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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/132/2019

ATA/191/2020 du 18.02.2020 sur JTAPI/724/2019 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 20.03.2020, rendu le 01.05.2020, IRRECEVABLE, 2C_256/2020
Descripteurs : AMENDE;ASSUJETTISSEMENT(IMPÔT);BÉNÉFICE(DROIT FISCAL);CHIFFRE D'AFFAIRES;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE;TAXATION D'OFFICE
Normes : Cst.29.al2; LHID.16.al1; LIFD.57; LIFD.58.al1.letb; LIPM.11; LIPM.12.letd; LIPM.12.leth
Résumé : Lorsque le lien existant entre l’utilisation d’un véhicule de luxe d’une société par un associé gérant et l’acquisition du chiffre d’affaires de celle-ci n’est pas démontré, l’autorité de taxation peut considérer que ce véhicule est utilisé à des fins privées et réintégrer les montants en jeu dans le bénéfice net imposable de la société.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/132/2019-ICCIFD ATA/191/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 février 2020

4ème section

 

dans la cause

 

A______ SÀRL

contre


ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 août 2019 (JTAPI/724/2019)


EN FAIT

1) La société A______ Sàrl (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 12 septembre 2006, ayant son siège au 6, B______, à Genève, a pour but notamment les activités dans les domaines de l'expertise technique, l'achat et la vente de produits de prestige, de luxe ou de tout objet artisanal ou naturel ayant une valeur patrimoniale, artistique, pécuniaire ou historique. Elle a pour seul associé-gérant Monsieur C______, domicilié à l'adresse précitée.

2) Par bordereaux du 2 décembre 2015, entrés en force, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé d'office la société à hauteur de CHF 2'312.05 pour l'impôt communal et cantonal (ci-après : ICC) 2014 et de CHF 986.50 pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2014 sur un bénéfice net imposable de CHF 6'947.- et un capital propre imposable de CHF 36'014.-.

3) Par bordereaux du 8 décembre 2016, entrés en force, l'AFC-GE a taxé d'office la société à hauteur de CHF 2'874.40 pour l'ICC 2015 et de CHF 1'646.- pour l'IFD 2015 sur un bénéfice net imposable de CHF 7'642.- et un capital propre imposable de CHF 36'014.-.

4) Le 29 juin 2017, la société a déposé sa déclaration fiscale 2016 en faisant état d'une perte de CHF 22'127.- et d'un capital propre imposable de CHF 88'638.-.

5) Le 6 juillet 2017, l'AFC-GE a informé la société de l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt pour l'ICC et l'IFD 2014 et 2015, des éléments de bénéfice et de capital n'ayant pas été correctement taxés.

6) Le 8 avril 2018, la société a requis de l'AFC-GE « un dernier délai au 30 juin 2018 pour les rectificatifs et les informations manquantes concernant les exercices 2014, 2015 et 2016 ainsi que pour la remise de la déclaration d'impôts 2017 ».

7) Par bordereaux rectificatifs du 26 juillet 2018, entrés en force, l'AFC-GE a taxé la société à hauteur de CHF 7'865.20, comprenant un rappel d'impôts de CHF 5'513.15, pour l'ICC 2014 et de CHF 2'992.50, comprenant également un rappel d'impôt de CHF 2'006.-, pour l'IFD 2014 sur un bénéfice net imposable de CHF 30'522.- et un capital propre imposable de CHF 43'456.- Le même jour, elle a notifié à la société les bordereaux rectificatifs de l'ICC et l'IFD 2015 respectivement à hauteur de CHF 8'095.70, comprenant un rappel d'impôt de CHF 5'221.30, et de CHF 3'550.-, comprenant un rappel d'impôt de CHF 1'904.-, sur un bénéfice net imposable de CHF 30'046.- et un capital propre imposable de CHF 20'886.-.

Dans son calcul de l'ICC 2014, elle avait tenu compte de la part privée liée à l'utilisation d'un véhicule de luxe de la société par M. C______ à hauteur de CHF 10'358.- et d'un capital propre dissimulé de CHF 23'456.-, et, pour l'IFD 2014, d'une reprise de CHF 10'358.-. S'agissant de la période fiscale 2015, elle avait pris en considération, pour l'ICC et l'IFD, un montant de CHF 17'637.- comme part privée liée à l'utilisation d'un véhicule de luxe de la société par l'associé-gérant.

8) Par bordereaux du 26 juillet 2018, l'AFC-GE a taxé la société pour l'ICC et l'IFD 2016 à hauteur respectivement de CHF 7'362.35 et CHF 2'652.- sur un bénéfice total de CHF 31'292.- et un capital propre imposable de CHF 40'088.- et en retenant une part privée de CHF 17'637.- liée à l'utilisation d'un véhicule de luxe de la société par M. C______.

9) Le 9 novembre 2018, la société a déposé sa déclaration fiscale 2017, en faisant état d'une perte de CHF 88'372.- et d'un capital propre imposable de CHF 62'804.-.

10) Par courrier du 22 novembre 2018, la société a contesté sa taxation et a demandé à l'AFC-GE de réexaminer « 2013-2014-2015-2016 ».

M. C______, malade depuis dix ans, mais diagnostiqué en 2015 seulement et s'occupant tout le temps, en dehors des heures de travail, de ses enfants en bas âge, n'avait pas utilisé les véhicules de la société. Son bureau se trouvait dans une pièce de son appartement. L'intéressé n'avait pas de déplacement à effectuer à des fins professionnelles.

11) Par bordereaux du 30 novembre 2018, l'AFC-GE a taxé la société pour l'ICC et l'IFD 2017 à hauteur respectivement de CHF 339.60 et CHF 0.- sur un bénéfice total nul et un capital propre imposable de CHF 62'804.-. Elle a pris en considération une reprise de CHF 17'637.- liée à l'utilisation privée du véhicule de la société par M. C______.

12) Par courrier du même jour à la société, l'AFC-GE a répondu à celui du 22 novembre 2018 de la société en lui demandant de lui indiquer, s'agissant des périodes fiscales 2014 et 2015, si elle souhaitait entamer une procédure de réclamation ou de reconsidération par l'envoi de son courrier précité et de lui fournir les arguments et les comptes conformes selon la procédure choisie.

La période fiscale 2013 avait été taxée d'office et une décision sur réclamation avait été notifiée le 12 novembre 2014. Les années fiscales 2014 et 2015 avaient fait l'objet de procédure en rappel d'impôts dont les décisions avaient été communiquées le 26 juillet 2018, les taxations d'office initialement émises s'étant avérées insuffisantes à la suite des états financiers découverts.

13) Par décisions sur réclamation du 10 décembre 2018, l'AFC-GE a déclaré irrecevable pour cause de tardivité le courrier précité du 22 novembre 2018, en tant qu'il était considéré comme une réclamation dirigée contre la taxation ICC et IFD 2016. Elle l'a déclaré également comme irrecevable pour la taxation ICC et IFD 2017 faute d'intérêt digne de protection de la société dans la mesure où l'annulation ou la réduction de la reprise précitée n'impliquait pas de diminution des impôts notifiés, la société ayant réalisé un bénéfice net imposable nul pour l'exercice fiscal considéré. La société gardait cependant la possibilité de contester sa taxation par une réclamation dans le cadre de la première période fiscale ultérieure au cours de laquelle elle se verrait notifier à nouveau des impôts sur le bénéfice net imposable, mais au plus tard lors de la période fiscale 2024.

14) Par acte du 10 janvier 2019, la société a recouru contre les « décisions du 10 décembre 2018 concernant les taxations 2014, 2015 et 2016 » auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en contestant l'utilisation de ses véhicules par M. C______.

À l'appui de son recours, elle a produit notamment un certificat médical de M. C______ établi le 24 août 2017 par son médecin traitant.

15) Par jugement du 19 août 2019, le TAPI a déclaré irrecevable le recours de la société, dans la mesure où il concernait l'ICC et l'IFD 2014 et 2015, l'a rejeté en tant qu'il était dirigé contre les décisions sur réclamation relatives à l'ICC et l'IFD 2016 et a constaté la nullité de celles portant sur l'ICC et l'IFD 2017.

L'AFC-GE n'avait, pour les années fiscales 2014 et 2015, pris aucune décision sur reconsidération, ni sur réclamation. Le recours de la société était par conséquent prématuré. Pour la période fiscale 2016, la requête de la société du 22 novembre 2018 devait être considérée comme une demande de réexamen. Néanmoins, faute de motifs d'une reconsidération obligatoire, les bordereaux attaqués, entrés en force, ne pouvaient plus être remis en cause. Aussi, l'AFC-GE n'était pas dans l'obligation d'entrer en matière sur la demande de réexamen de la société. Pour l'année fiscale 2017, la société n'avait pas élevé réclamation contre les bordereaux ICC et IFD du 30 novembre 2018, ceux-ci étant postérieurs à son écriture du 22 novembre 2018. Une telle irrégularité procédurale de la part de l'AFC-GE constituait un motif de nullité des décisions sur réclamation relatives aux bordereaux considérés. La nullité devait être constatée. Néanmoins, la réclamation de la société devait être déclarée irrecevable, l'annulation de la reprise contestée n'ayant aucun impact sur le bénéfice imposable de celle-ci.

16) Par acte expédié le 20 septembre 2019, la société a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, estimant qu'elle n'aurait pas dû être taxée pour les parts privées de ses véhicules et qu'elle avait été forcée à payer un impôt injustifié.

L'AFC-GE lui avait transmis oralement des informations contradictoires par rapport à sa taxation. Les documents envoyés à l'AFC-GE dans le délai prouvant l'absurdité de la taxation des parts privées des véhicules et l'abus de pouvoir de celle-ci n'avaient pas été pris en compte. Elle enverrait à la chambre de céans les preuves de ses allégations.

17) Le 25 septembre 2019, le TAPI a communiqué son dossier sans formuler d'observations.

18) Le 7 octobre 2019, le juge délégué a imparti à la société un délai pour produire les pièces complémentaires annoncées dans son recours, délai prolongé par le juge délégué à la suite d'une requête de l'intéressée.

19) Le 28 octobre 2019, la société a conclu à l'annulation du jugement précité du TAPI et des bordereaux concernés en formulant les griefs de déni de justice formel et de violation de son droit d'être entendu. Elle n'a cependant pas produit les pièces annoncées dans son recours.

S'agissant de la taxation 2016, elle avait certes élevé réclamation après le délai. Toutefois, elle avait fait valoir un empêchement lié à l'état de santé de son associé-gérant. Le TAPI s'était abstenu d'examiner si les conditions de la restitution du délai de réclamation avaient été correctement appliquées par l'AFC-GE. Concernant son droit d'être entendu, les premiers juges avaient analysé le dossier sous l'angle du réexamen, même si aucune des parties n'avait abordé la procédure sous cet aspect. Le TAPI aurait dû dès lors l'interpeller et lui donner l'occasion de faire valoir ses arguments sur cette question de la reconsidération. Il lui avait ainsi privé de la possibilité de faire valoir ses arguments à ce sujet.

20) Le 29 novembre 2019, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le TAPI avait exposé dans son jugement les dispositions applicables à la restitution des délais et n'avait pas retenu l'état de santé de l'intéressé comme un motif d'empêchement justifiant le dépôt tardif de la réclamation. S'agissant de la violation du droit d'être entendu, pour les périodes fiscales 2014 et 2015, elle avait demandé en vain à la société de préciser si son courrier du 22 novembre 2018 constituait une réclamation ou une demande de réexamen. Concernant la période 2016, elle avait considéré le courrier du 22 novembre 2018 comme une réclamation et l'avait déclarée irrecevable dans la mesure où elle était tardive. Devant le TAPI, les parties avaient pu présenter leurs arguments en s'exprimant par écrit au cours d'un double échange d'écritures.

21) Le 10 janvier 2020, la société a persisté dans les termes de son complément du 28 novembre 2019 au recours.

22) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/1790/2019 du 10 décembre 2019 ; ATA/1199/2019 du 30 juillet 2019).

b. L'absence de conclusions ne peut être réparée que dans le délai de recours. Hors ce délai, le fait d'être autorisé à compléter une écriture de recours ne permet pas de suppléer le défaut de conclusions. Partant, des conclusions nouvelles prises au stade de la réplique sont irrecevables (ATA/223/2019 du 5 mars 2019 ; ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018).

c. En l'espèce, la recourante n'a pas, lors de son recours du 20 septembre 2019, pris de conclusions formelles en annulation du jugement attaqué. On comprend toutefois de son écriture qu'elle le conteste, en tant que celui-ci déclare irrecevable et respectivement rejette son recours contre les décisions sur réclamation du 10 décembre 2018.

Le recours est ainsi recevable de ce point de vue également.

En revanche, les conclusions nouvellesformulées par la recourante dans son complément du 28 novembre 2019, à la suite du délai qui lui a été imparti le 7 octobre 2019 par le juge délégué pour produire les pièces complémentaires annoncées dans son écriture, l'ont été hors du délai de recours et sont par conséquent tardives. Elles seront déclarées irrecevables.

3) La recourante reproche au TAPI d'avoir ignoré son grief portant sur la violation des dispositions sur la restitution des délais par l'autorité intimée et d'avoir procédé à l'examen du dossier sous l'angle de la reconsidération alors qu'aucune partie n'avait soulevé cet aspect en cours de procédure. Elle se plaint d'un déni de justice formel et de la violation de son droit d'être entendue.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend le droit d'obtenir une décision motivée (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 129 I 232 consid. 3.2). L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 138 IV 81 consid. 2.2 ; 137 II 266 consid. 3.2). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 136 I 184 consid. 2.2.1). Savoir si la motivation présentée est convaincante est une question distincte de celle du droit à une décision motivée. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée ; la motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 9C_701/2018 du 27 novembre 2018 consid. 5.2). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références citées).

b. Le droit d'être entendu est à la fois une institution servant à l'instruction de la cause et une faculté de la partie, en rapport avec sa personne, de participer au prononcé de décisions qui lèsent sa situation juridique (ATF 126 I 15 consid. 2a.aa ; 124 I 49 consid. 3a ; 124 I 241 consid. 2). Le droit de s'exprimer sur tous les points importants avant qu'une décision ne soit prise s'applique sans restriction pour les questions de fait. Pour ce qui est de la qualification juridique des faits, ce droit ne vaut que lorsqu'une partie change inopinément son point de vue juridique ou lorsque l'autorité a l'intention de s'appuyer sur des arguments juridiques inconnus des parties et dont celles-ci ne pouvaient prévoir l'adoption (ATF 126 I 19 consid. 2c.aa et 2d.bb ; 124 I 49 consid. 3c) ; il faut qu'il s'agisse d'un motif juridique non évoqué, dont aucune des parties ne pouvait supputer la pertinence (arrêts du Tribunal fédéral 8C_670/2017 du 19 juillet 2018 consid. 7.2 ; 8C_484/2017 et 8D_3/2017 du 19 juin 2018 consid. 5.3.1 ; 4A_268/2016 du 14 décembre 2016 consid. 3.1 et les références citées).

c. En l'occurrence, le TAPI a examiné dans le considérant 5 du jugement attaqué la question de la restitution du délai de réclamation en cas d'empêchement dû à une maladie. Il a d'abord rappelé les dispositions applicables en droit fiscal et a ensuite retenu, au sujet de la situation concrète de la recourante, que la maladie de l'associé-gérant telle que constatée dans le certificat médical du 24 août 2017 n'était pas de nature à empêcher celui-ci à gérer la société ni de déposer une réclamation à temps, voire de confier cette tâche à un tiers. Les premiers juges en ont déduit que les motifs d'empêchement justifiant le retard de la réclamation déposée contre la taxation de l'année 2016 n'étaient pas établis.

Dans ces circonstances, le grief de la recourante doit être écarté en tant qu'il porte sur la violation du droit d'être entendu.

Le TAPI a ensuite analysé à partir du considérant 6 la question du réexamen. Pour les périodes fiscales 2014 et 2015, il a retenu que l'autorité intimée avait, dans son courrier du 10 décembre 2018, interpellé la recourante pour lui demander si son courrier du 22 novembre 2018 devait être considéré comme une volonté d'entamer une procédure de réclamation ou de reconsidération. La recourante n'a pas donné suite au courrier de l'autorité intimée. Elle ne peut dès lors au cours de la présente procédure soutenir de bonne foi que le TAPI a traité son dossier sous l'angle de la reconsidération sans lui donner la possibilité de s'exprimer à ce sujet. Ce grief est d'autant plus mal fondé que, dans son courrier du 22 novembre 2018, s'agissant des périodes fiscales 2013, 2014, 2015 et 2016, la recourante utilise le terme de « réexaminer cette taxation ». Ainsi, il ressort du dossier que les parties avaient déjà fait allusion à une procédure de reconsidération, pour ce qui est de l'autorité intimée, et au terme « réexaminer », pour ce qui est de la recourante. En analysant le courrier du 22 novembre 2018 de la société sous l'angle de la reconsidération en tant qu'il porte sur la période fiscale 2016, le TAPI ne s'est pas appuyé sur des arguments juridiques inconnus des parties et dont celles-ci ne pouvaient prévoir l'adoption ou sur un motif juridique non évoqué, dont aucune des parties ne pouvait supputer la pertinence, au sens de la jurisprudence précitée.

Le grief de la recourante sous cet angle doit être également écarté.

4) a. Le litige porte sur le bien-fondé d'une reprise liée à l'utilisation des véhicules de la société à des fins privées de l'associé-gérant durant les années fiscales considérées.

b. Les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/379/2018 du 24 avril 2018 et les références citées).

Le présent litige porte sur les taxations 2014, 2015, 2016 et 2017, tant en matière d'ICC que d'IFD. La cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant ces périodes, à savoir, s'agissant de l'IFD, par les dispositions de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (LIFD - RS 642.11) et pour ce qui est de l'ICC, par celles de la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05) et, depuis le 1er janvier 2002, par la loi de procédure fiscale (LPFisc - D 3 17 ; ATA/1636/2019 du 5 novembre 2019 ; ATA/1270/2017 du 12 septembre 2017).

c. La question étant traitée de manière semblable en droit fédéral et en droit cantonal, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts ICC et IFD, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1 ; 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1).

5) a. Tant pour l'IFD que pour l'ICC, l'impôt sur le bénéfice des personnes morales porte sur le bénéfice net (art. 57 LIFD et 11 LIPM). Au plan fiscal, sont réintégrés au solde du compte de résultat, diminué ou augmenté du solde reporté de l'exercice précédent, tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial, notamment ceux qui ne peuvent pas être considérés comme des charges liées à l'exploitation (art. 58 al. 1 let. b LIFD et 12 let. d LIPM). De même, peuvent être réintégrés au bénéfice net les allocations volontaires à des tiers et les prestations fournissant contrepartie à des tiers ou à des actionnaires de la société (art. 58 al. 1 let. b LIFD et 12 let. h LIPM).

L'art. 12 LIPM, même rédigé différemment, est de même portée que l'art. 58 al. 1 LIFD (ATA/380/2018 du 24 avril 2018 et les arrêts cités). Selon l'art. 12 let. a LIPM, constitue le bénéfice net imposable celui qui résulte du compte de pertes et profits augmenté de certains prélèvements énoncés aux let. b à j de la même disposition.

b. Les cantons doivent imposer l'ensemble du bénéfice net dans lequel doivent notamment être inclus les charges non justifiées par l'usage commercial, portées au débit du compte de résultats, ainsi que les produits et les bénéfices en capital, de liquidation et de réévaluation qui n'ont pas été portés au crédit du compte de résultats (art. 24 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14).

c. Les charges sont justifiées commercialement lorsque les dépenses sont en relation avec l'activité professionnelle. Elles doivent être nécessitées par la marche de la société et ne pas trouver leur contrepartie dans un nouveau poste à l'actif du bilan (ATA/359/2011 du 7 juin 2011 et référence citée).

Les frais professionnels ne sont admis en déduction que s'ils sont justifiés par pièces et que la preuve du lien de causalité avec le bénéfice taxé et le rapport de nécessité est apportée.

d. En matière fiscale, il appartient à l'autorité fiscale de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; 2C_319/2014 du 9 septembre 2014 consid. 2.2 ; ATA/1376/2015 du 21 décembre 2015 et les arrêts cités). Ces règles s'appliquent également à la procédure devant les autorités de recours (arrêt du Tribunal fédéral 2C_47/2009 du 26 mai 2009 consid. 5.4 ; ATA/1376/2015 précité).

En outre, les comptes annuels d'une société doivent observer le principe de la justification (documentation), corollaire du principe de sincérité. L'exactitude de la saisie et le traitement doivent en tout temps permettre un contrôle ultérieur de la comptabilité (arrêt du Tribunal fédéral 2A.461/2001 du 21 février 2002 consid. 2.3 ; Chambre fiduciaire, chambre suisse des experts-comptables, fiduciaires et fiscaux, Manuel suisse d'audit 1998, tome I, ch. 2. 124, p. 17). C'est donc à la société qu'il incombe d'établir que ces charges sont justifiées par l'usage commercial (ATA/272/2008 du 27 mai 2008).

6) En l'espèce, la recourante allègue que son associé-gérant était malade et s'occupait de ses enfants en dehors de son temps de travail durant les périodes fiscales pertinentes, justifiant ainsi que celui-là n'ait pas pu utiliser à des fins privées les véhicules de luxe de la société. Elle n'a cependant pas produit de pièces comptables qui démontrent que la part privée retenue par l'autorité intimée sur l'utilisation de ces véhicules de luxe de la société par l'intéressé était injustifiée. Elle n'a pas articulé de montant précis concernant un client déterminé ou ses propres activités qui démontrent que les sommes retenues par l'autorité intimée ne représentent pas des frais privés que l'associé-gérant a mis à sa charge. Les allégations de la recourante ne sont ainsi pas suffisantes pour établir à satisfaction de droit que l'utilisation de ses véhicules de luxe par son associé-gérant était justifiée par un usage commercial au sens de la jurisprudence précitée, autrement dit par l'acquisition d'un revenu pour elle-même.

La société n'ayant pas apporté la preuve du lien existant entre l'utilisation de ses véhicules de luxe par l'associé-gérant et l'acquisition de son chiffre d'affaires, l'AFC-GE pouvait réintégrer les montants en cause dans le bénéfice net imposable de celle-ci. La recourante n'a par ailleurs pas allégué ni démontré le bénéfice d'un secret professionnel derrière lequel elle pourrait se retrancher pour éviter d'avoir à indiquer à quel client se rapportaient les frais d'utilisation de ses véhicules de luxe comptabilisés dans ses charges (ATA/359/2011 du 7 juin 2011).

Ainsi, la réintégration de l'utilisation des véhicules de luxe de la recourante par l'associé-gérant à des fins privées dans le bénéfice net imposable de celle-ci est conforme au droit.

7) Le TAPI a déclaré irrecevable le recours de la société, dans la mesure où il concernait l'ICC et l'IFD 2014 et 2015, l'a rejeté en tant qu'il était dirigé contre les décisions sur réclamation concernant l'ICC et l'IFD 2016 et a constaté la nullité des décisions sur réclamation portant sur l'ICC et l'IFD 2017.

a. Concernant les années fiscales 2014 et 2015, le TAPI a considéré que l'autorité intimée n'avait pas rendu de décision sur réclamation à ce sujet. Il a retenu que la recourante n'avait pas répondu à la demande de renseignements de l'autorité intimée du 10 décembre 2018 sur la nature de son courrier précité du 22 novembre 2018, soit sur la question de savoir si celui-ci constituait une réclamation ou une demande de réexamen pour ces années-là, les bordereaux correctifs du 26 juillet 2018 étant déjà entrés en force. Dans sa réponse du 18 mars 2019 au TAPI, l'autorité intimée allègue avoir rendu une décision d'irrecevabilité de la réclamation de la recourante concernant les périodes fiscales considérées en raison de la tardiveté de la réclamation. Néanmoins, aucune décision sur réclamation relative à ces années-là ne figure au dossier. Dans ces conditions, la constatation susmentionnée du TAPI n'est pas critiquable.

Devant le TAPI, la recourante justifie le dépôt tardif de sa réclamation contre les bordereaux correctifs du 26 juillet 2018 des années précitées par un empêchement relevant de l'état de santé de son associé-gérant. Elle ne parvient cependant pas, comme déjà retenu dans les considérants précédents, à démontrer à satisfaction de droit que des raisons médicales auraient empêché l'intéressé d'agir au nom de la société ou de confier cette tâche à une tierce personne. En revanche, la recourante reconnait que l'associé-gérant avait pu augmenter son assiduité aux tâches administratives après le 16 juillet 2018, après la naissance de son deuxième enfant, étant rappelé que les bordereaux rectificatifs 2014 et 2015 ont été notifiés à la société le 26 juillet 2018. Ainsi, que la situation de la société soit analysée sous l'angle de l'absence de décision attaquable ou du retard injustifié du dépôt de la réclamation, le recours de celle-ci en tant qu'il concerne les bordereaux rectificatifs ICC et IFD 2014 et 2015 devait être déclaré irrecevable.

Le jugement attaqué est dès lors sur ce point conforme au droit.

b. Pour ce qui est de la période fiscale 2016, l'autorité intimée a notifié à la société les bordereaux rectificatifs de taxation le 26 juillet 2018. Le courrier de la recourante du 22 novembre 2018, considéré comme une réclamation dirigée contre ceux-ci, est tardif. Dans ces circonstances, celle-ci devait être déclarée irrecevable par l'autorité intimée. Appliquant sa jurisprudence constante, le TAPI a considéré le courrier précité comme une demande de réexamen et l'a rejeté en retenant qu'aucun motif de reconsidération obligatoire n'étant avancé par la recourante, l'autorité intimée n'était pas obligée à entrer en matière sur celle-ci. Cette constatation des premiers juges n'est pas critiquable.

c. S'agissant de l'année fiscale 2017, la constatation du TAPI que le courrier du 22 novembre 2018 est antérieure aux bordereaux du 30 novembre 2018 consécutifs à la déclaration fiscale du 9 novembre 2018 de la société s'impose sur la base de la chronologie des faits. Au demeurant, même si le courrier précité devait être considéré comme une réclamation prématurée, celle-ci devait être déclarée sans objet et par conséquent irrecevable, l'autorité intimée ayant admis que pour l'année fiscale 2017 la recourante n'avait réalisé aucun bénéfice net imposable, la question de la réintégration des frais d'utilisation de ses véhicules de luxe à des fins privées de l'associé-gérant ne se posait dès lors pas. Il convient ainsi de constater qu'aucune réclamation n'a été élevée contre ces bordereaux du 30 novembre 2018, de sorte que la décision sur réclamation du 10 décembre 2018 doit être considérée comme nulle. Par économie de procédure, la cause ne sera pas renvoyée à l'autorité intimée pour décision sur réclamation, compte tenu de l'absence d'objet de celle-ci relevée ci-avant, et la recourante disposant comme le mentionne l'autorité intimée dans sa décision du 30 novembre 2018, de la possibilité de contester sa taxation par une réclamation dans le cadre de la première période fiscale ultérieure au cours de laquelle elle se verrait notifier à nouveau des impôts sur le bénéfice net imposable, mais au plus tard lors de la période fiscale 2024.

Le jugement du TAPI est aussi conforme au droit sur cet aspect également.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA)

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 septembre 2019 par A______ Sàrl contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 août 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ Sàrl un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ Sàrl, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :