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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/328/2020

ATA/264/2020 du 05.03.2020 ( PRISON ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/328/2020-PRISON ATA/264/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 5 mars 2020

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assael, avocat

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON



Vu le recours interjeté le 24 janvier 2020 par Monsieur A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 20 janvier 2020 prononçant à son encontre une sanction de deux jours de cellule forte ainsi que la suppression du travail pour « attitude incorrecte » du fait qu'il avait sifflé une agente de détention ;

que l'intéressé expose qu'il avait sifflé « à tue-tête (seul) » en rejoignant l'atelier ; lorsqu'un agent avait demandé qui avait sifflé, il s'était annoncé ; il avait alors été conduit en cellule forte ; avant d'entrer dans celle-ci, il avait été fouillé et s'était retrouvé nu ; dans la cellule forte, se trouvait un autre détenu, à savoir Monsieur B______ (nom difficilement lisible) ; il estimait la sanction injustifiée, précisant qu'il avait dû dormir sur un matelas placé à même le sol ; il souhaitait faire valoir ses droits et, surtout, retrouver son travail ;

que, le 31 janvier 2020, la décision a été notifiée à nouveau au détenu, indiquant qu'elle annulait et remplaçait la précédente ; contrairement à cette dernière qui était signée « p.o. » du directeur, la seconde portait la signature du directeur de la prison ;

que le conseil nouvellement constitué de M. A______ a, par courrier du 13 février 2020, requis la restitution de l'effet suspensif en ce qui concerne la suppression du travail ; a priori, la sanction de deux jours de cellule forte paraissait suffisante ; le fait de continuer à travailler permettait au recourant d'indemniser sa victime, étant relevé que la procédure pénale en cours n'en était pas encore au stade de l'avis de prochaine clôture ;

que la direction de la prison a conclu au rejet du recours et de la requête de restitution d'effet suspensif, exposant que le recourant avait, depuis son arrivée à la prison le 30 décembre 2018, déjà fait l'objet de trois [recte : deux] sanctions ; qu'il avait reconnu avoir sifflé une agente de détention ; qu'avant d'être placé en cellule forte, le détenu avait été, conformément à la pratique, fouillé par du personnel pénitentiaire du même sexe ; il ne s'était jamais retrouvé nu ; il avait reçu un jogging, un matelas et des couvertures ; s'agissant de la restitution de l'effet suspensif, il convenait de relever que le fait de siffler une agente de détention constituait un acte non verbal dégradant, qui portait atteinte à l'honneur de celle-ci ; un tel acte méritait sanction ; le recourant avait déjà été sanctionné pour avoir enfreint le règlement de la prison ; l'exécution immédiate de la sanction permettait de garantir l'ordre et la sécurité de l'établissement ;

que, par courrier du 2 mars 2020, l'intéressé a confirmé qu'il formait également recours contre la décision du 31 janvier 2020, pour les motifs déjà invoqués ; qu'il rajoutait toutefois un grief, à savoir que l'inscription « CFCD », à savoir Cellule Forte Champ-Dollon), sur les vêtements à porter dans ladite cellule portait atteinte à sa liberté personnelle et au respect de sa vie privée ; il a également conclu à ce qu'une indemnité de procédure lui soit allouée ; enfin, il précisait qu'il avait reçu l'avis de prochaine clôture dans la procédure pénale ;

que, par courrier du 3 mars 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 septembre 2017, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de celles-ci, par un juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que, par ailleurs, l'art. 21 al. 1 LPA permet le prononcé de mesures provisionnelles ; que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4) ;

que la restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités) ;

qu'en l'espèce, le comportement reproché au recourant est celui d'avoir sifflé une agente de détention dans le couloir ;

qu'indépendamment de la question de savoir si les faits contestés sont établis, la question se pose de savoir si, dans l'hypothèse où ils le seraient, la sanction cumulant deux jours de cellule forte et la suppression du travail respect le principe de la proportionnalité ; que le grief à cet égard ne paraît, prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, pas manifestement dépourvu de fondement ;

que, par ailleurs, une partie de la sanction a déjà été purgée, les deux jours de cellule forte ayant déjà été exécuté ;

qu'au vu de ces éléments, l'intérêt public à l'exécution immédiate de la totalité de la peine doit céder le pas à l'intérêt privé du détenu à ce que son recours soit examiné au fond avant qu'il purge l'autre partie de la sanction contestée ;

que partant, la requête d'effet suspensif sera accordée en ce qui concerne la suppression du travail ;

qu'il sera statuté sur les frais de la présente décision avec le fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

restitue l'effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Robert Assael, avocat du recourant, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

 

 

Le juge :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :