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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/635/2020

ATA/230/2020 du 27.02.2020 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/635/2020-FPUBL ATA/230/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 27 février 2020

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Serge Fasel, avocat

contre

DÉLÉGATION DU CONSEIL D'ÉTAT CHARGÉE DE LA PROCÉDURE DISCIPLINAIRE À L'ENCONTRE DE MONSIEUR A______



Considérant, en fait :

1) Par arrêté du 15 janvier 2020, le Conseil d'état a décidé d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'encontre de Monsieur A______, conseiller administratif de la Ville de Genève (ci-après : la ville). La délégation du Conseil d'État (ci-après : la délégation) constituée à cet effet était composée de Madame B______ ainsi que de Messieurs C______ et D______, ce dernier étant en charge de la présidence de cette délégation qui devait instruire la procédure et soumettre des propositions au Conseil d'État. À la suite d'échanges de courriers électroniques entre le conseil de M. A______ et Monsieur E______, secrétaire général adjoint du département de la cohésion sociale (ci-après : DCS), le conseil de M. A______ a écrit à ce dernier. M. E______ se présentait dans l'exercice d'une fonction subalterne alors qu'il assumait la direction ad intérim du service des affaires communales, et qu'il était l'auteur et le signataire d'une dénonciation à l'encontre de M. A______, au Procureur général, faite le 12 août 2019.

La procédure disciplinaire ne pouvait commencer sans que les intéressés ne soient au courant de l'évolution de la procédure pénale ; le conseil de M. A______ demandait à être informé de l'état de cette dernière.

2) Le 30 janvier 2020, le conseiller d'État en charge du DCS a répondu au conseil de M. A______.

La délégation n'entendait pas solliciter du Ministère public des informations sur la suite qui avait été donnée à la dénonciation faite au mois d'août. La procédure pénale et la procédure disciplinaire étaient indépendantes l'une de l'autre.

De plus, la délégation n'entendait pas communiquer à M. A______ la note transmise au Conseil d'État par le DCS sur la base de l'examen préliminaire conduit par le service des affaires communales (ci-après : SAFCO) soit une note de service interne favorisant la réflexion.

Au surplus, la date de deux audiences d'instruction, fixée après un contact oral entre M. E______ et M. A______, était confirmée.

3) Le 3 février 2020, M. A______ a formellement demandé au président de la délégation la récusation de M. E______.

Ce dernier était intervenu comme signataire de la dénonciation de M. A______ aux autorités pénales, en août 2019. Il avait assuré, par intérim, la direction du SAFCO et avait, dans ce cadre, émis une note sur M. A______ adressée au Conseil d'État, note qui figurait au dossier initialement mais qui avait été retirée par l'intéressé. Les initiales de M. E______ apparaissaient sur plusieurs courriers.

4) Par courrier du 6 février 2020, le conseiller d'État en charge du DCS a convoqué M. A______ et son conseil, à des audiences fixées aux 2 et 9 mars 2020.

5) Le 7 février 2020, la délégation a rejeté la demande de récusation visant M. E______.

Laissant ouverte la question de la recevabilité de la demande, la délégation a considéré que la dénonciation de M. A______ aux autorités pénales émanait du SAFCO et non pas de M. E______ à titre personnel. De plus, le SAFCO devait dénoncer les faits, conformément à l'art. 33 de la loi d'application du code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP - E 4 10).

Par ailleurs, le fait d'avoir rédigé une note à l'attention du Conseil d'État ne constituait pas non plus un signe de prévention à l'encontre de M. A______. Enfin, M. E______, en sa qualité de secrétaire de la délégation, ne participerait pas au processus de prise de décision de ladite délégation ou du Conseil d'État. Il n'aurait ni voix délibérative, ni voix consultative, et il ne participerait pas aux auditions menées par la délégation. Il n'était pas membre de l'autorité chargée de conduire la procédure disciplinaire.

6) Le 20 février 2020, M. A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d'un recours contre la décision précitée, concluant préalablement à ce que des mesures provisionnelles urgentes soient prononcées.

L'enquête disciplinaire devait être suspendue jusqu'à droit jugé sur la demande de récusation de M. E______ et les audiences fixées devaient être annulées. Au fond, M. E______ devait être récusé.

M. A______ reprenait et développait les éléments déjà exposés à la délégation. M. E______ avait assumé, de fait, la conduite de l'enquête jusqu'à ce jour ; il avait été l'interlocuteur de M. A______, l'auteur de plusieurs projets de courriers et il avait pris l'initiative de retirer la note qu'il avait adressée au Conseil d'État. Il avait aussi refusé d'interpeller le Ministère public pour savoir où en était la dénonciation faite auprès de cette autorité.

7) Le 25 février 2020, la délégation s'est déterminée sur la question des mesures provisionnelles requises, concluant à leur rejet.

M. E______ n'était pas un membre de l'autorité administrative et n'était pas de ce fait récusable. Aucun élément ne permettait de penser qu'il serait partial, n'ayant qu'exécuté les tâches qui lui étaient confiées en sa qualité de directeur ad intérim du SAFCO. En sa qualité de secrétaire, il avait assumé le rôle de porte-parole de la délégation, sans prendre de décision ni exercer d'influence, dès lors que le contenu des courriers, les dates des audiences etc., étaient fixés par la délégation ou son président.

La demande de récusation n'étant pas fondée, il n'y avait pas de motif de suspendre la procédure et d'annuler les audiences fixées. En tout état, M. E______ ne participerait pas auxdites audiences, comme cela avait déjà été indiqué.

8) Dans le cadre de l'exercice de son droit à la réplique, M. A______ a maintenu ses conclusions initiales. M. E______ n'avait pas une position subalterne. Il avait déjà pris des décisions ayant un impact sur le déroulement de l'enquête. Il avait signé la dénonciation pénale à l'attention du Ministère public. M. E______ avait fait des observations manifestement partiales.

La récusation devait être prononcée, et, entre-temps, l'enquête disciplinaire devait être suspendue.

9) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.

Attendu, en droit :

que l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 septembre 2017, prévoit que les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de celles-ci, par un juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ;

que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (art. 12 al. 3 LPA) ;

que, par ailleurs, l'art. 21 al. 1 LPA permet le prononcé de mesures provisionnelles, lesquelles, selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4) ;

que l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405) ;

que la restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que, pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/812/2018 du 8 août 2018) ;

qu'en vertu de l'art. 15 al. 1 let. d LPA - sur lequel le recourant fonde sa demande de récusation - les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se récuser s'il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité ;

qu'en l'espèce, il est douteux que M. E______ puisse être qualifié de membre d'une autorité administrative dès lors qu'il ne participe pas au processus de décision, ni même aux audiences fixées par la délégation ;

qu'au surplus, le fait d'avoir, lors d'un intérim en qualité de directeur du SAFCO, rédigé des documents concernant le recourant ou d'avoir transmis une dénonciation - obligatoire - au Ministère public n'apparaît pas, à première vue, être apte à justifier la récusation de l'intéressé ;

qu'en tout état, dans la mesure où M. E______ ne participe pas aux audiences de la délégation chargée de l'enquête disciplinaire, il n'y a aucune raison d'ordonner des mesures provisionnelles suspendant la procédure disciplinaire jusqu'à droit jugé dans la présente cause ;

qu'au vu de ces éléments, la requête de mesures provisionnelles sera rejetée;

qu'il sera statué avec la décision au fond sur les frais de la présente décision.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse d'ordonner les mesures provisionnelles requises par Monsieur A______ dans le cadre du recours contre la décision de la délégation du conseil d'État du 7 février 2020 refusant de récuser Monsieur E______ ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que les éventuelles voies de recours contre la présente décision, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Serge Fasel, avocat du recourant, ainsi qu'à la délégation du Conseil d'État chargée de la procédure disciplinaire à l'encontre Monsieur A______.

 

La présidente

F. Payot Zen Ruffinen

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.


·         Décisions préjudicielles et incidentes (art. 92 et 93 LTF)

Art. 92 Décisions préjudicielles et incidentes concernant la compétence et les demandes de récusation

1 Les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation peuvent faire l'objet d'un recours.

2 Ces décisions ne peuvent plus être attaquées ultérieurement.

Art. 93 Autres décisions préjudicielles et incidentes

1  Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours :

a. si elles peuvent causer un préjudice irréparable, ou

b. si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

...

Art. 98 Motifs de recours limités

Dans le cas des recours formés contre des décisions portant sur des mesures provisionnelles, seule peut être invoquée la violation des droits constitutionnels.