016 ; ATA/1213/2015 du 10 novembre 2015). En l'absence de conclusions sur ce point, les intérêts moratoires n'y sont pas additionnés (art. 69 al. 1 LPA). 

b. Dans une situation où un employé ayant durant les treize ans d'activité pour l'AIG donné entière satisfaction à celui-ci, dont les compétences professionnelles, demeurées intactes malgré de nombreuses interruptions pour cause de maladie, avaient été unanimement reconnues, l'employé ayant même été qualifié de « pièce maîtresse de la section », et où le licenciement était intervenu avant la fin de l'enquête interne, sollicitée par l'employé en raison d'une atteinte à la personnalité dont il se plaignait, la chambre de céans a fixé l'indemnité au maximum, à savoir à douze mois de traitement, relevant que l'AIG avait gravement manqué à ses devoirs d'employeur (ATA/161/2013 du 12 mars 2013 consid. 6).

L'indemnité - fondée sur la LPAC, qui prévoit un montant maximal de vingt-quatre mois de salaire - a été fixée à six mois de salaire (ATA/1193/2017 du 22 août 2017 confirmé par arrêt 8C_697/2017 du Tribunal fédéral le 11 octobre 2018) pour absence de procédure de reclassement, les circonstances comprenant aussi la durée des rapports de service (douze ans), les conditions du transfert de l'intéressée au service de facturation - présenté par la hiérarchie comme une nouvelle chance, alors qu'apparaissait dans la procédure l'intention de son employeur d'écarter l'employée -, le manque de soutien de la hiérarchie dans le cadre de la procédure d'enquête administrative ouverte contre son supérieur hiérarchique et qui avait affecté l'intéressée, la chronologie des événements (l'employée avait été convoquée à un entretien de service et s'était fait licencier à l'issue d'une procédure qui ne la concernait pas directement et lors de laquelle elle n'avait pas pu se défendre alors que de nombreux témoignages l'avaient accablée).

3) En l'espèce, il convient de tenir compte du fait que l'intéressé a été employé de l'AIG pendant douze ans. En 2016, il a fait l'objet d'un avertissement pour violation des règles de sûreté. Pour le surplus, ses évaluations ont toutes été positives, les objectifs fixés par son employeur ayant été atteints ou dépassés. Par ailleurs, il est atteint dans sa santé et âgé de 52 ans, ce qui rend plus difficile la possibilité de retrouver un emploi ; selon ses indications, il n'en a d'ailleurs pas encore retrouvé.

L'AIG a, avant l'incapacité totale de travail de l'employé, aménagé la place de travail de celui-ci en tenant compte de ses limitations fonctionnelles. Il doit toutefois se voir reprocher de ne pas avoir correctement mené la procédure de reclassement. L'employeur a, en particulier, délégué partiellement son obligation de reclassement à l'intéressé en demandant à celui-ci d'indiquer quels postes pourraient lui convenir. L'AIG ne s'est pas adressé aux autres établissements autonomes pour connaître l'existence de postes vacants adaptés, n'a proposé ni formation ni stage à l'intéressé et ne lui a pas signalé l'existence de deux postes qui auraient pu correspondre au profil. Enfin, il a refusé sa réintégration.

Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, l'indemnité en faveur de l'employé sera fixée à six mois du dernier salaire fixe.

4) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al.1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à l'employé, à la charge de l'AIG (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

fixe l'indemnité due à Monsieur A______ par l'Aéroport international de Genève pour refus de réintégration à six mois de son dernier salaire mensuel fixe ;

condamne en tant que de besoin l'Aéroport international de Genève à verser ce montant sans délai ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur A______ à la charge de l'Aéroport international de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andrea Von Flüe, avocat de Monsieur A______, ainsi qu'à l'Aéroport international de Genève.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin, Verniory,
Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :