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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4607/2019

ATA/243/2020 du 03.03.2020 ( MARPU ) , ADMIS

Parties : ECOSERVICES SA / SERVICES INDUSTRIELS DE GENEVE
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4607/2019-MARPU ATA/243/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 mars 2020

 

dans la cause

 

ECOSERVICES SA
représentée par Me Guillaume Etier, avocat

contre

SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) a. Le 29 juillet 2019, par publication sur le site www.simap.ch des marchés publics romands, les Services industriels de Genève (ci-après : SIG ou le pouvoir adjudicateur) ont lancé un appel d'offres, en procédure ouverte, portant sur des « prestations de mandataire sécurité et protection incendie ». Le marché n'était pas soumis à l'accord GATT/OMC sur les marchés publics du 15 avril 1994 (AMP - RS 0.632.231.422) et aux traités internationaux.

La durée du marché était prévue du 1er novembre 2019 au 24 décembre 2026. Il ne pouvait pas être divisé en lots.

b. Le cahier des charges tenait en dix pages. Sur la page de couverture était mentionné : « STEP Aïre 2+ ; extension du traitement secondaire des eaux avec traitement tertiaire des micropolluants ». Suivait une photo. Sous la photo était mentionné :

- « Étude détaillée : phases 31, 32, 33 SIA ;

- Appel d'offre : phase 4 SIA ;

- Réalisation : phase 5 SIA ».

Le point 5 du cahier des charges détaillait, sur plus d'une page, les prestations et livrables tant pour la sécurité que pour la protection incendie.

2) Ecoservices SA (ci-après : Ecoservices) est une société dont le siège se trouve à Carouge. Elle a pour but l'exploitation de bureaux de conseils en environnement et sécurité.

3) Le 21 août 2019, Ecoservices a, dans le délai mentionné dans l'appel d'offres, posé huit questions au pouvoir adjudicateur.

La question 2 portait sur la sécurité du chantier pendant la phase de réalisation. Aucune fréquence de visites (contrôle sur le chantier) n'était indiquée sur les quelque deux cent cinquante semaines de chantier. Était-il possible de préciser le nombre de visites nécessaires, ou du moins le nombre d'heures estimé par l'adjudicateur, pour ces prestations, les offres des candidats devant être comparables pour garantir l'équité des marchés.

Le pouvoir adjudicateur a répondu : « En tant que soumissionnaire et professionnel sécurité et protection incendie, il convient que vous définissiez et expliquiez la fréquence optimale qui serait requise selon vous ».

4) Selon le procès-verbal d'ouverture des offres, deux offres sont parvenues aux SIG, soit :

-          Ecoservices, pour CHF 116'980.- ;

-          Orqual SA (ci-après : Orqual), pour CHF 245'150.-.

5) Le 7 novembre 2019, le pouvoir adjudicateur a, par courriel, posé huit questions à Ecoservices.

6) Par courriel du 11 novembre 2019, Ecoservices a répondu :

- à la question « pourquoi dérogez-vous au cahier des charges en ne participant qu'à une séance de chantier sur deux ? », la société a précisé : « Le cahier des charges ne spécifie pas le nombre de séances de chantier, ni la fréquence à laquelle il faut y participer ». La société rappelait avoir posé la question sur simap et citait la réponse qui lui avait été fournie. Elle détaillait les raisons pour lesquelles elle estimait respecter le cahier des charges avec une séance de chantier tous les quinze jours.

- à la question portant sur la protection incendie : « pouvez-vous expliquer, en détaillant chaque étape avec le nombre d'heures, comment vous réalisez toutes les études nécessaires jusqu'à l'obtention du préavis par la police du feu, avec quarante-quatre heures au total ? », la société a indiqué que, selon les renseignements fournis par les SIG, le projet était actuellement en phase SIA 31 et « qu'aucun montant n'est demandé pour la phase 32 (qui est une étape particulièrement importante où le concept incendie et les plans incendie sont réalisés à 90 % ». La société précisait que la réponse à la question se trouvait dans le tableau excel (ci-après : le tableau) de leur offre où les heures étaient définies pour chacune des prestations demandées pour la phase SIA 33, laquelle se nommait « autorisation de construire ». Elle rappelait que « [la phase SIA 33] reprenait les documents, plans, travaux finalisés dans le cadre de la phase SIA 32 pour les mettre en forme pour le dépôt de l'autorisation de construire ».

7) Par décision du 3 décembre 2019, les SIG ont écarté l'offre d'Ecoservices au motif qu'elle était incomplète et non conforme au cahier des charges, et que la société n'avait pas justifié son prix anormalement bas.

Selon l'offre d'Ecoservices, le nombre d'heures de présence sur le site était inférieur à trois heures hebdomadaires avec, notamment, une présence et une séance de chantier tous les quinze jours. Or, la réponse donnée par les SIG sur simap indiquait qu'il fallait « assurer une présence moyenne de minimum cinq heures par semaine pour assurer la mission de suivi des chantiers (séances de chantier, y compris PV, visites impromptues, visites spécifiques, comité sécurité) ». L'offre ne respectait pas le seuil minimum de présence précisé par les SIG.

Par ailleurs, la société n'avait indiqué aucune heure pour l'élaboration des études en matière de sécurité incendie, ce qui expliquait que le nombre d'heures pour ce poste soit aussi bas. Or, l'élaboration du concept de protection incendie faisait manifestement partie des tâches exigées dans le cahier des charges. La justification de la société n'était en conséquence pas conforme aux exigences du cahier des charges. Enfin, l'offre était sous-évaluée au niveau du prix car la prestation attendue par les documents d'appel d'offre ne pouvait être accomplie au prix fixé dans l'offre.

8) Par acte du 13 décembre 2019, Ecoservices a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée. Elle a conclu à l'annulation de la décision. Préalablement, il convenait d'entendre le représentant d'Ecoservices.

À titre superprovisionnel, la procédure d'adjudication devait être suspendue. Jusqu'à droit jugé sur la requête en restitution de l'effet suspensif, il devait être fait interdiction aux SIG de conclure le contrat d'exécution de l'offre. L'effet suspensif devait être accordé au recours.

Au fond, les SIG prétendaient avoir spécifié, dans une réponse donnée sur simap, qu'il convenait d'assurer une présence moyenne sur le chantier de minimum cinq heures par semaine. Ceci était erroné. Une telle réponse n'avait jamais été fournie.

De même, les SIG lui reprochaient de n'avoir pas chiffré la phase SIA 32 pour la protection incendie. Or, le tableau, intitulé « Détails des honoraires », préparé par les SIG et que les candidats devaient remplir mais ne pouvaient pas modifier, ne contenait aucune ligne pour évaluer le temps nécessaire à la phase SIA 32. L'autorité adjudicatrice ne pouvait en conséquence pas retenir qu'un candidat n'aurait pas chiffré la phase SIA 32 alors que ce travail n'était pas demandé dans le tableau et ne pouvait techniquement pas être mentionné.

Le reproche que l'offre était anormalement basse tombait en conséquence à faux, ce d'autant plus qu'il n'y avait eu que deux offres.

9) Par pli du 16 décembre 2019, le juge délégué de la chambre administrative a fait interdiction aux SIG de conclure le contrat d'exécution de l'offre jusqu'à droit jugé sur la requête en restitution de l'effet suspensif.

10) a. Les SIG ont conclu au rejet de la requête en restitution de l'effet suspensif et du recours.

Suite au recours, ils s'étaient rendus compte qu'il y avait eu une erreur entre la réponse envoyée sur simap et ce qu'ils avaient indiqué dans la décision attaquée. En effet, la réponse des SIG relative au nombre d'heures figurant dans la décision attaquée faisait, à l'origine, partie de la réponse à faire figurer sur simap. Or, pour des raisons qui leur échappaient, la version qui avait été publiée sur simap était différente. Il s'agissait bien d'une erreur.

S'agissant de la phase SIA 32, il était vrai qu'il y avait une « erreur de frappe » dans l'intitulé de la rubrique « SIA 33 - autorisation de construire » dans le tableau à remplir par les soumissionnaires. Toutefois, le détail figurant au-dessous dudit intitulé correspondait aux sous-phases SIA 32 et 33 et non uniquement à la sous-phase 33. De même, tant le titre du dossier d'appel d'offres que le cahier des charges prévoyaient que l'offre des soumissionnaires devait prévoir les prestations, listées, de la sous-phase 32. Même si l'intitulé aurait dû être nommé « phase projet/autorisation » et non « 33 SIA - autorisation de construire », il était évident que les études de la sous-phase 32 devaient être chiffrées car elles faisaient partie de la prestation mise en soumission. La recourante avait en conséquence omis d'inscrire le nombre d'heures pour l'élaboration du concept de protection incendie dans son offre, ce qui aurait permis aux SIG de pouvoir comparer les deux offres reçues.

En tous les cas, l'offre de la recourante était manifestement sous-évaluée et la prestation décrite dans le cahier des charges ne pouvait pas être réalisée sur la base du prix proposé. L'offre était ainsi anormalement basse, incomplète et non conforme au cahier des charges.

L'autorité intimée proposait l'audition du responsable de l'ingénieur sécurité SIG et du chef de projet SIG pour attester de la fréquence nécessaire des séances sur le chantier aux fins d'assurer une bonne coordination entre les intervenants.

b. Parmi les pièces produites, les SIG ont versé à la procédure un tableau des heures telles qu'estimées par leurs soins. Il sera repris ci-après en tant que de besoin.

c. À la demande de la chambre administrative, qui a soustrait l'offre d'Orqual à la consultation, les SIG ont transmis le tableau des heures estimées par Orqual tout en caviardant le montant des honoraires. Le tableau sera repris
ci-dessous en tant que de besoin.

11) Dans sa réplique, Ecoservices a persisté dans ses conclusions.

12) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif et sur le fond.

13) Il ressort de différentes pièces produites que le nombre d'heures nécessaire et les différentes phases étaient évalués comme suit par les différents intervenants :

 

 

 

ECOSERVICE

 

ORQUAL

SIG

 

heures

CHF

heures

CHF

heures

CHF

A. SECURITE

 

898

12'000.-

110

*

144

18'720.-

SIA 3

66

7'920.-

70

*

96

12'480.-

SIA 4

34

4'080.-

40

*

48

6'240.-

B. SECURITE

 

798

95'760.-

1400

*

1'798

233'740.-

Préparation à l'exécution

88

10'560.-

60

*

230

29'900.-

Exécution

710

85'200.-

1340

*

1568

203'840.-

C. PROTECTION INCENDIE

76

9'120.-

155

*

112

14'560.-

SIA 33 -

Autorisation de construire

44

5'280.-

110

*

72

9'360.-

Préparation à l'exécution

32

3'840.-

45

*

40

5'200.-

 

 

 

 

total coût

 

116'880.-

 

245'150.-

 

267'020.-

* soustrait à la consultation

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 15 al. 1, al. 1bis let. e et al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi du 12 juin 1997 autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'AIMP; art. 55 let. e et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01) ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) Les parties sollicitent préalablement l'audition de témoins.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités), de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_58/2018 du 29 juin 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_487/2017 du 5 juillet 2018 consid. 2.1. ; ATA/799/2018 du 7 août 2018). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2017 du 13 décembre 2017 consid. 2.2).

Cela n'implique pas une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci devant simplement disposer d'une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l'issue de la cause (art. 41 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1003/2017 du 21 juin 2018 consid. 3 et les arrêts cités ; ATA/723/2018 du 10 juillet 2018 et les arrêts cités).

b. La recourante a sollicité l'audition des parties et notamment de son administrateur président au bénéfice d'une signature collective à deux. Cette mesure d'instruction n'apparaît toutefois pas nécessaire, les parties ayant eu l'occasion de s'exprimer dans le recours et dans une réplique, et de produire toutes les pièces utiles.

c. L'autorité intimée sollicite l'audition de son chef de projet pour prouver que l'offre de la recourante ne contient pas les heures relatives à la réalisation des éléments de la phase SIA 32 alors que le cahier des charges le prévoyait. L'audition du chef de projet est aussi sollicitée pour prouver qu'un minimum de cinq heures de présence en moyenne par semaine sur le chantier est nécessaire.

Déterminer le nombre d'heures de présence nécessaire pour le chantier querellé n'est pas pertinent à ce stade du litige, compte tenu de ce qui suit.

Pour le surplus, il n'est pas contesté que l'offre de la recourante ne contient pas les heures relatives à la réalisation des éléments de la phase SIA 32. Il n'est pas nécessaire d'entendre ledit chef de projet pour déterminer si le cahier des charges le prévoit, compte tenu de ce qui suit.

d. L'autorité intimée sollicite par ailleurs l'audition de Monsieur Joao PEIXOTO, « acheteur SIG », désigné dans l'appel d'offres comme « service organisateur », pour contester les allégations de la partie recourante qui s'interpelle sur l'éventuelle nécessaire récusation de l'intéressé. Ce fait n'étant pas pertinent, il ne sera pas procédé à l'audition de M. PEIXOTO.

e. L'autorité intimée sollicite enfin l'audition du responsable des ingénieurs sécurité SIG afin de prouver que la fréquence des séances de chantier est, en pratique, d'une séance hebdomadaire pour assurer une bonne coordination entre les intervenants. Déterminer ce qui se fait dans la pratique n'est pas pertinent pour l'issue du litige. Il ne sera pas procédé à cette audition.

3) La recourante critique le fait que l'entier de l'offre d'Orqual ait été soustrait à la consultation, sous réserve du tableau caviardé du montant détaillé des honoraires, mais indiquant tant le nombre d'heures prévu par Orqual pour chaque rubrique et sous-rubrique, ainsi que le montant total de son offre.

a. À teneur de l'art. 45 al. 3 LPA, une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l'autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l'affaire et lui a donné en outre l'occasion de s'exprimer et de proposer les contre-preuves (al. 3).

b. En l'espèce, l'offre d'Orqual, produite spontanément par les SIG, est sans pertinence pour l'issue du litige. Seul est important le tableau détaillant le nombre d'heures proposées par Orqual auquel la recourante a eu accès et sur lequel elle a pu se déterminer.

L'offre d'Orqual restera en conséquence soustraite à la consultation.

4) a. L'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il vise à harmoniser les règles de passation des marchés et à transposer les obligations découlant de l'accord GATT/OMC ainsi que de l'accord entre la communauté européenne et la Confédération suisse (art. 1 al. 2 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3
let. c AIMP) et permettre l'utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1
al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

b. En vertu de l'art. 42 al. 1 RMP, l'offre est écartée d'office notamment lorsque le soumissionnaire a rendu une offre incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges (let. a) ou n'a pas justifié les prix d'une offre anormalement basse, conformément à l'art. 41 RMP (let. e).

Les offres écartées ne sont pas évaluées ; l'autorité adjudicatrice rend une décision d'exclusion motivée, notifiée par courrier à l'intéressé, avec mention des voies de recours (art. 42 al. 3 RMP).

c. En présence d'une offre qui serait anormalement basse, l'autorité adjudicatrice a l'obligation, selon l'art. 41 RMP, de demander des renseignements complémentaires au soumissionnaire concerné (arrêt du Tribunal fédéral 2D_44/2009 du 30 novembre 2009 consid. 4 ; ATA/633/2008 du 16 décembre 2008), et cela dans la forme prévue à l'art. 40 al. 2 RMP, soit en principe par écrit, et s'ils sont recueillis au cours d'une audition, en établissant un procès-verbal signé par les personnes présentes. C'est seulement si le soumissionnaire n'a pas justifié les prix d'une telle offre, conformément à l'art. 41 RMP, que son offre doit être écartée d'office et qu'elle ne participe pas à la phase d'évaluation des offres (art. 42 al. 1 let. e RMP). Une offre particulièrement favorable, le cas échéant même si elle est inférieure au prix de revient, n'est pas impérativement à exclure si les renseignements fournis par le soumissionnaire permettent de conclure qu'il est capable d'exécuter à satisfaction les travaux mis en soumission et qu'il remplit les critères d'aptitude et les conditions légales réglementant l'accès à la procédure (ATF 141 II 353 consid. 8.3.2 ; 130 I 241 consid. 7.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_876/2014 du 4 septembre 2015 consid 8.3.2, 2D_44/2009 précité, consid. 3.2.1 ; Etienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2014, p. 195 n. 313 ; Peter GALLI /André MOSER/Elisabeth LANG/Marc STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrecht, 2013, p. 517).

d. Le droit des marchés publics est formaliste, ce que la chambre administrative a rappelé à plusieurs reprises (ATA/970/2019 du 4 juin 2019 et les références citées). L'autorité adjudicatrice doit procéder à l'examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l'art. 16 al. 2 RMP (ATA/794/2018 du 7 août 2018 et les références citées ; ATA/1446/2017 du 31 octobre 2017).

5) En l'espèce, l'offre de la recourante a été écartée au motif qu'elle était incomplète et non conforme au cahier des charges (art. 42 al. 1 let. a RMP) et que la société n'a pas justifié son prix anormalement bas (art. 42 al. 1 let. e RMP).

a. Dans un premier grief, l'autorité intimée reproche à la recourante de n'avoir pas respecté le seuil minimum de présence sur le site de cinq heures hebdomadaires, précisées par les SIG suite à la question posée sur simap.

Il ressort du dossier qu'un nombre minimum d'heures hebdomadaires sur le site n'a été formulé par le pouvoir adjudicateur ni dans l'appel d'offres ni dans le cahier des charges. La recourante a expressément posé une question sur cette problématique dans le délai fixé pour les questions. Le pouvoir adjudicateur a répondu qu'il appartenait au soumissionnaire de définir et d'expliquer la fréquence optimale qui serait requise selon lui. C'est en conséquence à tort que l'autorité intimée prétend qu'elle aurait évoqué sur simap, en réponse à une question, un minimum de cinq heures hebdomadaires.

Par ailleurs, à réception des offres, le pouvoir adjudicateur a interpellé la recourante sur ce qu'il considérait comme une dérogation au cahier des charges. Dans sa réponse, la société a relevé que ledit cahier des charges ne spécifiait pas le nombre de séances de chantier, ni la fréquence à laquelle il fallait y participer. La société faisait par ailleurs référence à la question qu'elle avait posée sur simap et à la réponse susmentionnée de l'autorité intimée.

Dans ces conditions, c'est à tort que l'autorité intimée reproche à la recourante d'avoir fait une offre non conforme aux exigences ou au cahier des charges, le minimum de cinq heures n'ayant jamais été évoqué. Dans ses écritures de réponse au recours, l'autorité intimée admet d'ailleurs que la version publiée sur simap ne contenait pas la mention d'un nombre d'heures minimum « pour des raisons qui [lui ] échapp[ai]ent ».

b. L'autorité intimée considère par ailleurs que l'offre de la recourante n'est pas conforme au cahier des charges au motif qu'elle n'a pas indiqué un nombre d'heures pour l'élaboration des études du concept sécurité incendie en application de la phase SIA 32.

La mention de la phase SIA 32 n'apparaît que sur la page de couverture du cahier des charges. Certes, l'autorité intimée indique que la description faite dans celui-ci comprend les activités à déployer tant dans la phase SIA 32 que dans la SIA 33. Il ressort toutefois du document que les soumissionnaires devaient remplir que seul le temps nécessaire pour « SIA 33 - autorisation de construire (y compris séances) » devait être mentionné. L'autorité intimée ne conteste d'ailleurs pas qu'aucune ligne supplémentaire ne pouvait être ajoutée à ce document.

À réception de l'offre de la recourante, le pouvoir adjudicateur l'a questionnée sur le nombre, peu élevé, d'heures consacrées à cette rubrique. La société a clairement indiqué qu'aucun montant n'était demandé pour la phase SIA 32, tout en rappelant l'importance de cette étape « où le 90 % du concept et des plans incendie [étaient] réalisés ». Elle a par ailleurs expressément mentionné qu'elle chiffrait la phase SIA 33, nommée « autorisation de construire » dans laquelle les documents, plans, travaux finalisés dans la phase SIA 32 étaient repris pour être mis en forme en vue du dépôt de l'autorisation de construire.

Dans ses écritures de réponse au recours, l'autorité intimée a admis, dans la partie en fait, une « erreur de frappe » dans l'intitulé de la rubrique « SIA 33 - autorisation de construire », plaidant que le détail figurant au-dessous dudit intitulé correspondait aux sous-phases SIA 32 et 33. Elle a toutefois admis dans la partie en droit du même mémoire que ledit intitulé aurait dû être nommé « phase projet/autorisation ».

Dès lors, le reproche fait à la recourante d'avoir omis de prévoir les heures pour l'élaboration desdites études ne résiste pas à l'examen. En effet, l'intitulé de la rubrique n'évoque que la phase SIA 33. La recourante admet que si elle avait voulu inclure la phase SIA 32, l'intitulé aurait été différent. Pour le surplus, la recourante a, après le dépôt de son offre et sur question du pouvoir adjudicateur, expressément mentionné n'avoir, conformément au document d'appel d'offres qui ne faisait référence qu'à la phase SIA 33, chiffré exclusivement les heures nécessaires à celle-ci.

Compte tenu du formalisme imposé par les procédures de marchés publics, il ne peut être retenu, comme le soutient l'autorité intimée, que le soumissionnaire aurait dû ne pas se conformer à l'intitulé pour y inclure le temps nécessaire pour la phase SIA 32 et ce, à la seule vue des sous-rubriques. Il sera par ailleurs relevé que, parmi les sept sous-rubriques, trois ont été évaluées de la même façon entre la recourante et l'autorité intimée et que la divergence porte principalement sur vingt-huit heures sur un total de mille sept cent septante-deux heures proposées pour le mandat par la société. Enfin, la recourante avait chiffré cent heures de plus qu'Orcal dont l'offre totale portait sur mille six cent soixante-cinq heures.

Dans ces conditions, le pouvoir adjudicateur a abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le soumissionnaire avait rendu une offre incomplète ou non conforme aux exigences ou au cahier des charges, le tableau pertinent pour formuler le nombre d'heures que la soumissionnaire estimait nécessaire ne faisant mention que de la phase SIA 33 dans son intitulé.

c. Enfin, la décision querellée exclut l'offre de la soumissionnaire au motif que son offre est anormalement basse. L'argumentation y relative, tant dans la décision que dans sa réponse au recours, est brève. Il ressort toutefois des éléments susmentionnés que c'est délibérément et conformément aux éléments en sa possession que la soumissionnaire n'a pas inclus dans son offre cinq heures hebdomadaires de participation aux séances de chantier ni le temps nécessaire pour la réalisation de la phase SIA 32. En conséquence, c'est à tort que le pouvoir adjudicateur a considéré que la recourante n'avait pas justifié les prix de son offre anormalement basse au vu des imprécisions commises par celui-là et des justifications faites par la société en réponse aux questions posées par l'adjudicateur.

En décidant d'écarter d'office l'offre de la recourante au motif qu'elle était incomplète et non conforme au cahier des charges et que la société n'avait pas justifié son prix anormalement bas, le pouvoir adjudicateur a abusé de son pouvoir d'appréciation.

En conséquence, la décision litigieuse sera annulée.

Le dossier sera retourné à l'autorité intimée afin que cette dernière reprenne la procédure, dans le respect des principes rappelés ci-dessus.

6) Le présent arrêt rend sans objet la requête d'effet suspensif.

7) Au vu de cette issue, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante, à la charge des SIG (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 décembre 2019 par Ecoservices SA contre la décision des Services industriels de Genève du 3 décembre 2019 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision d'exclusion des Services industriels de Genève du 3 décembre 2019 ;

renvoie le dossier aux Services industriels de Genève au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Ecoservices SA, à la charge des Services industriels de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guillaume Etier, avocat de la recourante, ainsi qu'aux Services industriels de Genève et à la commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mmes Krauskopf et Cuendet, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :