Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4536/2018

ATA/218/2020 du 25.02.2020 sur JTAPI/199/2019 ( PE ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS;RESSORTISSANT ÉTRANGER;AUTORISATION DE SÉJOUR;AUTORISATION DE TRAVAIL;ACTIVITÉ LUCRATIVE;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION
Normes : LPA.61; LPA.60.al1; LEI.11.al1; LEI.11.al3; LEI.40.al2; OASA.83; LaLEtr.1.al1; LaLEtr.2; LIRT.17a; RIRT.35a; RaLEtr.6.al6; CO.335.al1; CO.336.al1.letc
Résumé : Dans le cadre d'un recours contre une décision de refus d'autorisation de séjour à l’année, avec activité lucrative, le TAPI a interpellé l'employeur afin de savoir s'il était toujours disposé à engager la recourante conformément à sa demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative. La réponse de l'employeur n'est pas claire. Il semble croire que le TAPI est à l'origine de la décision de refus ou l'a confirmée et il n'est pas impossible que l'annonce de la volonté de l'employeur de mettre fin aux rapports de travail avec la recourante découle de sa mauvaise compréhension quant au sort de la demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative. Il appartenait au TAPI d'interpeller à nouveau l'employeur afin de lever tout malentendu. Renvoi du dossier au TAPI pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4536/2018-PE ATA/218/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 février 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Magali Buser, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 mars 2019 (JTAPI/199/2019)


EN FAIT

1) Mme A______, née le ______ 1983, est ressortissante du Sénégal. Elle est arrivée en Suisse le 27 août 2010 au bénéfice d'une autorisation de séjour pour études.

À la suite de son mariage le ______ 2011 avec M. B______, ressortissant du Sénégal, titulaire d'une autorisation de séjour pour études, Mme A______ a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour, au titre du regroupement familial, avec activité.

Quatre enfants sont nés de cette union : C______ né le ______ 2011, D______ née le ______ 2013, E______ née le ______ 2016 et F______ né le ______ 2019, selon les données figurant au registre cantonal de la population, tenu par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM ; « Calvin »).

2) Le 25 avril 2017, Mme A______ a obtenu une autorisation de séjour, au titre du regroupement familial, sans activité, valable jusqu'au 16 août 2017.

3) Le 15 août 2018, G______ SA (ci-après : G______ ou l'employeur) a sollicité une autorisation de séjour à l'année, avec activité lucrative, en faveur de Mme A______.

Dans le formulaire, G______ a indiqué qu'il s'agissait d'un engagement de durée indéterminée dès le 10 juin 2014, selon le contrat de travail joint, pour une activité de femme de chambre.

4) Par décision du 28 novembre 2018, l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a informé Mme A______ qu'il ne pouvait répondre favorablement à cette demande qui ne remplissait pas les conditions légales d'octroi de l'autorisation requise.

Cette décision était adressée au conseil de Mme A______. Une copie était adressée à l'OCPM et un double à l'attention de l'employée était joint à la décision.

5) Par acte du 21 décembre 2018, Mme A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation, à la constatation de la violation de son droit d'être entendue et à l'octroi de l'autorisation requise, sous suite de frais et dépens.

6) Le 3 janvier 2019, le TAPI a informé G______ que Mme A______ avait recouru contre la décision de l'OCIRT du 28 novembre 2018 refusant de lui octroyer une autorisation de séjour avec activité lucrative.

Le TAPI invitait l'employeur à lui indiquer s'il était toujours disposé à engager l'intéressée conformément à sa demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative.

7) Le 9 janvier 2019, G______ a répondu au TAPI avoir « bien pris note de votre refus de lui octroyer une autorisation de séjour avec activité lucrative ».

G______ avait engagé Mme A______ le 10 juin 2014, alors que cette dernière disposait d'une autorisation de séjour, avec activité lucrative, délivrée le 27 février 2014. Compte tenu du refus de « l'Office Cantonal de la Population » de renouveler l'autorisation de séjour avec activité de Mme A______, G______ se trouvait dans l'obligation de mettre fin aux rapports de travail. Au vu du délai de préavis contractuel, la fin du « mandat » de l'intéressée lui serait signifiée au 28 février 2019.

8) Le 23 janvier 2019, G______ a écrit au TAPI.

« Suite à votre refus concernant la demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative pour [sa] collaboratrice », elle avait annoncé le 9 janvier 2019 son attention de résilier le contrat de Mme A______ pour le 28 février 2019.

Toutefois, G______ avait appris le 22 janvier 2019 que l'intéressée était enceinte, si bien qu'elle ne pouvait légalement mettre fin à leurs rapports de travail. Compte tenu de la situation, G______ souhaitait savoir si « votre refus d'octroyer une autorisation de séjour avec activité lucrative pour Mme A______ se maint[enait] ». Dans l'affirmative et compte tenu de l'impossibilité de résilier les rapports de travail, il demandait au TAPI de « l'éclaircir » afin qu'elle puisse prendre les mesures nécessaires, dans les délais appropriés.

9) Le 8 février 2019, l'OCIRT s'est déterminé sur le courrier précité.

Depuis l'échéance de son autorisation de séjour, le 16 août 2017, Mme A______ n'était plus autorisée à travailler et à séjourner en Suisse. L'employeur aurait dû le constater et résilier les rapports professionnels. Or, il avait continué à l'engager, en violation des prescriptions en matière de police des étrangers, et elle était à présent enceinte. Cela n'avait toutefois aucune incidence sur la décision querellée. Celle-ci était en effet indépendante de la situation familiale de l'intéressée et ne reposait que sur les conditions légales auxquelles étaient soumises l'octroi de l'autorisation requise. Au surplus, l'OCIRT n'était pas compétent pour se prononcer sur les mesures que l'employeur devait prendre afin de respecter ses engagements contractuels.

10) Le 18 février 2019, le TAPI a informé Mme A______ que compte tenu de la réponse d'G______ du 9 janvier 2019 indiquant qu'il voulait mettre fin aux rapports de travail, la cause semblait être devenue sans objet. Un délai lui était imparti pour indiquer si elle souhaitait néanmoins poursuivre la procédure.

11) Le 26 février 2019, Mme A______ a indiqué qu'elle souhaitait poursuivre la procédure.

L'OCIRT retenait à tort que G______ aurait dû résilier les rapports de travail, au motif qu'elle n'était plus autorisée à travailler ni à séjourner en Suisse depuis le 16 août 2017. Son autorisation de séjour était en effet en renouvellement auprès de l'OCPM et elle ne faisait l'objet ni d'une décision de renvoi ni d'une décision de refus de renouveler son autorisation de séjour. Elle produisait d'ailleurs une attestation établie par l'OCPM, le 25 février 2019, indiquant qu'elle était « dans l'attente d'une décision définitive sur l'octroi ou la prolongation de son autorisation de séjour ». Par ailleurs, dans la mesure où elle n'avait pas reçu de courrier résiliant son contrat de travail, ce dernier était toujours en vigueur et la présente procédure n'était pas devenue sans objet. Il convenait enfin de relever que son employeur avait uniquement voulu résilier son contrat de travail pour des motifs liés à son statut de séjour et non pas pour des motifs professionnels.

12) Par jugement du 4 mars 2019, le TAPI a constaté que le recours de Mme A______ contre la décision de l'OCIRT du 28 novembre 2018 était devenu sans objet et a rayé la cause du rôle.

Interpellé par le TAPI en cours de procédure, l'employeur de Mme A______ avait répondu, en date du 9 janvier 2019, que compte tenu de la décision de refus de l'OCIRT du 28 novembre 2018, il se voyait dans l'obligation de mettre fin aux rapports de travail qui le liaient à l'intéressée et qu'il lui signifierait son congé pour le 28 février 2019. Dans ces circonstances, Mme A______ n'avait plus d'intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision contestée, de sorte que son recours, en tant qu'il était dirigé contre la décision du 28 novembre 2018, refusant de lui accorder une autorisation de séjour avec activité lucrative auprès de cette société, était devenu sans objet en cours de procédure. Il convenait donc de le rayer du rôle, l'employeur qui avait sollicité le permis de travail n'étant plus disposé, à la suite du refus de l'OCIRT, à engager l'intéressée.

À toutes fins utiles, le fait que Mme A______ soit actuellement enceinte n'était d'aucune pertinence dans le cadre de la présente procédure. Les rapports qu'elle entretenait avec son employeur relevaient en effet du droit privé. Il en allait de même des arguments développés dans son courrier du 26 février 2019, relatifs à la question de la résiliation de son contrat de travail.

13) Par acte du 3 avril 2019, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au TAPI pour nouvelle décision. Subsidiairement, le jugement attaqué ainsi que la décision de l'OCIRT du 28 novembre 2018 devaient être annulés. La violation de son droit d'être entendue devait être constatée. Enfin, l'OCIRT et l'OCPM devaient lui délivrer respectivement une autorisation de séjour à l'année pour activité lucrative et une autorisation de séjour à l'année avec activité lucrative. Le tout sous suite de frais et dépens.

Le TAPI n'avait pas tenu compte de faits importants et avait constaté de manière inexacte les faits pertinents. En effet et selon le courrier d'G______ du
23 janvier 2019, la société n'avait pas licencié Mme A______. Ce courrier rectifiait celui du 9 janvier 2019. Dans la mesure où elle travaillait toujours pour G______, elle conservait un intérêt à ce que la décision de l'OCIRT du 28 novembre 2018 soit annulée et qu'une autorisation de séjour à l'année avec activité lucrative lui soit octroyée. En outre, il était faux de retenir que son employeur n'était plus disposé à l'engager, puisqu'il avait toujours exprimé son souhait de pouvoir continuer ses relations de travail, en raison de ses qualités professionnelles et personnelles. Dès lors, G______ disposait également d'un intérêt actuel.

La décision de l'OCIRT du 28 novembre 2018 avait été rendue sans que Mme A______ ait pu faire valoir son point de vue, si bien que cet office avait violé son droit d'être entendue. En outre, cette décision n'était pas motivée.

Sur le fond, l'OCIRT s'était trompé en retenant que la condition de l'intérêt économique n'était pas réalisée. L'intéressée travaillait pour G______ depuis plus de quatre ans et son employeur était content de son travail et désirait la garder. L'ayant formée, il était dans l'intérêt économique et opportun pour des questions d'organisation de la société de la garder et de ne pas devoir former une nouvelle personne. L'intérêt économique de la Suisse était également rempli. Elle y vivait depuis plus de huit ans et était parfaitement intégrée. De plus, pour un poste de femme de chambre, il n'était pas possible de trouver une personne Suisse ou de l'UE/AELE acceptant ce genre de travail. Une autorisation de travail ne risquait pas de détériorer la structure du marché du travail en Suisse, ni de provoquer un dumping salarial ou social.

Elle avait été engagée en juin 2014 par H______ SA devenue par la suite G______ alors qu'elle était au bénéfice d'une autorisation de séjour avec activité. Son employeur pouvait ainsi l'engager. L'ordre de priorité était ainsi respecté. Les conditions de rémunération étaient également conformes. Elle remplissait par ailleurs les conditions de qualifications personnelles requises pour le poste qu'elle occupait, ce qu'avait attesté son employeur. Enfin, elle remplissait la condition du logement convenable.

14) Le 5 avril 2019, le TAPI a produit son dossier sans formuler d'observations.

15) Le 8 mai 2019, l'OCIRT a conclu au rejet du recours sous suite de frais.

Le 4 avril 2019, l'OCPM avait rendu une décision de renvoi de Mme A______ ainsi que sa famille. Selon les pièces ajoutées par l'OCPM, on y apprenait que « son extrait du registre des poursuites indique plusieurs créances ouvertes et actes de défaut de biens suite à une saisie non éteinte pour une valeur de CHF 7'685.- ». Son époux « a fait l'objet d'une condamnation pénale pour escroquerie notifiée en 2014 » et « son extrait du registre des poursuites indique des actes de défaut de biens suite à une saisie non éteinte pour un total de CHF 5'183.70 ».

L'OCIRT partageait l'avis du TAPI selon lequel le courrier d'G______ du 9 janvier 2019 indiquant qu'il se trouvait « dans l'obligation de mettre fin » aux rapports de travail avec Mme A______ devait être interprété comme signifiant que l'employeur n'était plus disposé à engager l'intéressée. Il n'était dès lors pas possible d'octroyer une autorisation de séjour avec activité lucrative au sens de la loi. Par conséquent, Mme A______ n'avait plus d'intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision contestée et son recours était ainsi sans objet.

La décision de l'OCIRT du 28 novembre 2018 détaillait clairement les raisons pour lesquelles l'autorisation sollicitée n'avait pas été accordée ainsi que la base légale applicable et permettaient à Mme A______ de l'attaquer utilement s'il y avait lieu. Celle-ci avait par ailleurs pu faire valoir tous les griefs utiles dans son recours.

Le fait que Mme A______ résidait en Suisse depuis le 16 novembre 2010 au bénéfice de plusieurs autorisations de séjour différentes (valable jusqu'au 16 août 2017) ne lui conférait aucun droit quant à une prise d'activité. Elle devait donc être considérée comme une nouvelle demandeuse d'emploi. Depuis le 16 août 2017, elle résidait et travaillait illégalement. L'ordre de priorité s'appliquait donc à sa demande du 15 août 2018.

Selon le formulaire de demande, Mme A______ était femme de chambre. Le poste ne nécessitant aucune qualification particulière, il était possible pour l'employeur de recruter un travailleur en Suisse ou titulaire d'un passeport européen au sein de l'UE/AELE. En outre, G______ n'avait pas annoncé la vacance du poste à l'office cantonal de l'emploi et n'avait fait aucune recherche sur le marché suisse ou européen. Il n'avait fait aucun effort pour trouver un travailleur correspondant au profil requis en Suisse ou au sein de l'UE/AELE et n'avait par conséquent pas respecté le principe de la priorité dans le recrutement.

Il était évident qu'au vu des qualifications requises pour le poste et du profil de Mme A______, la demande ne pouvait pas bénéficier de la règle de l'art. 23 de la loi sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Mme A______ n'apportait aucun élément concret démontrant que la demande servait les intérêts économiques du pays. En outre, son mari avait été condamné pénalement pour escroquerie en 2014 et ils faisaient l'objet d'actes de défaut de biens, de sorte que l'OCIRT contestait la parfaite intégration alléguée.

Il était inexact d'affirmer qu'il n'était pas possible de trouver une personne suisse ou de l'UE/AELE acceptant ce genre de travail. L'économie genevoise trouvait des femmes de chambre sur le marché suisse et européen. Le canton de Genève n'octroyait de plus pas d'autorisations de séjour avec activité lucrative dans le domaine du nettoyage.

Il était totalement contraire au but et à l'esprit de la LEI d'engager une personne peu qualifiée et disposée à travailler pour un bas salaire, à un poste ne nécessitant aucune qualification.

On ne pouvait dès lors pas considérer que Mme A______ dispose de qualifications particulières dans un domaine souffrant en Suisse et dans les États membres de l'UE et de l'AELE d'une pénurie de main-d'oeuvre spécialisée. En outre, G______ n'avait pas respecté l'ordre de priorité et Mme A______ n'était ni un cadre, ni un spécialiste, ni un travailleur qualifié. Les conditions requises à la délivrance d'une autorisation en vue d'exercer une activité lucrative n'était ainsi pas réunies. En tout état de cause, l'approbation de l'autorité fédérale à l'octroi d'un éventuel permis était réservée.

16) Le 12 juin 2019, Mme A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Elle avait recouru auprès du TAPI contre la décision de l'OCPM du 4 avril 2019 (cause A/1761/2019) et était toujours employée auprès d'G______. Avec son époux, ils avaient négocié des arrangements de paiement et avaient réglé plusieurs anciennes dettes. Leur casier judiciaire était vierge.

Mme A______ n'avait jamais reçu de courrier de licenciement, si bien que son intérêt à recourir contre la décision de l'OCIRT du 28 novembre 2018 était toujours actuel.

La décision précitée ne comportait aucun syllogisme juridique. Le volet obligation de motiver du droit d'être entendu avait été violé par l'OCIRT. Elle n'avait pas pu se prononcer et s'expliquer avant que la décision soit prise.

Il était incorrect de retenir que depuis le 16 août 2017, elle résidait sur le territoire suisse et travaillait de manière illégale. Son autorisation de séjour était en prolongation.

S'agissant de sa situation personnelle et professionnelle, elle a repris ses précédents arguments.

À l'appui de sa réplique, Mme A______ a produit notamment un document bancaire attestant du paiement de son salaire par G______ pour le mois d'avril 2019, ainsi que son décompte salaire pour le mois de mai 2019.

17) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L'objet du litige consiste à déterminer si le TAPI était fondé à constater que le recours de Mme A______ contre la décision de l'OCIRT du 28 novembre 2018 était devenu sans objet et rayer la cause du rôle.

3) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité d'une décision prise en matière de police des étrangers lorsqu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61
al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 a contrario de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

4) a. Selon l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais aussi toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

b. La jurisprudence a précisé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/253/2013 du 23 avril 2013 consid. 2b et les références citées). L'exemple le plus évident concerne la partie à la procédure qui a obtenu le plein de ses conclusions au stade antérieur de la procédure, et n'est dès lors pas lésée par la décision ou le jugement de première instance (ATA/68/2012 du 31 janvier 2012 consid. 2).

c. L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (MGC 1984 I 1604 ss ; 1985 III 4373 ss ; ATA/1059/2015 du 6 octobre 2015 consid. 3a).

L'intérêt digne de protection consiste en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1). L'existence d'un intérêt digne de protection présuppose que la situation de fait ou de droit du recourant puisse être influencée par l'annulation ou la modification de la décision attaquée, ce qu'il lui appartient d'établir (ATF 120 Ib 431 consid. 1).

5) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la LEI, et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêts du Tribunal fédéral 2C_841/2019 du 11 octobre 2019 consid. 3 ; 2C_737/2019 du 27 septembre 2019 consid. 4.1), les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit, étant précisé que la plupart des dispositions de la LEI sont demeurées identiques (ATA/53/2020 du 21 janvier 2020 consid. 3).

b. Tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. Il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé (art. 11
al. 1 LEI). En cas d'activité salariée, la demande d'autorisation est déposée par l'employeur (art. 11 al. 3 LEI).

Qu'il s'agisse d'une première prise d'emploi, d'un changement d'emploi ou du statut de travailleur salarié vers un statut de travailleur indépendant, une décision cantonale préalable concernant le marché du travail est nécessaire pour l'admission en vue de l'exercice de l'activité lucrative (art. 40 al. 2 LEI et
art. 83 OASA).

c. Dans le canton de Genève, le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : le département) est l'autorité compétente en matière de police des étrangers, compétence qu'il peut déléguer à l'OCPM (art. 1 al. 1 et art. 2 LaLEtr) sous réserve des compétences dévolues à l'OCIRT en matière de marchés de l'emploi. La compétence pour traiter les demandes d'autorisation de séjour avec prise d'emploi est dévolue à l'OCIRT (art. 17A de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 - LIRT - J 1 05 et 35A du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février
2005 - RIRT - J 1 05.01).

La décision préalable rendue par l'OCIRT lie l'OCPM, qui peut néanmoins refuser l'autorisation si des considérations autres que celles qui ont trait à la situation de l'économie ou du marché du travail l'exigent (art. 6 al. 6 du règlement d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 9 mars 2009 - RaLEtr -
F 2 10.01).

6) Le droit en vigueur repose sur le principe de la liberté du congé. Chaque partie a le droit de résilier, sans indication de motif, un contrat de travail conclu pour une durée indéterminée (art. 335 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220).

L'employeur qui résilie le contrat doit cependant respecter les règles énoncées aux art. 336 ss CO (ATF 136 III 513 consid. 2.3 ; ATF 132 III 115 consid 2.1; ATF 131 III 535 consid. 4.1). Ainsi, après le temps d'essai, l'employeur ne peut pas résilier le contrat pendant la grossesse et au cours des seize semaines qui suivent l'accouchement (art. 336c al. 1 let. c CO). La période de protection contre le licenciement en temps inopportun pendant la maternité prend effet avec le début de la grossesse et se termine seize semaines après l'accouchement, le jour de l'accouchement n'étant pas pris en compte dans le calcul de la période de protection, de sorte que le décompte des seize semaines ne débute que le lendemain de celui-ci (Stéphanie PERRENOUD, La protection de la maternité, Étude de droit suisse, international et européen, 2015, p. 832 n. 39).

7) En l'espèce, il ressort du dossier que, le 3 janvier 2019, le TAPI a informé l'employeur de la recourante que cette dernière avait recouru contre la décision de l'OCIRT du 28 novembre 2018 refusant de lui octroyer une autorisation de séjour avec activité lucrative. Il l'a invité à lui indiquer s'il était toujours disposé à engager l'intéressée conformément à sa demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative.

Le 9 janvier 2019, G______ a répondu au TAPI.

Après avoir accusé réception du courrier du TAPI du 3 janvier 2019, G______ a écrit au TAPI « avoir pris note de votre refus de lui octroyer une autorisation de séjour avec activité lucrative ». Cette phrase est à tout le moins ambiguë et suggère qu'G______ n'a pas compris correctement le courrier du TAPI.

En effet, ladite phrase laisse penser que l'employeur, qui n'est pas représenté, a cru que le TAPI avait refusé ou confirmé le refus d'octroyer à la recourante une autorisation de séjour avec activité lucrative. Dans ce même courrier, l'employeur confond également les offices concernés, pensant que le refus vient de « l'Office Cantonal de la Population » alors que c'est l'OCIRT qui a pris la décision. Ces méprises peuvent s'expliquer par le fait que la décision de l'OCIRT du 28 novembre 2018 a été adressée uniquement au conseil de la recourante, alors même que c'est G______ qui a déposé la demande (art. 11
al. 3 LEI).

Il est dès lors possible que l'annonce de la volonté de l'employeur de mettre fin aux rapports de travail avec la recourante découle de sa mauvaise compréhension quant au sort de la demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative.

Le courrier de l'employeur du 23 janvier 2019 adressé au TAPI confirme cette mauvaise compréhension. L'employeur pense, à nouveau, que le TAPI a refusé la demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative pour sa collaboratrice. D'ailleurs, il demande au TAPI de bien vouloir lui confirmer le maintien de son refus d'octroyer une autorisation de séjour avec activité lucrative pour la recourante compte tenu de la grossesse de son employée.

Au vu de ces deux courriers, le TAPI devait interpeller à nouveau l'employeur afin de lever tout malentendu, ce qu'il n'a pas fait.

En outre et par-devant la chambre de céans, la recourante a produit un document bancaire attestant du paiement de son salaire par son employeur pour le mois d'avril 2019, ainsi que son décompte salaire pour le mois de mai 2019. Même si ces salaires peuvent avoir été versés par l'employeur compte tenu du fait que la recourante se trouvait en période de protection conformément à l'art. 336c al. 1 let. c CO, il n'est pas exclu que les rapports de travail aient perduré après la période de protection, le dossier ne contenant aucune pièce qui démontrerait que les rapports de travail entre la recourante et son employeur ont été en définitive résiliés.

Le fait que l'OCPM a, par décision du 4 avril 2019, rendu une décision de renvoi de la recourante ainsi que des enfants n'est en soi pas pertinent dans la mesure où la décision préalable rendue par l'OCIRT lie l'OCPM (art. 6
al. 6 RaLEtr), ce d'autant plus qu'une procédure de recours contre la décision de l'OCPM est pendante (cause A/1761/2019) et que les éléments ayant fondé cette décision sont contestés et/ou discutés par la recourante, tels que son intégration, celle de ses enfants, le respect de l'ordre juridique suisse, les arrangements de paiement s'agissant des dettes ou encore la possibilité d'obtenir une carte de légitimation du département fédéral des affaires étrangères compte tenu de l'emploi de son mari, ainsi que la possibilité d'obtenir une autorisation de séjour en vertu de l'opération « Papyrus ».

Vu qu'il n'est pas possible pour la chambre administrative d'instruire le point de savoir si G______ avait bien saisi la portée du courrier du TAPI du 3 janvier 2019 sans priver la recourante du double degré de juridiction au sujet de la problématique du refus d'autorisation de séjour avec activité lucrative, le jugement du TAPI sera annulé et la cause lui sera renvoyée.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis. Le jugement attaqué sera annulé et la cause sera renvoyée au TAPI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

9) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée la recourante qui y a conclu, a pris un mandataire et obtient gain de cause (art. 87 al. 2 LPA). L'indemnité de procédure sera mise à la charge de l'État de Genève (OCIRT).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 avril 2019 par Mme A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 mars 2019 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 mars 2019 ;

renvoie le dossier au Tribunal administratif de première instance au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Mme A______ à la charge de l'État de Genève (OCIRT) ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Magali Buser, avocate de la recourante, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Verniory et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.