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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4527/2017

ATA/238/2020 du 03.03.2020 sur JTAPI/435/2019 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : LOGEMENT SOCIAL;LOYER CONTRÔLÉ;ETAT LOCATIF
Normes : LGZD.5; LGL.42
Résumé : Confirmation d’un jugement du Tribunal administratif de première instance admettant partiellement un recours déposé par un propriétaire contre un arrêté départemental approuvant le plan financier définitif et fixant l’état locatif d’un immeuble construit en zone de développement 3.
En fait
En droit

république et

canton DE GENEVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4527/2017-LCI ATA/238/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 mars 2020

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Me Pascal Marti, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCLPF

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 mai 2019 (JTAPI/435/2019)


EN FAIT

1) A______ SA est propriétaire de la parcelle no 1______, feuille 2______, de la commune de B______, sise ______, rue C______, en zone de développement 3, zone de fond 5.

Dite parcelle est comprise dans le périmètre du plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) no 3______ adopté par le Conseil d'État le 24 janvier 2007, situé entre le chemin D______, la route de E______ et le chemin F______.

2) a. Le 29 septembre 2008, A______ a déposé auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'environnement, devenu depuis lors celui du territoire (ci-après : le département), une demande définitive d'autorisation de construire un immeuble locatif de cinq étages sur rez-de-chaussée plus attique ainsi qu'un garage souterrain, laquelle a été enregistrée sous DD 4______.

b. Dans un préavis favorable sous réserve du 12 novembre 2009 et son annexe de la veille, l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) a requis diverses modifications du plan financier du 26 août 2009 (modifications d'un plan du 12 août 2009) avec un taux de rendement net des fonds propres de 7 %.

c. Le 9 avril 2010, l'OCLPF a donné son accord de principe pour la location des logements envisagés sur la base du plan financier du 18 janvier 2010 de A______ qui en faisait partie intégrante, conditionné à l'obtention de l'autorisation de construire. Le plan prévoyait un coût total de CHF 9'400'000.- et un taux de rendement net des fonds propres de CHF 1'880'000.- à 7 %.

L'accord précise que les prix de construction prévus atteignent les plafonds admis et qu'un éventuel dépassement ne pourra pas être répercuté sur les loyers.

Cet accord de principe a été contresigné par le bureau d'architectes mandaté par A______ et a été adressé par l'OCLPF accompagné de son préavis favorable, au Conseil d'État, soit pour lui le service des plans d'affectation et requêtes, le 19 avril 2010.

3) Par arrêté du 5 mai 2010, le Conseil d'État a autorisé l'application des normes de la troisième zone au bâtiment à construire, aux conditions énoncées dans le préavis du 19 avril 2010 de l'OCLPF.

4) a. Le 18 mai 2010, l'autorisation de construire DD 4______ a été délivrée par le département. Elle précisait à son point 4 que les conditions figurant dans le préavis de l'OCLPF du 12 novembre 2009 devaient être strictement respectées et faisaient partie de l'autorisation.

b. Le 16 juin 2010, le département a annulé la condition 4 précitée et a exhorté A______ à respecter l'accord du 9 avril 2010.

5) a. Le 14 avril 2011, A______ a déposé une demande d'autorisation de construire complémentaire (DD 4______/2) portant sur la surélévation d'un étage du bâtiment, l'adaptation de l'abri et du parking ainsi que des modifications des façades.

b. Un plan financier du 29 mars 2011 a été soumis à l'OCLPF avec un taux de rendement fixé à 7 %.

c. Le 3 juin 2011 dans son préavis favorable sous réserve, l'OCLPF a exigé diverses modifications dudit plan et a par ailleurs rendu A______ attentive au fait que les conditions de l'accord de principe du 9 avril 2010 restaient inchangées et lui étaient imposables.

d. Le 4 août 2011, le département a délivré l'autorisation de construire complémentaire (DD 4______/2), laquelle imposait un strict respect des conditions fixées dans le préavis de l'OCLPF du 3 juin 2011.

6) A______ a fait parvenir plusieurs plans financiers intermédiaires à l'OCLPF, les 16 août, 4 septembre, 22 novembre, 27 novembre et 20 décembre 2012. Deux séances ont eu lieu les 4 septembre 2012 et 16 janvier 2013, et l'OCLPF a communiqué ses exigences et commentaires.

Parmi ces échanges, le 13 décembre 2012, l'OCLPF a fait observer à A______ que le prix de revient de l'opération, tel qu'il ressortait du plan financier du 27 novembre 2012, excédait de manière importante celui approuvé dans le cadre de son préavis du 3 juin 2011. Conformément aux termes de l'accord de principe du 9 avril 2010, auquel renvoyait le préavis du 3 juin 2011, tout dépassement des prix de construction ne serait pas répercuté sur les loyers, les plafonds admis en la matière ayant été atteints. Les pièces remises ne permettaient pas de déterminer la part de non rationalisation de l'opération, en raison des nombreuses redondances et contradictions entre les coûts avancés et leur répartition dans le plan financier. Des modifications étaient demandées et le loyer annuel maximum de CHF 5'940.- par pièce, basé sur un taux hypothécaire de 4 %, tel que fixé lors de l'accord de principe, restait valable.

7) Par décision de mise en location LGZD du 7 février 2013, l'OCLPF a fixé l'état locatif à titre provisoire, jusqu'à l'obtention d'une décision définitive. Le plan financier intermédiaire annexé à la décision, daté du 4 février 2013, retenait un taux de rendement net de fonds propres de 5,23 %.

8) Par acte du 7 mars 2013, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre la décision de l'OCLPF du 7 février 2013 en concluant à son annulation et à ce que l'état locatif provisoire soit fixé à CHF 579'445.95 selon le décompte produit, intégrant un rendement sur fonds propres de 7 %.

La décision devait être considérée comme finale et retenait un état locatif nettement inférieur à celui admis dans le préavis du 3 juin 2011 en violation de son droit d'être entendue, des principes de la bonne foi et de l'égalité de traitement, de façon arbitraire. Des postes comptables préalablement acceptés dans le plan financier du 29 mars 2011 avaient été modifiés par l'OCLPF sans motivation, occasionnant de graves dommages économiques.

9) Par jugement du 18 octobre 2014, (JTAPI/1136/2014), le TAPI a déclaré irrecevable le recours de A______ au motif que la décision de mise en location provisoire du 7 février 2013 constituait une décision incidente non susceptible de recours.

Il était relevé que les autorisations de construire DD 4______ et DD 4______/2 étaient entrées en force, imposant notamment le respect de toutes les conditions techniques et financières qu'elles contenaient, dont notamment le préavis de l'OCLPF du 12 novembre 2009, puis celui de l'accord de principe du 9 avril 2010, avec référence au plan financier du 18 janvier 2010. L'autorisation complémentaire imposait le respect du préavis de l'OCLPF du 3 juin 2011, avec référence au plan financier du 29 mars 2011.

10) Par arrêté départemental du 11 octobre 2017, faisant suite à un projet du 15 décembre 2016 soumis à A______, laquelle avait exposé divers griefs le 13  janvier 2017, le département a approuvé le plan financier définitif du 15 juin 2017, fixé l'état locatif dès le 1er décembre 2017 pour un montant global de CHF 438'984.-, soumis les loyers au contrôle de l'État pendant une durée de dix ans à partir du 1er mai 2013 et ordonné que la différence entre les charges annuelles budgétisées dans le plan financier ainsi que dans le résultat d'examen et le coût effectif net de celles-ci constituait une réserve pour l'exécution de travaux d'entretien, réserve qui devait être déposée en banque sur un compte spécial.

Le 23 octobre 2017, faisant suite à une demande de A______, l'OCLPF a transmis le plan financier du 15 juin 2017, un document intitulé « résultat de l'examen du dossier » daté du 8 août 2017 ainsi que le calcul des réserves au 16 juin 2017.

11) Par acte du 13 novembre 2017, A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre l'arrêté départemental en concluant principalement à son annulation et au renvoi de la cause à l'OCLPF pour instruction et nouvelle décision. Subsidiairement, l'état locatif définitif devait être arrêté à CHF 621'453.03, à répartir entre les surfaces de logement et les garages, voire à CHF 605'680.-, à répartir à teneur de CHF 461'250.- pour les septante-cinq pièces, de CHF 51'910.- pour l'attique de cinq pièces et à CHF 92'520.- pour les places de parking.

La décision était fondée sur une disposition légale dont la densité normative était insuffisante (art. 5 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 - LGZD - L 1 35). L'absence de motivation de la décision violait son droit d'être entendue. Les principes de l'interdiction de l'arbitraire, de la bonne foi de l'administration et de l'égalité de traitement étaient violés. Elle subissait des pertes économiques en raison de la décision.

12) Le 29 mars 2018, le département a déposé des observations, concluant au rejet du recours et à ce que l'état locatif de l'immeuble soit fixé à CHF 453'696.-, avec effet au 1er décembre 2017.

13) Par réplique du 5 mars 2018, A______ a persisté dans ses conclusions et le département a maintenu les siennes par duplique du 29 mars 2018.

14) Le 4 mai 2018, A______ a requis la production par l'OCLPF du plan financier approuvé pour la construction du futur immeuble sur la parcelle no 6______ de la commune de B______. Cet immeuble, en cours de construction sur la parcelle voisine, serait très similaire, pour ne pas dire identique, au sien, sous réserve des sous-sols.

15) Le 22 mai 2018, le département s'est opposé à la production du plan financier initial requis par A______. Il s'agissait d'un plan initial validé en application des pratiques administratives bien connues et mises en oeuvre également pour l'immeuble de A______.

16) Par jugement du 9 mai 2019, le TAPI a admis très partiellement le recours, annulé l'arrêté du département du 11 octobre 2017 et renvoyé la cause au département afin qu'il établisse un nouveau plan financier tenant compte d'un budget de charges de CHF 87'811.- au 1er décembre 2017 et la comptabilisation d'une réserve cumulée au 31 décembre 2016 de CHF 144'557.-.

L'OCLPF avait admis que les pièces produites par A______ dans le cadre de son recours, notamment des comptes d'exploitation détaillés, étaient de nature à modifier sa décision sur le montant du budget de charges (moyenne des exercices comptables 2014 à 2016) ainsi que sur la comptabilisation d'une réserve cumulée au 31 décembre 2016. Il en était donné acte à l'OCLPF par le TAPI, les montants calculés ne prêtant pas le flanc à la critique.

17) Par acte mis à la poste le 11 juin 2019, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation ainsi qu'à celle de l'arrêté départemental du 11 octobre 2017. La cause devait être renvoyée à l'OCLPF pour instruction et nouvelle décision. Subsidiairement, le jugement du TAPI et l'arrêté devaient être annulés, et un état locatif définitif devait être arrêté à hauteur de CHF 605'680.- à répartir pour CHF 461'250.- sur les septante-cinq pièces à CHF 6'150.-, cinq pièces à CHF 10'382.-, soit CHF 51'910.- et CHF 92'520.- pour les places de parking.

Elle reprenait, dans les mêmes termes, les griefs déjà développés devant le TAPI à l'encontre de l'arrêté.

L'art. 5 LGZD constituait une base légale insuffisante pour justifier les décisions de l'OCLPF, en particulier les arrêtés de mise en location dont les chiffres avaient considérablement varié par rapport aux chiffres retenus au moment des décisions d'autorisation de construire. Les garanties du droit de propriété et de liberté économique étaient violées dans la mesure où les restrictions effectives imposées n'étaient pas fondées sur une base légale suffisante.

Le principe de la sécurité du droit et de la bonne foi était violé, l'OCLPF devant être tenu de respecter les principes admis lors de la délivrance de l'autorisation de construire, notamment un rendement net sur fonds propres de 7 %.

En outre, s'agissant des charges d'exploitation, les charges d'entretien différées n'avaient pas été prises en compte en sus des charges courantes dans la mesure nécessaire. La pratique de l'OCLPF, établie dans le cadre de l'application de la LGL ne pouvait être retenue s'agissant de la LGZD.

18) Le 20 juin 2019, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

19) Le 19 juillet 2019, l'OCLPF a déposé des observations, concluant au rejet du recours.

20) Par écritures du 26 août 2019, la recourante a répliqué, persistant dans les conclusions prises dans son recours.

Le renvoi fait par l'art. 5 al. 3 LGZD ne pouvait se comprendre que par analogie et ne pouvait modifier les critères de contrôle prévu par l'art. 5 al. 1 LGZD qui se limitait à la question du besoin prépondérant d'intérêt général. Il était exclu d'appliquer les mêmes règles que celles prévues pour les immeubles bénéficiant d'un subventionnement étatique direct ou indirect.

L'effet « de la chose jugée » devait aussi garantir les loyers maximum admis, soit CHF 5'940.- par année et le rendement autorisé de 7 %.

Dans le cadre de l'étude du rendement sur fonds propres, il y avait lieu d'intégrer également les charges d'amortissement, sauf à nier une réalité économique sans pour autant que la loi ne l'y autorise. La jurisprudence concernant les logements subventionnés n'était notamment pas applicable en l'espèce.

21) Le 2 septembre 2019, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Le recours concerne un jugement du TAPI renvoyant la cause au département pour nouvelle décision.

Il s'agit là, en principe, d'une décision incidente (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, n. 2.2.4.2) contre laquelle le recours n'est recevable qu'à certaines conditions (art. 57 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10)

Toutefois, en l'espèce, le jugement du TAPI doit être considéré comme une décision finale, dans la mesure où le département doit suivre des considérants précis et ne dispose donc pas d'une liberté d'appréciation notable (ATA/1439/2017 du 31 octobre 2017 consid. 1).

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) a. La zone de développement a pour l'essentiel comme objectif de favoriser la construction de logements répondant à un besoin d'intérêt public (ATA/1325/2017 du 26 septembre 2017 ; Alain MAUNOIR, Les zones de développement dans le canton de Genève, in RDAF 1998 I p. 266 et 267).

b. La délivrance d'une autorisation de construire selon les normes d'une zone de développement est subordonnée à l'adoption préalable par le Conseil d'État d'un PLQ au sens de l'art. 3 LGZD et des conditions particulières applicables au projet imposées notamment à l'art. 5 LGZD (affectation à des besoins d'intérêt général ; art. 2 al. 1 let. a et b LGZD).

Dès lors, les bâtiments d'habitation destinés à la vente, quel que soit le mode d'aliénation (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions ou de parts sociales) doivent répondre, par le nombre, le type et le prix des logements prévus, à un besoin prépondérant d'intérêt général (art. 5 al. 1 let. b LGZD).

Les plans techniques et financiers, notamment les normes applicables à l'état locatif ou au plan de vente et aux réserves pour entretien, doivent être préalablement agréés par le département. Toute modification qui intervient en cours de construction doit être signalée et faire, le cas échéant, l'objet d'un nouvel agrément (art. 5 al. 2 LGZD).

Les prix et les loyers des bâtiments visés à l'art. 5 al. 1 let. b LGZD sont soumis au contrôle de l'État pendant une durée de dix ans dès la date d'entrée moyenne dans les logements selon les modalités prévues au chapitre VI (art. 42 à 48 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 - LGL - I 4 05 ; art. 5 al. 3 LGZD).

Ainsi, lorsque le PLQ a été approuvé, le département informe le requérant en autorisation de construire des conditions à remplir et l'invite à présenter le plan financier de l'opération projetée (art. 4 du règlement d'application de la loi générale sur les zones de développement du 20 décembre 1978 - RGZD - L 1 35.01). Il revient au département, dans le cadre de l'examen de la demande définitive en autorisation de construire, de fixer les conditions particulières au sens des art. 4 et 5 LGZD (art. 5 RGZD). Le département ne peut délivrer l'autorisation de construire que si toutes les conditions imposées sont remplies ou leur réalisation garantie de manière appropriée (art. 6 RGZD).

Le requérant doit fournir, avec la demande d'autorisation de construire, l'estimation du prix de revient de l'opération, les modalités du financement et de son coût ainsi que le plan financier d'exploitation (art. 13 al. 1 let. a, b
et c RGZD). En effet, la procédure destinée à régler les aspects financiers liés à la délivrance d'une autorisation de construire en zone de développement se déroule suivant différentes phases successives, parallèlement à l'instruction par les services compétents du département des aspects techniques de la demande d'autorisation, mais également postérieurement à la fin de la construction. La première phase aboutit à la notification d'une seule décision réglant les deux questions, la seconde à la décision de mise en location définitive (ATA/502/2014 du 1er juillet 2014 consid. 14).

c. D'après la jurisprudence, afin d'assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales, l'administration peut expliciter l'interprétation qu'elle leur donne dans des directives. Celles-ci n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce. Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; 140 V 343 consid. 5.2 ; ATA/1244/2017 du 29 août 2017 consid. 6a).

Dans le cadre de son activité de contrôle, l'OCLPF a adopté des directives visant à codifier sa pratique, notamment pour la détermination des éléments à prendre en compte dans l'établissement de l'état locatif autorisé des immeubles sous contrôle étatique. La chambre administrative a déjà eu l'occasion de confirmer la conformité à la LGL de telles directives, qui constituent une base de gestion indispensable au traitement d'un grand volume de travail, l'examen au cas par cas de toutes les particularités de chaque dossier n'étant matériellement pas possible et de surcroît source d'insécurité juridique et d'inégalité de traitement (ATA/59/2019 du 22 janvier 2019 consid. 4d ; ATA/31/2019 du 15 janvier 2019 consid. 6d).

3) a. La chambre de céans fait preuve de retenue lorsqu'il s'agit d'examiner la façon dont sont traités par une administration spécialisée, en fonction de la loi, voire des directives existantes, certains frais d'exploitation courants ou extraordinaires ou dont elle établit le budget, voire l'état locatif autorisé d'un immeuble. L'OCLPF est un service spécialisé chargé d'examiner les dossiers relatifs à tous les immeubles subventionnés par l'État et, en particulier, d'en mesurer tous les aspects financiers et techniques. Cette mission lui offre un champ de comparaison étendu et doit en principe l'amener à établir une pratique uniforme. La chambre de céans ne saurait de ce fait substituer son appréciation à celle d'un service spécialisé en ce qui concerne les questions techniques. Son contrôle se limite à l'abus ou à l'excès du pouvoir d'appréciation (ATA/585/2017 précité ; ATA/879/2010 précité consid. 7 et les références citées).

b. S'agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/1266/2018 consid. 7b du 20 février 2018 et les références citées).

En l'espèce, la recourante ne développe, devant la chambre administrative, aucune argumentation différente de celle déjà soumise au TAPI.

En conséquence, la chambre de céans fera siens les considérants développés par le TAPI dans son jugement détaillé et exhaustif auxquels il convient de se référer pour le surplus. Seule peut rester indécise la portée de l'argumentation du TAPI fondée sur les considérants du fond de son jugement d'irrecevabilité de 2014, auxquels il se réfère dans le jugement présentement querellé, non déterminants pour l'issue du présent litige et sur lesquels la chambre administrative ne s'appuiera pas pour la suite du raisonnement.

Le jugement du TAPI retient ainsi à juste titre ce qui suit.

4) Dans un premier grief, la recourante estime que l'art. 5 LGZD ne constituait pas une base légale suffisante pour justifier les décisions prises par l'OCLPF et que les garanties des droits de la propriété et de la liberté économique sont violées.

Selon l'art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit est la base et la limite de l'activité de l'État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l'exigence de la base légale. Le premier signifie que l'autorité doit respecter l'ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l'autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action doit avoir un fondement dans une loi (ATA/1373/2017 du 10 octobre 2017 consid. 4a et les références citées).

Le principe de la légalité exige donc que les autorités n'agissent que dans le cadre fixé par la loi. Il implique qu'un acte étatique se fonde sur une base légale matérielle qui est suffisamment précise et qui a été adoptée par l'organe compétent (ATF 141 II 169 consid. 3.1).

Comme vu ci-dessus, la LGZD constitue une base légale imposant à l'État, soit pour lui l'OCLPF, le contrôle des loyers, selon les modalités prévues par la LGL, et cela également en l'absence de subvention étatique, contrairement à ce que soutient la recourante.

Ainsi, sur la base du plan financier remis à l'OCLPF, une limitation des loyers et des prix des logements est donc imposable au propriétaire des bâtiments à construire pendant une période de dix ans au maximum.

Le principe de cette limitation a déjà été jugée conforme au droit supérieur par le Tribunal fédéral, tant au regard de la garantie de la propriété que de la liberté du commerce (ATF 116 Ia 401 consid. 4b ; 99 Ia 604 consid. 4a, 4c et 5 in SJ 1974 177, rendu sous l'empire de la loi ayant précédé l'adoption en 1978 de la LGZD, soit la loi sur l'expansion de l'agglomération urbaine genevoise en vue de lutter contre la spéculation sur les terrains, mais qui prévoyait le même mécanisme de contrôle des prix et loyers ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_676/2017 du 24 janvier 2019 consid. 3.2 ; ATA/1439/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4f ; Alain MAUNOIR, op. cit., ibidem).

5) La recourante estime qu'elle peut contester le loyer maximal admissible par pièce et le taux de rendement net qui apparaissent dans les plans financiers retenus dans l'arrêté litigieux. Elle estime que les chiffres mentionnés dans les plans financiers accompagnant les autorisations de construire pour ces deux postes lui ont été garantis.

Dans la procédure de construction en zone de développement, la décision octroyant l'autorisation définitive de construire constitue la première décision déployant un effet formateur, permettant la mise en oeuvre du projet de construction en fonction de conditions techniques et financières définies. Si la recourante veut remettre en question la conformité au droit du plan financier et de l'état locatif que ladite autorisation lui impose de respecter, c'est contre celle-ci qu'elle doit former recours (ATA/502/2014 précité).

En l'espèce, il est acquis que deux autorisations de construire définitives ont été délivrées en lien avec la construction du bâtiment, les 18 mai 2010 (DD 4______) et 4 août 2011 (DD 4______/2), lesquelles comportaient des accords de principe renvoyant à des plans financiers, respectivement des 9 avril 2010 selon plans financiers du 18 janvier 2010 et 3 juin 2011 selon plan financier du 29 mars 2011. Dites autorisations n'ont pas été contestées judiciairement et sont entrées en force, imposant notamment le respect de toutes les conditions techniques et financières qu'elles contenaient (ATA/502/2014 précité consid. 16). L'attention de la recourante a été attirée sur le fait qu'un éventuel dépassement des prix de construction, par rapport au plan financier du 18 janvier 2010, ne saurait être répercuté sur les loyers, notamment dans l'accord de principe du 9 avril 2010.

De jurisprudence constante, il a été retenu que la loi ne prévoit aucun rendement minimal garanti, mais se limite à interdire le dépassement d'un taux maximum fixé dans les directives (ATA/383/2018 du 24 avril 2018 consid. 4b ; ATA/841/2016 du 11 octobre 2016 consid. 15 ; ATA/879/2010 du 14 décembre 2010 consid. 9) et que l'arrêté définitif du Conseil d'État, et donc a fortiori les plans financiers et accords initiaux, ne valait pas garantie d'un rendement net des fonds propres au taux retenu, mais qu'il s'agissait d'un taux maximum (ATA/383/2018 du 24 avril 2018).

En l'espèce, aucun taux précis de rendement net des fonds propres, ni en particulier un taux de 7 % n'a jamais été assuré par l'OCLPF à la recourante. L'accord de principe du 9 avril 2010 précisait déjà qu'un éventuel dépassement des prix de construction, par rapport au plan financier du 18 janvier 2010, ne serait pas répercuté sur les loyers.

Ainsi, il appert que le loyer maximal admissible de CHF 5'940.- la pièce l'an tel que mentionné dans l'autorisation de construire du 4 août 2011 et de l'arrêté du 5 mai 2010, que la recourante souhaite voir repris dans le plan financier de 2017, l'a été, dans la première phase du calcul effectué en 2017. En effet, la première phase consiste à déterminer le calcul du rendement net tel qu'il aurait été admis lors de l'accord de principe, en 2011, si la recourante avait annoncé d'emblée un coût de construction conforme aux travaux finalement réalisés, soit CHF 11'796'118.- ainsi que la part correcte de fonds étrangers, soit 76,2 % et non de 80 %. Compte tenu desdites données, avec un taux hypothécaire de 4 % et un loyer maximal admissible à la pièce de CHF 5'940.- (et même en l'espèce de CHF 5'975.-) comme retenus à l'époque, le rendement net que l'autorité intimée aurait pu accepter aurait été de CHF 140'095.- représentant un rendement net de 4,99 % des fonds propres en CHF 2'806'118.- finalement investis. Cette différence avec le taux initial est due aux seules modifications du fait de la recourante. Le rendement net ainsi fixé en fonction du prix réel de la construction et de ses modalités de financement, en CHF 140'095.-, induit alors, conformément au calcul de la seconde phase, un loyer maximal admissible de CHF 4'816.- la pièce l'an, compte tenu des taux hypothécaires réels (comme prévu dans la directive PA/SI/005.03), conformément au calcul effectué par le TAPI dans son jugement en pages 28 et 29 et exposé en détail par le département dans ses écritures devant le TAPI.

Ainsi, le raisonnement de la recourante qui voudrait que « l'effet de la chose jugée » touche les loyers admissibles figurant dans les plans financiers initiaux, revient de fait à nier l'effet des dépassements importants du coût de construction, puisque le taux de rendement net de 4,99 %, inférieur à celui résultant des chiffres annoncés initialement et résultant du calcul susmentionné, découle principalement de cette augmentation.

En conséquence, les postes des plans financiers initiaux, tels que retenus dans la décision ne pouvant plus être remis en question par la recourante, et la décision querellée se fondant sur un état locatif respectant les données des plans financiers initiaux rattachés aux autorisations de construire accordées, le grief de la recourante sera écarté.

6) La recourante se plaint également de la pratique en matière de charges d'exploitation développée dans le cadre de la LGL et appliquée en l'espèce par l'OCLPF.

La recourante perd de vue que l'art. 5 al. 3 LGZD prévoit expressément un contrôle des loyers selon les modalités des art. 42 et ss LGL et que le Tribunal fédéral a récemment reconnu que la pratique de l'OCLPF, en matière de frais d'entretien futurs, n'était pas arbitraire et était compatible avec l'art. 42 LGL (arrêt du Tribunal fédéral 1C_370/2017 du 4 juillet 2018 consid. 2.6).

Le grief de la recourante sera donc écarté.

7) La recourante estime que les charges d'amortissement doivent être intégrées dans le calcul du rendement sur fonds propres, aucune aide de l'État n'ayant été octroyée.

Ce faisant, la recourante omet de tenir compte du fait que le déclassement en zone de développement constitue une mesure d'encouragement étatique qui fonde le mécanisme prévu par la LGZD et son renvoi à la LGL, exposé ci-dessus et validé à de nombreuses reprises par la jurisprudence (ATA/1439/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_676/2017 du 21 janvier 2019 et les références citées). Il a ainsi été retenu que le but poursuivi par le législateur était d'obtenir qu'une partie de la plus-value consécutive au déclassement profite à la collectivité sous la forme notamment de création de logements à des conditions raisonnables (ATF 99 Ia 620 consid. 6) et non celui de la maximisation du rendement du propriétaire.

8) Finalement, en faisant valoir un manque à gagner résultant du fait qu'elle n'a pas été en mesure de louer la totalité des places de parc aux conditions prévues dans les plans financiers, la recourante omet que le risque propre à l'investisseur ne saurait être reporté sur les locataires, dans le cadre légal applicable en zone de développement.

9) En tous points infondé, le recours sera rejeté.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 juin 2019 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 mai 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de A______ SA ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Marti, avocat de A______ SA, au département du territoire - OCLPF ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mmes Krauskopf et Cuendet, M. Mascotto, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :