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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3875/2019

ATA/96/2020 du 28.01.2020 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3875/2019-FORMA ATA/96/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 janvier 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______


contre


SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1995, a déposé, le 3 décembre 2018, une demande de bourse ou prêt d'études pour l'année scolaire 2018/2019 auprès du service des bourses et prêts d'études (ci-après : SBPE).

La demande concernait sa quatrième année de baccalauréat universitaire en droit économique à la Haute école de gestion B______ (ci-après : HEG).

Il vivait chez sa mère, Madame A______, divorcée depuis 1996 de son père, au ______, rue C______ à Genève.

2) Par courrier du 15 février 2019, le SBPE a informé M. A______ que sa demande était incomplète et devait être complétée au plus tard six mois après le début de l'année académique. En l'état du dossier, il ne pouvait donner suite à sa requête.

La liste des documents devant être transmis était annexée à ce courrier, soit notamment l'avis de taxation concernant les impôts cantonaux et communaux 2017 de ses parents, ainsi que les bordereaux y relatifs, et la décision de subside d'assurance-maladie 2019.

3) Par courrier du 14 mars 2019, M. A______ a demandé au SBPE une prolongation de délai, précisant qu'il lui manquait la décision pour le subside d'assurance-maladie et l'avis de taxation 2017 concernant les impôts de sa mère et le bordereau de celui-ci.

4) Par courrier du 3 juillet 2019, l'intéressé a informé le SBPE de son impossibilité de fournir les documents relatifs aux revenus de son père, résidant à Cuba. En revanche, il annexait la copie de l'avis de taxation 2017 de sa mère, mentionnant une fortune imposable de CHF 594'220.-, ainsi qu'un document prouvant qu'il avait déposé une demande de subside d'assurance-maladie.

5) Par décision du 11 juillet 2019, le SBPE a informé M. A______ qu'il ne remplissait pas les conditions d'octroi pour l'obtention d'une bourse ou d'un prêt d'études. Ceux-ci ne pouvaient être accordés que si le découvert du budget de la personne en formation était supérieur ou égal à CHF 500.-. Selon le budget établi, joint à la décision, les ressources de l'étudiant étaient suffisantes pour couvrir ses dépenses pendant l'année scolaire, le découvert total étant égal à zéro.

Il prenait en considération notamment l'avis de taxation 2017 de la mère de l'intéressé et les fiches de salaire de ce dernier.

6) Par courrier du 20 août 2019, M. A______ a sollicité une reconsidération de la décision. Il faisait valoir que lui et sa mère avaient déménagé en ville de Genève et que c'était à tort que, dans le calcul du budget, l'autorité s'était basée sur la déclaration fiscale de 2017 de sa mère, notamment s'agissant de sa fortune immobilière. En effet, leur situation avait changé et il fallait tenir compte du fait que « le RDU est bien plus bas en 2018 et 2019 qu'en 2017, en tenant compte de ce changement de situation ».

7) Le 19 septembre 2019, le SBPE a informé l'intéressé que sa réclamation était irrecevable, faute d'avoir été déposée dans les délais. « À titre informatif », il précisait : « même si nous devions ignorer complètement la fortune immobilière de votre mère, nous nous retrouverons avec un budget excédentaire pour votre mère de CHF 4'727.- qui sera divisé par deux, soit une contribution parentale de CHF 2'363.-. Cette contribution parentale absorbera votre découvert qui est de CHF 216.-. La décision demeurera négative ». Enfin, la fortune de sa mère ne pouvait être actualisée selon le guide de l'actualisation du centre de compétence du revenu déterminant unifié (RDU).

8) Par acte du 17 octobre 2019 M. A______ a interjeté recours contre la décision précitée par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation. Le délai pour former réclamation avait été respecté. Au fond, la fortune de sa mère avait été calculée sur l'année 2017. Or, avant la fin de cette année, leur situation financière et familiale s'était péjorée ; en effet, sa mère avait déménagé depuis février 2017 dans un appartement et n'habitait plus dans un bien immobilier à son nom à E______. En ce qui concernait son père, il était très difficile, voire impossible, d'obtenir les documents demandés, dans la mesure où il habitait à Cuba et que, ne travaillant plus pour l'État cubain mais « dans le privé », il n'existait pas de documents attestant de son salaire de manière officielle.

9) Le 21 novembre 2019, le SBPE a fait part de ses observations et a conclu au rejet du recours.

Le calcul établi avec les revenus de la mère dégageait un excédent de revenus, raison pour laquelle il n'avait pas été nécessaire d'obtenir les revenus du père. Le litige portait uniquement sur l'actualisation de la fortune immobilière de la mère du recourant, ce dernier souhaitant une actualisation de la fortune à la baisse. Or, selon le guide de l'actualisation du RDU, la fortune prise en compte pour le calcul du RDU était celle connue au 31 décembre de l'année précédente, tout changement de fortune durant l'année en cours étant pris en compte dans le calcul de l'année suivante. Au moment du traitement de la demande de M. A______, portant sur l'année scolaire 2018/2019, le SBPE avait retenu le quinzième de la fortune établie au 31 décembre 2017, se basant sur la dernière taxation fiscale. Même si la taxation fiscale 2018 était connue, l'autorité ne pouvait en tenir compte « par souci d'équité de traitement par rapport aux autres demandes », précisant qu'il serait impossible de réviser toutes les demandes établies sur la base de l'avis de taxation 2017 lorsque l'avis de taxation 2018 devait être plus favorable.

10) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 1 al. 2 de la loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 (LBPE - C 1 20), le financement de la formation incombe aux parents et aux tiers qui y sont légalement tenus ainsi qu'à la personne en formation elle-même. L'aide financière est subsidiaire (art. 1 al. 3 LBPE).

b. Aux termes de l'art. 18 al. 1 LBPE, si les revenus de la personne en formation, de ses parents (père et mère), de son conjoint ou partenaire enregistré et des autres personnes qui sont tenues légalement au financement de la formation, ainsi que les prestations fournies par des tiers ne suffisent pas à couvrir les frais de formation, le canton finance, sur demande, les besoins reconnus par le biais de bourses ou de prêts.

3) a. À teneur de l'art. 19 al. 1 LBPE, les frais reconnus engendrés par la formation et l'entretien de la personne en formation servent de base au calcul des aides financières.

b. Selon l'art. 19 al. 2 LBPE, une aide financière est versée s'il existe un découvert entre les frais reconnus engendrés par la formation et l'entretien de la personne en formation et les revenus qui peuvent être pris en compte selon l'art. 18 al. 1 et 2 LBPE. Le découvert représente la différence négative entre les revenus de la personne en formation et des personnes légalement tenues de financer les frais de formation et les coûts d'entretien et de formation de ces mêmes personnes.

c. L'art. 19 al. 3 LBPE prévoit que le calcul du découvert est établi à partir du budget des parents ou des personnes légalement tenues au financement de la personne en formation. Ce budget tient compte des revenus et des charges minimales pour couvrir les besoins essentiels. Un budget séparé est établi pour chacun des parents s'ils ne vivent pas en ménage commun, sont séparés de fait ou séparés suite à une décision judiciaire ou divorcés (art. 9 al. 3 du règlement d'application de la loi sur les bourses et prêts d'études du 2 mai 2012 - RBPE - C 1 20.01).

4) Le RDU sert de base pour le calcul du droit à une bourse d'étude (art. 18 al. 2 LBPE).

a. Le socle du RDU comprend l'ensemble des revenus conformément à l'art. 4 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), lequel fait une énumération exemplative de ceux-ci. Ces derniers comprennent notamment les produits de l'activité lucrative dépendante et indépendante ainsi que les rendements de la fortune mobilière et immobilière (art. 4 let. a, b, d et e LRDU).

Du montant obtenu à l'art. 4 LRDU, sont imputées les déductions mentionnées à l'art. 5 LRDU. Selon la jurisprudence, cette disposition prévoit de manière exhaustive les déductions à prendre en compte pour fixer le revenu déterminant des personnes demandant des bourses d'études (ATA/1153/2018 du 30octobre 2018 ; ATA/380/2017 du 4 avril 2017 ; ATA/586/2014 du 29 juillet 2014). Au montant obtenu, s'ajoute un quinzième de la fortune calculée selon l'art. 6 LRDU sous imputation des déductions prévues à l'art. 7 LRDU (art. 8 al. 2 LRDU).

Le résultat donne le socle RDU.

b. Lorsqu'une prestation catégorielle ou de comblement est octroyée en application de la hiérarchie des prestations sociales visée à l'art. 13 LRDU, son montant s'ajoute au socle RDU déterminé selon l'art. 8 al. 2 LRDU. Le nouveau montant sert de base de calcul pour la prestation suivante. Les prestations accordées aux personnes mineures sont reportées dans le revenu déterminant unifié du ou des parents concernés (art. 8 al. 3 LRDU).

c. Le socle du RDU est calculé automatiquement sur la base de la dernière taxation fiscale définitive. Il peut être actualisé (art. 9 al. 1 LRDU) à certaines conditions prévues par l'art. 10 LRDU.

5) En l'espèce, le recourant reproche à l'autorité d'avoir pris en considération l'avis de taxation 2017 de sa mère et demande à ce que la fortune immobilière de cette dernière soit actualisée.

Cependant, l'art. 9 al. 1 LRDU indique que le socle du RDU est calculé automatiquement sur la base de la dernière taxation fiscale définitive et qu'il peut être réactualisé. Ce principe est confirmé dans le guide de l'actualisation du RDU qui précise à ce sujet que : « La fortune prise en compte est celle connue au 31 décembre de l'année précédente. Les rubriques relatives à la fortune sont des éléments ponctuels puisqu'a priori, sauf erreur dans la déclaration, le montant n'est pas modifié en cours d'année car il représente la photo d'une situation passée. (...) Tout changement de fortune durant l'année en cours n'est donc pas prise en compte dans le calcul du RDU de l'année en cours mais le sera dans le RDU de l'année suivante (suivant l'état fortune au 31 décembre suivant) ».

En l'espèce, le recourant a déposé sa demande le 3 décembre 2018 pour l'année universitaire 2018/2019. C'est donc à juste titre que l'intimé a pris en considération l'avis de taxation fiscale de sa mère de 2017, soit la dernière taxation fiscale définitive ; à cette période, la taxation fiscale 2018 n'était pas connue. De plus, le recourant n'a pas informé l'autorité d'une éventuelle modification de sa situation, au sens de l'art. 21 al. 2 LBPE, avant sa réclamation du 21 août 2019. En tout état, il n'a fourni aucune pièce démontrant le changement de sa situation et/ou de celle de sa mère et n'a, en particulier, pas versé à la procédure la taxation fiscale de sa mère pour l'année 2018, ni à l'occasion de son courrier du 3 juillet 2019, ni à celle de sa réclamation, ni même lors du dépôt de son recours devant la chambre de céans. Il n'a ainsi aucunement établi une évolution à la baisse s'agissant de la fortune immobilière de sa mère.

À l'examen du dossier, les calculs effectués par l'intimé et sa décision par laquelle il refuse au recourant l'octroi d'une bourse d'études pour l'année 2018/2019 sont conformes au droit.

Pour ces motifs, le recours sera rejeté.

6) La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 octobre 2019 par Monsieur A______ contre la décision du service des bourses et prêts d'études du 19 septembre 2019 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :