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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4242/2019

ATA/187/2020 du 18.02.2020 ( LOGMT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4242/2019-LOGMT ATA/187/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 février 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre


OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE



EN FAIT

1) Selon contrat de bail du 10 janvier 2005, Monsieur A______ est locataire, depuis le 15 janvier 2005, d'un logement de 1,5 pièce au troisième étage de l'immeuble sis à B______ à Châtelaine. Depuis août 2017, le logement est occupé par l'intéressé et son épouse Madame C______.

L'immeuble dans lequel se situe l'appartement est de catégorie habitation bon marché (ci-après : HBM) au sens de l'art. 16 al. 1 let. a de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 septembre 1977 (LGL - I 4 05).

2) Par courrier du 12 mars 2019, M. A______ a avisé l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) d'une modification de sa situation financière et du fait que le revenu de son ménage atteindrait « le barème de sortie » dès la fin avril 2019, dans la mesure où il venait de conclure un contrat de travail avec la haute école spécialisée bernoise ; selon ce contrat, il était engagé avec effet au 1er avril 2019, pour un salaire mensuel brut de CHF 8'451.-.

3) Par décision du 22 mars 2019, l'OCLPF a astreint M. A______ au paiement d'une surtaxe mensuelle de CHF 520.80, pour la période du 1er avril 2019 au 31 mars 2020, notamment sur la base d'un revenu déterminant unifié total de CHF 77'299.-, réalisé par deux personnes, et d'un taux d'effort légal de 19 %.

Il a été mis au bénéfice d'une remise au sens de la lettre A de la pratique administrative PA/L/026.07, prévoyant que les locataires qui se trouvaient subitement assujettis à une surtaxe massive suite à une augmentation de leurs revenus pouvaient se voir appliquer, durant douze mois au maximum, un taux d'effort en lien avec le taux d'occupation de logement considéré en lieu et place de celui lié au dépassement du barème de sortie.

4) a. Par courriel du 2 avril 2019, M. A______ a demandé au service compétent de corriger sa décision de surtaxe et, partant, d'annuler la facture du 20 mars 2019, au motif que cette dernière devrait prendre effet au 1er mai 2019, premier jour du mois suivant la date de perception de son premier salaire.

b. Par décision du 4 avril 2019, le service compétent a accédé à sa demande et modifié la prise d'effet de la surtaxe mensuelle au 1er mai 2019. La décision n'a pas été contestée et est devenue exécutoire trente jours après sa notification.

5) Par demande du 3 août 2019, M. A______ a sollicité la reconsidération de la décision du 4 avril 2019. Cette dernière renvoyait aux « explications contenues au verso » mais ne renseignait pas clairement sur les critères suivis pour fixer le taux d'effort, mis à part un renvoi à la pratique ; le taux d'effort retenu par le service compétent, de 19 %, ne reposait sur aucune base légale ou réglementaire et la surtaxe qui lui était imposée avait été fixée de manière arbitraire.

L'intéressé faisait valoir qu'à la suite de recherches juridiques effectuées début août 2019 sur le site Internet de ladite autorité, il avait constaté que la situation de l'occupation par deux personnes d'un appartement de 1,5 pièce n'était pas prévue par les textes légaux, notamment le règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), ces derniers prévoyant uniquement l'occupation d'un appartement de 1,5 pièce par une seule personne.

6) Par décision du 14 octobre 2019, l'OCLPF a refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération formée par M. A______.

La décision considérée n'avait pas été querellée dans le délai de trente jours, de sorte qu'elle était entrée en force, et aucun cas de force majeure n'était démontré. Le recourant n'apportait aucun élément nouveau, pertinent et documenté susceptible de reconsidérer l'acte en question. À toutes fins utiles, l'OCLPF lui confirmait que le taux d'effort légal et réglementaire applicable dans son cas était bien de 19 %, dès lors que l'occupation d'un logement de 1,5 pièce par deux personnes correspondait à la let. b de l'art. 30 LGL. De plus, un taux d'effort supérieur l'astreindrait au paiement d'une surtaxe plus élevée. Enfin, le revenu de CHF 1'080.- retenu pour son épouse correspondait aux montants des subsides pour l'assurance-maladie.

7) Par courrier mis à la poste le 15 novembre 2019, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation.

À la fin du mois de juillet 2019, il avait consulté le site Internet de l'autorité et constaté que le RGL n'avait pas prévu qu'un logement de 1,5 pièce soit occupé par une personne ; ainsi « la découverte de l'art. 8 al. 1 RGL » constituait « un élément nouveau » qu'il avait communiqué à l'OCLPF. Il n'était pas possible d'exiger raisonnablement des locataires qu'ils indiquent « à l'autorité les bases légales des décisions à prendre ». En l'espèce, l'autorité qui avait pris une décision irrégulière, sans base légale expresse, pouvait procéder à sa révocation pour établir une situation conforme au droit. La décision attaquée était arbitraire car elle s'écartait du sens clair de la loi, dans la mesure où elle avait fixé le taux d'effort à 19 % pour un logement de 1,5 pièce occupé par deux personnes. Le principe de l'égalité de traitement avait également été violé, l'OCLPF ayant fixé au recourant et à son épouse le même taux d'effort que deux occupants dont le logement avait 2,5 pièces. Enfin, au nom du « principe de la répétition de l'indû », l'État, qui s'était enrichi à ses dépens en exigeant le paiement d'une surtaxe indue, était tenu de rembourser.

8) Le 19 décembre 2019, l'OCLPF a conclu au rejet du recours contre la décision sur demande en reconsidération et à la confirmation de ladite décision.

Il n'était pas contesté que la décision du 4 avril 2019, astreignant le recourant au paiement d'une surtaxe mensuelle, était entrée en force et ne pouvait plus être remise en question par une voie de droit ordinaire. Seule une reconsidération pouvait entrer en ligne de compte, mais le recourant n'avait invoqué aucun fait nouveau ou modification notable des circonstances au sens de l'art. 48 al. 1 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), se limitant à invoquer une « erreur de droit » découverte en août 2019. Or, la voie extraordinaire de la reconsidération ne pouvait être utilisée pour supprimer une éventuelle erreur de droit et remettre en cause une analyse juridique contenue dans une décision entrée en force. Sur le fond, l'argumentation du recourant résultait d'une mauvaise lecture de la législation en matière de surtaxe. Enfin, si le recourant devait persister à s'opposer à la remise consentie par le service compétent, le taux d'effort de 29 %, correspondant au dépassement du barème de sortie, devrait être mis en oeuvre dès le 1er mai 2019 et la surtaxe mensuelle serait ainsi portée à CHF 1'019.15. Partant, aucune violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire ou du principe de l'égalité de traitement n'avait été commise par l'OCLPF.

9) Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions et son argumentation, précisant que son logement ne répondait pas à « un certain nombre de critères », surtout depuis la naissance de son fils.

10) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) a. L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA sont réalisées, soit lorsqu'un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b existe (let. a) ou que les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision (let. b).

b. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 al. 1 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80. al. 1 let. b LPA) ; cette disposition vise uniquement les faits et moyens de preuve qui existaient au moment de la première procédure, mais n'avaient alors pas été soumis au juge (faits nouveaux « anciens » ; ATA/465/2016 du 31 mai 2016 consid. 1c). Sont « nouveaux », au sens de cette disposition, les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/316/2015 du 31 mars 2015 consid. 5e).

La révision ne permet pas de supprimer une erreur de droit, de bénéficier d'une nouvelle interprétation, d'une nouvelle pratique, d'obtenir une nouvelle appréciation de faits connus lors de la décision dont la révision est demandée ou de faire valoir des faits ou des moyens de preuve qui auraient pu ou dû être invoqués dans la procédure ordinaire (ATA/1338/2018 du 11 décembre 2018 ; ATA/465/2016 précité consid. 1d et les références citées).

c. Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1412/2017 du 17 octobre 2017 ; ATA/90/2017 du 3 février 2017 ; ATA/461/2016 du 31 mai 2016). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/598/2016 du 12 juillet 2016 ; ATA/36/2014 du 21 janvier 2014).

d. Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 1417). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417).

e. Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1430). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l'autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l'affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s'agira alors d'une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1431). Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non pas la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1).

3) En l'espèce, le recourant n'a pas contesté la décision du 4 avril 2019 - l'astreignant au paiement d'une surtaxe mensuelle du 1er mai 2019 au 31 mars 2020 -, dans les délais légaux ; cette dernière est donc entrée en force. En conséquence, le délai pour recourir au sens de l'art. 62 LPA étant passé, l'OCLPF ne pouvait traiter le courrier du recourant du 3 août 2019 que comme une demande de reconsidération.

Le recourant allègue que l'intimé n'aurait pas appliqué correctement les dispositions légales pertinentes ; en outre, pour remettre en cause la décision querellée devenue exécutoire, il invoque l'existence d'un fait nouveau, à savoir la découverte, grâce à une recherche juridique effectuée pendant le mois de juillet 2019 sur le site Internet de l'autorité, de l'application du RGL et plus particulièrement de l'art. 8 al. 1, auquel la décision « ne faisait pas référence ».

Or, la prétendue découverte d'une disposition d'un règlement suite à une recherche effectuée sur Internet ne constitue, à l'évidence, pas un fait nouveau au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA. À cela s'ajoute que cette recherche, tardive, aurait pu - et dû - être effectuée en temps voulu pour contester la décision querellée dans les délais légaux. En outre, comme rappelé ci-dessus, la reconsidération, comme la révision, ne permet pas de supprimer une - éventuelle - erreur de droit ou d'obtenir une nouvelle appréciation de faits, dont personne ne conteste en l'espèce qu'ils étaient connus lors de la décision querellée. En réalité, le recourant, qui n'invoque ni réel fait nouveau ni modification notable dans sa situation, ne fait que remettre en cause une décision entrée en force en tentant d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours.

Il s'ensuit que les conditions d'ouverture de la voie de la reconsidération ne sont pas réalisées, faute de faits ou de moyens de preuves nouveaux.

4) En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03 ; ATA/157/2016 du 23 février 2016). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 novembre 2019 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal du logement et de la planification foncière du 14 octobre 2019 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'office cantonal du logement et de la planification foncière.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :