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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3879/2019

ATA/110/2020 du 03.02.2020 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3879/2019-FPUBL ATA/110/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 3 février 2020

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Nathalie Bornoz, avocate

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 



Attendu, en fait, que :

1) Madame A______, née en 1985, juriste de formation, a été engagée par l'Université de Genève (ci-après : l'université) au sein de la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation (ci-après : la faculté) en tant que commise administrative 6/adjointe au décanat (classe maximum 18), à un taux d'activité de 80 % et avec une entrée en fonction le 1er septembre 2017. Le doyen était alors le Professeur B______.

2) L'analyse de prestations à trois mois, réalisée le 21 novembre 2017, a fait état d'une complète adéquation au poste et d'une poursuite sans réserve des rapports de service.

Il en est allé de même de la deuxième analyse de prestations, à un an, réalisée le 4 juin 2018.

3) La Professeure C______ est devenue doyenne de la faculté, et ainsi supérieure hiérarchique de Mme A______ le 15 juillet 2018.

4) Madame D______ a été nommée comme administratrice de la faculté, prenant ses fonctions le 1er décembre 2018.

5) Un entretien s'est tenu le 7 décembre 2018, en présence de Mmes A______, C______, D______ et d'une déléguée des ressources humaines (ci-après : RH).

6) Le 26 mars 2019, Mme A______ a pris contact avec le groupe de confiance de l'État de Genève.

7) Le 15 avril 2019, Mme A______ s'est vu remettre une convocation à un entretien de service fixé le 29 avril 2019, en même temps qu'elle se faisait remettre le compte rendu de l'entretien du 7 décembre 2018, rédigé par Mme D______.

8) Dès le 16 avril 2019, Mme A______ s'est trouvée en incapacité de travail pour raisons médicales.

9) Le 11 juin 2019, la faculté a engagé une procédure d'entretien de service écrit, écrivant à l'avocate de Mme A______ un courrier contenant notamment divers reproches émis à l'encontre de la précitée. Étaient en particulier relevés un maintien en retrait lors des séances de direction, un signalement des problèmes sans recherche active de solutions, un manque de réactivité souligné par plusieurs professeurs, un manque de suivi des dossiers, ainsi qu'un manque de « support » ressenti par la doyenne.

10) Le 17 juin 2019, Mme A______ a déposé une plainte pour harcèlement psychologique contre Mme D______ auprès du rectorat.

Dès l'entrée en fonction de Mme D______, celle-ci avait exercé sur elle des pressions psychologiques. Lors des séances du vendredi réunissant le décanat et l'administration, Mme D______ la rabaissait systématiquement, dénigrait son point de vue et la contredisait en permanence, cherchant constamment l'affrontement. Mme D______ cherchait en outre à redéfinir informellement le cahier des charges de Mme A______, en la dépossédant notamment de certains dossiers en même temps qu'elle recevait des tâches relevant typiquement de l'administration.

L'entretien de « cadrage » du 7 décembre 2018 présentait un caractère illicite, n'étant prévu par aucun texte, et injustifié voire arbitraire, aucune remarque négative ou critique n'ayant auparavant été formulée à son encontre. Mme D______, qui n'était pas sa supérieure hiérarchique, n'aurait pas dû être conviée à cet entretien, et encore moins en rédiger - plus de quatre mois après sa tenue - le compte rendu. L'entretien lui-même avait été l'occasion de reproches nourris et contradictoires, comme le fait de ne pas avoir participé à une cérémonie dont elle avait pourtant été dispensée, voire incongrus, comme celui de « soucis dans le traitement des postes » alors que cet objet relevait des assistantes de présidence. Mme D______ s'était montrée agressive durant l'entretien. Le compte rendu rédigé quatre mois plus tard contenait au surplus de nombreux éléments ajoutés ou incorrectement rapportés.

À la suite de cet entretien, Mme D______ avait reçu dans son bureau, adjacent au sien, régulièrement et sans discrétion, des collaborateurs de la faculté afin de savoir s'ils avaient des reproches à émettre à son encontre. Elle avait par ailleurs commencé une campagne de médisance à son encontre auprès de la doyenne.

11) Le 9 juillet 2019, le rectorat a classé la plainte du 17 juin 2019.

12) Le 12 août 2019, Mme A______ a formé opposition contre cette décision de classement.

13) Par décision du 17 septembre 2019, le rectorat a rejeté l'opposition.

Il apparaissait en définitive que Mme A______ s'était obstinée à écarter Mme D______, et qu'elle n'avait eu de cesse de refuser de collaborer avec elle, au détriment du bon fonctionnement de la faculté, alors que leur bonne collaboration était nécessaire au bon fonctionnement de la faculté.

S'agissant de l'allégation de mobbing, le rectorat ne pouvait admettre une quelconque marginalisation de Mme A______ par Mme D______, l'inverse étant plutôt vrai. La plainte pour mobbing s'inscrivait en outre dans un contexte où la fin des rapports de travail était envisagée par l'université. Les critiques émises à l'encontre de Mme A______ étaient cependant fondées sur des éléments concrets et formulées avec les égards nécessaires.

La plainte était dès lors classée, et l'opposition rejetée.

14) Par acte déposé le 18 octobre 2019, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours et à ce que la suspension de la procédure parallèle de licenciement à son encontre soit ordonnée, et principalement à l'annulation de la décision attaquée, à ce que le harcèlement psychologique exercé au sein de la faculté sur sa personne soit constaté, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Le recours a été enregistré sous le numéro de procédure A/3879/2019.

15) Le 1er novembre 2019, l'université a conclu à l'irrecevabilité du recours (recte : de la demande de mesures provisionnelles) et au rejet de la demande d'effet suspensif.

16) Par décision du 8 novembre 2019, déclarée exécutoire nonobstant recours, le recteur a rejeté l'opposition de Mme A______ contre la décision de résiliation des rapports de service du 23 août 2019.

La participation de Mme D______ à l'entretien du 7 décembre 2018 et à la procédure d'entretien de service n'emportait pas nullité des décisions prises dans ce contexte. Le droit d'être entendu de Mme A______ avait été respecté.

La décision attaquée avait été prise alors que Mme A______ était encore en période probatoire, et ne consacrait pas d'arbitraire. En effet, différents motifs avaient conduit le rectorat à la prendre, soit le manque de recherches actives d'une solution en cas de problème, l'attitude en retrait lors des séances de direction, l'absence de réponses aux questions complexes qui lui étaient posées, le manque de suivi des dossiers qui relevaient de sa responsabilité, le manque de support (sic) apporté à la doyenne, le refus de collaborer avec l'administration de la faculté et les incompréhensions quant au fonctionnement de la faculté.

17) Le 13 novembre 2019, Mme A______ a déposé des observations au sujet de la prise de position du 1er novembre 2019, faisant usage de son droit à la réplique et persistant dans les termes et conclusions de son acte de recours.

18) Par décision du 21 novembre 2019, la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande de restitution de l'effet suspensif au recours, traitée comme demande de mesures provisionnelles.

19) Par acte déposé le 11 décembre 2019, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision de résiliation des rapports de service du 8 novembre 2019, concluant préalablement à la jonction de la procédure avec la procédure A/3879/2019 et à la restitution de l'effet suspensif au recours, et principalement au constat de la nullité de la résiliation des rapports de service avec réintégration à son poste.

Plusieurs vices graves de procédure rendaient la procédure de licenciement nulle. Ainsi, l'entretien du 7 décembre 2018 aurait-il dû être qualifié d'entretien d'évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP), et dûment rempli et verbalisé. Le complément à l'entretien de service, du 9 juillet 2019, sortait également du cadre procédural applicable. Mme D______ n'aurait pas dû participer à l'entretien de service, car non habilitée à le faire et partiale au vu des comportements qu'elle avait adoptés vis-à-vis de Mme A______, qui les avait dénoncés. Enfin, le fait d'avoir attendu quatre mois pour envoyer à l'intéressée le procès-verbal de l'entretien du 7 décembre 2018, et que ledit procès-verbal ne reflète pas la réalité, constituait enfin une grave violation du droit d'être entendu.

S'agissant de l'effet suspensif, elle disposait d'un intérêt prépondérant manifeste à ce que la décision attaquée ne déploie pas ses effets jusqu'à droit jugé par la chambre administrative. De plus, la privation de tout revenu et de protection sociale dès la fin des rapports de travail constituait un dommage irréparable. Il ne s'agissait pas d'anticiper le jugement définitif, mais de garantir ses revenus dans l'attente du jugement à rendre. Les chances de succès étaient enfin bien réelles.

20) Le 10 janvier 2020, le rectorat, soit pour lui le service juridique de l'université, a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

L'université n'entendait pas poursuivre les relations de travail avec Mme A______, raison pour laquelle elle avait déclaré sa décision exécutoire nonobstant recours.

Mme A______ avait été licenciée alors que sa période probatoire était encore en cours. L'art. 31 al. 2 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), qui permettait à la chambre administrative d'ordonner la réintégration d'un fonctionnaire, ne trouvait dès lors pas application en l'espèce.

Dans cette mesure, s'il devait être fait droit à la requête, la chambre administrative irait au-delà de ses prérogatives sur le fond, ce qui n'était pas possible, et conduisait donc à un rejet de la demande sans avoir à procéder à une pesée d'intérêts.

21) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.

22) Par arrêt du 21 janvier 2020 (ATA/68/2020), la chambre administrative a joint les deux causes précitées sous le numéro de la plus ancienne, soit A/3879/2019.

 

 

Considérant, en droit, que :

1) Prima facie, le recours est recevable (art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La compétence pour ordonner, d'office ou sur requête, des mesures provisionnelles en lien avec un recours appartient au président, respectivement au vice-président, de la chambre administrative (art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 septembre 2017).

3. Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif (art. 66 al. 1 LPA).

L'autorité décisionnaire peut toutefois ordonner l'exécution immédiate de sa propre décision nonobstant recours, tandis que l'autorité judiciaire saisie d'un recours peut, d'office ou sur requête, restituer l'effet suspensif à ce dernier (art. 66 al. 3 LPA).

4. Par ailleurs, selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif - ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, 265).

5. a. La LPAC et sa législation d'application est applicable au personnel administratif et technique de l'université (art. 1 al. 2 let. b LPAC a contrario).

b. Pendant le temps d'essai et la période probatoire, l'autorité compétente peut mettre fin aux rapports de service d'un membre du personnel n'ayant pas qualité de fonctionnaire après l'avoir entendu et lui avoir communiqué s'il le requérait, le motif de la résiliation (art. 21 al. 1 LPAC et 46A du règlement d'application de la LPAC du 24 février 1999 - RPAC - B 5 05.01).

c. Aux termes de l'art. 17 LPAC, le Conseil d'État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d'administration est l'autorité compétente pour prononcer la fin des rapports de service (al. 1). Selon l'art. 3 al. 1 et 3 du règlement sur le personnel de l'université, du 17 mars 2009, c'est pour le personnel de l'université soumis à LPAC le rectorat qui est compétent à chaque fois que la LPAC confère une compétence au Conseil d'État.

d. L'application de l'art. 31 al. 2 LPAC n'entre en considération, conformément à l'art. 21 al. 3 1ère phr. LPAC, que pour un fonctionnaire, mais non lorsque l'agent public a été licencié alors qu'il était encore employé (ATA/153/2016 du 23 février 2016 consid. 13).

6. Dans sa détermination, l'autorité intimée a expressément signifié qu'elle n'entendait pas poursuivre les relations de travail avec la recourante, raison pour laquelle elle avait déclaré sa décision exécutoire nonobstant recours.

De plus, il apparaît à première vue que la recourante a été licenciée alors que sa période probatoire était encore en cours, et qu'elle avait donc encore le statut d'employé, et non de fonctionnaire.

Dès lors, s'il était fait droit à la demande de restitution de l'effet suspensif présentée par la recourante, la chambre administrative rendrait une décision provisoire allant au-delà des compétences qui sont les siennes sur le fond (ATA/411/2018 du 2 mai 2018 consid. 6 ; ATA/42/2014 du 24 janvier 2014; ATA/610/2013 du 16 septembre 2013 consid. 5 ; ATA/182/2012 du 3 avril 2012 consid. 5 ; ATA/341/2009 du 21 juillet 2009 et les références citées), ce qui n'est pas envisageable.

7. La demande de restitution de l'effet suspensif sera dès lors rejetée, sans qu'il y ait lieu de procéder à une pesée des intérêts en présence.

8. Le sort des frais de la procédure est réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l'effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110),  la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Nathalie Bornoz, avocate de la recourante ainsi qu'à l'Université de Genève.

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :