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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/964/2019

ATA/210/2020 du 25.02.2020 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/964/2019-FPUBL ATA/210/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 février 2020

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Jean-Marie Crettaz, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE



EN FAIT

1.1) Madame A______ a été engagée en qualité de cheffe de cuisine à 100 % au restaurant « B______ » du centre de formation professionnelle services hôtellerie/restauration (ci-après : CFP SHR), du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : le DIP ou le département) dès le 1er septembre 2018, sous contrat d'auxiliaire de durée maximale, avec une échéance au 31 août 2021.

2.2) Un entretien a eu lieu le 24 septembre 2018, en présence de Monsieur C______, directeur du CFP SHR, et Madame D______, adjointe administrative, afin de faire un point après les premières semaines de collaboration.

Mme A______ a fait part de son épuisement, étant seule à réaliser plusieurs tâches. Son cahier des charges devait être défini.

Selon M. C______, plusieurs apprentis avaient l'impression qu'elle les prenait pour des idiots. Elle devait faire attention à son langage et tenir compte dans la planification des tâches de la filière des apprentis. Des objectifs lui étaient fixés.

3.3) Le 18 octobre 2018, Mme A______ a été reçue à un entretien par Madame E______, responsable des ressources humaines, M.  C______ et Mme D______.

Des problèmes de comportement inacceptables avaient été relevés durant son temps d'essai. La direction était consciente qu'en raison d'un manque d'organisation et de planification collective, l'intéressée travaillait beaucoup. Elle n'était pas prête à gérer une équipe et ne répondait pas aux exigences attendues pour ce poste, raison pour laquelle il était souhaitable de résilier les rapports de service après en avoir référé à la direction générale.

4.4) Par décision du 19 octobre 2018 remise en main propre, la direction générale de l'enseignement secondaire II (ci-après : DGES II ) du DIP a résilié les rapports de service qui la liait à Mme A______, en période d'essai, sur la base des art. 20 al. 1 et 21 al. 1 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), pour le 4 novembre 2018, en raison d'un comportement et de propos inadéquats envers ses collègues et les apprentis, ainsi que divers manquements, qui lui avaient été signifiés lors de différents échanges avec sa hiérarchie. Ces difficultés avaient été relevées dès les premiers jours de son activité. Le 18 octobre 2018, elle avait eu l'occasion de s'exprimer sur les faits reprochés. Les objectifs qui lui avaient été fixés n'étaient pas atteints et aucune amélioration n'avait été observée. Elle ne répondait pas aux exigences du poste.

Les voies de recours n'étaient pas indiquées.

14.5) Le lendemain, la décision précitée a été envoyée par pli recommandé.

6.6) Par courrier du 4 novembre 2018 adressé à la DGES II, Mme A______ a contesté la résiliation des rapports de service, considérant que son licenciement était abusif car sans fondement. Une indemnité équivalant à deux mois de salaire devait lui être versée.

7.7) Le même jour, elle a déposé auprès du Tribunal des prud'hommes une requête en conciliation.

8.8) Par courrier recommandé du 23 novembre 2018, la DGES II a rejeté la demande d'octroi d'une indemnité de deux mois de salaire, la résiliation des rapports de travail étant parfaitement fondée. Des exemples des propos inadéquats tenus par Mme A______ étaient donnés, les manquements constatés détaillés.

Ce courrier, qui a été retourné à la DGES II, a été renvoyé en courrier simple le 7 décembre 2018.

9.9) Par courrier recommandé du 5 décembre 2018 et par l'intermédiaire de son conseil, Mme A______ a demandé à ce que la procédure soit transmise à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), seule autorité compétente pour trancher le litige, ou qu'une décision d'irrecevabilité soit rendue.

10.10) Par jugement du 8 février 2019, l'autorité de conciliation du Tribunal des prud'hommes a déclaré la requête en conciliation précitée irrecevable.

11.11) Par acte du 11 mars 2019, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision du 19 octobre 2018, soit la lettre de licenciement qui lui avait été remise par la DGSE II, concluant principalement au constat de sa nullité et subsidiairement à ce qu'il soit constaté que la résiliation des rapports de service ne reposait pas sur un motif fondé, qu'elle était contraire au droit et que la DGSE II soit condamnée à lui verser la somme de CHF 11'460.-.

Si un court délai lui était accordé, elle pourrait déposer une écriture exhaustive avec toutes les pièces requises, afin de compléter la demande initiale du 4 novembre 2018.

12.12) Le 12 mars 2019, le juge délégué a octroyé à Mme A______ un délai au 27 mars 2019 afin de compléter son recours.

13.13) Le 28 mars 2019, Mme A______ a produit des déterminations complémentaires.

a. L'absence de mention des voies de droit dans une décision constituait un vice de forme qui rendait sa notification irrégulière.

b. Lorsqu'elle avait commencé en qualité de cheffe de cuisine, les travaux de mise en place du restaurant n'étaient pas terminés, la cuisine n'était pas opérationnelle et le matériel obsolète.

Elle avait également été confrontée à de nombreux problèmes administratifs et organisationnels, accumulant ainsi de nombreuses heures supplémentaires, soit en moyenne quatre heures par jour, ce qui avait provoqué une fatigue émotionnelle, psychique et physique très intense.

Elle avait été licenciée en raison de problèmes nés de ces dysfonctionnements dont elle n'était pas responsable.

c. L'administration avait manqué à son devoir de créer les conditions qui permettaient aux collaboratrices et aux collaborateurs de travailler dans un climat de respect et de tolérance et de développer leur potentiel en fonction de leurs aptitudes et de leurs qualifications. Elle avait également été victime de harcèlement psychologique, soit de « mobbing ».

Son employeur lui avait imposé des heures supplémentaires sans rien entreprendre pour pallier le manque d'organisation. En seulement deux mois, elle avait effectué plus de cent septante-quatre heures supplémentaires pour quarante-cinq jours de travail, ce qui, cumulé aux manquements des uns et aux reproches des autres, constituait une situation de « mobbing ». Sa santé physique et psychique ainsi que son intégrité morale et sa considération sociale avaient été gravement atteintes.

Elle avait dû compenser les nombreuses absences de quatre de ses collègues.

Dans le cadre de ses tâches de cheffe de cuisine, elle avait dû faire face à de nombreuses difficultés qui ne lui étaient pas imputables. Aucun employé ne s'occupait de la plonge, alors que cent cinquante repas étaient servis, un
lave-vaisselle dysfonctionnait, un plongeur n'était pas qualifié et absent. Elle avait également dû adapter les menus en dernière minute et effectuer les commandes de nourriture pour le lendemain.

Malgré ses demandes réitérées, elle n'avait jamais reçu son cahier des charges.

d. Pour ces motifs, la résiliation des rapports de service devait être qualifiée de contraire au droit et la réintégration proposée. À défaut, une indemnité correspondant à deux mois de salaire paraissait adéquate, soit CHF 11'460.- avec intérêts à 5 % dès le 19 octobre 2018.

e. Plusieurs pièces ont été produites à l'appui du recours, dont notamment un mémoire adressé en mars 2019 à Madame F______, au sujet des dysfonctionnements au sein du CFP SHR, signé par Mme A______, Madame G______, caissière-comptable auxiliaire, Madame H______, secrétaire, et Madame I______, enseignante, assistées par Monsieur J______, du syndicat des services publics. Leur contenu sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit ci-après.

14) Dans ses observations du 13 mai 2019, la DGES II a conclu au rejet du recours.

L'ouverture du restaurant « B______ » ne s'était pas faite sans difficultés. La direction du CFP SHR s'était trouvée confrontée à une série d'événements (retard dans les travaux, démission, nouveau dispositif lié à la formation obligatoire jusqu'à dix-huit ans) qui ne lui étaient pas imputables et qui avaient eu un impact direct sur la mise en place et le fonctionnement de cette structure, engendrant ainsi une grosse charge de travail et du stress auprès des collaborateurs, ce qui était inévitable dans le cadre de l'ouverture d'un restaurant. Toutefois, le jour de la rentrée, la cafétéria était opérationnelle. De plus, un manque d'organisation interne ainsi qu'un manque de respect collectif avaient été relevés. L'équipe aurait dû mieux communiquer et collaborer.

Mme A______ avait trouvé une écoute aidante et disponible auprès de Mme D______ lorsqu'elle rencontrait des difficultés sur son lieu de travail. Quant à la direction du centre, elle avait pris les mesures d'urgence nécessaires à la suite de la démission de la formatrice cuisine, en détachant un collaborateur pour aider à la mise en route de la cafétéria et en répartissant les autres tâches entre les différents collaborateurs, ce dans l'attente du déroulement de la procédure de recrutement. Elle avait également réagi rapidement face aux autres difficultés rencontrées dans le fonctionnement du restaurant. La semaine de l'ouverture elle était intervenue lors d'une séance des collaborateurs afin de tenter d'apaiser les tensions existant entre eux et elle avait remplacé l'employée de cuisine chargée de faire la plonge lorsque celle-ci s'était retrouvée dépassée par la charge de travail.

Enfin, ces événements s'étaient déroulés sur une période de deux mois correspondant à la rentrée scolaire et à l'ouverture du restaurant, période par nature critique et sujette à une grosse charge de travail.

Quoiqu'il en soit, les problèmes organisationnels du restaurant n'étaient pas la cause de la résiliation des rapports de service. Les comportements reprochés à Mme A______ ne sauraient être excusés par un problème d'organisation au sein de la cuisine et du stress en résultant. Elle avait été licenciée au motif qu'elle ne possédait pas les qualifications requises pour le poste.

Mme A______ manquait de bienveillance envers les apprentis, ne tenait pas compte de leur niveau de formation et s'était adressée à eux en termes inadéquats. Une plainte avait d'ailleurs été déposée par un parent d'élève. Elle avait également adopté un ton inapproprié lors des échanges avec ses collègues, ton ayant donné lieu à une plainte de la part de l'un d'entre eux, celui-ci allant jusqu'à demander de ne plus se retrouver seul avec elle.

De plus, au-delà du comportement inadéquat, Mme A______ avait également rencontré des problèmes dans la réalisation de son travail, dans la mesure où elle s'était montrée incapable d'adopter la posture de retrait qui lui était demandée et indispensable dans l'encadrement des apprentis. Elle avait également fait preuve d'une mauvaise gestion des quantités entraînant de grosses pertes de marchandises.

15.15) Dans sa réplique du 18 juin 2019, Mme A______ a persisté dans ses conclusions du 27 mars 2019 et a produit la dénonciation adressée à Mme F______, signée.

16.16) Par courrier du 25 juin 2019, Mme A______ a demandé la production du procès-verbal qui devait être dressé par la DGES II à la suite de la réunion qui s'était déroulée le jour même en présence de M. J______, délégué du syndicat et la DGES II, soit pour elle Monsieur K______, directeur général, et Madame L______, directrice des ressources humaines, et des diverses dénonciatrices et lors de laquelle les nombreux dysfonctionnements soulevés par Mme A______ avaient été confirmés.

17.17) Le 1er octobre 2019, Mme A______ a produit un courrier du délégué syndical daté du 24 septembre 2019 à l'attention du directeur général de la DGES II. Les dysfonctionnements au sein du CFP SHR étaient bien plus graves que ce qui était admis dans le cadre de la présente procédure.

18.18) Le 14 octobre 2019, la DGES II a persisté dans ses conclusions, contesté la teneur du courrier précité et a produit un procès-verbal qui précisait les engagements de la DGES II concernant la gestion du CFP SHR.

La rencontre du 25 juin 2019 faisait suite à la dénonciation à la conseillère d'État, qui avait délégué la gestion du dossier à la DGES II.

L'ouverture du restaurant s'était effectuée dans des conditions complexes, soit des délais très courts et avec des moyens financiers retardés. Ils avaient dû faire coïncider deux exigences et cultures différentes, soit le monde scolaire et celui de la production. Plusieurs engagements avaient été pris afin que des réponses soient trouvées aux problèmes soulevés.

19.19) Le 17 octobre 2019, la cause a été gardée à juger, les parties n'ayant pas formulé de demande d'instruction complémentaire.

EN DROIT

1) a. Au sens de l'art. 4 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c). Pour qu'un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n'est pas la forme de l'acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (
ATA/657/2018 du 26 juin 2018 consid. 3b et les arrêts cités).

b. Selon l'art. 46 al. 1 LPA, les décisions administratives doivent notamment être désignées comme telles et indiquer les voies et délais de recours disponibles pour les contester. De jurisprudence constante, l'absence de mention des voies de droit dans une décision constitue un vice formel qui rend sa notification irrégulière (ATF 125 V 65 consid. 4 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011. p. 303 n. 884 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, p. 349 n. 2.2.8.3).

c. Une notification irrégulière ne peut entraîner de préjudice pour les parties (art. 47 LPA). L'absence de mention des voies de droit est un vice formel susceptible d'avoir pour effet non pas que la décision soit invalidée pour ce motif, mais que le délai de recours ne court pas ou doit être restitué (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 521 n. 1575 ; Pierre MOOR, Droit administratif, vol. II, 2ème éd., 2002, p. 304 et les références citées). En effet, la protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité (ATF 132 I 249 consid. 6 qui concerne une problématique de notification en matière civile ; 122 I 97 consid. 3a.aa ;
111 V 149 consid. 4c), même si, selon le Tribunal fédéral, le fait de reconnaître un effet guérisseur au succès factuel d'une notification viciée comporte le risque, souligné par une partie de la doctrine, d'avoir pour conséquence que le respect des exigences légales soit peu à peu abandonné, ces dernières étant réduites à de simples règles d'ordre et les justiciables étant déchus du droit d'obtenir des communications transmises par la voie et selon les modalités légales
(ATF 132 I 249 consid. 6 et la doctrine citée).

d. En l'espèce, la décision du 19 octobre 2018 est entachée d'un vice formel, dès lors que les voies de recours ne sont pas mentionnées et que le délai pour agir n'y est pas indiqué. Cependant, cette absence de mention des voies de droit n'a pas porté préjudice à la recourante puisqu'elle a pu contester la décision litigieuse, reconnue comme telle, devant la juridiction compétente, qui lui a restitué le délai de recours et également octroyé un délai supplémentaire pour le compléter et déposer les pièces utiles. La notification ayant atteint son but, le vice formel est ainsi réparé, de sorte que le recours sera déclaré recevable.

2) L'objet du litige concerne la conformité au droit de la décision de résiliation des rapports de service de la recourante du 19 octobre 2018, dès lors que les manquements reprochés sont contestés.

3) La recourante est soumise à la LPAC et au règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01).

a. Le personnel de la fonction publique se compose de fonctionnaires, d'employés, d'auxiliaires, d'agents spécialisés et de personnel en formation (art. 4 al. 1 LPAC). Est un fonctionnaire le membre du personnel régulier ainsi nommé pour une durée indéterminée après avoir accompli comme employé une période probatoire (art. 5 LPAC). Est un employé le membre du personnel régulier qui accomplit une période probatoire (art. 6 al. 1 LPAC).

b. Pendant le temps d'essai et la période probatoire, chacune des parties peut mettre fin aux rapports de service ; le membre du personnel n'ayant pas qualité de fonctionnaire est entendu par l'autorité compétente ; il peut demander que le motif de résiliation lui soit communiqué (art. 21 al. 1 LPAC).

Pendant le temps d'essai, d'une durée de trois mois au plus, le délai de résiliation est de quinze jours pour la fin d'une semaine (art. 20 al. 1 LPAC).

c. Le conseil d'administration est l'autorité compétente pour prononcer la fin des rapports de service (art. 17 al. 1 LPAC). Il peut déléguer cette compétence à la direction générale de l'établissement (art. 17 al. 4 LPAC). Il peut aussi autoriser la sous-délégation de cette compétence en faveur des services de l'établissement pour les membres du personnel n'ayant pas la qualité de fonctionnaire (art. 17 al. 6 LPAC ; ATA/1653/2019 du 12 novembre 2019 ; ATA/634/2016 du 26 juillet 2016).

d. En l'espèce, il n'est pas contesté que la recourante était en période probatoire au moment de la résiliation des rapports de service, soit en période d'essai. Le délai de résiliation était de quinze jours pour la fin de la semaine. Remis en mains propres le 19 octobre 2018, avec effet au 4 novembre 2018, le congé respecte donc le délai fixé à l'art. 20 al. 1 LPAC. Signée par le directeur général, la décision querellée a été prise par une personne qui en avait la compétence, conformément à l'art. 17 al. 4 LPAC. La décision de licenciement respecte donc les exigences formelles.

4) a. Contrairement aux fonctionnaires qui ne peuvent être licenciés qu'en présence d'un motif objectivement fondé, dûment constaté, démontrant que la poursuite des rapports de service est rendue difficile en raison de l'insuffisance des prestations, du manquement grave ou répété aux devoirs de service ou de l'inaptitude à remplir les exigences du poste, la présence d'un motif fondé n'est pas nécessaire pour licencier un employé (art. 21 al. 3 et 22 LPAC a contrario).

b. L'administration doit jauger, au vu des prestations fournies par l'employé et du comportement adopté par celui-ci pendant la période probatoire, les chances de succès de la collaboration future et pouvoir y mettre fin si nécessaire avant la nomination s'il s'avère que l'engagement à long terme de l'agent public ne répondra pas aux besoins du service (ATA/115/2016 du 9 février 2016 et les arrêts cités). Elle dispose dans ce cadre d'un très large pouvoir d'appréciation quant à l'opportunité de la poursuite des rapports de service. Dans sa prise de décision, elle reste néanmoins tenue au respect des principes et droits constitutionnels, notamment celui de la légalité, de la proportionnalité, de l'interdiction de l'arbitraire et du droit d'être entendu (ATA/115/2016 précité et les arrêts cités). Le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à la violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, de sorte qu'elle ne peut pas revoir l'opportunité de la décision litigieuse (art. 61 al. 1 et 2 LPA).

c. En particulier, le grief d'arbitraire ne doit être admis que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque les motifs allégués sont manifestement inexistants, lorsque des assurances particulières ont été données à l'employé ou en cas de discrimination. En revanche, l'autorité de recours n'a pas à rechercher si les motifs invoqués sont ou non imputables à une faute de l'employé ; il suffit en effet que la continuation du rapport de service se heurte à des difficultés objectives, ou qu'elle n'apparaisse pas souhaitable pour une raison ou une autre (arrêt du Tribunal fédéral 8C_182/2013 du 7 novembre 2013 consid. 2.2).

d. Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. À cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 et les arrêts cités).

5) a. Aux termes de l'art. 2B LPAC, il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel (al.1). Des mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité (al. 2). Les modalités sont fixées par règlement (al. 3).

b. Selon l'art. 2 RPAC, l'organisation du travail dans l'administration doit être conçue de telle sorte qu'elle assure des conditions de travail normales aux membres du personnel et leur permette de faire valoir leur personnalité, leurs aptitudes professionnelles et leurs facultés d'initiative (al.1).
Il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel, par des mesures de prévention et d'information (al.2).

c. Les notions d'atteinte à la personnalité et à l'intégrité personnelle sont indéterminées, de sorte qu'il appartient à la jurisprudence de développer leur contenu. Parmi les biens protégés figurent non seulement la vie et la santé du travailleur, mais aussi sa dignité, la considération dont il jouit dans l'entreprise, son honneur personnel et professionnel (Gabriel AUBERT, in Commentaire romand, CO I, 2012, n. 3 ad art. 328 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911- Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220).

Le harcèlement psychologique, ou « mobbing » - qui constitue une forme aiguë d'atteinte à la personnalité ou à l'intégrité personnelle (Gabriel AUBERT,
op. cit., n. 6 ad art. 328 CO) -, contrevient à l'obligation de l'employeur prévue par l'art. 328 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_714/2014 du 22 mai 2015 consid. 2.2).

Selon la définition donnée par la jurisprudence qui vaut pour les relations de travail fondées tant sur le droit privé que sur le droit public, le harcèlement psychologique, communément appelé « mobbing », se définit comme un enchaînement de propos et/ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, marginaliser, voire exclure une personne sur son lieu de travail. Il arrive fréquemment que chaque acte, pris isolément, apparaisse encore comme supportable, mais que les agissements pris dans leur ensemble constituent une déstabilisation de la personnalité, poussée jusqu'à l'élimination professionnelle du travailleur visé (arrêts du Tribunal fédéral 8C_41/2017 du 21 décembre 2017 consid. 3.5 ; 8C_398/2016 du 17 mai 2017 consid. 4.1.1 ; 8C_358/2009 du 8 mars 2010 consid. 5.1).

6) a. En l'espèce, la recourante se plaint de l'existence d'une situation de « mobbing » ayant mené à son licenciement, son employeur n'ayant pas selon elle pris soin de sa santé et du respect de sa personnalité en l'obligeant à accomplir de nombreuses heures supplémentaires dans un climat délétère.

S'il est vrai que l'autorité intimée a admis certaines des difficultés d'organisation relevées par la recourante, elle a également souligné que des mesures urgentes avaient été prises, telles que le détachement d'un collaborateur, suite à la démission de la formatrice cuisine, afin d'aider à la mise en route et à la répartition des autres tâches entre les différents collaborateurs. Elle a également démontré que les supérieurs hiérarchiques de la recourante sont toujours restés à son écoute et sont intervenus, notamment la semaine de l'ouverture, lors d'une séance des collaborateurs, afin de tenter d'apaiser les tensions existant entre eux.

L'employeur de la recourante a également admis qu'il était inévitable que l'ouverture d'un restaurant engendrait une grosse charge de travail et du stress auprès des collaborateurs, ce d'autant plus lorsqu'elle intervenait en période de rentrée scolaire. Cette situation a toutefois été limitée dans le temps, s'échelonnant sur deux mois, et l'autorité intimée a tenu compte des heures supplémentaires effectuées par la recourante.

Enfin, la dénonciation adressée en mars 2019 à la conseillère d'tat ne concernait pas les cuisines du restaurant dans lequel la recourante a été engagée, mais des plaintes plus générales sur l'organisation au sein du CFP SHR, qui ne sont pas en lien direct avec la présente procédure.

Par conséquent, l'existence d'une atteinte à sa personnalité n'a pas été démontrée.

b. Les reproches formulés à la recourante sont indépendants des difficultés rencontrées par tous les employés en cette période de mise en place de l'activité, étant rappelé que la recourante n'étant pas une fonctionnaire, les conditions de licenciement qui lui sont applicables sont celles des employés en période d'essai. Par conséquent, bien que l'employeur ne doive pas tomber dans l'arbitraire, l'existence d'un juste motif de licenciement n'est pas nécessaire pour mettre fin aux rapports de travail.

Les griefs évoqués par l'autorité intimée concernent principalement l'attitude de la recourante envers ses collègues et les jeunes en formation. Son intention a été attirée sur le fait qu'elle devait faire preuve de plus de bienveillance envers les apprentis, notamment lorsqu'elle s'adressait à eux, et tenir compte de leur niveau de formation. Le ton employé à l'égard de ses collègues a également été jugé inapproprié et la recourante n'a pas su améliorer sa communication. L'un d'eux avait porté plainte et demandé à ne plus entrer en contact avec elle. En plus de ce comportement considéré comme inadéquat par son employeur, ce dernier a constaté que la recourante n'a pas été capable d'adopter l'attitude et la posture exigées pour encadrer des apprentis. Enfin, elle n'a pas su correctement gérer les quantités de nourriture, avec pour conséquence une perte considérable de marchandise. Ces manquements ne sauraient être justifiés par un problème d'organisation au sein de la cuisine. Malgré l'occasion qui lui a été donnée d'améliorer ses prestations, la recourante n'a pas su atteindre les objectifs fixés.

Ainsi, les reproches formulés par l'autorité intimée n'apparaissent pas manifestement dénués de tout fondement. Ils constituent des motifs qui lui permettent de retenir que les chances de succès de la collaboration future ne sont pas garanties, et ce indépendamment du fait de savoir si les motifs invoqués sont ou non imputables à une faute de la recourante. Les difficultés auxquelles les parties se sont heurtées permettaient à l'autorité intimée de retenir que le recrutement de la recourante ne répondait pas aux besoins du service. Par conséquent, elle n'a pas abusé du large pouvoir d'appréciation qui est le sien en période d'essai en mettant fin aux rapports de travail.

Partant, la décision de licenciement, qui respecte les principes et droits constitutionnels, et en particulier celui de l'interdiction de l'arbitraire, est conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA, ATA/1653/2019 du 12 novembre 2019 et les références citées).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 mars 2019 par Madame A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 19 octobre 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Marie Crettaz, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin et Verniory, Mme Cuendet, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :