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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3413/2019

ATA/242/2020 du 03.03.2020 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 08.05.2020, rendu le 24.03.2021, REJETE, 2C_358/2020, 2C_359/2020
Recours TF déposé le 12.05.2020, rendu le 24.03.2021, REJETE, 2C_358/2020, 2C_359/2020
Descripteurs : TRAVAIL DE NUIT;TRAVAIL DU DIMANCHE;INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL);LIBERTÉ ÉCONOMIQUE;INTÉRÊT PUBLIC;PROPORTIONNALITÉ;MOTIF DE POLICE;MESURE DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE;CONCURRENCE;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;CONCURRENT;MAGASIN;PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LTr.10; LTr.16; LTr.17; LTr.19; LTr.27.al1; LTr.27.al2; LTr.27.al1ter; OLT 2.4.al1; OLT 2.3; OLT 2.26.al2; OLT 2.26.al4; Cst.27.al1; Cst.94.al4; Cst.9; Cst.5.al3
Résumé : Confirmation de la décision de l’OCIRT lequel a constaté que la recourante, qui exploite les boutiques « hors taxe » de l’aéroport de Genève, ne remplit pas les conditions lui permettant de bénéficier du régime dérogatoire à l’interdiction du travail de nuit. Si elle commercialise dans ses boutiques quelques produits pouvant probablement être considérés comme répondant aux besoins de base des voyageurs, la très large majorité de son assortiment est composé d’articles ne répondant pas à cette définition (boissons alcoolisées, parfums et cosmétiques, tabacs). Quand bien même lesdits articles pourraient être considérés comme répondant à un besoin de base des voyageurs, le fait que les boutiques proposent une gamme complète de ces produits doit de toute manière aboutir à la conclusion qu’elles ne répondent pas aux besoins des voyages au sens de l’art. 26 al. 4 OLT 2.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3413/2019-EXPLOI ATA/242/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 mars 2020

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Me Elodie Yammine, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

et

AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE, appelé en cause



EN FAIT

1) A______ SA (ci-après : A______) est une société anonyme inscrite au registre du commerce de Genève le 19 février 2009 et ayant pour but l’achat, la distribution et la vente de produits en tout genre ainsi que la fourniture de tous services liés à l'achat et la vente de produits en tout genre.

2) En 2017, A______ a remporté le marché, suite à l’appel d’offres lancé par l’Aéroport international de Genève (ci-après : l'AIG), concernant l’exploitation des boutiques « hors-taxe » situées dans l’aéroport de Genève-Cointrin (ci-après : l’aéroport). Les précitées ont conclu un contrat de concession visant l’exploitation desdites boutiques le 3 octobre 2017.

3) Le 4 juin 2018, A______ et l’AIG ont conclu un nouveau contrat de concession, lequel portait sur l’exploitation de sept boutiques « hors taxe » situées dans les secteur « international » et « France » de l’aéroport.

Selon l’annexe I dudit contrat, l’assortiment des différentes boutiques devait contenir notamment des produits « hors taxe » tels que de l’alcool, des parfums, des cosmétiques et du tabac (cigarette et cigares) ainsi que des produits « avec taxe » tels que du vin, des champagnes, de l’alimentation (chocolat, eau plate non réfrigérée, produits suisses) et des souvenirs suisses.

L’art. 10 dudit contrat prévoyait que les boutiques devaient être ouvertes au public tous les jours de l’année sans interruption, dimanches et jours fériés compris. Les heures d’ouverture quotidienne obligatoires étaient fixées comme suit : au moins une heure et demi avant le premier vol et jusqu’au dernier vol effectif.

4) Les 28 février et 25 juin 2018, l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a procédé à des contrôles des conditions de travail dans les boutiques de A______.

5) Par courrier du 30 juillet 2018, l’OCIRT a sollicité la mise en conformité des boutiques concernant plusieurs points non litigieux dans le cadre de la présente procédure et notamment le travail de nuit, par la prise d’un certain nombre de mesures.

Il a indiqué à A______ avoir constaté que les employés débutaient leur journée de travail au plus tôt à 4h30 et la finissaient au plus tard à 00h00. En cas de retard de vol, le travail pouvait être prolongé jusqu’à 00h30. Après avoir exposé la situation au secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO), celui-ci avait conclu qu’il n’existait aucune indispensabilité technique ou économique permettant l’octroi d’un permis de travail de nuit. De plus, la définition « d’entreprises de services aux voyageurs » de l’art. 26 de l’ordonnance 2 relative à la loi sur le travail du 10 mai 2000 (Dispositions spéciales pour certaines catégories d’entreprises ou de travailleurs, OLT 2 - RS 822.112) ne s’appliquait pas à ses activités et ne pouvait lui permettre d’occuper son personnel la nuit jusqu’à 01h00.

Elle devait dès lors réorganiser ses horaires de travail de façon à ce que son personnel ne soit plus occupé la nuit, soit avant 06h00 et après 23h00, et ce dans un délai échéant au 30 septembre 2018.

Un délai lui était octroyé pour faire valoir ses éventuelles observations.

6) Par courrier du 12 octobre 2018, A______ a fait part de ses observations sur la demande de mise en conformité relative notamment au travail de nuit.

Bien que l’OCIRT ait eu connaissance des horaires des collaborateurs en mars 2018 déjà, il lui avait délivré une « attestation du respect des usages » le
26 juillet 2018. Avant le courrier du 30 juillet 2018, il ne l’avait jamais enjointe de ne pas occuper des collaborateurs avant 06h00 et après 23h00. Il ne lui avait par ailleurs pas indiqué quelle forme la communication du SECO avait revêtue ni transmis celle-ci. La réduction sollicitée de ses activités quotidiennes de deux heures et trente minutes impliquerait une perte de son chiffre d’affaires de 0,5 % et aurait des conséquences directes sur les revenus de l’AIG. Par ailleurs, l’horaire des boutiques était défini par le contrat de concession signé avec l’AIG et était conforme à la pratique établie depuis plusieurs années, puisque la société qui était en place avant elle effectuait des horaires de nuit. En octroyant durant de nombreuses années aux entreprises concessionnaires d’AIG qui exploitaient les boutiques « hors taxe » des attestations du respect des usages, l’OCIRT avait donné l’assurance aux différents concessionnaires, dont elle-même, qu’ils étaient autorisés à occuper du personnel pendant la nuit.

Enfin, ses boutiques étaient bien des entreprises de services aux voyageurs. Elle commercialisait les articles suivants dans ses boutiques : alcools, parfums et cosmétiques, tabacs, vins et champagnes, alimentation (chocolats, eau plate non réfrigérée, produits suisses, etc), souvenirs suisses, produits de toilette de dépannage, coussins de voyage, masques de voyage, bouchons d’oreilles, chaussettes, adaptateurs, cadenas, parapluies, cadeaux, « snacking » salés ou sucrés. Ces marchandises étaient vendues dans des quantités et des volumes maniables par une seule personne. Ses boutiques étaient uniquement accessibles aux voyageurs prenant un vol à destination de l’étranger ou arrivant de l’étranger, Force était ainsi de constater que ses boutiques étaient bien des entreprises de services aux voyageurs puisqu’elles vendaient des produits qui répondaient principalement à leurs besoins de base et n’étaient accessibles qu’à ces derniers. Elle était ainsi en droit d’occuper du personnel la nuit sans avoir à requérir d’autorisation de la part du SECO, dès lors qu’elle répondait aux conditions de l’art. 26 OLT 2.

7) Le 16 octobre 2018, une entrevue a eu lieu entre les représentants de A______ et l’OCIRT.

8) Par courrier du 9 novembre 2018, l’OCIRT a transmis à A______ une copie des échanges de courriels ayant eu lieu avec le SECO concernant sa situation.

Était ainsi notamment joint un courriel d’une collaboratrice du SECO du
23 octobre 2018 indiquant que concernant les boutiques « hors taxe » situées dans la zone « airside » de l’aéroport, elle considérait que l’art. 26 OLT 2 n’était pas applicable car on ne pouvait pas parler dans ces cas de « besoin de base des voyageurs ». Aucune autre disposition de l’OLT 2 n’était applicable. Après analyse, le SECO était arrivé à la conclusion qu’il n’existait aucune indispensabilité technique ou économique qui permettrait l’octroi d’un permis. Il avait posé la question à Zurich qui lui avait confirmé que cette problématique ne se posait pas dans cette ville car les boutiques de son aéroport étaient ouvertes entre 06h00 et 23h00.

9) Le 15 novembre 2018, A______ a consulté son dossier dans les locaux de l’OCIRT.

10) Le 29 novembre 2018, A______ a indiqué qu’elle maintenait sa position, considérant que ses boutiques « hors taxe » étaient des entreprises de services aux voyageurs et bénéficiaient de la dérogation de l’art. 26 OLT 2 permettant d’occuper des travailleurs durant une partie de la nuit sans autorisation. Elle sollicitait la prise d’une décision sujette à recours si l’OCIRT n’adhérait pas à cette analyse.

Le Conseil fédéral avait adopté le 14 novembre 2018 la fiche du plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique (ci-après : PSIA), lequel revêtait un caractère contraignant pour l’AIG. Il ressortait de la lecture de celui-ci une volonté, tant du Conseil fédéral que du Conseil d’État genevois, de maintenir les horaires actuels d’exploitation de l’AIG, soit notamment les mouvements de vols entre 05h00 et 06h00. Aussi, la restriction des horaires d’ouverture de ses boutiques que souhaitait imposer l’OCIRT allait manifestement à l’encontre d’une volonté politique fédérale et cantonale d’exploiter de façon large l’AIG.

Contrairement à ce que relevait le SECO, les boutiques « hors taxe » de l’aéroport de Zurich ouvraient, selon les informations accessibles en ligne, entre 05h00 et 23h00, voir plus tard, dès lors qu’elles devaient également demeurer ouvertes jusqu’au dernier vol. Par ailleurs, selon les explications contenues dans le PSIA, l’aéroport n’était pas une plaque tournante de correspondance, contrairement à celui de Zurich. La situation de ces deux aéroports n’était donc pas comparable.

Enfin, elle contestait l’avis du SECO lequel avait été rendu sur la base d’une liste restrictive de produits vendus dans ses boutiques puisque dans l’e-mail qui avait été adressé par l’OCIRT, il était uniquement fait référence aux bouteilles d’alcool ainsi qu’aux gammes complètes de parfums et maquillages, à l’exception d’autres produits. Or, elle commercialisait une gamme de produits notablement plus large.

11) Entre le 13 décembre 2018 et le 26 février 2019, différents échanges de courriels sont intervenus entre A______ et l’OCIRT concernant des délais visant la mise en œuvre des mesures formulées par l’autorité dans son courrier du
30 juillet 2018 et la suppression de la demi-heure d’ouverture des boutiques entre 04h30 et 05h00.

12) Par courrier du 5 juillet 2019, A______ a sollicité de la part de l’OCIRT qu’elle rende sa décision au sujet « des horaires d’ouverture de ses magasins » dans les meilleurs délais, compte tenu de l’incertitude que faisait peser sur elle cette situation.

13) Par décision du 16 juillet 2019, l’OCIRT a constaté que le régime dérogatoire prévu aux art. 26 et 4 OLT 2 n’était pas applicable à A______ et qu’elle devait être au bénéfice des autorisations prévues à l’art. 17 de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr - RS 822.11) pour pouvoir déroger à l’interdiction d’occuper des travailleuses et travailleurs la nuit. Il réservait le sort de la procédure administrative initiée le 25 juin 2018 ainsi que le prononcé de mesures administratives y relatives, en lien notamment avec la demande de mise en conformité du 30 juillet 2018.

L’entreprise commercialisait un assortiment de marchandises qui ne répondait pas aux besoins spécifiques qui se manifestaient régulièrement en voyage, à savoir principalement une large gamme d’alcools, de cigarettes, de chocolats, de parfums et de cosmétiques, et ce sur une surface d’environ 363 m2 pour la boutique « arrivée » et 821 m2 pour la boutique « principale », ce qui ne remplissait pas les critères découlant de l’art. 26 al. 4 OLT 2.

Bien que certains produits pouvaient probablement être considérés comme répondant au besoin de base des voyageurs, il n’en demeurait pas moins que l’assortiment de marchandises proposé dans les boutiques n’y répondait pas.

14) Par acte du 16 septembre 2019, A______ a interjeté recours par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée en concluant à son annulation, à ce qu’il soit constaté qu’elle était une entreprise de services aux voyageurs qui bénéficiait de la dérogation de l’art. 26 OLT 2 et qu’elle pouvait ainsi occuper des travailleuses et travailleurs la nuit jusqu’à 01h00 sans requérir l’autorisation prévue à l’art. 17 LTr, et à ce que l’OCIRT soit condamné à tous les frais et dépens.

La décision litigieuse consacrait une constatation inexacte et incomplète des faits pertinents, interprétait de manière erronée l’art. 26 al. 4 OLT 2 et violait les principes de la liberté économique, de la bonne foi et de la proportionnalité.

Dans ladite décision, l’OCIRT avait omis d’indiquer qu’elle avait supprimé la demi-heure de travail entre 04h30 et 05h00, de sorte que seule demeurait litigieuse l’ouverture sans autorisation des boutiques jusqu’à 00h00, voire 00h30 en cas de retard de vol. Le régime dérogatoire ne concernait ainsi que deux heures, ce qui avait son importance sous l’angle de l’examen de la proportionnalité de la décision litigieuse. L’OCIRT n’avait par ailleurs pas indiqué quel produit répondait, selon lui, aux besoins de base des voyageurs et n’avait pas instruit la problématique des horaires d’ouverture des boutiques « hors taxe » de l’aéroport de Zurich.

Il ressortait de la jurisprudence relative à l’art. 26 al. 4 OLT 2 que la référence « aux besoins des voyageurs » visait à éviter que des commerces bénéficient d’une autorisation d’ouvrir la nuit alors qu’ils étaient destinés prioritairement à la clientèle locale, bien que les voyageurs puissent en bénéficier. De même, seul était pertinent le volume des biens vendus à des voyageurs, à l’exclusion de ceux vendus à la clientèle locale, pour déterminer si les produits vendus répondaient bien à un besoin des voyageurs. Ce n’était ainsi que lorsque la clientèle locale avait accès aux commerces qu’il fallait se poser la question de savoir si les marchandises proposées correspondaient à des besoins de base des voyageurs. Cette notion de « besoins de base » ne ressortait par ailleurs pas de la loi mais avait été développée par le SECO dans son commentaire. Dès lors que ses boutiques « hors taxe » étaient accessibles exclusivement aux passagers sur le point de s’envoler à destination d’un territoire douanier étranger ou arrivant d’un territoire douanier étranger, elles étaient par définition des « entreprises de services aux voyageurs » selon les termes des art. 4 et 26 al. 4 OLT 2. Les directives et la liste de contrôle édictées par le SECO qui se concentraient sur la notion de « besoins de base des voyageurs » ne trouvaient pas application dans le cas d’espèce. S’agissant des limites de surface figurant dans ladite liste de contrôle, elles ressortaient d’un rapport émis lors de la modification de la LTr relative aux heures d’ouverture des magasins des stations-services. Le Tribunal fédéral n’en avait d’ailleurs pas tenu compte dans un arrêt portant sur l’ouverture d’un commerce de 450 m2 le dimanche entre l’aéroport de Zurich et sa gare.

En vertu de l’introduction de l’art. 27 al. 1ter LTr, elle était autorisée à exploiter ses boutiques dans l’aéroport sans autorisation le dimanche. Il était contradictoire d’interpréter l’art. 26 al. 4 OLT 2 de façon à lui interdire le travail de nuit alors que le dimanche, dont le législateur avait voulu qu’il soit autorisé de manière plus restrictive que le travail de nuit, était quant à lui permis sans autorisation. L’adoption de l’art. 27 al. 1quater LTr et de l’art. 26 al. 2bis OLT 2 avaient permis aux magasins des stations-service situées sur les grands axes d’occuper des travailleurs toute la nuit, et non seulement jusqu’à 01h00 comme auparavant. Interpréter l’art. 26 al. 4 OLT 2 comme excluant de son champ d’application les boutiques « hors taxe » de l’aéroport consacrerait une inégalité de traitement entre les magasins des stations-service pouvant ouvrir toute la nuit alors qu’ils étaient accessibles tant aux voyageurs qu’au public local, et les boutiques « hors taxe ».

Dans les aéroports de diverses grandes villes dans le monde, les boutiques
« hors taxe » étaient ouvertes du premier vol jusqu’au départ du dernier vol. Refuser aux boutiques « hors taxe » de rester ouvertes jusqu’au dernier vol constituait une atteinte à sa capacité de demeurer concurrentielle face aux pays étrangers. Or, ladite capacité constituait un intérêt public prépondérant face à l’intérêt des travailleurs de ne pas être occupés la nuit. Il était par ailleurs disproportionné de lui interdire d’occuper du personnel une partie de la nuit alors que le droit fédéral l’autorisait à en occuper le dimanche.

En outre, la décision querellée était disproportionnée dès lors qu’une autre solution aurait pu être appliquée consistant à restreindre la gamme de produits vendus durant les horaires de nuit à ceux qui, de l’appréciation de l’OCIRT, répondraient aux besoins des voyageurs.

Elle a par ailleurs repris son argumentation relative à la bonne foi en lien avec la délivrance des attestations « du respect des usages » par l’OCIRT.

15) Dans sa réponse du 21 octobre 2019, l’OCIRT a conclu au rejet du recours.

La motivation de la recourante trahissait une mauvaise compréhension de l’art. 26 OLT 2. Le critère de situation et le critère de l’assortiment des produits offerts étaient cumulatifs, de sorte qu’ils trouvaient application de façon indépendante à la présence d’une clientèle locale. Contrairement à ce qu’alléguait la recourante, il ne pouvait en aucun cas être déduit qu’un point de vente uniquement dédié aux voyageurs puisse bénéficier de facto de la dérogation, sans l’examen du critère relatif à l’assortiment de marchandises proposé. Il ressortait de la jurisprudence que la nature des marchandises ou prestations proposées devait répondre au besoin de base des voyageurs. La recourante précisait que l’assortiment proposé était un assortiment de produits usuels que tout voyageur prenant l’avion pouvait s’attendre à trouver à l’arrivée et au départ dans les boutiques « hors taxe ». Or, il y avait une différence notable entre les attentes d’un usager et ses besoins. De simples considérations d’opportunité ne suffisaient ainsi pas à déroger à l’interdiction du travail de nuit ; ce dernier devait être indispensable. Les dérogations à cette interdiction devaient, dans l’intérêt de la protection efficace des travailleurs, demeurer l’exception. Dans la mesure où la disposition litigieuse accordait déjà une dérogation au principe général de l’interdiction du travail de nuit, elle devait être interprétée restrictivement et non pas extensivement. Enfin, la décision n’allait pas à l’encontre de la LD ou de son ordonnance, dans la mesure où elle n’interdisait en aucun cas l’exploitation des boutiques « hors taxe » mais restreignait seulement l’occupation des travailleuses et travailleurs durant les horaires de nuit.

Contrairement aux allégations de la recourante, il existait un intérêt public prépondérant à la protection de la santé du personnel, lequel primait sur l’intérêt de l’entreprise à pouvoir occuper son personnel durant 2h30 pendant les horaires de nuit. Dans le cadre des autorisations dérogatoires au travail de nuit ressortant de la LTr, le Tribunal fédéral avait précisé que le caractère restrictif des énoncés desdites dispositions, exigeant des raisons techniques ou économiques rendant indispensable le travail de nuit, montrait la grande importance que le législateur accordait à ces repos. La rationalité économique à elle seule ne justifiait pas une exception. Quand bien même les habitudes des consommateurs avaient subi une certaine évolution, le Tribunal fédéral avait rappelé que le caractère indispensable du travail nocturne ou dominical devait être établi. La concurrence des États voisins ne constituait pas non plus, en règle générale, une justification suffisante. L’argument relatif à la volonté de rester concurrentielle face aux pays étrangers n’était ainsi pas suffisant pour contrebalancer la nécessité de protéger la santé des travailleurs. Il existait ainsi une base légale et un intérêt prépondérant justifiant l’interdiction du travail de nuit des collaborateurs de la recourante.

Par ailleurs, aucune garantie n’était donnée lors de la délivrance des attestations du respect des usages, de sorte que la recourante ne pouvait en déduire aucune assurance.

Enfin, si la recourante souhaitait, pour maintenir l’occupation de son personnel la nuit, restreindre son assortiment de produits de sorte à ce qu’ils répondent aux besoins des voyageurs conformément à l’art. 26 OLT 2, il lui appartenait, comme cela le lui avait été proposé, de soumettre une proposition concrète dans ce sens. Elle ne l’avait toutefois pas fait.

16) Dans sa réplique du 25 novembre 2019, A______ a conclu, en sus de ses conclusions précédentes, à l’appel en cause de l'AIG.

Reprenant sa précédente argumentation, elle a indiqué avoir fait une estimation du manque à gagner en cas de fermeture de ses boutiques « hors taxe » à 22h00, lequel se chiffrerait à CHF 3'000'000.- par an. Elle peinait par ailleurs à comprendre les réticences de l’OCIRT à définir clairement le type de marchandises qui, selon son interprétation, répondait aux besoins des voyageurs au sens de l’art. 26 OLT 2. Le fait de ne pas déterminer cet élément rendait la décision litigieuse lacunaire. Elle maintenait par ailleurs son interprétation selon laquelle la notion de « besoins des voyageurs » était sans pertinence lorsque l’entreprise concernée était uniquement accessible à des voyageurs.

À titre subsidiaire, s’il devait être considéré que le critère du « besoin des voyageurs » était une condition cumulative pour se prévaloir de la dérogation de l’art. 26 OLT 2, il convenait de retenir qu’elle vendait de toute manière des produits répondant à de tels besoins. Il s’agissait d’une gamme de produits usuellement vendus dans des boutiques « hors taxe », dont certains directement utilisables par les voyageurs durant le vol.

Dès lors que l’intimé avait admis qu’elle pouvait continuer d’occuper du personnel la nuit, à condition de restreindre son assortiment de produits, ce dernier ne pouvait arriver à la conclusion qu’elle ne pouvait pas se prévaloir du régime dérogatoire. L’OCIRT ne pouvait attendre qu’elle lui fasse des propositions, mais devait au contraire définir le type de marchandises qu’il estimait répondre aux besoins des voyageurs.

17) Par écriture spontanée du 19 décembre 2019, l’AIG a exposé avoir pris connaissance de la cause et faire siennes les conclusions de la recourante. L’aéroport était l’un des trois aéroports nationaux et se devait de répondre aux attentes des passagers en matière d’offre commerciale. La possibilité d’acquérir des produits « hors taxe » constituait indubitablement une attente de tous les passagers aériens. Une fermeture anticipée des magasins « hors-taxe » alors que les passagers utiliseraient encore les infrastructures de l’aéroport causerait un dommage financier important à l’AIG mais aurait également pour conséquence de léser la plateforme de Genève en diminuant sa compétitivité par rapport aux autres plateformes aéroportuaires concurrentes.

18) Par décision du 27 décembre 2019, la chambre administrative a ordonné l’appel en cause de l’AIG dans la procédure et imparti un délai à l’OCIRT et à A______ pour présenter d’éventuelles observations complémentaires.

19) Dans ses observations du 16 janvier 2020, A______ a persisté intégralement dans ses conclusions précédentes.

Elle a réitéré ses explications à teneur desquelles la mention « principalement » figurant à l’art. 26 al. 4 OLT 2 n’avait de portée que lorsque les commerces seraient accessibles à la clientèle locale, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Dans un cas porté devant la chambre administrative et devant un second cas tranché par le Tribunal fédéral, le critère relatif à l’assortiment de marchandises avait été interprété comme ayant pour vocation de s’assurer que la satisfaction des voyageurs demeurait l’élément central de cette dérogation, et non l’intérêt de la clientèle locale.

Aucune base légale ne permettait par ailleurs à l’OCIRT de restreindre sa liberté économique.

20) Par courrier du même jour, l’OCIRT a indiqué ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.

21) Le 17 janvier 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56 LTr ; art. 47 al. 1 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 - LIRT - J 1 05 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Il convient tout d’abord de cerner l’objet du litige.

a. L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1628/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer. L’objet d’une procédure administrative ne peut donc pas s’étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1628/2019 précité consid. 2b).

b. En l’espèce, la décision litigieuse dont il est fait recours se limite à constater que le régime dérogatoire prévu aux art. 4 et 26 OLT 2 n’est pas applicable à la recourante et que celle-ci doit être au bénéfice des autorisations prévues à
l’art. 17 LTr pour pouvoir déroger à l’interdiction d’occuper du personnel la nuit. Le présent arrêt se limitera dès lors à examiner si c’est à juste titre qu’il a été considéré que la recourante ne pouvait se prévaloir du régime dérogatoire des
art. 4 et 26 OLT 2. Ainsi, il n’y a en particulier pas lieu d’analyser si les conditions permettant d’obtenir une autorisation en vertu de l’art. 17 LTr seraient remplies.

3) La recourante considère qu’elle peut bénéficier de la dérogation à l’obligation de solliciter une autorisation pour le travail de nuit au sens des art. 4 et 26 OLT 2, et ainsi occuper ses collaborateurs jusqu’à 01h00, dès lors qu’elle exploiterait des boutiques pouvant être qualifiées d’entreprises de services aux voyageurs au sens de l’art. 26 al. 4 OLT 2.

4) a. Le principe de l’interdiction de travailler la nuit et le dimanche est ancré respectivement aux art. 16 et 18 LTr.

Aux termes de l’art. 16 LTr, l’occupation des travailleuses et des travailleurs est interdite en dehors des limites du travail du jour et du soir fixées par
l’art. 10 LTr entre 06h00 et 20h00, respectivement entre 20h00 et 23h00.

Des dérogations y sont toutefois possibles par la voie de l’autorisation conformément aux art. 17 et 19 LTr. À côté de ce régime dérogatoire général soumis à autorisation, l’art. 27 al. 1 LTr prévoit que certaines catégories d’entreprises ou de travailleurs peuvent, dans la mesure où leur situation particulière le rend nécessaire, être soumises par voie d’ordonnance à des dispositions spéciales remplaçant en tout ou en partie certaines prescriptions légales, telle que les interdictions de travailler susmentionnées. De telles dispositions peuvent être édictées pour les différentes entreprises énumérées de manière exemplaire à l’art. 27 al. 2 LTr.

L’art. 27 al. 1ter LTr prévoit que les magasins et entreprises de services situés dans les aéroports et dans les gares à forte fréquentation considérées comme des centres de transports publics peuvent occuper des travailleurs le dimanche.

b. L’OLT 2 concrétise l’art. 27 al. 1 LTr. Selon l’art. 1 OLT 2, cette ordonnance précise les possibilités de dérogations aux prescriptions légales en matière de durée du travail et du repos en cas de situation particulière selon
l’art. 27 al. 1 LTr et désigne les catégories d’entreprises ou groupes de travailleurs auxquels s’appliquent ces dérogations. Elle définit l’étendue des dérogations pour chaque catégorie d’entreprises ou groupe de travailleurs.

L’art. 4 OLT 2 règle les dérogations à l’obligation de solliciter une autorisation pour le travail de nuit ou du dimanche ainsi que pour le travail continu. L’employeur peut, sans autorisation officielle, occuper des travailleurs pendant la totalité ou une partie de la nuit (art. 4 al. 1 OLT 2). L’employeur peut, sans autorisation officielle, occuper des travailleurs pendant la totalité ou une partie du dimanche (art. 4 al. 2 OLT 2). L’art. 4 OLT 2 s’applique aux catégories d’entreprises et aux travailleurs visés par la section 3 de l’OLT 2 (art. 3 OLT 2).

L’art. 26 al. 2 OLT 2 précise que sont applicables aux kiosques et aux entreprises de services aux voyageurs, ainsi qu’aux travailleurs qu’ils affectent aux services aux voyageurs, l’art. 4 al. 1 OLT 2, pour la nuit jusqu’à 01h00, et l’al. 2 pour tout le dimanche, ainsi que les art. 8 al. 1, 12 al. 2 et 14 al. 1 OLT 2.

Selon l’art. 26 al. 4 OLT 2, sont réputés entreprises de services aux voyageurs les points de vente et entreprises de prestations de services situés dans le périmètre de gares, aéroports, d’autres grands centres de transports publics et dans les localités frontalières, dont les marchandises et les prestations répondent principalement aux besoins des voyageurs.

5) a. Le « commentaire de la loi sur le travail et des ordonnances 1 et 2 »
du SECO (ci-après : commentaire du SECO), dans sa version de décembre 2019, précise que les entreprises de services aux voyageurs doivent non seulement satisfaire aux critères de situation, mais encore proposer un assortiment de marchandises ou de prestations qui réponde principalement aux besoins des voyageurs. Sont considérés comme voyageurs les personnes voyageant en train (pour les gares), en avion (pour les aéroports), en bateau (pour les ports), en bus ou en tramway (pour les gares d’autobus ou de tramway), les frontaliers et les personnes de passage (pour les localités frontalières), les personnes circulant en véhicule privé ou en car, de même que les routiers (pour les aires des autoroutes et les installations destinées aux voyageurs situées le long d’axes de circulation importants).

Pour répondre principalement aux besoins des voyageurs, l’assortiment proposé doit remplir les critères suivants :

-          répondre à un besoin de base des voyageurs (nourriture, articles pour l’hygiène ou le voyage, produits de la presse, etc.) sans toutefois comprendre une gamme complète de produits ;

-          être vendus en quantités ou volumes maniables qu’une seule personne pourra transporter aisément ;

-          faire l’objet d’une vente « en passant », simple et rapide.

En revanche, s’il s’agit d’une palette de prestations, elles doivent répondre aux besoins spécifiques qui se manifestent régulièrement en voyage. Cela est le cas, selon l’endroit, pour les services d’information ou de réservation (hébergement, taxis, manifestations diverses, location de véhicules, etc.), les services de premier secours (infirmeries, soutien psychologique), les bureaux de change, les infrastructures d’hygiène (toilettes, douches, bains, locaux pour changer les petits enfants), les prestations concernant la détente ou le divertissement, l’hébergement, la restauration, la communication, le nettoyage à sec (commentaire SECO, ad. art. 26 OLT 2).

b. Les directives du SECO sont des ordonnances administratives interprétatives (ATA/325/2018 du 10 avril 2018 consid. 4d ; ATA/978/2014 du
9 décembre 2014 consid. 13). L’ordonnance administrative ne lie pas le juge, mais celui-ci la prendra en considération, surtout si elle concerne des questions d’ordre technique ; il s’en écartera cependant s’il considère que l’interprétation qu’elle donne n’est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ATA/41/2019 du 15 janvier 2019 consid. 7e ; ATA/668/2015 du 23 juin 2015 consid. 4b ;
Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2011,
p. 420 ss § 2.8.3).

6) Selon le Tribunal fédéral, les exceptions à l'interdiction du travail nocturne et dominical, en tant que dérogations à l'un des principes majeurs du droit de la protection des travailleurs, ne doivent être accordées, selon le principe de la proportionnalité, que là où leur caractère indispensable est établi (ATF 116 Ib 284 consid. 4), quand bien même les habitudes des consommateurs ont subi une certaine évolution (arrêts du Tribunal fédéral 2A.26/2005 du 14 juin 2005
consid. 3.2.2 ; 2A.166/2003 du 7 août 2003 consid. 2). La concurrence des États voisins ne constitue pas non plus, en règle générale, une justification suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 2A.542/2001 du 1er octobre 2002 consid. 4.2).

7) La recourante considère en premier lieu que ce n’est que lorsque la clientèle locale a accès aux commerces que se poserait la question de savoir si la nature des marchandises répond aux besoins de base des voyageurs. La mention
« principalement » figurant à l’art. 26 al. 4 OLT 2 n’aurait dès lors de portée que lorsque les commerces seraient accessibles à la clientèle locale. Cette question ne se posait pas dans la présente situation, dès lors que ses boutiques
« hors taxe » sont seulement accessibles aux passagers sur le point de s’envoler à destination d’un territoire douanier étranger ou arrivant d’un territoire douanier étranger.

L’intimé estime quant à lui qu’il ne peut en aucun cas être déduit qu’un point de vente uniquement dédié aux voyageurs puisse bénéficier de facto de la dérogation, sans l’examen du critère relatif à l’assortiment de marchandises proposé. La jurisprudence imposait encore que la nature des marchandises ou prestations proposées réponde aux besoins de base des voyageurs.

8) a. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1). Appelé à interpréter une loi, le juge ne privilégie aucune de ces méthodes, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique (ATF 139 IV 270 consid. 2.2).

b. Le juge est en principe lié par un texte clair et sans équivoque. Ce principe n'est toutefois pas absolu, dès lors que le texte d'une norme peut ne pas correspondre à son sens véritable. L'autorité qui applique le droit ne peut ainsi s'en écarter que s'il existe des motifs sérieux de penser que sa lettre ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs sérieux peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, de même que de sa relation avec d'autres dispositions
(ATF 138 II 557 consid. 7.1). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s'écarter du texte clair de la loi, surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e). Le juge ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 142 II 388 consid. 9.6.1). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 144 III 58 consid. 4.1.3.1).

c. S'agissant plus spécialement des travaux préparatoires, bien qu'ils ne soient pas directement déterminants pour l'interprétation et ne lient pas le juge, ils ne sont pas dénués d'intérêt et peuvent s'avérer utiles pour dégager le sens d'une norme. En effet, ils révèlent la volonté du législateur, laquelle demeure, avec les jugements de valeur qui la sous-tendent, un élément décisif dont le juge ne saurait faire abstraction même dans le cadre d'une interprétation téléologique (ATF 119 II 183 consid. 4b ; 117 II 494 consid. 6a ; ATA/213/2017 du 21 février 2017). Les travaux préparatoires ne seront toutefois pris en considération que s'ils donnent une réponse claire à une disposition légale ambiguë et qu'ils ont trouvé expression dans le texte de la loi (ATF 124 III 126 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_939/2011 du 7 août 2012 consid. 4).

9) a. Dans deux arrêts relativement anciens, le Tribunal fédéral a défini la notion « besoins du tourisme » comme comprenant les besoins inhérents à la nature humaine et que les touristes, comme les locaux, doivent satisfaire où qu’ils se trouvent (besoin de nourriture, de boisson et d’hygiène) ainsi que les besoins propres aux touristes, c’est-à-dire ceux dont la satisfaction leur permet de voyager pour leur plaisir, dans un but de divertissement, de culture. À ce titre, le Tribunal fédéral a cité le besoin d’un guide de voyage ou d’un produit du terroir pouvant faire partie des souvenirs de vacances (arrêts du Tribunal fédéral 2A.612/1999 du 30 juin 2000 consid. 5a ; 2A.578/2000 du 24 août 2001 consid. 5a).

b. Dans un arrêt du 22 mars 2002 (2A.255/2001) relatif à l’ouverture le dimanche d’un commerce situé entre l’aéroport de Zurich et sa gare, le Tribunal fédéral s’est spécifiquement référé, dans le cadre de l’interprétation de l’art. 26
al. 4 OLT 2, au commentaire du SECO précité lequel prévoyait que l'offre de biens devait répondre aux besoins spécifiques du voyageur (alimentation, hygiène, produits de presse, nécessités du voyage et autres) et ne pouvait pas comprendre une gamme complète. Les marchandises devaient être vendues en quantités gérables ou pouvant être transportées par une seule personne, et la procédure d'achat devait être simple et immédiate (achat « en passant » ; consid. 4.1). Le Tribunal fédéral a également relevé que les exigences concernant la surface de vente des magasins d'alimentation limitée à 120 m2 ne représentaient pas des valeurs absolues et irrévocables ; la taille du commerce devait simplement apparaître adaptée au type et à l'importance du lieu. Il a ainsi considéré que la gamme de produits de l'établissement en question qui proposait sur 450 m2 essentiellement des denrées alimentaires, des fruits et légumes, des produits laitiers, des provisions générales de voyage et des boissons répondait à un besoin fondamental des voyageurs dans un lieu fréquenté quotidiennement par une moyenne de cinquante-cinq mille passagers aériens, cinq mille voyageurs en train et en bus, auxquels il fallait ajouter quatre mille personnes composant le personnel navigant (consid. 4.2 et 4.3).

c. Dans un arrêt du 22 janvier 2008 portant tant sur l’interdiction faite aux stations-service du canton de Genève exploitant un magasin accessoire d'employer du personnel le dimanche et les jours fériés, le Tribunal administratif, devenu depuis lors la chambre administrative, a longuement exposé l’interprétation et la portée de l’art. 26 al. 2 et 4 OLT 2 (ATA/28/2008). À cet égard, il a notamment rappelé que cette disposition comprenait des conditions liées à la situation géographique de l’entreprise ainsi qu’au type de marchandises ou de prestations offertes, qui devaient répondre principalement aux besoins particuliers des voyageurs (consid. 9). Il a ajouté qu’il ne fallait pas perdre de vue, dans l’interprétation de cette disposition, que c’était bien l’intérêt des voyageurs, et non celui de la population locale, qui était au centre de la dérogation prévue, même si la loi n’interdisait pas à la clientèle locale de profiter des structures offertes aux voyageurs (consid. 16b). Il a également relevé que les marchandises offertes ne devaient pas simplement satisfaire les voyageurs, mais devaient les satisfaire à titre principal. Cela signifiait que le choix de ces marchandises devait être déterminé en premier lieu par ces besoins, et non secondairement, par rapport aux besoins ou aux souhaits de la clientèle locale, qui venait s’approvisionner pour ces raisons de commodité personnelle (consid. 17ba). Il a également défini le « voyageur » comme étant celui que le voyage pouvait mettre dans le besoin de consommer les marchandises visées à l’art. 2 du règlement d’exécution de la loi sur les heures de fermeture des magasins du 21 février 1969 (RHFM - I 1 05.01), devenu depuis lors le règlement d'exécution de la loi sur les heures d'ouverture des magasins du 21 février 1969 (RHOM - I 1 05.01), à savoir l’assortiment traditionnel des kiosques, tels que tabacs et journaux, les boissons et produits alimentaires de base, les articles pour pique-nique et les produits d'entretien ou de soins de première nécessité (consid. 17ac et 19).

d. Dans un arrêt du 3 septembre 2008 faisant suite à un recours d’une station-service contre l’ATA/28/2008 précité, le Tribunal fédéral a notamment précisé que, sous l’angle de l'art. 26 al. 4 OLT 2, les prestations offertes ne visaient pas à satisfaire les besoins quotidiens de la population, mais devaient correspondre à un assortiment limité de produits et de services répondant spécifiquement aux attentes des voyageurs, le but étant que ceux-ci puissent avoir accès aisément à ces prestations de base sur leur trajet (ATF 134 II 265 consid. 5.2).

10) Dans le rapport de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national du 10 octobre 2011, faisant suite à l’initiative parlementaire sur la libéralisation des heures d’ouverture des shops des stations-service laquelle a donné lieu à l’adoption de l’art. 27 al. 1quater LTr il a été relevé que les magasins des stations-service devaient offrir des marchandises et des services répondant principalement aux besoins des voyageurs. Les principes qui s’appliquaient déjà à l’heure actuelle s’appliqueraient avec la nouvelle disposition. Ainsi l’offre principale d’un magasin de station-service devait correspondre aux besoins de base des voyageurs (articles d’alimentation et d’hygiène, publications de presse et produits similaires). Elle ne devait pas porter sur un assortiment complet. Les marchandises devaient être vendues dans des volumes et des quantités qui pouvaient être portés par une seule personne. En outre l’acte d’achat devait pouvoir se dérouler simplement et immédiatement (achats « en passant »). Comme les magasins des stations-service ne pourraient offrir qu’un assortiment limité, la limitation de leur surface devait être maintenue. La pratique actuelle prévoyait une surface maximale de vente de 120 m2 (FF 2011 8241, p. 8250).

11) a. En l’espèce, le texte de l’art. 26 al. 4 OLT 2 pose d’une part une condition liée à la situation géographique de l’entreprise laquelle ne fait en l’occurrence pas l’objet du litige dès lors qu’il n’est pas contesté qu’elle est remplie ainsi qu’une condition liée au type de marchandises ou de prestations offertes par l’entreprise.

Les parties diffèrent sur la signification et l’interprétation à donner aux termes « répondent principalement aux besoins des voyageurs ». À titre préalable, il convient ainsi de déterminer si, comme le prétend la recourante, le terme
« principalement » figurant à l’art. 26 al. 4 OLT 2 n’aurait de portée que lorsque les commerces seraient accessibles à la clientèle locale, tout comme la question de savoir si les marchandises proposées correspondraient à des besoins de base de voyageurs.

Certes, comme le relève la recourante, et comme l’a d’ailleurs déjà relevé la chambre de céans dans l’ATA/28/2008 précité, le terme « principalement » permet de rappeler que la dérogation est orientée vers la satisfaction des besoins des voyageurs et non ceux de la clientèle locale. Rien ne permet toutefois de déduire du texte de l’art. 26 al. 4 OLT 2 ou de la jurisprudence, que le fait qu’une entreprise ne soit pas accessible à la population locale rendrait inutile l’analyse du type de marchandises proposées. Lorsque le commerce en question est accessible tant à la clientèle locale qu’aux voyageurs, l’examen de la situation nécessitera effectivement de distinguer les besoins des premiers par rapport aux seconds, seuls ces derniers étant pertinents. Le Tribunal fédéral a notamment procédé à cet examen au consid. 4.4 de l’arrêt 2A.255/2001 précité auquel se réfère notamment la recourante. En l’occurrence, dans le présent litige, cette question n’est pas pertinente puisqu’il n’est effectivement pas contesté que seuls des voyageurs ont accès aux boutiques « hors taxe » de la recourante. Toutefois, ce constat n’enlève rien à la nécessité de procéder à un second examen portant sur la question de savoir si les marchandises vendues répondent bien à un « besoin des voyageurs », question à laquelle le Tribunal fédéral a également répondu dans l’arrêt susmentionné.

Il convient encore de définir la notion de « besoin des voyageurs ». En l’occurrence, cette notion est définie de la même manière tant par le commentaire du SECO, que par la jurisprudence du Tribunal fédéral et les travaux préparatoires relatifs à la modification de l’art. 27 LTr portant sur l’ajout d’un alinéa faisant également référence aux « besoins des voyageurs ». Ce terme a été défini comme visant les besoins de base des voyageurs, soit notamment la nourriture, les articles pour l’hygiène ou le voyage et les produits de la presse, sans toutefois comprendre une gamme complète de produits. Les produits en question doivent être vendus en quantités ou volumes maniables qu’une seule personne pourra transporter aisément et faire l’objet d’une vente simple et rapide.

b. Cela dit, il convient enfin de déterminer si l’intimé a, à juste titre, considéré que l’assortiment de produits proposés par les boutiques « hors taxe » de la recourante ne répondait pas aux besoins des voyageurs, tels que définis ci-avant.

Il ressort du dossier, soit notamment de l’annexe I du contrat de concession conclu entre la recourante et l’AIG et des écritures des parties, ainsi que de la consultation de la page du site internet de l’AIG relative aux boutiques « hors taxe » (https://www.gva.ch/fr/Site/Passagers/Shopping/Commerces/Duty-Free, consulté le 26 février 2020) et du site internet des boutiques elles-mêmes
(https://www.aeliadutyfree.ch/geneva/fr/, consulté le 26 février 2020) que A______ commercialise dans ses boutiques « hors taxe » une large gamme d’alcools, de parfums et de cosmétiques, de tabacs, de vins et champagnes, de chocolats ainsi que de produits et souvenirs suisses. La recourante expose par ailleurs qu’elle commercialise également des produits de toilette de dépannage, des coussins de voyage, des masques de voyage, des bouchons d’oreilles, des chaussettes, des adaptateurs, des cadenas, des parapluies, des cadeaux et des
« snacking » salés ou sucrés, sans toutefois apporter d’élément sur l’étendue de cet assortiment. Ces différents produits ne figurent toutefois pas dans l’assortiment présenté sur la page du site internet de l’AIG relative aux boutiques « hors taxe » ni sur le site internet desdites boutiques. À teneur de l’annexe 3 de la convention de concession signée entre la recourante et l’AIG dénommée « business plan toutes boutiques », les prévisions des ventes relatives aux tabacs, à l’alcool, aux vins et champagnes ainsi qu’aux parfums et cosmétiques représentent, pour l’année 2017, 86.6 % des revenus prévisibles des boutiques « hors taxe ». Les prévisions sont approximativement les mêmes pour les années 2018 à 2023.

Au vu des considérations qui précèdent, il convient de retenir que bien que la recourante commercialise dans ses boutiques « hors taxe » quelques produits pouvant probablement être considérés comme répondant aux besoins de base des voyageurs, la très large majorité de son assortiment est composé d’articles ne répondant pas à cette définition, soit principalement les boissons alcoolisées, les parfums et cosmétiques et les tabacs qui représentent une large part de son chiffre d’affaires. Quand bien même lesdits articles pourraient être considérés comme répondant à un besoin de base des voyageurs, le fait que les boutiques proposent une gamme complète de ces produits doit tout de manière aboutir à la conclusion qu’elles ne répondent pas aux besoins des voyages au sens de l’art. 26 al. 4 OLT 2, tel qu’explicité précédemment.

La recourante expose encore que les restrictions sont plus grandes encore concernant le travail le dimanche que le travail de nuit, de sorte que l’art. 26
al. 4 OLT 2 ne peut être interprété comme ne lui permettant pas d’employer du personnel la nuit alors qu’elle le peut, sans autorisation, le dimanche. Or, comme le relève d’ailleurs la recourante dans la suite de son raisonnement, l’art. 27
al. 1ter LTr lui permet précisément d’ouvrir ses boutiques « hors taxe » le dimanche. Cette disposition ne s’applique toutefois pas au travail de nuit. Le législateur fédéral a ainsi marqué clairement son intention de régler différemment ces deux aspects, quand bien même la recourante jugerait cette situation contradictoire.

C’est dès lors à juste titre que l’autorité intimée a considéré qu’au vu de l’assortiment proposé par la recourante dans ses boutiques, ces dernières ne remplissaient pas les conditions permettant d’être qualifiées d’entreprises de services aux voyageurs au sens de l’art. 26 al. 4 OLT 2 et qu’il a ainsi constaté que le régime dérogatoire des art. 4 et 26 OLT 2 ne lui était pas applicable.

12) La recourante considère par ailleurs que l’interdiction faite par l’OCIRT d’employer du personnel la nuit jusqu’à 00h30 au plus tard constitue une restriction à sa liberté économique violant l’art. 27 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Dès lors qu’elle pouvait, sur la base de l’art. 26 OLT 2, occuper du personnel jusqu’à 01h00 sans avoir à requérir d’autorisation, aucune base légale ne permettait à l’OCIRT de restreindre sa liberté économique. La restriction était par ailleurs disproportionnée et elle bénéficiait d’un intérêt économique prépondérant à ouvrir la nuit face à l’intérêt de son personnel de ne pas être employé durant cette période.

a. Selon l’art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 137 I 167 consid. 3.1 ; 135 I 130 consid. 4.2). L’art. 36 Cst. exige que toute restriction à un droit fondamental soit fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2), et proportionnée au but visé
(al. 3).

La liberté économique comprend le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique. Selon ce principe, déduit des art. 27 et 94 Cst., sont prohibées les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre les personnes exerçant la même activité économique (ATF 143 I 37 consid. 8.2 ; 140 I 218 consid. 6.2). On entend par concurrents directs les membres de la même branche économique qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins. Ne sont considérés comme concurrents directs au sens de cette règle que les entreprises situées dans la circonscription territoriale à laquelle s'applique la législation en cause (arrêt du Tribunal fédéral 2C_380/2016 du 1er septembre 2017 consid. 5.1 et les références citées). L'égalité de traitement entre concurrents directs n'est pas absolue et autorise des différences, à condition que celles-ci reposent sur une base légale, qu'elles répondent à des critères objectifs et résultent du système
lui-même ; il est seulement exigé que les inégalités ainsi instaurées soient réduites au minimum nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public poursuivi (ATF 143 I 37 consid. 8.2 ; 137 I 167 consid. 3.5).

Selon le Tribunal fédéral, la LTr repose sur plusieurs dispositions constitutionnelles, parmi lesquelles l’art. 110 al. 1 let. a et b Cst. relatif à la compétence législative en matière de protection des travailleuses et travailleurs. Les limitations de la liberté économique prévues par la LTr en relation avec l’interdiction de travailler les dimanches et les jours fériés, reposent ainsi non seulement sur une base légale valable, mais ont également un fondement constitutionnel. L’interdiction de travailler les jours fériés répond à un but de politique sociale et accorde aux travailleurs un temps libre supplémentaire. L’imposition de l’interdiction de travailler le dimanche à tous les travailleuses et travailleurs à l’exception des entreprises familiales vise à offrir à son personnel une protection dont il ne bénéficie pas en l’absence de liens familiaux. Elle se justifie pleinement pour les personnes morales. Cette interdiction respecte la proportionnalité entre l’atteinte à la liberté économique et l’intérêt public poursuivi. Enfin, même s’il en résulte un traitement différent de concurrents directs créant individuellement une restriction de la liberté économique, celui-ci répond à des critères objectifs et est nécessaire pour atteindre le but d’intérêt public poursuivi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_886/2012 du 29 juin 2013
consid. 4).

Par ailleurs, l’art. 94 al. 4 Cst. prévoit que les dérogations au principe de la liberté économique, en particulier les mesures menaçant la concurrence, ne sont admises que si elles sont prévues par la Cst. ou fondées sur les droits régaliens des cantons. Selon le Tribunal fédéral, contrairement aux mesures d’ordre économique, qui sont susceptibles d’entraver, voire même de déroger à la libre concurrence, les mesures étatiques poursuivant des motifs d’ordre public, de politique sociale ou des mesures ne servant pas, en premier lieu, des intérêts économiques (par exemple, aménagement du territoire, politique environnementale) sortent d’emblée du champ de protection de l’art. 94 Cst. La jurisprudence définit les mesures dites sociales ou de politique sociale en tant que mesures qui tendent à procurer du bien-être à l’ensemble ou à une grande partie des citoyens, ou à accroître ce bien-être par l’amélioration des conditions de vie, de la santé ou des loisirs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_774/2014 du 21 juillet 2017 consid. 5.2).

b. En l’espèce, la restriction au principe de la liberté économique repose précisément sur une base légale, soit l’art. 16 LTr qui interdit le travail de nuit, étant précisé que comme susmentionné la recourante ne remplit pas les conditions lui permettant de bénéficier du régime dérogatoire des art. 4 et 26 OLT 2.

Par ailleurs, il existe indéniablement un intérêt public prépondérant, à savoir la protection de la santé des travailleuses et travailleurs, lequel prime sur l’intérêt de l’entreprise à pouvoir occuper son personnel durant une partie de la nuit. Cette mesure est en outre la seule apte à atteindre le but visé, soit à préserver le repos nocturne de son personnel. À cet égard, il sera notamment relevé que l’argumentation tirée de la concurrence étrangère ne constitue, en règle générale, pas une justification suffisante à l’obtention d’une dérogation à l'interdiction du travail de nuit.

13) La recourante expose encore que la décision litigieuse violerait le principe de la bonne foi. Les attestations du respect des usages délivrées par l’OCIRT, tant à elle-même qu’aux précédentes sociétés ayant exploité les boutiques « hors taxe » de l’aéroport ainsi que le fait que les boutiques « hors taxe » de l’aéroport aient toujours pu ouvrir jusqu’au départ du dernier vol devaient être perçus comme une assurance donnée par l’intimé quant à la possibilité d’occuper du personnel jusqu’à 00h30.

a. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49
consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du
28 avril 2016 consid. 3.1).

Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître. Le principe de la confiance est toutefois un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 consid. 2.2.1, in RDAF 2005 I 71 ; ATA/1393/2019 du 17 septembre 2019 consid. 2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 569). La protection de la bonne foi ne s'applique pas si l'intéressé connaissait l'inexactitude de l'indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes
(ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1).

Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi confère au citoyen, à certaines conditions, le droit d'exiger des autorités qu'elles se conforment aux promesses ou assurances précises qu'elles lui ont faites et ne trompent pas la confiance qu'il a légitimement placée dans ces promesses et assurances. Un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et (e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1120/2015 du 26 avril 2017 consid. 6.3.2 ; ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ;
131 II 627 consid. 6.1).

b. La recourante expose en particulier que bien que l’intimé ait eu connaissance des horaires de ses collaborateurs en mars 2018 déjà, il lui avait délivré une « attestation du respect des usages » le 26 juillet 2018 et ne l’avait pas enjointe de ne pas occuper du personnel entre 23h00 et 06h00 avant son courrier du 30 juillet 2018. Par ailleurs, l’horaire de ses boutiques était défini par le contrat de concession signé avec l’AIG et était conforme à la pratique établie depuis plusieurs années, puisque la société qui était en place avant elle effectuait des horaires de nuit. En octroyant durant de nombreuses années aux entreprises concessionnaires d’AIG qui exploitaient les boutiques « hors taxe » des attestations du respect des usages, l’OCIRT avait donné l’assurance aux différents concessionnaires, dont elle-même, qu’ils étaient autorisés à occuper du personnel pendant la nuit.

Or, comme relevé à juste titre par l’intimé, par la délivrance de l’attestation du respect des usages, l’autorité ne certifie pas que l’entreprise respecte les usages, mais que cette dernière s’est engagée, par sa signature, à respecter les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage à Genève dans son secteur d’activité. Il est vrai qu’aux termes de l’art. 40 al. 2 du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 (RIRT - J 1 05.01), l’OCIRT peut surseoir à la délivrance de l'attestation, si, au moment où l'attestation est demandée, l'office dispose d'indices laissant présumer que l'entreprise ne respecte pas les usages. Dès lors, l’intimé aurait pu surseoir à la délivrance des attestations des 26 juillet 2018 et 30 juillet 2018. Toutefois, le fait qu’elle ne l’ait pas fait, étant précisé que l’art. 40 al. 2 RIRT est de nature potestative, ne saurait aucunement être considéré comme une reconnaissance de sa part quant au fait que la recourante serait autorisée à occuper de collaborateurs durant la nuit. Comme exposé ci-avant les dispositions relatives aux dérogations du travail de nuit ressortent de la LTr et de l’OLT 2 et n’ont en particulier aucun lien avec la délivrance de l’attestation du respect des usages au sens du RIRT. Le même raisonnement s’applique également s’agissant de la délivrance de telles attestations aux entreprises concessionnaires d’AIG ayant exploité avant elle les boutiques « hors taxe » de l’aéroport.

Force est par ailleurs de constater que l’OCIRT n'a jamais donné de garanties, quelles qu'elles soient, sur la possibilité de bénéficier du régime dérogatoire des art. 4 et 26 OLT 2. Au contraire, quelques semaines après avoir constaté, à la suite des contrôles des conditions de travail dans les boutiques, que la recourante ne remplissait pas les conditions lui permettant de bénéficier du régime dérogatoire, l’intimé lui a imparti un délai pour se mettre en conformité et veiller à ce que son personnel ne soit plus occupé la nuit, soit avant 06h00 et après 23h00. Ainsi, la recourante ne peut pas se prévaloir d'un droit acquis ou d’assurances données par l’autorité.

Son grief sera donc écarté.

14) À titre subsidiaire, la recourante argumente que la décision litigieuse violerait le principe de la proportionnalité dès lors que l’OCIRT aurait pu et dû constater que le régime dérogatoire des art. 4 et 26 OLT 2 s’appliquait à tout le moins à une partie des produits vendus dans ses boutiques « hors taxe », et ainsi autoriser le travail de nuit pour la vente desdits produits.

a. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

b. En l’occurrence, comme l’indique l’intimé dans sa réponse et le confirme la recourante dans sa réplique, les parties avaient discuté, lors de leur rencontre du 16 octobre 2018, de la possibilité de maintenir l’occupation du personnel la nuit si les boutiques restreignaient leur assortiment de produits de manière à ce qu’ils répondent aux besoins des voyageurs au sens de l’art. 26 al. 4 OLT 2. Toutefois, il ne ressort pas du dossier, et la recourante ne le prétend d’ailleurs pas, que celle-ci aurait fourni une quelconque proposition concrète sur les produits qu’elle entendait alors proposer à la vente. Pourtant, dès lors qu’elle sollicitait une décision visant à constater qu’elle remplissait les conditions du régime dérogatoire, il lui appartenait de présenter tous les éléments permettant à l’autorité de rendre sa décision en toute connaissance de cause. Ainsi, si elle entendait réduire son assortiment de marchandises, à tout le moins durant la nuit, afin de remplir les exigences permettant de la considérer, au sens des considérants qui précèdent, comme une entreprise de services aux voyageurs, elle se devait d’exposer clairement quels produits seraient vendus durant les horaires de nuit. Elle ne peut en particulier pas exiger de l’autorité qu’elle rende une décision sur toutes les alternatives qu’elle aurait pu présenter pour satisfaire aux conditions permettant de répondre au régime dérogatoire des art. 4 et 26 OLT 2. Il lui appartiendra ainsi de solliciter à nouveau une décision constatatoire de la part de l’autorité compétente si elle entend faire valoir de nouveaux éléments en lien avec la dérogation des art. 4 et 26 OLT 2, soit notamment si elle entend soumettre une partie seulement de son assortiment afin de remplir les conditions lui permettant de bénéficier du régime dérogatoire.

Ce grief sera dès lors également écarté.

Compte tenu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

15) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 septembre 2019 par A______ SA contre la décision de l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 16 juillet 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ SA ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Elodie Yammine, avocate de la recourante, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, à l'Aéroport international de Genève ainsi qu’au secrétariat d’État à l’économie.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mmes Krauskopf, Cuendet, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :