Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3029/2019

ATA/87/2020 du 28.01.2020 ( NAT ) , REJETE

Descripteurs : ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ;DROIT DE CITÉ;LÉGALITÉ;NATIONALITÉ SUISSE;NATURALISATION;PROTECTION DE L'UNION CONJUGALE;SUSPENSION DE LA PROCÉDURE;SUSPENSION DE LA VIE COMMUNE
Normes : aLN.12.al1; aLN.12.al2; aLN.14; aLN.15.al3; aLN.15.al4; aLN.41; LNat.14.al4; LNat.14.al6; LNat.15; LNat.18.al1; LNat.18.al4; LNat.24; LNat.25.al5.letb; LNat.35; RNat.11.al1; RNat.11.al2.leta
Résumé : Lorsque les conjoints forment simultanément une demande d’autorisation de naturalisation et que l’un remplit les conditions requises, un séjour de cinq ans, dont l’année qui précède la requête, suffit à l’autre s’il vit en communauté conjugale avec son conjoint depuis trois ans. Il en est de même pour le requérant dont le conjoint a déjà été naturalisé à titre individuel. Le candidat à la naturalisation doit collaborer à l’enquête, en fournissant les renseignements utiles sur les faits qui motivent sa demande et en produisant les pièces y relatives qui sont en sa possession. Il est notamment tenu d’informer le service compétent de tout changement survenant dans sa situation économique et familiale durant la procédure. La découverte par l’autorité d’une séparation entre les conjoints intervenue peu après la décision de naturalisation entraine l’ouverture d’une procédure pouvant aboutir à l’annulation de la naturalisation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3029/2019-NAT ATA/87/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 janvier 2020

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Laurence Mizrahi, avocate

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1984 à B______ à Cuba, pays dont il est originaire, est arrivé en Suisse le 13 août 2009 pour rejoindre son épouse, Madame C______, née le ______ 1987, à la suite de leur mariage célébré à La Havane, le ______ 2009.

2) Mme C______ a été naturalisée le 19 mars 2012.

3) a. Le 14 janvier 2015, M. A______ a rempli le formulaire de demande de naturalisation suisse et genevoise pour la commune de Satigny, reçu le 16 juin 2015 au service cantonal des naturalisations (ci-après : SN) de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) du département de la sécurité et de l'économie, devenu le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : DSES).

L'intéressé avait mentionné sur le formulaire précité son souhait de « venir s'établir en Suisse et plus particulièrement à Genève, parce que ma femme habite là et je suis venu pour être ensemble et même temps former une famille ».

b. Le6 juillet 2015, M. A______ a introduit auprès du SN sa demande de naturalisation suisse et genevoise pour la commune de Satigny, accompagnée des documents d'usage.

4) a. Le 4 août 2015, le SN a établi un rapport d'enquête au sujet de l'intéressé.

Selon ce rapport, la demande de M. A______ était motivée par sa volonté de se sentir davantage intégré en Suisse et d'être en adéquation avec sa famille, qui avait été déjà naturalisée en 2012.

b. Le 12 août 2015, le SN a rendu un préavis favorable au sujet de la naturalisation de M. A______.

5) Par délibération du 22 septembre 2015, l'autorité municipale de la commune de Satigny a accepté la naturalisation genevoise de M. A______.

6) Le 8 janvier 2016, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a délivré à l'intéressé une autorisation fédérale de naturalisation.

D'après le courrier de transmission de celle-ci, il ne s'agissait pas encore d'une naturalisation définitive. La procédure continuait au niveau cantonal et communal.

7) Par arrêté du 23 mars 2016, le Conseil d'État a accordé à M. A______ la citoyenneté genevoise pour la commune de Satigny.

L'acquisition de celle-ci prenait effet à la date de la prestation de serment.

8) Le 11 avril 2016, le service administratif et ressources humaines du DSES a invité l'intéressé à payer un émolument de chancellerie et de certificat de naturalisation.

La demande de l'intéressé avait fait l'objet d'une décision positive du Conseil d'État. Afin de procéder à son assermentation, il devait effectuer le versement demandé. Après le paiement, il serait invité à prêter serment en qualité de citoyen suisse et genevois.

9) En juillet 2016, Mme C______ a, avec les deux enfants du couple, D______, né le ______ 2010, et E______, né le ______ 2012, quitté le domicile conjugal pour aller vivre chez sa mère.

10) Le 2 août 2016, M. A______ a reçu du SN une invitation à prêter serment le 29 août 2016.

Sa procédure de naturalisation arrivant à son terme, il était invité à se présenter devant le Conseil d'État pour prêter serment en qualité de citoyen suisse et genevois.

11) Le 4 août 2016, Mme C______ a adressé au Tribunal de première instance (ci-après : TPI) une requête en mesures protectrices de l'union conjugale (ci-après : MPUC).

Elle avait été victime de violences de la part de son époux et avait déposé une plainte pénale.

12) a. Le 16 août 2016, par courriel, le SN a informé M. A______ de l'annulation de l'invitation à la prestation de serment du 29 août 2016.

Le service avait, le 15 août 2016, reçu de Mme C______ sa requête de MPUC.

b. Le même jour, M. A______ a, également par courriel, répondu « ne pas être au courant de ce qui se passe et du contenu du dossier en question ».

Il était prêt à déclarer la vérité à tout moment devant les autorités compétentes. Pour lui, il s'agissait d'une manipulation d'information.

13) Le 1er septembre 2016, le SN a établi un rapport complémentaire au sujet de l'intéressé.

14) Le 12 février 2017, M. A______ a quitté le domicile conjugal au profit de son épouse et de leurs deux enfants.

15) a. Par jugement du 15 mars 2017 (JTPI/3759/2017), le TPI a autorisé les époux à vivre séparés.

Ces derniers s'étaient séparés au mois de juillet 2016, Mme C______ quittant le domicile conjugal avec ses deux enfants pour se loger temporairement chez sa mère. L'intéressé avait finalement quitté le domicile conjugal au mois de février 2016 (recte : 2017), permettant aux siens de le réintégrer. Pour lui, l'intérêt supérieur de ses enfants imposait la réintégration de ces derniers dans celui-ci.

b. Par arrêt du 31 octobre 2017 (ACJC/1374/2017), la chambre civile de la Cour de justice a admis partiellement le recours de M. A______ contre le jugement précité au sujet des contributions d'entretien fixées en faveur de ses enfants et a confirmé celui-ci pour le surplus.

Mme C______ soutenait avoir, depuis 2009, été victime de violences répétées de la part de son époux qui contestait ces faits.

16) a. Par ordonnance de classement du 18 juillet 2017 (P/1______/2016), le Ministère public a mis fin à la procédure pénale dirigée par Mme C______ contre son époux.

Mme C______ avait déposé plainte pénale à la suite des faits survenus le 2 août 2016. Selon celle-ci, le couple avait rencontré de fortes tensions depuis de nombreuses années, durant lesquelles l'intéressé s'était montré violent à plusieurs reprises. Elle lui reprochait de l'avoir agressée physiquement à des dates indéterminées, y compris lorsqu'elle était enceinte. Les versions des parties étaient contradictoires. Le Ministère public ne disposait d'aucun moyen de preuve justifiant l'ouverture d'une enquête pénale pour voies de fait.

b. Lors de son audition du 18 novembre 2016 devant le Ministère public, M. A______ a contesté la majeure partie des faits qui lui étaient reprochés par son épouse. Selon lui, la plaignante était une manipulatrice qui le provoquait constamment. Il tentait néanmoins de calmer les choses sans violence. Un médiateur appartenant à leur paroisse les aidait à surmonter leurs conflits conjugaux.

17) Le 1er janvier 2018 est entrée en vigueur la nouvelle loi sur la nationalité suisse du 20 juin 2014 (LN - RS 141.0), abrogeant la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse du 29 septembre 1952 (aLN).

18) Le 13 avril 2018, le SN a informé M. A______ de son intention de classer sa procédure de naturalisation.

À la suite des tensions dans le couple, en juillet 2016, son épouse était retournée vivre avec ses enfants chez sa mère. Le TPI avait autorisé les époux à vivre séparés dans un jugement du 15 mars 2017. La jouissance exclusive du domicile conjugal avait été attribuée à l'épouse qui avait la garde des enfants. L'union conjugale n'était ainsi plus stable ni effective depuis juillet 2016. La stabilité et l'effectivité du mariage était une condition sine qua non pour bénéficier de la condition de naturalisation analogue à celle d'une naturalisation facilitée prévue par la législation fédérale. L'intéressé ne remplissait plus cette condition. Il n'avait pas non plus atteint la durée de résidence exigée pour une naturalisation ordinaire, à titre individuel.

19) Le 9 mai 2018, M. A______ s'est opposé au classement de la procédure par le SN et a sollicité une nouvelle date de prestation de serment.

Il considérait avoir d'ores et déjà acquis la naturalisation, les conditions de celle-ci étant réalisées au moment de l'arrêté du 23 mars 2016. Selon ce dernier, l'acquisition prenait effet à la date de la prestation de serment, mais elle n'en constituait pas une condition. Les événements postérieurs au 23 mars 2016 n'étaient pas déterminants et ne pouvaient pas être pris en considération.

20) Le 10 juillet 2018, le SN a accusé réception du courrier du 9 mai 2018 de l'intéressé auquel il envisageait donner une suite ultérieurement.

21) Le 15 octobre 2018, M. A______ a écrit au SN pour rappeler son courrier du 9 mai 2018 resté sans réponse.

22) Le 20 février 2019, le SN a confirmé sa position et a informé l'intéressé de son intention de proposer au Conseil d'État le prononcé d'un arrêté d'annulation.

Selon le jugement du TPI du 15 mars 2017, les époux s'étaient séparés en juillet 2016. L'épouse avait par la suite déposé une requête des MPUC en août 2016. Le TPI avait autorisé les époux à vivre séparés et attribué à Mme C______ la jouissance exclusive du domicile conjugal. Ainsi, l'union conjugale n'était plus stable et effective dès juillet 2016. L'intéressé ne pouvait plus bénéficier des conditions de naturalisation analogues à celles d'une naturalisation facilitée. Il avait en outre violé ses devoirs en omettant d'informer le SN du changement dans sa situation familiale. La procédure de naturalisation de l'intéressé ne s'était pas terminé au moment de l'arrêté du Conseil d'État du 23 mars 2016, mais devait l'être le jour de la prestation de serment. Par ailleurs, l'intéressé ayant obtenu une autorisation de séjour le 13 août 2009 et un permis d'établissement le 12 août 2014, il pouvait déposer une nouvelle demande de naturalisation, à titre individuel, à partir du 13 août 2019.

23) a. Les 27 février et 7 mars 2019, M. A______ a requis du SN une attestation lui permettant, en cas de dépôt d'une nouvelle demande de naturalisation en août 2019, de ne pas devoir refaire les tests de français et de connaissance de la Suisse et les entretiens exigés.

b. Le 12 mars 2019, le SN a informé l'intéressé qu'il n'établissait pas le genre d'attestation demandée.

Celui-ci devait, en cas de nouvelle demande de naturalisation, remplir des formulaires idoines et produire des attestations à jour conformément à la législation applicable.

24) Le 21 mars 2019, M. A______ a de nouveau sollicité la fixation d'une date pour la prestation de serment.

Son union conjugale avait duré jusqu'au 5 août 2016. Le départ de son épouse du domicile conjugal en juillet 2016 n'était pas définitif et n'impliquait pas une séparation. Il n'avait en outre pas à informer le SN au sujet des événements intervenus après l'acquisition de la naturalisation prononcée par arrêté du Conseil d'État du 23 mars 2016. La décision par laquelle le Conseil d'État admettait la demande d'un étranger âgé de plus de 25 ans était définitive.

25) Le 22 mai 2019, M. A______ a, en vue de mettre à jour son dossier de naturalisation, transmis au SN un certificat de bonne vie et moeurs du 16 mai 2019 duquel il ressortait qu'il était de nationalité cubaine et un extrait du casier judiciaire du 13 avril 2019 duquel il ressortait qu'il était détenteur d'un permis d'établissement.

26) Par arrêté du 19 juin 2019, le Conseil d'État a annulé son arrêté du 23 mars 2016 et a déclaré la naturalisation genevoise refusée à M. A______.

L'intéressé remplissait certes les conditions requises pour la naturalisation. Toutefois, lui et son épouse s'étaient séparés peu après l'arrêté du 23 mars 2016, avant la prestation de serment de ce dernier. Il ne pouvait plus dès lors se prévaloir des conditions facilitées de naturalisation prévues par le droit fédéral. Il ne remplissait pas non plus les exigences de résidence. Il avait en outre violé ses devoirs en n'informant pas immédiatement le SN du changement dans sa situation familiale. Dans le canton de Genève, pour un étranger majeur, la procédure de naturalisation se terminait à la date de la prestation de serment. Celle-ci faisait partie de la procédure de naturalisation. Le législateur cantonal avait fait une distinction entre un étranger mineur et un étranger majeur au sujet de la prise d'effet de l'acquisition de la nationalité genevoise. Pour un étranger mineur, l'acquisition de la nationalité prenait effet à la date de l'arrêté du Conseil d'État. Pour un étranger majeur, l'acquisition de la nationalité genevoise prenait effet à la date de la prestation de serment. L'intéressé s'était séparé de son épouse avant la fin de la procédure de naturalisation dans la mesure où il n'avait pas encore prêté serment à ce moment-là. Il ne répondait plus à la condition d'union conjugale stable et effective. La séparation des époux était un fait essentiel dans le cadre d'une naturalisation d'un étranger dont l'exigence de la durée de séjour pour une naturalisation ordinaire, à titre individuel, n'était pas encore acquise. L'intéressé remplirait dès le 13 août 2019 les conditions de résidence qui lui permettraient de déposer, à titre individuel, une nouvelle demande de naturalisation.

27) Entre les 12 et 15 juillet 2019, M. A______ et le SN ont eu des échanges de courriels au sujet d'une éventuelle nouvelle demande de naturalisation de celui-là.

L'intéressé souhaitait savoir si la procédure serait reprise dans son intégralité ou si certaines étapes étaient acquises. Le SN attendait l'entrée en force de l'arrêté d'annulation pour communiquer à ce sujet.

28) Par acte expédié le 21 août 2019, M. A______ a recouru contre l'arrêté d'annulation du 19 juin 2019 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation, à la confirmation de l'arrêté du Conseil d'État du 23 mars 2016 et à l'octroi de la naturalisation. Il a également conclu à ce qu'il soit convoqué pour prêter serment.

L'acquisition de la citoyenneté accordée par l'arrêté du Conseil d'État du 23 mars 2016 était définitive. La procédure de naturalisation s'était terminée au moment du prononcé de cet arrêté. Les effets de la citoyenneté devaient quant à eux commencer dès la participation à la prestation de serment. Cette dernière n'étant soumise à aucun délai, elle ne faisait pas partie de la procédure de naturalisation. La séparation avec Mme C______ avait été définitive en février 2017 au moment de la prise des domiciles séparés par les époux. Elle était intervenue après la date fixée pour la prestation de serment du 29 août 2016. Le Conseil d'État ne pouvait pas prendre en considération des faits postérieurs au 23 mars 2016.

Par ailleurs, le Conseil d'État avait tardé à statuer sur l'annulation de son arrêté précité. Il avait violé ainsi le principe de la célérité. En mars 2017, il était en possession de toutes les informations pertinentes pour se prononcer. Il avait attendu environ deux ans avant de rendre sa décision.

29) Le 22 octobre 2019, le DSES a conclu au rejet du recours.

La prestation de serment n'était pas symbolique, elle n'était pas une simple formalité, mais une étape de procédure indispensable et préalable à l'acquisition de la nationalité. L'effectivité de la naturalisation suisse était conditionnée à l'obligation, pour les candidats majeurs, d'avoir participé à la prestation de serment, respectivement d'avoir prêté serment de respecter notamment la constitution et les lois. L'inscription dans le registre fédéral de l'état civil et dans celui cantonal de la population et la délivrance des documents d'identité suisses s'effectuaient uniquement après la participation du candidat à la prestation de serment. La procédure de naturalisation prenait ainsi fin à ce moment-là. En outre, M. A______ s'était abstenu d'informer le SN au sujet du départ de son épouse du domicile conjugal et du dépôt d'une requête de MPUC par celle-ci. Par ailleurs, la procédure cantonale devait être simple et rapide. Celle de l'intéressé avait duré quatorze mois jusqu'à la date fixée pour la prestation de serment. En qualifiant de définitif l'arrêté de naturalisation du Conseil d'État, le législateur genevois avait voulu uniquement exclure toute demande de reconsidération, seul un recours étant ouvert.

La séparation des époux était intervenue en juillet 2016, quatre mois après l'arrêté du 23 mars 2016. Dès ce moment, la communauté conjugale entre l'intéressé et son épouse n'était plus ni unie ni stable. M. A______ n'avait en outre ni allégué ni démontré l'existence d'un événement extraordinaire à l'origine de la dissolution de la communauté conjugale.

Le SN avait toujours agi avec diligence et n'avait pas violé le principe de célérité. Il avait procédé à une instruction après avoir pris connaissance de la séparation effective des époux. Il avait en outre été tributaire des délais inhérents aux procédures judiciaires engagées par Mme C______.

30) Le 16 décembre 2019, M. A______ a persisté dans les conclusions de son recours.

La procédure de naturalisation prenait fin par le prononcé de l'arrêté de naturalisation du Conseil d'État et non par la prestation de serment. Le moment de l'octroi de la naturalisation ne différait pas selon l'âge des candidats. Seuls les effets de celle-ci différaient, une personne mineure ne pouvant pas prêter serment.

Pour le surplus, il a repris ses arguments antérieurs.

31) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L'entrée en vigueur, le 1er janvier 2018, de la LN a entraîné l'abrogation de l'aLN, conformément à l'art. 49 LN (en relation avec le chiffre I de son annexe). Selon la disposition transitoire figurant à l'art. 50 LN, l'acquisition et la perte de la nationalité suisse sont régies par le droit en vigueur au moment où le fait déterminant s'est produit (al. 1). Les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de ladite loi sont traitées conformément aux dispositions de l'ancien droit jusqu'à ce qu'une décision soit rendue (al. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_464/2019 du 5 décembre 2019 consid. 2.1 ; Céline GUTZWILLER, Droit de la nationalité suisse. Acquisition, perte et perspectives, 2016, p. 100).

La demande de naturalisation du recourant ayant été reçue par l'autorité compétente le 6 juillet 2015, soit avant l'entrée en vigueur de la LN, elle doit être traitée en application de l'ancien droit.

3) Le litige porte sur le bienfondé de la décision du Conseil d'État d'annuler son arrêté du 23 mars 2016 de naturalisation du recourant.

a. En matière de naturalisation (ordinaire) des étrangers par les cantons, la Confédération édicte des dispositions minimales et octroie l'autorisation de naturalisation (art. 38 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Elle dispose d'une compétence concurrente à celle des cantons. Une réinterprétation de cette disposition constitutionnelle implique que la compétence dont dispose la Confédération lui permet de fixer des principes et, ainsi, de prévoir dans la loi des conditions dites « maximales », que les cantons sont tenus de respecter et qu'ils ne peuvent outrepasser. Tel est notamment le cas des règles sur la procédure cantonale de naturalisation (art. 15a à 15c aLN), sur les voies de recours (art. 50 aLN) et sur les émoluments de naturalisation (art. 38 aLN).

Les dispositions de l'aLN contenant des conditions formelles et matérielles minimales en matière de naturalisation ordinaire, les cantons peuvent définir des exigences concrètes en matière de résidence et d'aptitude supplémentaires, en respectant toutefois le droit supérieur, pour autant qu'ils n'entravent pas l'application du droit fédéral, par exemple en posant des exigences élevées au point de compliquer inutilement la naturalisation ou de la rendre tout simplement impossible (ATF 139 I 169 consid. 6.3 ; 138 I 305 consid. 1.4.3 ; 138 I 242 consid. 5.3).

b. Dans la procédure ordinaire de naturalisation, la nationalité suisse s'acquiert par la naturalisation dans un canton et une commune (art. 12 al. 1 aLN). Elle implique pour le candidat l'obtention d'une autorisation fédérale de naturalisation délivrée par l'office compétent (art. 12 al. 2 aLN) et l'octroi de la naturalisation cantonale et communale par les autorités cantonales et communales, en fonction des conditions et des règles de procédure déterminées par la législation du canton concerné (art. 15a al. 1 aLN).

Au niveau fédéral, les conditions de la naturalisation sont énoncées aux art. 14 (conditions d'aptitude, matérielles) et 15 (conditions de résidence, formelles) aLN. Aux termes de l'art. 14 aLN, pour obtenir la nationalité suisse, l'étranger doit en particulier s'être intégré dans la communauté suisse (let. a), s'être accoutumé au mode de vie et aux usages suisses (let. b), se conformer à l'ordre juridique suisse (let. c) et ne pas compromettre la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse (let. d). Selon l'art. 15 al. 3 aLN, lorsque les conjoints forment simultanément une demande d'autorisation et que l'un remplit les conditions prévues aux al. 1 ou 2, un séjour de cinq ans, dont l'année qui précède la requête, suffit à l'autre s'il vit en communauté conjugale avec son conjoint depuis trois ans. Les délais prévus à l'al. 3 s'appliquent également au requérant dont le conjoint a déjà été naturalisé à titre individuel (al. 4).

La notion de communauté conjugale a été définie par rapport à l'art. 27 aLN relatif à la naturalisation facilitée d'un étranger marié avec un ressortissant suisse. La naturalisation facilitée selon cette disposition présuppose que les conjoints vivent dans une communauté conjugale effective, unie et stable, qu'ils vivent ensemble à la même adresse et qu'ils n'ont pas l'intention de se séparer ou de divorcer. L'existence de domiciles séparés est possible, en particulier pour des raisons professionnelles ou de santé ; dans ces cas il faut examiner si la volonté conjugale existe et si elle est orientée vers l'avenir. En cas de divorce avant le dépôt de la demande ou la décision, la communauté conjugale est réputée inexistante. Il en va de même en cas de séparation effective ou judiciaire. Dans les deux cas, les conditions d'une naturalisation facilitée ne sont pas remplies (Manuel du SEM sur la nationalité suisse pour les demandes jusqu'au 31.12.2017 [ci-après : Manuel], ch. 4.6.2 et 4.6.3.4).

Une communauté conjugale au sens de la disposition précitée présuppose par conséquent non seulement l'existence formelle d'un couple, mais aussi une réelle communauté de vie. Or une telle communauté n'est réelle que si la volonté commune d'une communauté conjugale stable est intacte (ATF 130 II 169 consid. 2.3.1 ; Manuel, ch. 6.1.2). Est surtout décisive, la volonté du conjoint naturalisé de mener une vraie vie de couple. Il y a lieu de douter d'une telle volonté lorsqu'une séparation survient ou qu'une demande en divorce est introduite peu de temps après la naturalisation facilitée (ATF 130 II 482 consid. 2 = JdT 2005 I p. 121 ss). Des indices de mariage blanc ou de séparation rendent la naturalisation impossible. Durant une procédure de naturalisation facilitée, les parties ont l'obligation de collaborer en informant spontanément les autorités de tout changement dans leur situation dont elles auraient ou devraient avoir connaissance et qui s'opposerait à une naturalisation facilitée et ce, en sus de leur déclaration sur la volonté de poursuivre leur vie commune (Manuel, ch. 6.2). Il est possible de révoquer une naturalisation avant que la décision y afférente n'entre en force lorsque les conditions pour l'obtenir n'étaient pas remplies. Ensuite, l'annulation conformément à l'art. 41 aLN est la seule possibilité (Manuel, ch. 6.5).

En matière d'annulation d'une naturalisation facilitée, il appartient à l'administration d'examiner si le mariage était effectivement vécu au moment déterminant du dépôt de la requête et de la décision de naturalisation (ATF 130 II 169 consid. 2.3.1 = JdT 2004 I 239 ss). Il s'agit pour l'essentiel de processus d'ordre intime dont l'administration n'a souvent pas connaissance et qui sont difficiles à prouver. L'administration peut dès lors se voir amenée à tirer de faits connus (fondement de la présomption) des conclusions sur des faits inconnus (conclusion de la présomption). Les présomptions de fait peuvent se présenter dans tous les domaines de l'application du droit, notamment aussi en droit public. Il s'agit de déductions fondées sur la probabilité, tirées sur la base de l'expérience de la vie. Il appartient dès lors à l'intéressé, qui n'est pas seulement tenu de collaborer, mais qui, vu les présomptions de fait qui parlent contre lui, a lui-même un intérêt éminent à agir dans ce sens, de renverser la présomption en apportant une preuve contraire, respectivement en faisant valoir des doutes sérieux qui fassent apparaître de façon convaincante (vérifiable) qu'une communauté conjugale prétendument effective et unie encore quelques mois auparavant s'est détériorée dans l'intervalle au point que l'on a abouti à un divorce (ATF 130 II 482 consid. 3.2 = JdT 2005 I p. 121 ss et les références citées).

Toutes les conditions de naturalisation doiventêtre remplies, tant au moment du dépôt de la demande que lors de la délivrance de la décision de naturalisation (ATF 132 II 113 consid 3.1 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; 128 II 97 consid. 3a ; Manuel, ch. 4.7.1).

c. À Genève, le candidat à la naturalisation doit remplir les conditions fixées par le droit fédéral et celles fixées par le droit cantonal (art. 1 let. b de la loi sur la nationalité genevoise du 13 mars 1992 - LNat - A 4 05 ; ATA/1785/2019 du 10 décembre 2019). En vertu de l'art. 54 al. 1 LNat, le Conseil d'État a édicté le règlement d'application de la LNat du 15 juillet 1992 (RNat - A 4 05.01 ; ATA/914/2019 du 21 mai 2019 ; ATA/65/2012 du 31 janvier 2012).

Selon l'art. 14 al. 1 LNat, le Conseil d'État délègue au département chargé d'appliquer la LN la compétence de procéder à une enquête sur la personnalité du candidat et sur celle des membres de sa famille ; il s'assure notamment que les conditions fixées à l'art. 12 aLN sont remplies. Le département chargé de l'application du RNat délègue cette tâche au SN sous réserve des attributions conférées au service d'état civil et légalisations (art. 1 al. 2 RNat).

L'art. 11 RNat, sous l'intitulé, « introduction de la requête », précise l'art. 11 LNat, en mentionnant, à l'alinéa 1, les documents à produire par le requérant. L'art. 11 al. 2 RNat indique que la procédure est engagée notamment si la durée du séjour répond aux normes fédérales et cantonales (let. a).

d. Le candidat à la naturalisation doit collaborer à l'enquête, en fournissant les renseignements utiles sur les faits qui motivent sa demande et en produisant les pièces y relatives qui sont en sa possession (art. 14 al. 4 LNat) ; il est également tenu d'informer le service compétent de tout changement survenant dans sa situation économique et familiale durant la procédure (art. 14 al. 6 LNat).

e. Selon l'art. 15 LNat, l'étranger âgé de moins de 25 ans doit obtenir, sous forme de préavis, le consentement du conseil administratif ou du maire de la commune qu'il a choisie. En cas de préavis négatif, celui-ci est motivé. Le Conseil d'État statue sur l'octroi de la naturalisation par arrêté, après examen du préavis (art. 18 al. 1 LNat). Si le Conseil d'État admet la demande d'un étranger, âgé de plus de 25 ans, sa décision est définitive (art. 18 al. 4 LNat). L'étranger majeur et, le cas échéant, son conjoint ou son partenaire enregistré admis à la naturalisation prêtent publiquement serment devant le Conseil d'État (art. 24 LNat). L'acquisition de la nationalité genevoise prend effet à la date de la prestation de serment pour l'étranger majeur (art. 25 al. 5 let. a LNat) et à la date de l'arrêté du Conseil d'État pour l'étranger mineur (let. b).

Selon le commentaire des art. 24 et 25 du projet de loi proposé lors de la modification de la LNat initiée en 1990, les auteurs de celui-ci ont souhaité aligner la procédure que devaient suivre les candidats âgés de plus de 25 ans sur celle dont bénéficiaient ceux de moins de 25 ans. Un candidat de moins de 25 ans après le préavis communal, adressait une demande à la chancellerie qui aboutissait à une décision du Conseil d'État l'admettant, le cas échéant, directement à la qualité de citoyen suisse. Pour les auteurs du projet de loi, les demandes de naturalisation des candidats âgés de plus de 25 ans ne devaient plus être soumises, en fin de parcours, au Grand Conseil (MGC 1990 40/IV 4923-4952, p. 4936-7).

Toujours dans cette perspective de simplification de la procédure des candidats à la naturalisation de plus de 25 ans, la modification de la LNat de 1991 a proposé de renoncer à la transmission de la décision du conseil municipal approuvée par le Conseil d'État au Grand Conseil qui devait statuer après une visite ou un entretien du candidat avec un député. Un réexamen par le Grand Conseil serait introduit en cas de refus d'approbation de la décision du conseil municipal par le Conseil d'État (MGC 1991 36/V 4374-4424, p. 4402). Pour les auteurs de la modification, la décision de naturalisation devait être prise par le Conseil d'État sous forme d'un arrêté et était définitive, qu'il s'agisse d'un étranger de moins de 25 ans ou de plus de 25 ans, sous réserve d'une demande de réexamen adressée au Conseil d'État afin qu'il la transmette sans délai au Grand Conseil (MGC 1991 36/V 4374-4424, p. 4401-2 et 4409). L'art. 25 qui traitait des effets de la naturalisation n'a pas suscité de commentaires notamment dans son alinéa 3 qui prévoyait que l'acquisition de la nationalité genevoise prenait effet à la date de la prestation de serment pour un étranger majeur et à la date de l'arrêté du Conseil d'État pour un étranger mineur (MGC 1991 36/V 4374-4424, p. 4383).

La modification de la LNat de 1992 a, dans le commentaire de l'art. 18 al. 3 et 4, maintenu la distinction entre les candidats majeurs âgés de moins de 25 ans et ceux de plus de 25 ans. Les deux possibilités étaient traitées dans deux alinéas distincts dans la mesure où seuls les candidats âgés de plus de 25 ans étaient astreints à la taxe d'admission prévue à l'art. 22 de la loi (MGC 1992 9/I 919-990, p. 940). L'art. 25 LNat qui traite des effets de la naturalisation a été adopté sans opposition.

La modification de la LNat de 2017 a abordé la question de la suppression de la taxe de naturalisation en conformité avec l'art. 210 al. 2 phr. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) qui prévoit que la naturalisation ne peut donner lieu qu'à un émolument destiné à la couverture des frais. Selon le texte de l'art. 18 al. 4 LNat en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016, si le Conseil d'État admettait la demande d'un étranger, âgé de plus de 25 ans, sa décision était définitive et il fixait la taxe d'admission prévue à l'art. 22 de la loi. Pour harmoniser l'art. 18 al. 4 LNat avec cette modification, les députés ont supprimé la seconde partie de cette disposition pour l'adapter à l'art. 22 LNat.

Il ressort ainsi des travaux préparatoires des modifications successives de la LNat que la notion de « décision définitive » du Conseil d'État se rapporte à la suppression de la transmission de la décision du conseil municipal approuvée par celui-là au Grand Conseil en vue d'un examen et d'une décision de naturalisation s'agissant des candidats de plus de 25 ans. Ainsi, le législateur genevois a voulu que, à l'instar des candidats de moins de 25 ans, l'arrêté du Conseil d'État de naturalisation admette directement ces derniers à la qualité de citoyens suisses. En revanche, il a réglé dans une disposition distincte, l'art. 25 LNat, le moment des effets de la décision de naturalisation en opérant une distinction entre les candidats majeurs et ceux mineurs.

4) a. Aux termes de l'art. 41 aLN, avec l'assentiment du canton d'origine, le SEM peut annuler la naturalisation ou la réintégration obtenue par des déclarations mensongères ou la dissimulation de faits essentiels (al. 1). La naturalisation ou la réintégration peut être annulée dans un délai de deux ans à compter du jour où le SEM a pris connaissance des faits déterminants, mais au plus tard huit ans après l'octroi de la nationalité suisse. Un nouveau délai de prescription de deux ans commence à courir après tout acte d'instruction communiqué à la personne naturalisée. Les délais sont suspendus pendant la procédure de recours (al. 1bis). Dans les mêmes conditions, la naturalisation accordée conformément aux art. 12 à 17 aLN peut aussi être annulée par l'autorité cantonale (al. 2).

b. Selon l'art. 35 LNat, le Conseil d'État peut, dans les cinq ans à partir de la date d'acquisition de la nationalité genevoise, annuler la naturalisation ou la réintégration accordée en vertu de la loi, si elle a été obtenue par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits essentiels. Le citoyen genevois qui fait l'objet d'une procédure d'annulation ou de retrait de la nationalité genevoise doit en être informé par le Conseil d'État et être invité à faire valoir ses moyens (art. 36 al. 1 LNat).

c. Les termes utilisés à l'art. 35 LNat étant les mêmes que ceux contenus à l'art. 41 aLN, la jurisprudence concernant cette disposition peut trouver application, ce d'autant que la LNat a été adoptée suite aux modifications dont la loi fédérale a fait l'objet en 1990, entrées en vigueur le 1er janvier 1992 (RO 1991 1034 ; FF 1987 III 285 ; MGC 1991/V 4374, p. 4396 s.).

La jurisprudence considère ainsi que l'obtention frauduleuse de la naturalisation implique un comportement déloyal et trompeur, de sorte qu'il ne suffit pas que la naturalisation ait été accordée alors que l'une ou l'autre de ses conditions n'étaient pas réalisées (ATF 140 II 65 consid. 2.2 ; 135 II 161 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_20/2014 du 13 mai 2014 consid. 2.1.1). S'il n'est pas nécessaire que le comportement ait été constitutif d'une escroquerie au sens du droit pénal, il est néanmoins exigé de l'intéressé qu'il ait donné sciemment de fausses informations à l'autorité ou qu'il l'ait délibérément laissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait essentiels, respectivement qu'il ait laissé faussement croire à l'autorité qu'il se trouvait dans la situation de communauté conjugale prévue par la loi, violant ainsi le devoir d'information auquel il est appelé à se conformer (ATF 135 II 161 consid. 2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-2412/2009 du 19 novembre 2012 consid. 4.1).

Si des abus ne sont constatés qu'une fois la naturalisation accordée, le SEM engage, pour autant qu'ils soient vraisemblables, une procédure d'annulation de la naturalisation à l'encontre de la personne concernée. En règle générale, c'est le canton lui-même ou la commune ou encore l'office de l'état civil, voire le conjoint suisse, qui informe le SEM de l'existence de tels cas (Manuel, ch. 6.1.2 et 6.2.1). L'existence ou l'absence d'une communauté conjugale revêt une grande importance pour l'annulation de la naturalisation s'il apparaît qu'aucune communauté conjugale n'existait au moment requis (Manuel, ch. 4.6.1.1).La nature potestative de l'art. 41 al. 1 aLN confère une certaine liberté d'appréciation à l'autorité compétente, qui doit toutefois s'abstenir de tout abus dans l'exercice de celle-ci. Ainsi, commet un abus de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui se fonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstances pertinentes ou rend une décision arbitraire, contraire au but de la loi ou au principe de proportionnalité (ATF 129 III 400 consid. 3.1 ; 128 II 97 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_20/2014 du 13 mai 2014 consid. 2.1.1).

5) En l'espèce, l'autorité intimée a annulé son arrêté du 23 mars 2016 de naturalisation du recourant par décision du 19 juin 2019, considérant que l'intéressé ne vivait plus, depuis juillet 2016, en communauté conjugale unie et stable avec son épouse naturalisée suisse en mars 2012.

Il convient ainsi d'examiner si le recourant est parvenu à démontrer qu'une communauté conjugale effective et unie existait entre son épouse et lui au moment de la décision de sa naturalisation.

Il ressort du dossier que la procédure d'annulation de l'arrêté de naturalisation a été initiée à la suite de la communication, le 15 août 2016, de la requête de MPUC de l'épouse du recourant. Le SN a informé celui-ci de ce fait et a ouvert une instruction à ce sujet. Au cours de cette instruction, il a requis la production des décisions des juridictions saisies par l'intéressée. Ainsi, par jugement du 15 mars 2017, le TPI a autorisé les époux à vivre séparés en retenant que ces derniers s'étaient séparés au mois de juillet 2016, l'épouse du recourant quittant le domicile conjugal avec ses deux enfants pour se loger temporairement chez sa mère. Le recourant avait finalement quitté le domicile conjugal au mois de février 2017, permettant aux siens de le réintégrer. Dans l'arrêt de la chambre civile de la Cour de justice du 31 octobre 2017 saisie par le recourant, il a été retenu que l'épouse soutenait que, depuis 2009, elle avait été victime de violences répétées de la part de son époux qui, cependant, contestait ces faits. Par ordonnance de classement du 18 juillet 2017, le Ministère public a de son côté retenu que l'épouse du recourant avait déposé plainte pénale à la suite des faits survenus le 2 août 2016. Selon elle, le couple avait rencontré de fortes tensions depuis de nombreuses années, durant lesquelles l'intéressé s'était montré violent à plusieurs reprises. Les versions des parties étaient cependant contradictoires. Lors de son audition du 18 novembre 2016 devant le Ministère public, le recourant avait néanmoins reconnu qu'un médiateur appartenant à leur paroisse aidait le couple à surmonter ses problèmes conjugaux, mais sans préciser depuis quand.

Il apparaît ainsi que les relations conjugales entre le recourant et son épouse s'inscrivent dans un processus de dégradation qui s'étend sur une période allant, aux dires de celle-ci, depuis le regroupement familial intervenu en août 2009 à leur séparation effective intervenue en juillet 2016. Le recourant qui, dans son formulaire de demande de naturalisation du 14 janvier 2015 avait mentionné vouloir être ensemble avec son épouse et former en même temps une famille, et motivé sa demande lors de l'enquête du 4 août 2015, par sa volonté d'être en adéquation avec sa famille qui avait été déjà naturalisée, ne pouvait pas ignorer que le bénéfice des conditions particulières de sa naturalisation au sens de l'art. 15 al. 4 aLN étaient liées à l'existence d'une communauté conjugale unie et stable avec son épouse.

Lorsque le SN a été informé de la séparation des époux en août 2016, il pouvait dès lors prendre en considération ce fait important pour l'instruire dans la mesure où le processus de dégradation du lien conjugal s'étend, selon l'expérience générale de la vie sur une période relativement longue, à moins de la survenance d'un évènement soudain et imprévisible qui n'est ni allégué ni démontré en l'espèce, dont le point de départ se situait en l'occurrence bien avant l'arrêté du Conseil d'État du 23 mars 2016 de naturalisation du recourant. Dans sa décision attaquée, le Conseil d'État pouvait par conséquent tenir compte de la séparation survenue en juillet 2016 comme un indice que les conjoints ne vivaient plus dans une communauté conjugale effective, unie et stable. Les déclarations du recourant sont au demeurant contradictoires au sujet de l'existence d'une telle communauté conjugale dans la mesure où il soutient que les faits qui lui sont reprochés sont postérieurs à l'arrêté du 23 mars 2016 alors qu'il a déclaré par-devant le Ministère public, comme déjà relevé dans les considérants précédents, qu'un médiateur de sa paroisse intervenait pour les aider dans les problèmes conjugaux avec son épouse, mais sans préciser depuis quand.

La séparation des époux en juillet 2016 permet ainsi de retenir que la communauté conjugale entre le recourant et son épouse n'était pas stable et unie au moment de la décision de sa naturalisation au sens de l'art. 15 al. 4 aLN et de la jurisprudence précitée.

La décision attaquée est ainsi conforme au droit.

6) Le recourant reproche à l'autorité intimée d'avoir tenu compte des faits postérieurs à l'arrêté du 23 mars 2016 alors que la décision de sa naturalisation était définitive. Il soutient également que le Conseil d'État a tardé à rendre la décision attaquée alors qu'il était en possession des éléments pertinents dès mars 2017.

a. Selon le recourant, la décision de naturalisation est définitive sous réserve de voies de recours uniquement à l'exclusion de la prestation de serment, l'art. 25 LNat n'étant consacré qu'aux effets de la naturalisation. Pour l'autorité intimée, la prestation de serment fait partie intégrante du processus de naturalisation.

D'après les travaux préparatoires précités, l'art. 25 LNat n'a fait l'objet d'aucune opposition lors de l'examen de la modification législative de 1992. En revanche, des commentaires de l'art. 18 al. 4 LNat, il ressort que la décision de naturalisation concernant les candidats âgés de plus de 25 ans a été qualifié de définitive dans le sens de la renonciation à un examen et une décision du Grand Conseil. L'arrêté du Conseil d'État de naturalisation constate en principe que les conditions de naturalisation sont remplies et accorde celle-ci à un candidat majeur ou mineur. L'arrêté déploie directement les effets pour le candidat mineur, alors que ceux-ci ne se produisent pour un candidat majeur qu'à la suite de la prestation de serment. Dans son invitation à payer un émolument de chancellerie et du certificat de naturalisation, il était mentionné que le recourant serait invité à prêter serment en qualité de citoyen suisse et genevois. Les mêmes termes ont été repris dans l'invitation du 2 août 2016 de prestation de serment.

Il convient ainsi de considérer que le candidat à la naturalisation, qu'il soit âgé de moins ou de plus de 25 ans, acquiert la nationalité suisse et genevoise au moment de l'arrêté du Conseil d'État de naturalisation. Néanmoins, le moment de l'acquisition de la nationalité suisse et genevoise n'est en l'espèce pas pertinent dans la mesure où, dans les deux situations précitées de l'art. 25 al. 3 LNat, le Conseil d'État garde la faculté d'annuler au sens de l'art. 35 LNat la naturalisation dans un délai de deux ans dès la connaissance de l'état de fait pertinent. En l'occurrence, il pouvait tenir compte de la séparation des époux intervenue en juillet 2016, celle-ci s'inscrivant dans un processus de dégradation des relations conjugales du recourant avec son épouse depuis le regroupement familial opéré en août 2009, soit bien avant l'arrêté du 23 mars 2016 de naturalisation de ce dernier.

Le grief du recourant doit être dès lors écarté.

b. S'agissant de la durée de la procédure d'annulation, le SN a instruit les faits relatifs à l'existence de la communauté conjugale du recourant en respectant les garanties de procédure de ce dernier notamment son droit d'être entendu. La demande de naturalisation de l'intéressé a été introduite en juillet 2015, l'arrêté de naturalisation est intervenu moins d'une année plus tard, en mars 2016 ; l'intéressé a, le 2 août 2016, été invité à la prestation de serment du 29 août 2016. Cette invitation a été annulée le 16 août 2016 à la suite de la découverte de la séparation précitée entre les époux. Ce fait important qui devait être instruit était également traité par des juridictions pénale et civile dont les décisions pouvaient avoir une influence sur la procédure de naturalisation du recourant. Au cours de son instruction, le SN a requis une détermination du département compétent. Il a en outre répondu aux demandes successives de l'intéressé au sujet de son dossier. Ce dernier ne s'est au demeurant pas plaint d'un déni de justice dans le traitement de son dossier. Il n'a fait état d'un retard injustifié que dans son recours contre la décision attaquée. Dans ces circonstances, le SN a mené l'instruction de la séparation des époux avec diligence. L'autorité intimée n'a ainsi pas violé le principe de célérité lors du prononcé de sa décision attaquée.

Le grief du recourant sera dès lors écarté.

c. Au surplus, la décision attaquée ne viole pas le principe de la proportionnalité. L'autorité intimée prenant en considération les autres éléments du dossier, en particulier le fait que le recourant remplit les conditions d'aptitude, a indiqué à ce dernier qu'il disposait de la possibilité de déposer depuis le 13 août 2019 une demande de naturalisation ordinaire à titre individuel dans la mesure où les conditions de résidence sont d'ores et déjà remplies.

d. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

7) Il ne sera pas perçu d'émolument, la procédure étant gratuite. Le recourant succombant, il n'y a pas non plus lieu à l'allocation d'une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 août 2019 par Monsieur A______ contre la décision du Conseil d'État du 19 juin 2019 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Laurence Mizrahi, avocate du recourant, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Verniory, Mme Cuendet, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :