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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4150/2018

ATA/181/2020 du 18.02.2020 ( DELIB ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DÉCISION;ÉLECTION(DROITS POLITIQUES);RÉSULTAT DU VOTE;INSTITUTION DE PRÉVOYANCE DE DROIT PUBLIC;CONSEIL D'ADMINISTRATION;COMPÉTENCE RATIONE MATERIAE;AUTORITÉ JUDICIAIRE(TRIBUNAL);DÉLAI DE RECOURS
Normes : LPA.4.al1; LPA.5; LPA.62.al1; LPA.16
Résumé : Irrecevabilité du recours, pour cause de tardiveté, interjeté contre le résultat de l’élection des représentants du personnel au sein du conseil d’administration d’une institution de prévoyance de droit public.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4150/2018-DELIB ATA/181/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 février 2020

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

CAISSE DE PRÉVOYANCE DES FONCTIONNAIRES DE POLICE ET DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES
représentée par Me Jacques-André Schneider, avocat

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ est fonctionnaire de police au sein du service de la gendarmerie depuis le ______ 2000, et est affilié à la caisse de prévoyance des fonctionnaires de police et des établissements pénitentiaires (ci-après : CP) constituée sous la forme d'un établissement de droit public doté de la personnalité juridique ayant son siège dans le canton de Genève (art. 2 de la loi sur la caisse de prévoyance des fonctionnaires de police et des établissements pénitentiaires du 4 octobre 2013 - LCPFP - B 5 33).

2) Le 4 septembre 2018, le comité de la CP (ci-après : le comité) a convoqué ses membres salariés et pensionnés à une assemblée générale devant se tenir le 25 septembre 2018, en vue de l'élection des représentants des membres salariés et du membre pensionné au comité pour la législature 2019-2023.

3) L'assemblée générale de la CP a eu lieu le 25 septembre 2018. Selon le procès-verbal y relatif, la LCPFP n'avait pas été adaptée à la nouvelle loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05), raison pour laquelle les trois mêmes groupes des représentants des membres salariés avaient été repris, à savoir la gendarmerie, qui comptait neuf cent dix-huit sociétaires actifs assurés auprès de la CP, la police judiciaire, qui en comptait trois cent soixante-deux, et la prison, qui en comptait quatre cent cinquante-deux. Sur les sept sièges des représentants du personnel au sein du comité, trois revenaient à la gendarmerie, deux à la police judiciaire et deux à la prison. Pour l'élection des représentants de la gendarmerie, quatre-vingts bulletins avaient été distribués aux membres de celle-ci. Trois candidats avaient été élus, lesquels avaient récolté respectivement cinquante-cinq, cinquante-cinq et cinquante voix, la quatrième candidate n'ayant pas été élue avec trente et une voix obtenues.

4) Par courrier daté du 31 octobre 2018 et déposé au greffe le lendemain, complété le 12 décembre 2018, M. A______ a recouru auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre le résultat de cette élection, concluant au constat de sa nullité, subsidiairement à son annulation.

Lors de l'assemblée générale de la CP du 25 septembre 2018, à laquelle il avait pris part, la répartition au sein des différents groupes des représentants du personnel avait été modifiée, la gendarmerie ayant perdu un siège au profit du groupe « prison » en raison de la LPol, sans que la LCPFP ait été modifiée, alors que pour l'élection partielle de septembre 2017, le groupe « gendarmerie » comptait encore quatre représentants. Les règles de procédure n'avaient pas non plus été respectées, puisque, d'une part, les candidats eux-mêmes avaient distribué les bulletins de vote, hors la présence d'un organe de contrôle, et que, d'autre part, il était impossible de savoir quel bulletin de quel groupe avait été distribué à qui et combien de bulletins avaient été distribués. Par ailleurs, le résultat de l'élection n'avait donné lieu à aucune publication officielle du Conseil d'État. Il requérait la production, par la CP, de divers documents en lien avec cette élection.

5) Par décision du 26 novembre 2018, la présidence de la chambre constitutionnelle a transmis la cause à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) pour raison de compétence, l'élection en cause n'étant pas une élection populaire.

6) Le 30 janvier 2019, la CP a répondu au recours, concluant à son irrecevabilité et à sa transmission à l'autorité cantonale de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance (ci-après : ASFIP). Sur le fond, il a conclu au rejet du recours et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Dès lors que la CP était soumise à la surveillance de l'ASFIP, cette dernière était seule compétente pour statuer sur la conformité à la loi de l'élection litigieuse. En tout état de cause, le recours était tardif, M. A______ ayant attendu plus d'un mois pour contester le résultat de l'élection à laquelle il avait pris part, alors qu'en matière électorale le principe de célérité imposait d'agir rapidement.

Sur le fond, le législateur n'avait pas adapté la LCPFP à la LPol, de sorte que le comité pouvait maintenir les groupes basés sur la catégorie de personnel initiale en attendant que la loi soit modifiée. La répartition des sept sièges des salariés était faite équitablement au sein de chaque groupe, qui disposait d'office d'un représentant, le solde étant réparti proportionnellement dans les trois groupes. Les règles de procédure avaient également été respectées, puisque, selon sa pratique, chaque membre du comité en activité pour le groupe qu'il représentait distribuait les bulletins de vote aux électeurs de son propre groupe. M. A______ n'avait pas non plus démontré l'existence d'une irrégularité, étant précisé que le résultat du scrutin du groupe « gendarmerie » était clair, les personnes élues ayant récolté près de vingt voix d'avance par rapport à la candidate non élue. En outre, dès lors que la CP n'était pas soumise à la loi sur l'organisation des institutions de droit public du 22 septembre 2017 (LOIDP - A 2 24), c'était en vain que M. A______ estimait que le résultat de l'élection en cause devait faire l'objet d'une publication officielle.

7) Le 14 février 2019, le juge délégué a fixé à M. A______ un délai au 14 mars 2019 pour faire valoir son éventuel droit à la réplique.

8) Le 8 mars 2019, M. A______ a persisté dans les termes de son recours, requérant de la CP la production de différents documents en lien avec l'élection contestée. Il précisait que la CP ne pouvait tirer argument du non-respect du délai de recours, qui ne pouvait exister en l'absence de décision valable. En outre, il lui avait fallu un certain temps pour obtenir des informations du comité, l'entame d'une procédure judiciaire, par laquelle il entendait défendre le bon fonctionnement des institutions, n'étant pas une chose anodine.

9) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) a. La chambre administrative est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Selon l'art. 132 al. 2 LOJ, le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, ainsi que 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Sont réservées les exceptions prévues par la loi.

b. Aux termes de l'art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral, ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l'adoption n'ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (ATA/1813/2019 du 17 décembre 2019 consid. 2b et les références citées).

c. L'art. 5 LPA énumère les autorités administratives dont les décisions sont susceptibles de recours. Parmi celles-ci figurent les institutions, corporations et établissements de droit public (let. f).

d. La chambre administrative a déjà reconnu sa compétence pour connaître d'un recours contre un arrêté du Conseil d'État déclarant inéligible un candidat à l'élection au conseil d'administration des Services industriels de Genève comme représentant du personnel (ATA/121/2013 du 26 février 2013). La chambre administrative a également déclaré recevable devant elle un recours dirigé contre une délibération d'un conseil municipal révoquant le recourant de son mandat de membre du conseil de la Fondation immobilière de la Ville d'Onex et élisant son successeur à ce poste (ATA/714/2013 du 29 octobre 2013). Par une décision du 9 octobre 2015, la présidence de la chambre administrative est entrée en matière sur une requête d'effet suspensif et de mesures provisionnelles assortissant un recours interjeté par-devant cette juridiction contre une décision sur opposition de l'Université de Genève écartant la candidature du recourant à l'élection de la commission du personnel de cet établissement (ATA/1080/2015 du 8 octobre 2015). Récemment, la chambre administrative a également admis sa compétence s'agissant d'informalités ayant entaché l'élection de représentants du personnel au conseil d'administration de la Maison de Vessy, constitué sous la forme d'un établissement de droit public (ATA/997/2019 du 11 juin 2019).

e. En l'espèce, la présente cause a trait au déroulement et au résultat de l'élection des représentants du personnel du groupe « gendarmerie » au sein du comité de la CP, laquelle est constituée sous la forme d'un établissement de droit public (art. 2 al. 1 LCPFP), à savoir une autorité administrative au sens de l'art. 5 let. f LPA. L'issue du vote constitue une décision au sens de l'art. 4 LPA, susceptible de recours, avec laquelle les violations alléguées par le recourant de la procédure des opérations électorales se confond, indépendamment de l'application de l'art. 180 de la loi sur l'exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05) à laquelle la LCPFP ne contient aucun renvoi.

Conformément à la jurisprudence susmentionnée, dans le cadre de laquelle la chambre administrative a admis sa compétence, la chambre constitutionnelle pouvait transmettre à cette dernière le courrier du recourant daté du 31 octobre 2018 mais déposé au greffe le 1er novembre 2018.

L'intimée soutient que l'ASFIP serait seule compétente pour connaître du présent litige. Bien que la CP soit certes soumise à sa surveillance (art. 3 al. 1 LCPFP), rien dans la LCPFP n'indique que l'ASFIP serait compétente pour connaître des litiges en matière d'élections au comité. Cette question peut en tout état de cause souffrir de rester indécise, au regard de ce qui suit.

2) a. Aux termes de l'art. 62 al. 1 LPA, le délai de recours est de trente jours s'il s'agit d'une décision finale ou d'une décision en matière de compétence (let. a) et de six jours en matière de votations et d'élections (let. c).

b. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d'être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n'est par le législateur lui-même. Celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22 consid. 2 p. 24 ; ATA/1157/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2a ; ATA/1595/2017 du 12 décembre 2017 consid. 3a). Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d'égalité de traitement et n'est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).

c. Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l'art. 16 al. 1 2ème phr. LPA. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I 119 ; ATA/85/2020 du 20 janvier 2020 consid. 4).

d. En l'espèce, il ressort des écritures du recourant que celui-ci a pris part à l'assemblée générale du 25 septembre 2018 en sa qualité de membre du personnel de la police affilié à la CP. Il avait ainsi, dès cette date, non seulement connaissance des irrégularités qu'il allègue dans son recours, mais également du résultat du vote pour le groupe « gendarmerie », pour lequel trois représentants salariés au sein du comité ont été élus sur les quatre candidats qui se sont présentés. Ainsi, déposé au guichet de la Cour de droit public de la Cour de justice le 1er novembre 2018 seulement, son recours est tardif. Le recourant se prévaut de l'absence de validation du résultat du scrutin par le Conseil d'État, ce qui n'aurait jamais fait courir le délai de recours. Il perd toutefois de vue que la LCPFP ne prévoit pas une telle validation, ni d'ailleurs aucune publication officielle de l'élection des membres du comité de la CP, étant précisé que la LOIDP ne s'applique pas à la CP, en l'absence de mention expresse de cette institution à l'art. 3 al. 1 LOIDP et de renvoi à la LOIDP dans la loi la régissant, à savoir la LCPFP (art. 3 al. 2 LOIDP).

Le recourant ne fait par ailleurs valoir aucun cas de force majeure, la prise de renseignements auprès de l'intimée ne pouvant pas être assimilée à un tel événement extraordinaire dès lors qu'elle permet parfaitement d'introduire un recours en temps voulu, au besoin en demandant une suspension de l'instance ou un délai pour compléter le recours.

Il s'ensuit que le recours est irrecevable.

3) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge du recourant, sera toutefois allouée à l'intimée, laquelle, représentée par un avocat, a pris des conclusions dans ce sens (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours du 1er novembre 2018 interjeté par Monsieur A______ contre le résultat de l'élection des représentants du personnel au comité de la caisse de prévoyance des fonctionnaires de police et des établissements pénitentiaires du 25 septembre 2018 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à la caisse de prévoyance des fonctionnaires de police et des établissements pénitentiaires, à la charge de Monsieur A______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'à Me Jacques-André SCHNEIDER, avocat de la caisse de prévoyance des fonctionnaires de police et des établissements pénitentiaires.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Cuendet, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :