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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2614/2019

ATA/142/2020 du 11.02.2020 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;POLICE;LOI SUR LA POLICE;PROCÉDURE PÉNALE;ENQUÊTE ADMINISTRATIVE;MESURE DISCIPLINAIRE;SANCTION ADMINISTRATIVE
Normes : aLPol.37.al6; LPol.18.al1; LPol.36.al3; LPol.65; ROPol.21.leta
Résumé : Confirmation de la réduction de traitement de 5 % pour une durée d'un an d'un gendarme ayant été condamné pénalement pour abus d'autorité. La sanction disciplinaire n'était pas prescrite bien que les faits aient eu lieu presque cinq ans auparavant. En effet, le Conseil d'État n'avait pris connaissance des faits reprochés que lors de la réception de la copie de la procédure pénale par la commandante, soit moins d'un an après la découverte des faits.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2614/2019-FPUBL ATA/142/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 février 2020

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assaël, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) Monsieur A______ a été engagé en qualité de gendarme le 1er septembre 2013 et a été confirmé dans cette fonction le 1er septembre 2014. Il a été nommé appointé dès le 1er septembre 2018.

Durant sa carrière, M. A______ a fait l'objet de plusieurs félicitations. Par ailleurs, ses évaluations périodiques ont toutes été très positives.

2) Le 20 octobre 2014, Monsieur B______, gendarme, a, sur demande du capitaine C______, rédigé une note résumant les problèmes auxquels il avait été confronté lors de son stage. Il avait préalablement parlé desdits problèmes le 15 octobre 2014, lorsqu'il était venu signer son évaluation.

Dans cette note, il mentionnait plusieurs complexes de faits. Plus particulièrement et s'agissant de la nuit du 9 au 10 juin 2014, il affirmait qu'alors qu'il patrouillait avec MM. D______ et A______, ils avaient procédé au contrôle d'un individu « de couleur noire » qui leur avait présenté une carte d'identité portugaise. M. D______ « ne sachant que faire avec lui une fois au poste » avait pris la décision de l'emmener dans les bois, pour une raison qu'il ignorait. Une fois descendu de la voiture, M. D______ avait demandé à cet individu de le suivre en lui disant qu'il lui rendrait sa pièce d'identité. Ce dernier avait paniqué et commencé à crier en disant « qu'on allait le tuer ». M. D______ avait « directement effectué un contrôle du cou sur celui-ci, pour qu'il arrête de crier, et l'a[vait] amené au sol. Il a[vait] ensuite profité pour lui donner quelques coups de poing dans les côtes (...) » ; ils étaient tous deux partis en le laissant sur place.

3) Le 21 octobre 2014, M. B______ a envoyé un courriel au conseiller d'État en charge du département de la sécurité, devenu depuis lors le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : le département ou DSES), avec copie à la cheffe de la police (devenue depuis commandante), mentionnant comme objet « grave affaire de service ». Il y a joint sa note de service au capitaine C______.

M. B______ mentionnait qu'il avait effectué son stage au poste de E______ et que, lors de son évaluation, il lui avait été reproché plusieurs lacunes, dont celle de ne pas avoir su s'adapter et s'intégrer dans le groupe. Lors de la convocation à son évaluation, il s'était senti tenu d'expliquer à son supérieur la raison de cette non-intégration, à savoir que « les collègues de ce groupe avaient une fâcheuse tendance à frapper un certain type de prévenus et à les humilier ». Par la suite, le capitaine C______ lui avait demandé d'établir une note de service, ce qui avait été difficile compte tenu du temps écoulé ; ainsi, tout ce qu'il avait vu n'avait « pas pu être relaté de manière exhaustive ». Il affirmait qu'en aucun cas il n'avait voulu faire de délation, car il ne s'en sentait pas le courage, en raison de son statut de stagiaire et « pour avoir personnellement vécu ce genre de problématique au travers de son père ». Il a également fait état de son mal-être lorsqu'il s'était retrouvé confronté à cette même problématique et confessait qu'il avait songé à démissionner.

4) Le 22 octobre 2014, M. C______ a établi une note à la commandante, intitulée « Dénonciation d'un collaborateur à l'encontre de collègues, agissements pouvant relever du code pénal ».

Le 17 octobre 2014, il avait donné l'ordre à M. B______ de réaliser une note signée. Suite à cette dernière, il avait convoqué plusieurs gendarmes mis en cause, dont M. D______, et les avait informés que plusieurs personnes les avaient dénoncés pour des faits qui étaient contraires à l'éthique. Ces derniers avaient été « surpris et ne comprenaient pas ». La note concluait : « Les faits mentionnés dans la note du gendarme B______ sont particulièrement importants. C'est pourquoi cette note est réalisée à l'attention de Madame la cheffe de la police afin d'y donner la suite qu'il convient ».

5) Le 27 octobre 2014, à la suite de la note de M. B______, la commandante a dénoncé les faits au Procureur général, visant des membres du groupe D du poste de police de E______.

La dénonciation précisait : « Dans la nuit du 9 au 10 juin 2014, alors qu'il se trouvait en patrouille avec le gendarme D______, ils auraient procédé au contrôle d'un individu détenteur d'une carte identité portugaise. Le gendarme D______ aurait alors pris la décision de l'emmener dans les bois sis à côté du parc de Vessy. Une fois descendu du véhicule, il lui aurait demandé de le suivre en lui indiquant qu'il lui rendrait sa pièce d'identité. L'individu aurait alors paniqué et se serait mis à crier en disant qu'ils "allaient le tuer", son collègue aurait alors directement effectué un contrôle du cou avant de l'emmener au sol et de lui infliger des coups de poing dans les côtes. Puis ils seraient partis, laissant l'individu sur place ». Selon la commandante, ces faits pouvaient être constitutifs d'un abus d'autorité, subsidiairement de séquestration.

6) Le Procureur général a ouvert une information pénale et transmis le dossier à l'inspection générale des services (ci-après : IGS), qui a rendu plusieurs rapports.

a. Selon le rapport du 22 décembre 2014, l'extraction des horaires du groupe D de E______ avait permis de constater que M. A______, gendarme, avait effectué un stage au sein de ce groupe, du 1er septembre 2013 au 1er septembre 2014, mais qu'il n'avait jamais été cité dans les diverses notes. Il n'avait pas non plus été entendu par M. C______.

S'agissant des faits des 9 et 10 juin 2014, les inscriptions au journal avaient permis de déterminer qu'un individu s'était légitimé au moyen d'une carte d'identité portugaise. L'intervention avait été inscrite par M. A______ le 10 juin 2014 à 04h00, avec mention des collègues MM. B______ et D______. En conclusion de ce rapport, l'IGS sollicitait notamment l'audition de M. A______ qui avait été stagiaire du même groupe durant un an et « faisait équipe lors des événements No 3 (déplacement à Vessy) et No 4 ».

b. Le 23 mars 2015, M. B______ a été entendu par le Procureur général. Il a confirmé la teneur de sa note du 20 octobre 2014. S'agissant des faits des 9 et 10 juin 2014, M. A______ était présent mais il ne l'avait pas mentionné car il n'avait pris part à aucun des comportements dénoncés. Il a précisé qu'ils étaient descendus sur le chemin qui conduisait aux tennis de Vessy et que M. D______ s'était éloigné en disant à l'individu de le suivre et qu'il lui rendrait sa pièce d'identité mais, comme ce dernier ne bougeait pas, lui-même l'avait saisi par le bras puis lâché parce qu'il paniquait. M. D______ lui avait alors fait un « contrôle du cou » par derrière, l'avait amené au sol puis lui avait donné deux ou trois coups de poing dans les côtes. Il n'avait pas trouvé cela normal mais n'avait rien fait. M. A______ n'avait rien fait non plus mais « semblait trouver cela normal ».

c. Selon le rapport du 20 juin 2015, MM. B______ et A______ ont été entendus en tant que témoins, respectivement les 29 avril et 7 mai 2015. Il apparaissait des contradictions entre leurs déclarations.

M. B______ a déclaré qu'il avait vu M. D______ donner trois ou quatre coups de poing, précisant qu'il avait un genou sur lui et le frappait au niveau des côtes. M. A______ s'était occupé de la partie informatique de l'affaire et n'avait eu aucun rôle actif, étant uniquement spectateur.

M. A______ a indiqué qu'il ne comprenait pas l'écrit de son collègue. Il a déclaré, s'agissant des faits des 9 et 10 juin 2014, qu'après un contrôle d'un individu, ils avaient décidé de le ramener à son domicile dans le but de voir où il logeait ; constatant très rapidement qu'il n'habitait pas dans le secteur de Carouge et qu'il hésitait sur la direction à prendre, les trois policiers avaient décidé de le déposer sur le bas-côté de la route. L'individu ne voulant pas descendre du véhicule, M. D______ l'en avait extrait avant que tous repartent. Il n'avait pas vu son collègue, ni donner des coups, ni procéder à un étranglement, précisant qu'il n'avait pas une vision sur le prévenu en tout temps.

d. Le rapport du 9 octobre 2015 indiquait que plusieurs policiers avaient été auditionnés, dont M. D______. Ce dernier, entendu le 4 septembre 2015 en qualité de prévenu, a tout d'abord déclaré ne plus se souvenir des faits du 10 juin 2014. Il a ensuite expliqué avoir relâché le prévenu après son contrôle, puis, comme M. B______ et lui l'avaient vu sur le trottoir, ils l'avaient pris dans le véhicule pour le ramener à son domicile. L'individu les avait baladés dans Carouge puis, arrivés à un endroit où il n'y avait plus d'habitation vers l'arrêt de bus de Vessy, M. D______ avait demandé à M. B______ de le sortir du véhicule. Devant son refus, il avait effectué une clé de bras et l'avait extrait de la voiture. M. D______ a finalement admis s'être rendu aux tennis qui se trouvaient au bord de l'Arve où ils avaient déposé l'individu. Le même jour, entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements, il a déposé plainte contre M. B______ pour dénonciation calomnieuse.

L'IGS mentionnait que MM. D______ et A______ avaient une version opposée à celle de M. B______ sur les points suivants : le lieu, les coordonnées et le déroulement des faits.

7) Par mandat d'actes d'enquête des 10 et 27 avril 2015, le Ministère public a ordonné à l'IGS d'entendre M. A______. Celui-ci a déclaré que lors de sa patrouille avec ses deux collègues la nuit du 9 au 10 juin 2014, ils avaient interpellé Monsieur F______ et avaient décidé de le raccompagner à son domicile après les contrôles d'usage. Ce dernier les avait promenés dans tout Carouge. Alors qu'ils arrivaient au Bout-du-Monde, les policiers avaient compris qu'il ne disait pas la vérité au sujet de son domicile et l'avaient déposé au tennis. M. F______ n'avait pas voulu descendre du véhicule car il n'habitait pas à cet endroit. M. A______ avait vu M. D______ sortir de la voiture et extraire M. F______. Il n'avait pas vu de coups portés à M. F______ et ne l'avait d'ailleurs pas tout le temps en vue. M. A______ ne se souvenait plus qui avait eu l'idée de se rendre vers les tennis et d'y déposer M. F______.

Dans une seconde comparution, il a affirmé qu'ils avaient déposé M. F______ sur le parking des tennis de Vessy « probablement pour l'emmerder ». Lors du dépôt de celui-ci, M. A______ ne s'était pas retourné et avait continué à regarder dans son rétroviseur. M. A______ n'avait pas protesté contre ce qui s'était passé.

8) Le 11 décembre 2017, le Procureur général a rendu une ordonnance de classement partiel pour tous les faits reprochés aux prévenus à l'exception des faits du 10 juin 2014.

9) Le 13 mars 2018, le Ministère public a procédé à une inspection des lieux et à une reconstitution. Bien que les lieux aient subi des modifications depuis le 10 juin 2014, il en ressortait que M. A______ ne pouvait plus voir dans son rétroviseur ses collègues et M. F______ une fois ces derniers se trouvant à environ trois mètres derrière le véhicule de service.

10) Le 16 mars 2018, l'IGS a établi un dernier rapport. Selon les déclarations faites par les divers protagonistes, M. F______ avait été contrôlé dans les locaux du poste E______, puis, après avoir été une première fois élargi, il avait finalement été conduit aux tennis de Vessy, avait été sorti du véhicule de police, avait reçu des coups de poing donnés par le Sergent D______. La personne interpellée avait finalement été abandonnée sur place par le précité, MM. A______ et B______.

M. D______ était cité dans le rapport à titre de prévenu, M. B______ l'était comme dénonciateur et M. A______ comme témoin.

11) Le 29 mai 2018, le Ministère public a rendu une ordonnance d'extension de l'instruction pénale afin d'étendre l'instruction contre M. A______ pour abus d'autorité.

12) Le 31 mai 2018, l'IGS a demandé l'autorisation de transmettre une copie du rapport d'enquête et de tout autre document pertinent à la commandante « afin qu'elle puisse se déterminer sur l'ouverture d'enquêtes administratives ». En effet, des éléments susceptibles d'avoir des conséquences disciplinaires et/ou administratives à l'encontre du ou des collaborateurs concernés avaient été constatés dans le cadre de l'enquête menée.

Le collaborateur concerné était M. D______.

13) Le 2 juillet 2018, le Procureur général a apposé son « n'empêche ».

14) Le 18 juillet 2018, la commandante a reçu une copie de la procédure pénale.

15) Par ordonnance pénale du 26 février 2019, M. A______ a été reconnu coupable d'abus d'autorité pour avoir, de concert avec son collègue M. D______, pris la décision de conduire M. F______ et de l'abandonner au petit matin, dans un lieu isolé, loin de toute habitation, au lieu de le libérer au poste de police après les contrôles d'usage, et ce dans le seul but de lui nuire.

Le 7 mars 2019, M. A______ a formé opposition contre cette ordonnance.

16) Par arrêté du 12 mars 2019, le département a ouvert une enquête administrative à l'encontre de M. A______, afin de faire toute la lumière sur les manquements qui lui étaient reprochés.

17) Le 9 avril 2019, M. A______ a été entendu par Monsieur G______, enquêteur dans la procédure administrative. L'intéressé a confirmé les déclarations faites lors de son audition par l'IGS et le Procureur général. Il a réitéré ses explications sur le déroulement des faits du 10 juin 2014.

Par ailleurs, il a admis et expliqué une erreur qu'il avait commise en introduisant l'identité de M. F______ dans la main courante électronique. L'individu n'avait pas été « élargi des locaux » après le contrôle de son identité contrairement à ce qui figurait dans la main courante. Il a précisé que c'était la première fois qu'il agissait ainsi et qu'il n'était pas usuel de procéder de la sorte. Il ne se souvenait ni de l'itinéraire suivi avec la voiture de fonction qu'il conduisait, ni qui avait décidé d'emmener et de laisser M. F______ à Vessy. M. A______ a affirmé assumer « cette décision comme une décision de notre groupe de trois en patrouille, nonobstant le fait qu'il n'était que stagiaire ». Néanmoins, il a émis des regrets quant au comportement adopté ce soir-là.

18) Le 29 avril 2019, l'enquêteur a rendu son rapport d'enquête administrative à l'encontre de M. A______. Dans ses conclusions, il a retenu que les faits mentionnés dans l'ordonnance pénale du Ministère public du 26 février 2019 pouvaient être considérés comme clairement avérés et que le comportement du prévenu était indéniablement contraire à ses devoirs de policier.

19) Le 31 mai 2019, M. A______ a fait valoir ses observations suite au rapport d'enquête administrative. Il contestait le rapport, en ce qu'il divergeait de ses déclarations, notamment celles faites à l'enquêteur le 9 avril 2019. M. A______ était resté au volant de la voiture et n'avait pas vu ce qui s'était passé, au moment où M. F______ en était sorti. Il ne pouvait pas être associé aux agissements de ses collègues. Par ailleurs, il maintenait que lui et ses deux coéquipiers avaient recherché le domicile de la victime tout en admettant l'avoir déposée à Vessy « probablement pour l'emmerder ».

20) Par arrêté du 6 juin 2019, le département a prononcé une réduction de traitement de 5 % pour une durée d'un an à l'encontre de M. A______.

L'enquête avait confirmé que l'administré, alors gendarme en stage, conduisait le véhicule de service duquel la victime avait été sortie, puis laissée à proximité des terrains de tennis de Vessy. Il avait affirmé que la décision était collective, respectivement qu'il était d'accord avec la manière d'agir de M. D______. Il était inadmissible qu'un policier se permette d'abandonner une personne placée sous son autorité et sa responsabilité en pleine nuit, peu importait les soupçons de commission d'infraction portant sur elle, dans un endroit isolé, en lieu et place de l'élargir des locaux de la police, et ce dans le seul but de « l'emmerder ». Le comportement de l'intéressé était d'autant plus intolérable qu'il avait été commis à l'égard d'une personne en situation de faiblesse, peu encline à se plaindre ou à se défendre en raison des activités potentiellement illicites auxquelles elle s'adonnait.

Par ailleurs, les faits avaient été en partie niés par M. A______ puisqu'il avait persisté à alléguer avoir eu l'intention de raccompagner la victime chez elle et que cette dernière les avait « baladés » dans tout Carouge. Or, les relevés du système de localisation carloc (ci-après : les relevés carloc) et les allégations de M. B______ démontraient au contraire que le véhicule s'était rapidement rendu à proximité des terrains de tennis de Vessy, sans s'attarder à chercher le domicile du lésé.

Les violations commises avaient donné lieu à une ordonnance pénale du 26 février 2019 déclarant M. A______ coupable d'abus d'autorité.

Enfin, M. A______ avait intentionnellement complété la main courante de manière incorrecte en mentionnant que la victime avait été élargie des locaux, après les contrôles d'identité, alors que tel n'avait pas été le cas.

La faute devait être relativisée car il était stagiaire au moment des faits et il lui était sans doute difficile de s'opposer aux agissements de M. D______. M. B______ avait d'ailleurs précisé que son rôle avait essentiellement été passif. Enfin, les faits s'étaient déroulés il y a près de cinq ans et aucun problème de comportement depuis lors ne s'était produit.

21) Par acte mis à la poste le 8 juillet 2019, M. A______ a recouru à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ledit arrêté concluant principalement à son annulation et à la constatation de la prescription de l'action disciplinaire.

C'était suite à la note très détaillée du 20 octobre 2014 que la commandante avait eu connaissance des faits du 10 juin 2014. Elle avait dénoncé les faits au Ministère public. Elle avait même qualifié les faits d'abus d'autorité, subsidiairement de séquestration, considérant ainsi qu'il y avait eu une violation des devoirs de service. Cependant, ce n'était que quatre ans et neuf mois plus tard que l'enquête administrative avait été ouverte par le DSES. Ainsi, la prescription annuelle était largement acquise.

Bien que la note susmentionnée ainsi que la dénonciation de la commandante du 27 octobre 2014 ne visassent pas M. A______, il fallait retenir que les faits survenus le 10 juin 2014 étaient prescrits et qu'il eût été facile à M. C______ et à la commandante de vérifier qui était cette nuit-là avec MM. B______ et D______. Enfin, le fait que ces deux documents ne mentionnaient pas M. A______ ne pouvait pas péjorer son cas relativement à la prescription de ses actes en matière de sanction administrative.

La prescription quinquennale était également donnée même si l'arrêté querellé lui était parvenu trois jours avant l'échéance des cinq ans. « En effet, dans la mesure où le recours à la chambre administrative [était] une voie ordinaire, qui a[vait] un effet suspensif, c'[était] l'arrêt de celle-ci qui serait déterminant ».

Si la prescription n'était pas acquise, il convenait de retenir que la sanction infligée était disproportionnée. Il s'agissait de la troisième sanction la plus grave, parmi les cinq prévues par la loi. L'autorité intimée n'avait pas pris en compte la circonstance atténuante du temps écoulé selon l'art. 48 let. e du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Enfin, bien que le DSES ait considéré que la faute du recourant devait être relativisée, la sanction prononcée correspondait à une faute importante et non à une faute relativisée, étant souligné que le comportement du recourant, depuis les faits, était exemplaire. Un blâme devait être prononcé.

22) Dans ses observations du 12 août 2019, le département a conclu au rejet du recours.

M. B______ avait établi une note le 20 octobre 2014, faisant état de nombreux dysfonctionnements impliquant un nombre indéterminé de collègues. Le nom de M. A______ ne ressortait à aucun moment de cette note. Or, les éléments figurant dans cette note, en grande partie contestés par le recourant, ne pouvaient à ce stade être considérés comme constituant des violations des devoirs de service puisqu'ils reposaient sur les seules déclarations d'un collaborateur ayant quitté la police et nécessitaient une instruction conséquente : il convenait de déterminer les personnes présentes pour chaque événement, les entendre et rassembler les pièces. La commandante avait ainsi dénoncé les faits au Procureur général et l'employeur n'avait pas eu d'autre choix que d'attendre que ce dernier lui accorde un « n'empêche », comme cela était l'usage, afin d'avoir accès au dossier et de pouvoir prendre toutes les mesures utiles ; il n'était pas possible d'instruire parallèlement à la procédure pénale en cours, sauf à risquer de mettre à mal le bon avancement de celle-ci ou pire, de commettre une entrave à l'action pénale.

Pour toutes ces raisons, la commandante pouvait, au plus tôt, considérer que M. A______ avait violé ses devoirs service, en prenant connaissance des pièces émanant de la procédure pénale transmises par le Procureur général, suite au « N'empêche » du 3 juillet 2018, étant précisé qu'à cette date M. A______ n'était pas encore prévenu d'une quelconque infraction pénale. La commandante avait transmis la copie de la procédure pénale le 18 juillet 2018. Le chef du DSES, seul compétent pour prononcer une réduction de traitement, avait eu connaissance des violations des devoirs de service, au moment où il avait signé un arrêté d'ouverture d'enquête administrative, soit le 12 mars 2019. Le délai avait donc commencé à courir à cette dernière date. Par ailleurs, ce délai avait été interrompu par l'ouverture de l'enquête administrative, notifiée à l'administré le 19 mars 2019. Par conséquent, la prescription relative n'était pas atteinte au moment où la sanction administrative avait été prononcée.

La prescription absolue n'était pas acquise indépendamment de son interruption par l'ouverture de l'enquête administrative. La décision litigieuse avait été notifiée dans un délai inférieur à cinq ans, seule la date de la notification étant déterminante.

Enfin, la sanction était proportionnée. Les violations commises étaient graves et portaient sévèrement atteinte à l'image de l'État. Le comportement de M. A______ était d'autant plus intolérable qu'il l'avait commis à l'égard d'une personne en situation de faiblesse. Les faits avaient été longuement niés par le recourant. Sa faute devait être considérée comme lourde et avait donné lieu à une ordonnance pénale. Le temps écoulé, ses bons états de service, l'absence d'antécédents disciplinaires, son statut de stagiaire au moment des faits et l'expression de ses regrets avaient conduit son employeur à renoncer à une sanction plus lourde. La réduction de traitement de 5 %, prononcée pour un an, était proportionnée au vu du catalogue des sanctions prévues par la loi qui ne prévoyait ni de limite dans le temps, ni de taux maximum.

23) Le 16 septembre 2019, le recourant a émis ses observations. Il réitérait le fait qu'en qualifiant les actes décrits dans la note du 20 octobre 2014 d'abus d'autorité, subsidiairement de séquestration, la commandante avait considéré qu'il y avait une violation des devoirs de service. En ouvrant l'enquête administrative que quatre ans et neuf mois plus tard, la prescription était acquise.

24) Le 15 novembre 2019, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

M. A______ admettait avoir fait partie des deux personnes ayant pris M. F______ dans un véhicule de police et l'avoir déposé près des tennis de Vessy. Il avait commis une infraction d'abus d'autorité mais contestait l'amende au Tribunal de police. L'audience devait se tenir le 2 décembre 2019. Il n'avait pas extrait, ni frappé M. F______. Il ne se souvenait plus qui avait pris la décision de le faire. Actuellement, il était toujours gendarme et n'avait jamais eu d'autres problèmes.

Il contestait la réduction de son salaire, plus particulièrement le pourcentage et la durée, dans la décision litigieuse du 6 juin 2019.

Les parties ont émis le souhait de se prononcer une fois le jugement du Tribunal de police rendu.

25) En date du 2 décembre 2019, M. A______ a informé la chambre de céans avoir retiré l'opposition contre l'ordonnance pénale du 26 février 2019.

26) Le 16 décembre 2019, le département a persisté dans ses conclusions et observé que l'ordonnance pénale du 26 février 2019 condamnant M. A______ pour abus d'autorité était à présent définitive et exécutoire.

27) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Fonctionnaire de police, le recourant a été soumis à la loi sur la police du 26 octobre 1957 (aLPol) et à son règlement d'application du 25 juin 2008 (aRPol). Depuis le 1er mai 2016, il est soumis à la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05), qui a abrogé l'aLPol (art. 65 LPol), au règlement sur l'organisation de la police du 16 mars 2016 (ROPol - F 1 05.01), lequel a abrogé l'aRPol (art. 21 let. a ROPol), ainsi qu'au règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 (RGPPol - F 1 05.07). La loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) est également applicable, sous réserve des dispositions particulières de la LPol, respectivement de l'aLPol (art. 18 al. 1 LPol ; art. 1 al. 1 let. b LPAC ; art. 26 aLPol avant le 1er mai 2016).

b. D'une manière générale, s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent. En matière de sanction disciplinaire, le nouveau droit s'applique s'il est plus favorable à la personne incriminée, selon le principe de la lex mitior (ATA/631/2017 du 6 juin 2017 consid. 4b ; ATA/446/2013 du 30 juillet 2013 consid. 11 et les références citées).

c. En l'occurrence, les événements ayant conduit à la sanction litigieuse étant survenus le 10 juin 2014, soit avant le 1er mai 2016, c'est l'aLPol ainsi que l'aRPol qui s'appliquent, à moins que la LPol ne soit plus favorable.

En revanche, la compétence pour prononcer la sanction disciplinaire est régie par le droit en vigueur au moment où celle-ci est prononcée. Dans le cas présent, le chef du département est compétent pour prononcer une réduction de traitement de 5 % pour une durée d'un an, en application de l'art. 37 al. 2 LPol.

3) Le recourant fait tout d'abord valoir la prescription de l'action disciplinaire, les faits s'étant déroulés le 10 juin 2014 et l'enquête administrative ayant été ouverte le 12 mars 2019.

4) Est en l'espèce litigieux le dies a quo du délai de prescription.

a. Selon l'art. 37 al. 6 aLPol, la responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la découverte de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue, le cas échéant, pendant la durée de l'enquête administrative.

Le nouveau droit prévoit un régime quelque peu différent : la prescription est suspendue pendant la durée de l'enquête administrative ou de l'éventuelle procédure pénale portant sur les mêmes faits (art. 36 al. 3 LPol). Le nouveau droit étant moins favorable au recourant en tant que la prescription est automatiquement interrompue par l'ouverture d'une procédure pénale, il ne peut s'appliquer en tant que lex mitior et c'est donc l'ancien droit qui s'applique, ce que les parties ne contestent pas.

b. Concernant le dies a quo du délai de prescription, l'art. 37 al. 6 aLPol ne précise pas qui doit avoir eu connaissance de la violation et à partir de quand celle-ci doit être considérée comme étant « découverte » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_621/2015 du 13 juin 2016 consid. 2.4, qui confirme l'ATA/652/2015 du 23 juin 2015).

c. La chambre de céans a jugé de manière constante, dans des affaires où un fonctionnaire de police avait été sanctionné d'un blâme ou de services hors tours, que l'art. 37 al. 6 aLPol, dont la teneur est identique à l'art. 27 al. 7 LPAC, faisait référence à la connaissance des faits par la cheffe de la police - la commandante, compétente pour prononcer le blâme et les services hors tour (art. 36 al. 2 aLPol) (ATA/435/2018 du 8 mai 2018 consid. 7b ; ATA/652/2015 précité consid. 7 ; ATA/747/2014 du 23 septembre 2014 consid. 4b ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 9 ; ATA/679/2009 du 22 décembre 2009). En l'espèce, il y a lieu d'appliquer ce même principe mutatis mutandis pour le conseiller d'État chargé du département, ce dernier étant compétent pour infliger une réduction de traitement de 5 % pour une durée d'un an.

Le Tribunal fédéral a rappelé qu'il n'est pas insoutenable de considérer que le délai d'une année de l'art. 37 al. 6 aLPol commence à courir à partir seulement du moment où l'autorité compétente pour infliger la peine disciplinaire apprend elle-même l'existence d'une violation des devoirs de service. À la nécessité pour l'administration d'agir sans retard, on peut opposer, de manière défendable, que la prescription d'un an ne peut pas dépendre du seul comportement du supérieur hiérarchique, qui peut commettre une erreur d'appréciation sur la gravité des faits ou qui, pour d'autres motifs, tarderait à informer l'autorité compétente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_621/2015 précité consid. 2.5).

d. Concernant la « date de la découverte », la chambre administrative a retenu, dans le cadre d'un accident de la circulation, que la commandante n'avait eu connaissance des circonstances de l'accident de la circulation et partant des violations aux devoirs de service que lors de la réception du rapport d'accident, le rapport de renseignement établi précédemment ne comportant que des informations principalement relatives à la vitesse du véhicule (ATA/94/2013 précité). De même, concernant des notes de frais établies sans droit par un cadre de la police, ce dernier avait été sanctionné par la commandante. La date de la découverte de la violation des devoirs de service correspondait à celle de la réception du rapport d'enquête administrative de l'IGS ayant permis à la cheffe de la police de prendre connaissance des faits reprochés (ATA/667/2010 du 28 septembre 2010). Dans une affaire d'homicide par négligence et d'omission de porter secours, la chambre administrative a considéré que c'était à la réception de l'acte (en l'occurrence un prononcé de la chambre d'accusation) ayant permis à la commandante de « découvrir » la violation des devoirs de service que la date de la découverte devait être arrêtée (ATA/679/2009 précité). Enfin, dans un arrêt rendu le 2 juillet 2019 (ATA/1118/2019 du 2 juillet 2019), la chambre administrative a retenu que, s'agissant d'un acte d'excès de vitesse commis par un gendarme, la violation des devoirs de service n'avait été portée à la connaissance de l'autorité compétente qu'à la réception par la commandante de l'ordonnance pénale.

À l'inverse, s'agissant d'un policier qui n'était pas en service et qui roulait en état d'ébriété sur l'autoroute, la chambre de céans a jugé que la prescription était atteinte dès lors qu'un an avant le prononcé de la sanction, l'accident du recourant avait eu lieu et ses circonstances avaient été connues de la police dès ce moment, l'intéressé en ayant informé le commandant de la gendarmerie. De plus, tant l'ordonnance de condamnation du Procureur général que la décision de retrait de permis de conduire étaient définitifs (ATA/27/2012 du 17 janvier 2012 consid. 4).

Récemment, la chambre administrative s'est prononcée sur le cas d'un gendarme, collègue du recourant, auquel il était reproché le même complexe de fait datant du même jour et une infraction pénale identique. La chambre administrative est parvenue à la conclusion que l'action était prescrite dans la mesure où la commandante avait repris une note, dans sa dénonciation au Ministère public, mentionnant expressément et dès le début de l'enquête le nom du collègue du recourant, soit en octobre 2014. La prescription était atteinte dès lors que l'enquête administrative avait été ouverte le 22 novembre 2018, soit plusieurs années après la connaissance des faits constitutifs d'une violation des devoirs de service du policier (ATA/1581/2019 du 29 octobre 2019 consid. 6b).

5) a. En l'espèce, le département a ouvert une enquête administrative à l'encontre du recourant le 12 mars 2019. En conséquence, la question litigieuse consiste à déterminer quels faits le chef du département connaissait le 12 mars 2018 au plus tard, autrement dit s'il avait « connaissance de la violation des devoirs de service » avant la transmission de la copie de la procédure pénale le 18 juillet 2018.

D'une part, la chambre administrative relève que, par note du 20 octobre 2014, M. B______ a résumé à l'attention de son supérieur des faits précis s'agissant de la nuit du 9 au 10 juin 2014, affirmant que, lors d'une patrouille ayant abouti au contrôle d'un individu, son collègue, M. D______ avait pris la décision de l'emmener dans les bois, lui avait demandé de le suivre puis avait effectué un « contrôle du cou », l'avait amené au sol puis lui avait donné quelques coups de poing dans les côtes, avant de le laisser seul sur place. Son supérieur ayant immédiatement pris ces faits au sérieux, il lui avait demandé une note écrite et signée, qui avait ensuite été reprise et transmise à l'attention de la commandante, le 22 octobre 2014 avec l'intitulé « Dénonciation d'un collaborateur à l'encontre de collègues, agissements pouvant relever du code pénal ». Après audition de certains gendarmes mis en cause, qui s'étaient déclarés surpris d'être accusés de tels faits, le supérieur avait néanmoins conclu que les faits étaient « particulièrement importants », raison pour laquelle la note a été transmise à la commandante afin qu'elle lui donne la suite qu'il convenait.

Le 27 octobre 2014, la commandante a dénoncé les faits au Procureur général, précisant qu'ils pouvaient être constitutifs d'un abus d'autorité, subsidiairement de séquestration. Elle a repris la description faite par le dénonciateur, mentionnant que le recourant, en compagnie de collègues, après avoir procédé au contrôle d'un prévenu, « (...) aurait alors pris la décision de l'emmener dans les bois sis à côté du parc de Vessy. Une fois descendu du véhicule, il lui aurait demandé de le suivre en lui indiquant qu'il lui rendrait sa pièce d'identité. L'individu aurait alors paniqué et se serait mis à crier en disant qu'ils « allaient le tuer », son collègue aurait alors directement effectué un contrôle du cou avant de l'emmener au sol et de lui infliger des coups de poing dans les côtes. Puis ils seraient partis, laissant l'individu sur place ».

D'autre part, il y a lieu de relever que, parallèlement à cette procédure « officielle », le dénonciateur a envoyé un courriel directement au chef du département le 21 octobre 2014. Il y relatait des faits graves commis par certains collègues et y joignait, en document attaché, sa note du 20 octobre 2014.

Par conséquent, il est établi que le conseiller d'État était en possession des mêmes éléments que la commandante en octobre 2014.

Néanmoins, il convient de préciser qu'aucun des quatre documents susmentionnés (note du dénonciateur, courriel de ce dernier au conseiller d'État, note du supérieur et dénonciation au Procureur général) ne mentionnait pas le recourant, également présent cette nuit-là, au contraire de son collègue dont le cas a fait l'objet de l'ATA/1581/2019.

b. Reste à déterminer le moment où la commandante et le conseiller d'État ont connu la « violation des devoirs de service » par le recourant.

À ce sujet, la chambre de céans considère que le cas d'espèce présente des différences par rapport à l'ATA/1581/2019. En effet, dans le cas précité il était établi que la commandante et le conseiller d'État avaient eu connaissance des faits justifiant une sanction disciplinaire en octobre 2014 à l'encontre du collègue en question.

En revanche dans le cas d'espèce, le Conseil d'État a eu connaissance de l'implication du recourant au plus tôt le 18 juillet 2018 lors de la réception par la commandante d'une copie de la procédure pénale. En effet, auparavant, ni la commandante, ni le conseiller d'État n'avaient eu accès, ni pris connaissance de l'enquête devant l'IGS. Ils ne connaissaient pas le contenu des déclarations de l'intéressé lors de ses auditions, ni des raisons pour lesquelles l'IGS était « remonté » jusqu'au recourant.

Ainsi, c'est suite à la prise de connaissance de la procédure pénale en date du 18 juillet 2018 que le département a pu ouvrir une enquête administrative à l'encontre du recourant, en date du 26 février 2019. L'arrêté querellé prononcé le 6 juin 2019 par le Conseil d'État a ainsi été rendu dans un délai de onze mois et douze jours, soit moins d'un an après la découverte des faits. Il s'ensuit que la responsabilité disciplinaire de l'intéressé pour les faits du 10 juin 2014 n'était pas prescrite.

Par conséquent, au moment de l'ouverture de l'enquête administrative le 12 mars 2019, l'action disciplinaire n'était pas prescrite non plus.

Par ailleurs, les faits reprochés ayant eu lieu le 10 juin 2014, la prescription absolue de cinq ans arrivait à échéance le 10 juin 2019. La sanction disciplinaire ayant été prononcée le 6 juin 2019, la prescription absolue n'était pas acquise.

Le grief sera donc rejeté.

6) Le recourant, qui ne conteste pas les manquements retenus à son encontre, fait ensuite valoir que la sanction infligée est disproportionnée.

a. Aux termes de l'art. 36 al. 1 LPol - qui correspond en substance à l'art. 36 al. 1 aLPol -, selon la gravité de la faute, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent être infligées au personnel de la police : a) le blâme ; b) les services hors tour ; c) la réduction de traitement pour une durée déterminée ; d) la dégradation pour une durée déterminée - alors que l'art. 36 al. 1 aLPol ne mentionnait aucune limite de temps - ; e) la révocation.

b. L'autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATA/118/2016 du 9 février 2016 consid. 3a ; ATA/94/2013 précité consid. 15 et la jurisprudence citée).

c. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a eu l'occasion de se prononcer comme suit s'agissant des services hors tour et de la dégradation, se trouvant dans le catalogue des sanctions respectivement avant et après la sanction litigieuse :

- quatre services hors tours ont été considérés comme peu sévères, dans la mesure où l'auteur des faits était le supérieur hiérarchique des policiers ayant portés à la connaissance de leur hiérarchie les faits litigieux, alors qu'il lui incombait de donner l'exemple. Il lui était reproché de s'en être pris à une personne détenue à l'égard de laquelle il se trouvait en position de garant, dans une situation où il n'y avait aucun motif (ATA/652/2015 précité) ;

- neuf services hors tours avaient été jugés cléments par la chambre de céans dans le cas d'un policier qui avait porté plusieurs coups de pied à un prévenu placé sous sa protection, coups qui avaient laissé des rougeurs et des éraflures. Le policier avait également forcé un joueur de bonneteau à avaler une boulette de papier, le menaçant de la lui faire avaler s'il ne le faisait pas lui-même. Il avait enfin donné de légers coups de pied, puis tiré l'oreille d'un individu qui dormait dans un parc. La sanction était clémente, même si l'intéressé avait connu des moments difficiles, tant sur le plan privé que professionnel, avait reconnu les faits qui lui étaient reprochés, avait pris des mesures pour éviter de les commettre à nouveau, n'avait pas d'antécédents et avait plusieurs fois exprimé des regrets (ATA/267/2013 du 30 avril 2013) ;

- une sanction disciplinaire de quatre services hors tour avait été jugée très légère au vu de la gravité de l'infraction à l'encontre d'un sous-brigadier ayant été condamné par la justice pénale pour un abus d'autorité et un faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques (ATA/435/2018 précité) ;

- la dégradation d'un brigadier-chef de groupe était considérée comme proportionnée étant donné les propos violents tenus par celui-ci dans le cadre de blogs publiés concernant une procédure pénale genevoise. Il avait également induit en erreur le coordinateur sécurité réseau des TPG afin d'obtenir des images de vidéosurveillance qu'il savait n'avoir pas le droit de visionner. Ses fautes devaient être considérées comme particulièrement graves d'autant plus au vu de ses antécédents ainsi que de la mise en garde de la commandante (ATA/105/2018 du 6 février 2018).

d. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre de céans se limite à l'excès ou à l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/118/2016 précité consid. 3a ; ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 consid. 16 et les références citées).

7) En l'espèce, les faits figurant dans l'ordonnance pénale du 26 février 2019 ne sont pas contestés par l'administré.

Le recourant a intentionnellement complété la main courante de manière incorrecte en mentionnant que la personne interpellée avait été élargie des locaux, après les contrôles d'identité, alors que tel n'était pas le cas. Par ailleurs, il a, dans un premier temps, en partie nié les faits puisqu'il a persisté à alléguer avoir eu l'intention de raccompagner la victime chez elle et que cette dernière les avait « baladé » dans tout Carouge. Or, les relevés carloc et les allégations du dénonciateur démontraient au contraire que le véhicule s'était rapidement rendu à proximité des terrains de tennis de Vessy, sans s'attarder à chercher le domicile du lésé. Quant à la prise de décision, il ne savait plus qui avait décidé de l'emmener et de le laisser à Vessy et a soutenu assumer « cette décision comme une décision de notre groupe de trois en patrouille, nonobstant le fait qu'il n'était que stagiaire ». Par conséquent, le recourant ne s'est jamais distancié du comportement de son collègue précité bien qu'il ait admis qu'il n'était pas usuel de procéder de la sorte et qu'il ait émis des regrets quant au comportement adopté ce soir-là.

Compte tenu de ces considérations, il faut admettre qu'au vu de la faute commise par le recourant, à savoir un abus d'autorité commis dans l'exercice de fonctions publiques, la sanction prononcée est proportionnée aux buts d'intérêt public visés, soit la protection des personnes se trouvant sous l'autorité des policiers, le bon fonctionnement du corps de police et la confiance que doivent pouvoir placer les citoyens dans les représentants de l'ordre. L'autorité n'a pas abusé de son large pouvoir d'appréciation en infligeant une réduction de traitement de 5 % pour une durée d'un an, la disposition n'énonçant pas de limite dans la durée ou dans le pourcentage. Quand bien même l'intéressé n'avait pas d'antécédents et était stagiaire au moment des faits, cette sanction apparaît proportionnée au vu de la gravité de l'infraction commise et de son comportement lors de la procédure.

En conséquence, le recours sera rejeté.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 juillet 2019 par Monsieur A______ contre le décision du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé du 6 juin 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assaël, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de l'emploi et de la santé.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin et Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :