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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3044/2019

ATA/212/2020 du 25.02.2020 ( FPUBL ) , ADMIS

Recours TF déposé le 24.04.2020, rendu le 27.10.2020, ADMIS, 8D_4/2020
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3044/2019-FPUBL ATA/212/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 février 2020

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assael, avocat

contre

COMMUNE DE B______
représentée par Me Thomas Barth, avocat



EN FAIT

1) Madame C______, née le ______ 1965, a été engagée par la Commune de B______ (ci-après : la commune) le 1er mars 2010 en qualité de coordinatrice chargée de la réorganisation de la police municipale. Un mois après, elle est devenue cheffe du service « prévention et sécurité ».

2) Monsieur A______, né le ______ 1974, a été engagé par la commune le 29 novembre 2010 en tant que responsable des agents de police municipale (ci-après : APM), adjoint à Mme C______, avec effet dès le
1er mars 2011.

3) À la suite d'une réorganisation de l'administration communale à l'automne 2015, Mme C______ a occupé le poste de coordinatrice jeunesse « prévention et sécurité » et M. A______ celui de chef de poste des APM, de sorte qu'il n'était plus son adjoint.

Il avait sous ses ordres une équipe de cinq agents, deux auxiliaires de sécurité et six patrouilleuses/patrouilleurs. Il devait collaborer avec Mme C______ en sa qualité de coordinatrice.

4) Respectivement les 28 novembre et 19 décembre 2016, M. A______ et Mme C______ ont chacun signé un nouveau contrat de travail intégrant le nouveau règlement du personnel communal de la commune du 21 avril 2016 (RPers - LC 12 151), avec effet au 1er janvier 2017. Leurs fonctions demeuraient inchangées. Les rapports de travail étaient régis par le RPers, le règlement d'application du personnel communal, ainsi que les dispositions en matière de rapports de travail de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) à titre supplétif.

5) Lors d'un échange de courriels du 23 septembre 2015 entre Mme C______ et M. A______, ce dernier a proposé à la première d'avoir une discussion en présence d'un médiateur, en raison de leurs incompréhensions, ce que celle-ci a refusé, ainsi que toute discussion éventuelle future.

6) Le 1er octobre 2015, une lettre signée de M. A______, son adjoint et cinq APM, a été adressée à Mme C______, dans laquelle ils tenaient à lui exprimer le malaise qui régnait au sein du service de la police municipale. Ils reconnaissaient l'énergie qu'elle déployait dans le développement du service et la défense des intérêts de la police municipale ainsi que ses nombreuses compétences. Ils mettaient tout en oeuvre afin de travailler en bonne harmonie et avoir des échanges respectueux entre collègues. Toutefois, ils éprouvaient des difficultés « à maintenir cette approche avec [elle] ».

Ils ne comprenaient pas son « degré de susceptibilité qui parfois [empêchait] toute communication constructive » et ils partageaient le sentiment que la seule chose qu'ils pouvaient alors faire, était de se taire et écouter. Cela concernait également des discussions qui n'avaient parfois rien à voir avec l'aspect professionnel. Ils considéraient qu'ils n'étaient pas dans l'obligation d'adhérer à toutes ses idées. Ils « prétend[aient] avoir le droit d'avoir un avis différent du [sien] sans que cela occasionne des haussements de ton de [sa] part. Cette susceptibilité se manifest[ait] également à l'égard de collaborateurs d'autres services ». Ils souhaitaient que la bonne ambiance de travail au sein de l'administration prédomine et contribuer ainsi à diminuer l'esprit du « chacun pour soi » afin de renforcer les liens et un semblant d'harmonie entre services.

De plus, ils n'étaient plus d'accord d'être son « punching ball » émotionnel, car ils vivaient également des situations tendues sur le terrain. Ils se sentaient souvent oppressés par sa façon d'agir et étaient « constamment en état d'alerte en ayant la crainte de ne pas faire quelque chose correctement ».

Ils espéraient qu'elle comprendrait le bien-fondé de leur courrier et restaient à sa disposition pour un éventuel entretien de tout ou partie des collaborateurs de la police municipale.

7) Par courriel du même jour, M. A______ avait informé Madame D______, conseillère administrative, de cette démarche, qu'elle avait validée. Il devait la prévenir si Mme C______ refusait un entretien après avoir reçu ladite missive.

8) Par courriel du 13 novembre 2015, dont une copie était réservée à deux conseillers administratifs de la commune, M. A______ a indiqué à Mme C______ que son « attitude de mépris et son absence de réaction » après la réception du courrier précité avaient laissé ses collègues et lui-même perplexes. Il n'appréciait pas son comportement qui consistait « à saluer ou non certains cosignataires en fonction des personnes présentes ». Pour le bien de tous, il lui suggérait « d'évoluer vers une forme de communication plus positive et constante ».

9) Au mois de novembre 2015, Mme C______ et M. A______ ont eu un échange de courriels au sujet d'une intervention de la police municipale auprès d'un collège, indiquant des différends dans le cadre du traitement de ce cas.

Au terme de cet échange, Mme C______ a adressé un mémo le 8 décembre 2015 à M. A______, en copie notamment au secrétaire général, en concluant : « Eu égard à la forme de votre communication, je tiens à souligner que, dorénavant, si vous souhaitez avoir des informations, que je n'aurais pas nécessairement pensé à vous donner, je vous remercie de venir simplement m'en parler oralement. En alternative, je vous saurais gré de privilégier la forme du mémo, qui conviendra également très bien, à celle du courriel. 

Pour ma part, je ne répondrai plus, ni pour ce jour, ni pour toujours, à ce type de courriel, quelque peu agressif, contenant des jugements sur le travail d'autrui et ainsi générateur d'incompréhension et de pertes d'énergie ; en opposition avec ce principe d'efficacité, que vous appelez si souvent de vos voeux ».

M. A______ a répondu audit mémo le 15 décembre 2015 en s'adressant à Mme D______. Il y exposait de manière factuelle les problèmes rencontrés et les solutions apportées, sans réagir aux écrits de Mme C______.

10) Par courriel du 3 mars 2017, M. A______ a rappelé à Mme C______ qu'il convenait que celle-ci ne donne pas directement des instructions aux APM, mais s'adresse à son adjoint ou lui-même par mémo, courriel ou téléphone. Il concluait son courriel par le post-scriptum suivant : « Je vous demande également, dans vos communications, de rester sur le concret et de cesser vos constantes insinuations d'adolescente attardée sur ce que je pense ou pas ou comment j'appréhende les choses car je n'ai que faire de votre avis et à mon niveau, je me garde bien de vous dire certaines vérités, ceci, dans le souci de rester professionnel. Et si vraiment, je suis à disposition pour en parler de vive voix et régler certains points ! ».

11) Par courriel du 22 septembre 2017, dont une copie a été réservée notamment aux APM et au secrétaire général, M. A______ a reproché à Mme C______, au sujet du festival « E______ », d'avoir prétendu avoir demandé à deux de ses agents d'intervenir alors que tel n'avait pas été le cas. Son comportement à leur égard s'apparentait à du harcèlement moral, en tentant de diviser les collaborateurs du service et de semer le trouble au sein de leur hiérarchie. Mme C______ avait refusé toute forme de médiation, ce qui, contrairement à ses allégations, démontrait qu'elle ne souhaitait plus collaborer avec eux. Ainsi, il lui demandait « de manière définitive de ne plus [leur] adresser de courriel, courrier ou note ».

12) Par courriers séparés du 22 septembre 2017, la commune a convoqué Mme C______ et M. A______ en entretien avec une délégation du Conseil administratif (ci-après : CA) le 25 septembre 2017, en raison de la « gravité et de la teneur désagréable de certains écrits [qu'ils avaient] récemment échangés par courriels avec divers membres du personnel de l'administration communale ».

Sur demande de M. A______, la commune a précisé que cette convocation faisait suite à « un vif différend né au sein du personnel communal à l'occasion de l'organisation du festival E______ [du 2 septembre 2017], durant lequel la gestion de cet événement [avait] fait l'objet de diverses critiques ». Elle acceptait de décaler l'entretien le concernant au 4 octobre 2017.

13) Par courrier du 30 octobre 2017, Mme C______ a déposé plainte pour harcèlement psychologique auprès de la commune à l'encontre de M. A______ et requis l'ouverture d'une enquête au sens de l'art. 57 al. 2 RPers.

14) Après plusieurs arrêts de la chambre de céans (ATA/1563/2017 du 5 décembre 2017, ATA/11647/2017 du 21 décembre 2017 et ATA/1018/2018 du 2 octobre 2018) sur décisions du CA, une enquête administrative a été ouverte le 11 avril 2018.

Dès cette date, l'enquêtrice désignée par le CA a effectué plusieurs auditions, dont celles de Mme C______ et M. A______, séparément, puis de manière contradictoire. Ceux-ci ont également pu déposer plusieurs listes de témoins, lesquels ont été entendus lors de huit audiences au cours desquelles les conseils des parties étaient présents.

15) Dans son rapport d'enquête du 19 décembre 2018, l'enquêtrice a conclu qu'aucun des éléments considérés par Mme C______ comme des indices de mobbing ne pouvaient être retenus comme tels. Un harcèlement psychologique à l'encontre de celle-ci n'était pas établi, pas même par indices. Il devait en revanche être retenu que la plaignante avait été subjectivement atteinte dans sa santé psychique, avec en particulier de l'anxiété et de la nervosité, avec pour corollaire une situation de souffrance indéniable. À cet égard, la commune n'avait peut-être pas suffisamment veillé à la protection de la personnalité de Mme C______. Elle ne pouvait ignorer que la mésentente qui régnait entre l'intéressée et M. A______ était à ce point profonde qu'elle pouvait atteindre celle-là dans sa tranquillité et sa sérénité au travail et lui occasionner des souffrances et problèmes dans sa santé psychique. Il aurait alors incombé à la commune de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser ces dérangements.

Le comportement adopté par M. A______ à l'égard de Mme C______ devait être examiné à partir de l'envoi de la lettre le 1er octobre 2015 et de la réorganisation de l'administration communale initiée en automne 2015. Une nouvelle répartition des compétences était alors intervenue : Mme C______ n'était plus cheffe de la police municipale mais coordinatrice d'un service regroupant certaines activités de cette dernière et M. A______ était devenu chef de poste de la police municipale mais n'était plus l'assistant de Mme C______. Très rapidement, M. A______ avait ressenti un manque de confiance de la part de Mme C______ à son égard, corollaire du fait que cette dernière avait eu de la peine à accepter l'émancipation de celui qui n'était dorénavant plus son assistant. Mme C______ s'était apparemment sentie injustement mise à l'écart. S'ajoutait la rancoeur provoquée par la lettre du 1er octobre 2015, qui avait eu un effet dévastateur sur les relations de la police municipale avec Mme C______.

Les éléments spécifiques mis en avant par Mme C______ et qui seraient constitutifs de harcèlement psychologique recouvraient essentiellement trois domaines : l'isolement et la mise à l'écart, la remise en cause de son travail ainsi que le ton et les termes employés par M. A______. Concernant l'isolement et la mise à l'écart, des éléments recueillis au cours de l'enquête, il n'apparaissait pas que M. A______ ait, par ses propos ou des agissements hostiles, cherché à exclure Mme C______. Les difficultés de communication entre ces derniers n'avaient pas mis en échec le bon fonctionnement des services communaux. Il était ainsi difficile de tracer les limites de la communication qui auraient dû être respectées et subséquemment d'imputer à M. A______ exclusivement un comportement si grave et déterminé qu'il en serait constitutif de harcèlement. Aucun élément concret ne permettait non plus d'étayer la thèse selon laquelle le fait que M. A______ adresse ses courriels en copie « aux politiques » revenait à mettre en cause son travail. Au contraire, il en ressortait que ce mode de faire avait permis, en tous les cas à trois reprises, à la hiérarchie d'intervenir auprès de M. A______ pour définir expressément le cadre de ses interventions. Il n'apparaissait pas non plus que le fait de porter à la connaissance de la hiérarchie l'existence de difficultés relationnelles, voire de problèmes dans l'exécution de son travail, relèverait du harcèlement. S'agissant du ton et des termes employés par M. A______ dans ses courriels, certains propos étaient certes inadéquats, maladroits voire déplacés. Il était ainsi inacceptable de traiter une collègue de travail « d'adolescente attardée ». Même si M. A______ avait fait preuve d'un manque de courtoisie certain, voire d'un manque de déférence envers Mme C______, un tel débordement était resté isolé. Les réactions intempestives de M. A______ faisaient écho à celles de Mme C______ qui ne l'étaient pas moins et qui procédaient notamment de l'absence de communication voulue par elle. Cette dernière avait été décrite par certains témoins comme pouvant s'emporter, être véhémente, voire colérique. Les échanges entre les eux protagonistes s'étaient poursuivis pendant près de deux ans. Toutefois, l'ampleur du conflit aurait pu et dû être désamorcée par la commune, prise en sa qualité d'employeur et parfaitement au fait de la mésentente qui régnait entre M. A______ et Mme C______. Il était regrettable que les demandes de médiation formulées à plusieurs reprises par les deux protagonistes n'aient pas été prises en compte avec plus de sérieux par leur hiérarchie, respectivement écartées au simple motif que le mandataire envisagé pour cette mission n'était pas disposé à l'assumer.

L'analyse de l'ensemble du contexte professionnel étudié dans le cadre de l'enquête avait permis d'y replacer des relations de travail fortement viciées depuis l'envoi de la lettre du 1er octobre 2015, opposant deux personnes au caractère fort et à la personnalité bien marquée. L'existence d'un conflit dans les relations professionnelles ne pouvait ainsi qu'être confirmé.

16) Se déterminant sur le rapport d'enquête, M. A______ a conclu à ce que la commune rende une décision de classement de la procédure, à ce qu'une fois définitive, celle-ci soit communiquée auprès de l'administration communale et des personnes entendues comme témoins, à ce qu'une médiation puisse être organisée avec Mme C______ afin de continuer à travailler avec elle, et à ce que leurs attributions professionnelles respectives soient plus clairement définies et séparées afin d'éviter des doubles compétences et de potentiels malentendus.

17) Par décision du 1er avril 2019, la commune a retenu qu'une atteinte à la personnalité de Mme C______ avait été commise par M. A______, a réservé le volet disciplinaire à l'encontre de ce dernier, dit que cette décision ne ferait pas l'objet d'une communication publique, laissé les frais de représentation respectifs à la charge de chacune des parties et clôturé l'enquête en question.

Malgré les reproches formulés à l'encontre de Mme C______, l'attitude de M. A______ à son égard ne pouvait être tolérée. Si les tensions résultant des lacunes de communication entre les protagonistes étaient réciproques, le ton employé par M. A______ restait inacceptable. En particulier, proférer des insultes à l'encontre de l'une de ses collègues était intolérable. Les modes de résolution des différends devaient rester courtois. Le CA faisait sienne la conclusion de l'enquêtrice quant à l'absence de harcèlement psychologique à l'égard de Mme C______. Cependant, quand bien même les épisodes concernés, en particulier les vingt-trois courriels adressés à Mme C______ et le fait de l'avoir traitée « d'adolescente attardée », n'étaient pas constitutifs de harcèlement psychologique au sens du RPers et de la jurisprudence, ceux-ci avaient largement contribué à la survenance de l'atteinte à la santé subie par celle-ci. Il y avait donc bien une atteinte à la santé de Mme C______ et l'attitude de M. A______ était considérée comme causale. L'éventuel volet disciplinaire lié à cette atteinte faisait l'objet d'un courrier séparé directement adressé à l'intéressé, car dépassant le cadre strict de l'enquête et de cette décision. Cette décision ne serait pas davantage communiquée au personnel de la commune afin de respecter la personnalité des concernés et le RPers ne le prévoyant pas. Les frais de représentation des parties étaient laissés à leur seule charge.

18) M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision précitée.

La décision querellée était arbitraire, la commune n'ayant pas la compétence de retenir une atteinte à la personnalité de Mme C______ pour d'autres motifs que le harcèlement. En outre, il contestait toute causalité entre son attitude et l'atteinte à la santé de Mme C______. La propre attitude de cette dernière et son inadéquation avaient provoqué un malaise et des réactions des collaborateurs de la commune, à l'origine de la péjoration de son état de santé. La commune elle-même avait stigmatisé les comportements inacceptables de Mme C______.

La position de la commune quant à l'envoi du courrier du 1er octobre 2015 était erronée. Un échange de courriels entre Mme C______ et lui le 23 septembre 2015 le confirmait, ainsi que la rencontre du 1er octobre 2015 entre Mme D______ et les APM et leurs échanges de correspondance subséquents.

19) Mme C______ a également recouru auprès de la chambre administrative contre la décision du 1er avril 2019, en concluant à ce qu'il soit dit qu'elle avait été victime de harcèlement psychologique de la part de M. A______ et que la commune soit condamnée à lui verser la somme de CHF 30'022.80 à titre de dépens de première instance ou d'indemnité de défense.

20) Dans le délai imparti au 12 avril 2019 pour faire valoir son droit d'être entendu sur le principe et les motifs de la sanction envisagée à son encontre - soit un blâme -, M. A______ a conclu à ce que la procédure soit classée sans suite.

L'enquêtrice ayant pour seule mission de vérifier s'il y avait eu mobbing ou harcèlement psychologique, la commune ne pouvait, après avoir constaté qu'il n'y en avait pas eu, retenir d'autres griefs. Ce procédé ne reposait sur aucune base légale.

La position de la commune quant à l'envoi du courrier du 1er octobre 2015 était erronée. La commune ne tenait pas compte des problèmes de Mme C______ qu'elle dénonçait dans son rapport. Il ne l'avait pas traitée d' « adolescente attardée » mais avait seulement qualifié ses insinuations comme telles. La commune ne faisait pas autre chose lorsqu'elle qualifiait l'attitude de Mme C______ de « puérile ». Il était incompréhensible que l'envoi de vingt-trois courriels entre le 29 novembre et le 2 décembre 2016 constitue un manque de respect à Mme C______, alors que ceux-ci avaient été adressés à l'assistante de Mme C______ en charge de la gestion administrative des procédés de réclame selon la procédure prévue. L'attitude de Mme C______ et son inadéquation avaient provoqué un malaise et des réactions des collaborateurs de la commune, à l'origine de son état de santé. D'autres témoins que les APM avaient relevé ses attitudes difficiles à supporter. Dire que sa propre attitude avait péjoré la santé de Mme C______ était d'autant plus déplacé que la commune ne s'était jamais souciée de la sienne, dont l'altération était en lien avec le comportement de la plaignante. Des témoins avaient constaté son mal-être. L'enquêtrice ne l'avait pas rendu responsable de la péjoration de l'état de santé de Mme C______, mais avait stigmatisé les carences de la commune, comme l'avaient fait certains témoins. Il était regrettable qu'au lieu d'assumer ses responsabilités, la commune se défausse sur lui.

21) Par décision du 19 juin 2019, la commune a prononcé à l'encontre de M. A______ un avertissement au sens de l'art. 53 al. 1 let. a et al. 3 RPers.

Tel que relevé dans la décision du 1er avril 2019, l'attitude de M. A______ à l'égard de Mme C______ n'était pas conforme à celle attendue des employés de la commune. S'il était renoncé à prononcer une sanction disciplinaire à son encontre pour les autres évènements, les propos tenus par M. A______ à l'égard de Mme C______ dans le cadre de son courriel du mois de mars 2017 étaient inutilement blessants et totalement déplacés, notamment en raison du fait qu'il s'adressait à une collègue qui avait été sa supérieure hiérarchique durant plusieurs années. Ceux-ci constituaient une atteinte à la personnalité de cette dernière. Un manque d'amendement quant à ses comportements passés ressortait également des observations de M. A______ du 12 avril 2019, en plus du fait qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la personnalité de la plaignante. Ainsi, l'atteinte à la personnalité subie par Mme C______ était de nature à causer, à tout le moins partiellement, ou à renforcer l'atteinte à sa santé, impliquant une incapacité de travail de longue durée. Cela étant, au regard du climat délétère entretenu tant par Mme C______ que par M. A______, seul un simple avertissement était infligé à celui-ci afin de le dissuader de récidiver.

22) Par acte expédié le 23 août 2019 à la chambre administrative, M. A______ a recouru contre cette sanction, dont il a demandé l'annulation.

Il a, pour l'essentiel, repris les arguments développés en lien avec son recours dirigé contre la décision du 1er avril 2019, à savoir que l'enquêtrice avait dépassé le cadre de son mandat et qu'il ne pouvait se voir reprocher une atteinte à la personnalité de Mme C______, de sorte que la sanction n'était pas fondée.

23) La commune a conclu au rejet du recours.

24) Par arrêt du 12 novembre 2019 (ATA/1672/2019), la chambre de céans a joint les recours de M. A______ et Mme C______ relatifs à la décision de la commune du 1er avril 2019, admis celui de M. A______, rejeté celui de Mme C______ et annulé ladite décision.

L'enquête administrative ne pouvait viser qu'à établir l'existence d'un cas de harcèlement psychologique ou sexuel. L'enquêtrice, qui ne s'était pas contentée d'examiner l'existence d'un tel harcèlement, avait à tort étendu son mandat au-delà de cette question en retenant l'existence d'une atteinte à la personnalité. L'absence d'un harcèlement psychologique avait été constatée à juste titre.

L'utilisation dans le courriel du mois de mars 2017 des termes de visant que la destinataire cesse « ses insinuations d'adolescente attardée » était inadmissible. Ceux-ci ne constituaient toutefois pas, à eux seuls, une atteinte à la personnalité de la destinataire. La question de savoir s'ils méritaient sanction ne faisant pas l'objet des recours dirigés contre la décision du 1er avril 2019, il n'y avait pas lieu de l'examiner.

25) Mme C______ a recouru contre cet arrêt au Tribunal fédéral. La cause (8C_13/2020) est actuellement pendante.

26) Se déterminant à la suite de l'ATA/1672/2019, M. A______ a conclu qu'en l'absence d'atteinte de sa part à la personnalité de Mme C______, il ne pouvait être sanctionné.

27) La commune a persisté dans ses conclusions, relevant que l'arrêt précité avait clairement qualifié les propos du recourant comme inadmissibles. Ceux-ci méritaient sanction.

28) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieux le bien-fondé de l'avertissement infligé au recourant.

a. Le collaborateur exécute en personne et avec soin les tâches qui lui sont confiées conformément au descriptif de son poste et dans le respect des règlements de l'administration (art. 23 al. 1 RPers). En outre, il veille fidèlement à la sauvegarde des intérêts de la commune et au respect de l'environnement, entretient des relations dignes et respectueuses avec ses collègues, ses supérieurs et les administrés et renforce la considération et la confiance dont l'administration communale doit être l'objet (art. 23 al. 2 RPers).

b. Aux termes de l'art. 53 al. 1 RPers, le collaborateur qui enfreint ses obligations, intentionnellement ou par négligence, est passible, selon la gravité de la violation, des sanctions disciplinaires suivantes prononcées par la ville : avertissement (let. a), blâme (let. b), la mise à pied pendant deux jours au plus avec suppression du salaire (let. c) et la révocation (let. d).

Préalablement au prononcé de la sanction, les motifs invoqués sont communiqués par écrit au collaborateur et celui-ci dispose de la faculté de se déterminer sur le principe et les motifs de la sanction (art. 53 al. 2 RPers).

c. L'autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATA/118/2016 du 9 février 2016 consid. 3a ; ATA/94/2013 précité consid. 15 et la jurisprudence citée).

3) En l'espèce, la sanction querellée est fondée sur les termes adressés à Mme C______ « de cesser [se]s constantes insinuations d'adolescente attardée » utilisés par le recourant dans son courriel du mois de mars 2017. Ces termes étaient inutilement blessants et totalement déplacés, en particulier du fait qu'ils s'adressaient à une collègue qui avait été pendant des années la supérieure hiérarchique du recourant. Ils constituaient une atteinte à la personnalité de celle-ci. De tels propos étaient contraires à l'entretien d'un climat de travail calme et apaisé. Par ailleurs, il ressortait des observations du recourant du 12 avril 2019 qu'il ne s'était pas amendé, celui-ci se permettant de se prononcer sur la personnalité de Mme C______. L'atteinte à la personnalité de cette dernière était « de nature à causer, à tout le moins partiellement, ou à renforcer l'atteinte à la santé » de celle-ci. Au regard du climat délétère entretenu par les deux protagonistes, la commune avait toutefois décidé d'atténuer la sanction de blâme en avertissement, qui était de nature à dissuader l'intéressé de récidiver.

Il est indéniable que les propos précités sont inadmissibles. Comme le retient la commune, il s'agit de termes blessants et parfaitement déplacés. Que ceux-ci soient constitutifs d'une atteinte à la personnalité ou non, ils ne sont pas compatibles avec l'obligation du recourant d'entretenir des relations dignes et respectueuses avec ses collègues et supérieurs et de renforcer la considération et la confiance dont l'administration communale doit être l'objet (art. 23 al. 2 RPers).

Ces propos - en soi inadmissibles - doivent cependant être relativisés à l'aune de l'ensemble des circonstances. Les difficultés relationnelles survenues entre le recourant et Mme C______ se sont manifestées à partir de l'été 2015. L'enquêtrice a relevé l'incompréhension, le manque de coordination et l'absence de dialogue entre ces deux personnes. Les réactions intempestives de l'un faisaient écho à celles de l'autre et procédaient, notamment, de l'absence de communication voulue par Mme C______. Cette dernière avait été décrite par certains témoins comme pouvant s'emporter, être véhémente, voire colérique. Par ailleurs, l'enquêtrice a souligné que l'ampleur du conflit qui s'était poursuivi pendant deux ans aurait pu et dû être désamorcée par la commune, parfaitement au fait de la mésentente entre les deux employés ; il avait été regrettable que les demandes de médiation formulées à plusieurs reprises par les deux protagonistes n'avaient pas été prises en compte avec plus de sérieux par leur hiérarchie, respectivement écartées au motif que le mandataire privé envisagé pour cette mission n'était pas disposé à l'assumer. La commune a ainsi laissé s'envenimer une situation qu'elle savait pénible pour toutes les personnes qui y étaient confrontées.

Il convient également de tenir compte du fait que les propos en question sont demeurés isolés ; il n'est pas allégué que le recourant aurait commis d'autres excès de langage. Par ailleurs, ce dernier n'a pas d'antécédents disciplinaires et ses prestations donnent entière satisfaction. Selon l'enquêtrice, hormis le chef de la police municipale d'une commune voisine, les personnes auditionnées collaborant avec le recourant l'ont décrit comme compétent et humain, avec qui les relations professionnelles se sont toujours bien passées. Enfin, il n'a pas été établi, contrairement à ce qu'affirme la commune dans la décision querellée, que ces propos ont porté atteinte ou renforcé l'atteinte à la santé de la destinataire ; la commune n'apporte d'ailleurs aucun élément qui corrobore son affirmation.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le prononcé d'une sanction ne respecte pas le principe de la proportionnalité. Partant, le recours sera admis et la décision querellée annulée.

4) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée au recourant (art. 87
al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 août 2019 par Monsieur A______ contre la décision de la Commune de B______ du 19 juin 2019 ;

au fond :

l'admet et annule la décision de la Commune de B______ du 19 juin 2019 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de la Commune de B______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ; si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

s'il porte sur la responsabilité de l'État et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 30'000.- ; si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 30'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure aux minima indiqués soit CHF 15'000.- (contestation relative aux rapports de travail), respectivement à CHF 30'000.- (contestation relative à la responsabilité de l'État) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assael, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Thomas Barth, avocat de la commune de B______.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin et Verniory, Mme Cuendet, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :