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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2509/2018

ATA/190/2020 du 18.02.2020 sur JTAPI/296/2019 ( DOMPU ) , ADMIS

Descripteurs : DOMAINE PUBLIC;USAGE COMMUN ACCRU;AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL);PUBLICITÉ(COMMERCE);AUTONOMIE COMMUNALE;POUVOIR D'APPRÉCIATION;RECONSIDÉRATION;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR
Normes : LPA.60.al1.letb; LPA.53.al1.leta; LPA.48; LPA.80; LPA.61.al1.leta; LPR.4; LPR.7; LPR.11; LPR.9; LPA.67.al2
Parties : FORCE PROMOTION SA / VILLE DE GENÈVE
Résumé : Recours d'une entreprise contre un jugement du TAPI annulant la décision d'une commune qui est entrée en matière sur une demande de reconsidération facultative. Lorsque l'autorité entre en matière, de sa propre volonté, sur une demande de reconsidération facultative et rend une décision matériellement identique à la première, un recours contre cette décision est possible. En outre, il ressort de la seconde décision de l'autorité communale que celle-ci s'est basée sur un nouveau préavis pour refuser l’installation du procédé de réclame envisagé. Enfin, l'entrée en matière sur la demande de reconsidération facultative soumise par la recourante ne porte pas atteinte aux droits de tiers qui seraient protégés par la décision en force. La ville n'a ainsi pas commis un abus de son pouvoir d'appréciation en entrant en matière sur la demande de reconsidération facultative. Recours admis et renvoi du dossier au TAPI pour qu'il traite le fond du litige.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2509/2018-DOMPU ATA/190/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 février 2020

3ème section

 

dans la cause

 

FORCE PROMOTION SA
représentée par Me Jean-Pierre Carera, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 mars 2019 (JTAPI/296/2019)


EN FAIT

1) Force Promotion SA (ci-après : Force Promotion ou la société) est une société anonyme de droit suisse inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève, ayant son siège à Genève, et qui a pour but statutaire l'exploitation d'une régie publicitaire dans le domaine des médias électroniques et l'affichage, les prestations de services ou commerciales, ainsi que la prise de participations, à l'exception de participations immobilières en Suisse.

2) Le 28 novembre 2017, Force Promotion a déposé auprès de la Ville de Genève (ci-après : la ville), soit pour elle son service de la sécurité et de l'espace publics, une demande d'autorisation visant l'installation d'une enseigne en toiture sur l'immeuble situé 14, place Cornavin, 1201 Genève.

Il s'agissait de supprimer l'enseigne en toiture existante « Saxo Bank » et de la remplacer par une nouvelle enseigne « Force Promotion.ch ».

3) Dans le cadre de l'instruction de cette demande, la ville a transmis, le 1er décembre 2017, le dossier au service des monuments et des sites (ci-après : SMS) pour qu'il se prononce.

4) Le 5 février 2018, le SMS a relevé que la nouvelle enseigne proposée était réglée (hauteur et profondeur) sur les autres enseignes existantes. Toutefois, il demandait de diminuer la longueur totale de l'enseigne afin qu'elle soit inférieure à la longueur de la partie maçonnée de la lucarne. Le SMS se référait au préavis délivré le 3 décembre 2013 par la commission des monuments et des sites dans le cadre de la pose du procédé de réclame en toiture « Saxo Bank ».

5) Par décision du 15 février 2018, la ville a refusé l'installation du procédé de réclame proposé, faisant sien le préavis du SMS précité qu'elle détaillait dans sa décision.

Force Promotion avait toutefois la possibilité de déposer, en tout temps, un projet modifié qui tienne compte des remarques du SMS.

6) Par acte du 16 mars 2018, Force Promotion a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée.

Le recours a été enregistré sous le numéro de cause A/973/2018.

7) Par jugement du 14 juin 2018 (JTAPI/566/2018), le TAPI a déclaré le recours irrecevable au motif que l'avance de frais n'avait pas été effectuée dans le délai imparti et rien ne permettait de retenir que Force Promotion avait été victime d'un empêchement non fautif de s'acquitter en temps utile du montant réclamé.

Ce jugement n'a pas été contesté et est entré en force.

8) Le 20 juin 2018, Force Promotion a déposé une demande d'installation d'une enseigne en toiture sur l'immeuble situé place Cornavin 14, identique à celle du 28 novembre 2017.

Le recours déposé contre la décision de refus du 15 février 2018 ayant été déclaré irrecevable pour de purs motifs de procédure, elle redéposait, d'entente avec Monsieur Benoît FREY, adjoint de direction à la ville, le même dossier qui ferait l'objet de la même décision de refus de la part de la ville et contre laquelle elle pourrait déposer un nouveau recours en vue d'obtenir une décision sur le fond.

9) Par décision du 5 juillet 2018, la ville, après examen de la demande d'autorisation du 20 juin 2018 qui reprenait les termes de la précédente demande du 29 novembre 2017, notifiait « à nouveau » sa décision à Force Promotion.

Elle rappelait le contenu du préavis du SMS du 5 février 2018.

En outre et à la suite du recours du 16 mars 2018, la ville avait, à nouveau, sollicité le SMS afin qu'il réexamine la situation à la lumière des arguments développés par la société dans son recours du 16 mars 2018.

Dans ce second préavis du 19 avril 2018, le SMS avait maintenu sa position.

En conséquence et compte tenu des préavis du SMS auxquels la ville adhérait, elle refusait l'installation du procédé de réclame envisagé.

Le « préavis » du SMS du 19 avril 2018 était joint à la décision, détaillant sur plusieurs points les raisons de sa position.

10) Par acte du 19 juillet 2018, Force Promotion a interjeté recours auprès du TAPI contre la décision de la ville du 5 juillet 2018, concluant à son annulation et ce que la ville soit invitée à délivrer l'autorisation sollicitée, sous suite de frais et dépens.

11) Le 1er octobre 2018, la ville s'est rapportée à justice s'agissant de la recevabilité du recours aux plans formel et temporel et a conclu, sur le fond, à son rejet, sous suite de frais et dépens.

Le TAPI n'ayant pas pu aborder le fond de l'affaire, à la demande de Force Promotion, la ville avait accepté de notifier une décision exactement similaire à la précédente du 15 février 2018.

12) Le 5 décembre 2018, le TAPI a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. M. FREY, représentant de la ville, a confirmé que celle-ci avait notifié une nouvelle fois une décision à Force Promotion. Le conseil de cette dernière lui avait en effet expliqué que son recours déposé contre la décision du 15 février 2018 avait été déclaré irrecevable en raison de l'absence du paiement de l'avance de frais dans le délai imparti. Selon les explications de cet avocat, le défaut de paiement provenait du fait qu'en l'absence de sa secrétaire, la « seconde » secrétaire avait rangé la demande d'avance de frais dans le dossier plutôt que de la traiter. En sa qualité de juriste, il lui était paru injuste et insatisfaisant pour la société que son recours ne soit pas traité sur le fond. Il assumait cette décision qu'il avait prise en toute honnêteté et en opportunité. Il aurait agi de la même manière pour n'importe quel justiciable dans des circonstances identiques. À sa connaissance, la ville n'avait jamais procédé de cette façon dans le passé.

b. Le conseil de Force Promotion a indiqué qu'il avait considéré, à la suite du « bug » de son étude, qu'il pouvait redéposer la même demande d'autorisation pour être en mesure de la contester une nouvelle fois devant le TAPI et obtenir un jugement au fond. C'était la première fois qu'il procédait de cette manière. En matière administrative, le principe de force jugée n'existait pas et un justiciable pouvait déposer autant de fois qu'il le souhaitait la même demande. Dans le présent cas, c'était la requête du 20 juin 2018 qui avait fait l'objet de la décision contestée. Si un justiciable déposait une deuxième requête, il avait le droit à une nouvelle décision, sans quoi un déni de justice serait commis. Il ne connaissait pas le juriste de la ville.

13) Par jugement du 27 mars 2019, le TAPI a admis le recours et renvoyé le dossier à la ville pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Contrairement à ce que soutenait Force Promotion, la décision du 15 février 2018 qui ne pouvait plus être attaquée par un moyen de droit ordinaire, était devenue définitive et était entrée en force. En d'autres termes et selon la doctrine, elle était réputée valable et elle produisait ses effets, même si elle était viciée, à moins d'être annulée ou modifiée suite à l'usage d'un moyen de droit extraordinaire, d'être affectée d'un vice tellement grave qu'elle était nulle ou d'être révoquée.

Partant, la demande déposée le 20 juin 2018, identique à celle formulée le 28 novembre 2017, ne pouvait être considérée que comme une demande de reconsidération.

À la connaissance du TAPI, la jurisprudence ne s'était pas prononcée sur la question des éventuelles conditions devant exister pour qu'une entrée en matière facultative soit justifiée, hormis l'exigence que la demande de reconsidération soit motivée par des raisons relatives à des erreurs de droit, des erreurs de fait ou des erreurs d'appréciation de l'opportunité.

Les auteurs de doctrine avaient en revanche abordé la question et adopté des positions divergentes.

En l'occurrence, force était de constater, en premier lieu, que la ville n'était pas obligée d'entrer en matière sur la demande de reconsidération du 20 juin 2018, aucune des conditions pouvant la contraindre à le faire n'étant réalisées. Les circonstances de fait n'avaient en effet subi, entre la décision du 15 février 2018 et la demande du 20 juin 2018, aucune modification. La société n'avait pas invoqué des faits ou des moyens de preuve importants qu'elle ne connaissait pas lors de la première décision ou dont elle ne pouvait pas se prévaloir ou n'avait pas de raison de se prévaloir à cette époque. Elle n'avait également pas soutenu qu'un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d'une autre manière, avait influencé la décision du 15 février 2018. La ville était par conséquent entrée en matière alors qu'elle n'était pas tenue de le faire.

En accord avec la jurisprudence et la doctrine majoritaire, le TAPI considérait qu'une autorité administrative était libre d'entrer en matière sur une demande de reconsidération et cela même si elle n'y était pas contrainte. Cela étant, une telle décision d'entrée en matière devait forcément respecter des critères, ainsi que le retenaient la jurisprudence et la doctrine majoritaire, sous peine notamment de mettre en péril la sécurité du droit, de violer l'égalité de traitement entre administrés ou de commettre l'arbitraire.

La liste des critères justifiant d'entrer en matière n'avait pas besoin d'être détaillée en l'espèce et elle pouvait donc demeurer ouverte. En effet, le seul motif ayant conduit la ville à entrer en matière sur la demande du 20 juin 2018 résidait dans le fait qu'elle avait considéré insatisfaisante et injuste la situation de Force Promotion qui n'avait pas vu son recours tranché au fond en raison d'une erreur de son conseil - imputable à la recourante -, lequel avait omis de verser l'avance de frais requise dans le délai imparti. Or, un tel motif ne justifiait à l'évidence pas d'entrer en matière par une voie extraordinaire sur une décision définitive et de la remettre ainsi en question, mettant ainsi en péril la sécurité du droit. Le fait de ne pas avoir procédé, par inadvertance, au paiement de l'avance de frais, ayant entraîné l'irrecevabilité du recours et donc la clôture de la procédure ordinaire (ledit jugement n'ayant pas été contesté), n'avait aucun lien avec la décision en force faisant l'objet de la demande de reconsidération, alors que selon la jurisprudence, une demande de reconsidération dirigée contre une décision dotée de l'autorité de la chose décidée ne pouvait être que motivée par des raisons relatives à des erreurs de droit, des erreurs de fait ou des erreurs d'appréciation de l'opportunité, soit des erreurs ayant trait à la décision elle-même et non à un élément qui lui était étranger. De plus, accepter dans les circonstances d'espèce une telle entrée en matière revenait à contourner, de facto, l'interdiction d'éluder les dispositions impératives en matière de recevabilité du recours, étant souligné que la recevabilité d'un recours était autant conditionnée au respect du délai de recours qu'au respect du délai pour payer l'avance de frais susceptible de créer un précédent qui mettrait à mal le principe de l'égalité de traitement entre les administrés.

Enfin, une entrée en matière sur la demande de reconsidération était, dans le présent cas, aussi exclue compte tenu que la demande identique du 20 juin 2018 avait été à nouveau soumise à l'autorité peu après la prise de la décision négative (six jours après le jugement d'irrecevabilité et quatre mois après la première décision négative).

L'entrée en matière de la ville sur la demande du 20 juin 2018 constituait dès lors un abus de son libre pouvoir d'appréciation, que le TAPI se devait de sanctionner en annulant la décision entreprise. En effet, la ville étant entrée à tort en matière, elle n'aurait pas dû se prononcer sur le fond du litige. Elle n'avait pas à instruire la demande de reconsidération en tenant compte des arguments présentés par la société dans son recours du 16 mars 2018, ce qui revenait en fait à lui permettre de faire valoir des éléments qui auraient pu et dû être invoqués dans la procédure ordinaire, soit dans le cadre du recours interjeté le 16 mars 2018 par-devant le TAPI.

La décision entreprise devait donc être annulée et la cause renvoyée à la ville pour qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants, à savoir une décision de non-entrée en matière.

Il n'y avait ainsi pas de déni de justice puisqu'une décision avait été rendue à la suite de la demande du 20 juin 2018. La société était certes libre de déposer autant de fois qu'elle le désirait une demande d'autorisation, mais cela n'impliquait pas qu'une décision au fond lui soit notifiée ; il pouvait s'agir - et parfois il devait s'agir - d'une décision de non-entrée en matière.

14) Par acte du 7 mai 2019, Force Promotion a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au TAPI pour qu'il statue sur le fond, sous suite de frais et dépens.

Bien que le jugement entrepris admette formellement le recours, il équivalait à un déboutement sur le fond. La société disposait ainsi de la qualité pour recourir.

La première décision du 15 février 2018 ne revêtait que la force de chose décidée dans la mesure où le TAPI n'avait procédé à aucun examen au fond de la décision. La « stabilité » de cette décision était par conséquence moindre, ce que le TAPI avait passé sous silence.

La démarche entreprise par Force Promotion visait à ce que la ville, autorité de première instance, rende une nouvelle décision, et non à contester le jugement d'irrecevabilité rendu par le TAPI le 14 juin 2018. Dès lors, cette démarche ne pouvait pas être assimilée à une demande de révision puisqu'elle ne visait pas à remettre en cause une décision prise par une juridiction de recours, mais se rapportait exclusivement à la décision prise par l'autorité de première instance. Par conséquent, la nouvelle requête déposée le 20 juin 2018 devait être assimilée à une demande de reconsidération et non à une demande de révision.

Il n'était pas contesté, ni même allégué, qu'il existait des motifs de reconsidération qui auraient obligé la ville à entrer en matière sur la nouvelle demande du 20 juin 2018. Toutefois, cette autorité était absolument libre de le faire, comme cela ressortait de la doctrine et de la jurisprudence.

D'ailleurs, et quoi qu'en dise le TAPI, la ville avait bel et bien procédé à un nouvel examen, au fond, de la demande. En effet, la décision du 5 juillet 2018 faisait notamment référence au « préavis » rendu le 19 avril 2018 par le SMS repris postérieurement à la première décision de revus de la ville du 15 février 2018.

La ville avait ainsi bien procédé à un réexamen - volontaire et à bien plaire - de sa décision, dès lors qu'elle avait pris en compte, dans sa seconde décision, des éléments qui n'existaient pas lorsqu'elle avait rendu la première. La ville était ainsi entrée en matière sur la demande de reconsidération et avait rendu une nouvelle décision susceptible d'un recours au fond, avec plein pouvoir d'examen pour la juridiction saisie.

15) Le 14 mai 2019, le TAPI a produit son dossier sans formuler d'observations.

16) Le 21 mai 2019, la ville s'est rapportée à justice s'agissant de la recevabilité du recours.

Il fallait rappeler les circonstances dans lesquelles, pour tenir compte du caractère très particulier du présent cas, le service de l'espace public avait accepté, en toute transparence, de notifier à nouveau, à titre exceptionnel, sa décision originaire.

En effet, le délai légal pour le dépôt du recours avait été observé. La volonté de régler l'émolument de justice requis dans le délai prescrit judiciairement ne pouvait être mise en doute au vu des circonstances. Le non-respect de ce délai n'était pas imputable au mandataire de la société. Il n'était d'ailleurs même pas le fait de l'auxiliaire du mandataire de la société, puisqu'il était imputable à l'inadvertance de « l'auxiliaire de l'auxiliaire du mandataire du justiciable ».

La persistance de la société à vouloir connaître l'appréciation de la justice sur le fond, au sujet de la décision administrative du 15 février 2018, avait fait perdre de vue au juriste de la ville que la demande de la seconde notification avait été formulée alors que le délai de recours pour entreprendre le jugement d'irrecevabilité (JTAPI/566/2018 précité) n'était pas échu. Le juriste priait la chambre administrative de bien vouloir l'excuser d'avoir méconnu ce fait.

Toutefois, le recours de la société avait, entre autre mérites, celui de permettre de remettre la problématique devant l'instance judiciaire qui aurait dû l'appréhender préalablement et prioritairement.

Même si dans les circonstances très spécifiques du présent cas, l'autorité administrative était toujours d'avis que le justiciable pouvait revendiquer légitimement le droit de voir son affaire tranchée sur le fond, la ville s'en rapportait à justice quant à l'issue du recours interjeté par Force Promotion.

17) Force Promotion n'ayant pas répliqué malgré la possibilité offerte de le faire, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vues (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1). L'intérêt invoqué, qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération (ATF 143 II 512 consid. 5.1).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1).

d. En l'espèce, l'admission du recours par le TAPI et le renvoi du dossier à la ville pour que cette dernière rende une décision de non-entrée en matière prive la recourante de la possibilité de voir examiner, sur le fond, la question du bien-fondé du refus d'autorisation de poser l'enseigne publicitaire requise.

La recourante dispose dès lors d'un intérêt digne de protection et, partant, de la qualité pour recourir.

Le recours est donc recevable.

3) L'objet du litige consiste à déterminer si le TAPI était fondé à annuler la décision de la ville du 5 juillet 2018 et à lui renvoyer le dossier pour qu'elle prononce une décision de non-entrée en matière.

4) a. Selon l'art. 53 al. 1 let. a LPA, une décision est exécutoire lorsqu'elle ne peut plus être attaquée par réclamation ou par recours.

b. La doctrine précise que lorsqu'une décision ne peut plus être attaquée par un moyen de droit ordinaire, elle est dite définitive ou entrée en force. On parle usuellement de force formelle de chose jugée (« formelle Rechtskraft »). On distingue parfois, suivant que l'auteur de la décision est une autorité administrative de première instance ou une autorité juridictionnelle ou de recours, entre force de chose décidée et force de chose jugée, mais cette terminologie différenciée ne s'est pas imposée universellement. La décision entrée en force sera réputée valable et produira ses effets, même si elle est viciée, à moins d'être annulée ou modifiée suite à l'usage d'un moyen de droit extraordinaire, d'être affectée d'un vice tellement grave qu'elle est nulle, ou d'être révoquée, étant rappelé que les décisions ne peuvent pas être revues par voie d'exception à l'occasion d'un acte subséquent les appliquant (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 307-308 n. 865).

Une décision devient définitive - ou entre en force - lorsque le dernier moyen de droit ordinaire interjeté contre elle est rejeté, lorsque le délai pour utiliser un moyen de droit ordinaire vient à échéance sans avoir été utilisé, ou encore dès son prononcé, lorsqu'il n'existe aucun moyen de droit ordinaire ouvert contre elle (Thierry TANQUEREL, op.cit., p. 308 n. 866).

L'autorité de chose jugée ou force matérielle de chose jugée (« materielle Rechtskraft ») se rapporte à la stabilité du contenu d'une décision. On peut également distinguer ici entre autorité de chose décidée, qui se rapporte à la stabilité d'une décision de première instance entrée en force et autorité de chose jugée qui se rapporte à celle d'une décision prise sur recours ou par une juridiction administrative saisie d'une action (Thierry TANQUEREL, op.cit., p. 308 n. 867).

Dans le premier cas, la question est simplement celle de la modification d'une décision administrative. On indiquera seulement ici que la révocation partielle ou totale d'une décision exige une pesée de l'intérêt à une application correcte du droit objectif, qui plaiderait par hypothèse pour une modification de la décision, et de l'intérêt à la sauvegarde de la sécurité du droit, qui favorise le maintien de la décision. Dans le second cas, le réexamen approfondi de l'affaire qui a dû être effectué sur recours ou par la juridiction saisie d'une action justifie de reconnaître une plus grande portée à l'autorité de chose jugée : les points tranchés sur recours ou par une juridiction ne pourront être revus, en ce qui concerne les mêmes parties, les mêmes faits et les mêmes conclusions, que si des motifs de révision (art. 80 LPA) sont présents. À cet égard, il faut souligner que l'autorité de chose jugée ne se rapporte qu'aux points effectivement tranchés par l'autorité de recours ; il y aura donc lieu de se référer aux motifs de sa décision pour définir la portée de l'autorité de la chose jugée (Thierry TANQUEREL, op.cit., p. 308-309 n. 868-869).

Une décision est exécutoire lorsqu'elle ne peut plus être attaquée par un moyen de droit ordinaire, en d'autres termes lorsqu'elle est définitive (Thierry TANQUEREL, op.cit., p. 309 n. 870-871).

c. En l'espèce, la demande d'autorisation visant l'installation d'une enseigne en toiture sur l'immeuble situé 14, place Cornavin, 1201 Genève du 28 novembre 2017 a donné lieu à une décision de refus de la ville le 15 février 2018.

Cette décision a été attaquée par la recourante par-devant le TAPI. Toutefois et dans la mesure où la société n'a pas effectué l'avance de frais dans le délai imparti, le TAPI a déclaré irrecevable son recours par jugement du 14 juin 2018 (JTAPI/566/2018).

Au vu de ce jugement, qui n'a pas fait l'objet d'un recours auprès de la chambre de céans, la décision de la ville du 15 février 2018 est entrée en force et est exécutoire. Elle ne peut donc plus être attaquée par un moyen de droit ordinaire.

La décision de la ville du 15 février 2018 ne peut pas non plus être attaquée par la voie de la révision (art. 80 LPA), moyen de droit extraordinaire, dans la mesure où la révision au sens strict du terme vise les décisions prises à la suite de l'utilisation d'un moyen de droit et non celles prises en première instance par des autorités administratives (Thierry TANQUEREL, op.cit., p. 437 n. 1287). Or, en l'occurrence, c'est la décision de la ville du 15 février 2018 qui est visée par la démarche de la recourante et non pas une décision prise par une juridiction.

La décision de la ville du 15 février 2018 peut toutefois faire l'objet d'une demande de reconsidération (art. 48 LPA ; Thierry TANQUEREL, op.cit., p. 437 n. 1287).

5) a. Selon l'art. 48 al. 1 LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsqu'un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b LPA existe (let. a) ou, alternativement, lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision (let. b). À teneur de l'al. 2, les demandes n'entraînent ni interruption de délai ni effet suspensif.

b. L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA.

Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 al. 1
let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 al. 1 let. b LPA : faits nouveaux « anciens » ; ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/1412/2017 du 17 octobre 2017 consid. 3a).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 précité consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a ; ATA/1412/2017 précité consid. 3b). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/1620/2019 précité
consid. 3a ; ATA/159/2018 précité consid. 3a ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a).

c. Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 489-490 n. 1417). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées
(ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 389-390 n. 1417).

d. La demande en reconsidération au sens de l'art. 48 LPA doit être distinguée de la demande de reconsidération facultative, qui peut être déposée en tout temps, mais dans le cadre de laquelle l'autorité dispose d'un libre pouvoir d'appréciation (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 160 n. 610).

Si l'autorité est entrée en matière, de sa propre volonté, quand bien même elle n'y était pas obligée, mais a rendu une décision identique à la première, un recours contre cette décision sera possible. Selon le Tribunal fédéral, en matière d'assurances sociales, un tel recours ne pourra porter que sur la question de savoir si les conditions d'une reconsidération de la décision d'origine étaient remplies ou non (ATF 117 V 8 consid. 2). Hors de ce contexte particulier, le recours doit pouvoir porter sur le fond de la nouvelle décision (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 493 n. 1431).

e. L'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation constituent des violations du droit, qui peuvent être revues par les autorités de recours (art. 61 al. 1 let. a LPA). Cela signifie qu'une autorité judiciaire de recours qui contrôle la conformité au droit d'une décision vérifiera si l'administration a, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère la loi, respecté le principe de la proportionnalité - et les autres principes constitutionnels tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, la bonne foi -, mais s'abstiendra d'examiner si les choix faits à l'intérieur de la marge de manoeuvre laissée par ces principes sont « opportuns » ou non (Thierry TANQUEREL, op.cit., p. 183 n. 524 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 569). L'autorité commet un abus de son pouvoir d'appréciation tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux précités (Benoît BOVAY, op. cit., p. 566).

f. De jurisprudence constante, les communes genevoises jouissent, en vertu du droit cantonal, d'une importante liberté d'appréciation dans la gestion de leur domaine public et, plus particulièrement, dans l'octroi ou le refus d'une permission d'utiliser le domaine public communal excédant l'usage commun (arrêts du Tribunal fédéral 2C_118/2008 du 21 novembre 2008 consid. 4.3 ; 2P.69/2006 du 5 juillet 2006 consid. 2.2 ; ATA/382/2018 du 24 avril 2018 consid. 3c et l'arrêt cité).

g. En l'occurrence, le 20 juin 2018, la recourante a déposé, d'entente avec le juriste de la ville, une demande identique à celle du 28 novembre 2017 qui avait fait l'objet d'une décision de refus en date du 15 février 2018.

La recourante admet qu'il n'existe pas de motifs de reconsidération obligatoires au sens de l'art. 48 al. 1 LPA, ce qui ressort également du dossier.

Sa requête du 20 juin 2018 constitue dès lors une demande de reconsidération facultative dans le cadre de laquelle la ville dispose d'un libre pouvoir d'appréciation, étant relevé que la ville dispose également d'un pouvoir d'appréciation dans l'application de la loi sur les procédés de réclame du 9 juin 2000 (LPR - F 3 20 ; notamment les art. 4, 7 et 11 ou encore 9 LPR).

Comme vu supra, la ville reste toujours libre d'entrer en matière sur une demande en reconsidération, ce qu'elle a du reste fait, puisqu'elle n'a pas déclaré irrecevable la demande de la recourante précitée mais a rendu une nouvelle décision le 5 juillet 2018, refusant l'installation de procédé de réclame envisagé.

Ainsi que le prévoit la doctrine précitée et dans la mesure où le cas présent ne s'inscrit pas dans le domaine des assurances sociales, un recours contre la décision d'entrée en matière sur la demande en reconsidération facultative doit pouvoir porter sur le fond de la nouvelle décision.

Dès lors et contrairement à ce qu'a retenu le TAPI, la ville était, d'une part, en droit d'entrer en matière sur la demande de reconsidération facultative et, d'autre part, un recours contre une telle décision est possible pour que soit examiné le fond de la problématique dont il est question dans la décision du 5 juillet 2018, à savoir la question du bien-fondé du refus d'installation du procédé de réclame envisagé.

Par ailleurs et s'agissant du contenu de la décision, le fait qu'il y soit précisé que la ville notifiait « à nouveau [sa] décision » pourrait laisser penser qu'elle a repris à l'identique le contenu de sa première décision du 15 février 2018.

Or, et comme cela ressort de la décision du 5 juillet 2018, la ville n'a pas repris telle quelle sa première décision du 15 février 2018, puisqu'elle fait référence à un second « préavis » du SMS du 19 avril 2018, auquel elle adhère en plus de celui du 5 février 2018 dont il est question dans la décision du 15 février 2018.

S'il est vrai que ce « préavis » - qui est en réalité un courrier de réponse à la ville - constitue une détermination du SMS par rapport aux arguments de la société formulés dans son recours du 16 mars 2018 dans la cause A/973/2018, force est toutefois de constater que la ville a refusé l'installation du procédé de réclame envisagé en tenant compte également de ce « préavis ». La ville l'a d'ailleurs joint à sa nouvelle décision du 5 juillet 2018.

Il en découle que ce nouveau préavis, postérieur à la décision du 15 février 2018, a pesé dans le cadre de l'examen au fond de la demande de reconsidération facultative du 20 juin 2018. Le TAPI le relève d'ailleurs dans son argumentation, précisant que la ville « n'avait pas à instruire la demande de reconsidération en tenant compte des arguments présentés par la société dans son recours du 16 mars 2018 ». Il s'agit dès lors d'un complément d'instruction utilisé dans le cadre de la nouvelle décision du 5 juillet 2018, substituant celle du 15 février 2018.

Le fait que la demande du 20 juin 2018 a été soumise à la ville peu après le jugement d'irrecevabilité et quatre mois après la première décision n'est en soi pas pertinent. En effet, l'autorité administrative peut reconsidérer sa décision en tout temps, y compris durant une procédure de recours voire même pendant le délai de recours (art. 67 al. 2 LPA ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 160 n. 609 ; ATA/1697/2019 du 19 novembre 2019 consid. 1).

Enfin, il sied de mettre en exergue qu'en l'espèce, l'entrée en matière sur la demande de reconsidération facultative soumise par la recourante le 20 juin 2018 ne porte pas atteinte aux droits de tiers qui seraient protégés par la décision en force.

Au vu de ces éléments et contrairement à ce qu'a retenu le TAPI, la ville n'a pas commis un abus de son pouvoir d'appréciation en entrant en matière sur la demande de reconsidération facultative présentée le 20 juin 2018 par la recourante.

Dans ces circonstances, le recours sera admis. Le jugement attaqué sera annulé et la cause sera renvoyée au TAPI afin qu'il traite le fond du litige.

6) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante qui y a conclu, a pris un mandataire et obtient gain de cause. Cette indemnité sera mise à la charge de l'État de Genève (Pouvoir judiciaire ; art. 87 al. 2 LPA), la ville ayant rejoint la recourante quant au motif conduisant à l'admission du recours.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 mai 2019 par Force Promotion SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 mars 2019 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 mars 2019 ;

renvoie le dossier au Tribunal administratif de première instance au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Force Promotion SA, à la charge de l'État de Genève (Pouvoir judiciaire) ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Pierre Carera, avocat de la recourante, à la Ville de Genève, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :