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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4722/2019

ATA/108/2020 du 29.01.2020 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4722/2019-FPUBL ATA/108/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 29 janvier 2020

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTÉ



Attendu, en fait, que :

1) Le 1er décembre 1992, Monsieur A______ a été nommé gendarme et a été confirmé dans cette fonction le 1er décembre 1993. Il a fait l'objet de diverses promotions. Le 1er mai 2015, il a été promu brigadier remplaçant chef de poste puis s'est vu nommer sergent-major avec effet au 1er avril 2017, en raison de l'introduction des nouveaux grades.

Au cours de sa carrière, il a été affecté à différents postes de police. Il a fait l'objet de plusieurs félicitations et de certaines appréciations négatives relatives à son comportement.

2) En qualité de brigadier remplaçant chef de poste, il a été affecté au poste de B______ avec effet au 16 mai 2016, période pendant laquelle il a remplacé le Maréchal en son absence.

Le 1er janvier 2017, il a été affecté au poste de C______, en cette même qualité.

3. Par courriel du 12 mars 2018 provenant du service juridique de la police, le département de la sécurité et de l'économie, devenu depuis lors le département de la sécurité de l'emploi et de la santé (ci-après : DSES), a été mis au courant de potentielles violations des devoirs de service commises par M. A______. Plusieurs documents étaient annexés audit courriel.

Il était notamment mentionné une note de service du 22 février 2018 du lieutenant D______, intitulée « demande de l'EM concernant le comportement du Sgtm A______», mentionnant que ce dernier avait recueilli plusieurs informations concernant le comportement de l'intéressé « vis-à-vis de la gente féminine ». Selon l'une des informations, M. A______ avait fait des blagues « vraiment lourdes » au personnel féminin ; peu de temps après, une deuxième information lui avait été transmise, selon laquelle l'intéressé s'était enfermé à clé dans un bureau avec une collègue, lui disant « qu'ils étaient seuls maintenant », cette dernière n'ayant pas donné suite à ces propositions. Il avait alors convoqué M. A______, qui lui avait dit que « c'[était] pour rire et qu'en aucun cas il ne pensait faire quoi que ce soit avec elle ». Le lieutenant lui avait répondu que « ce n['était] pas des blagues à faire, notamment de par sa fonction », lui précisant qu'il s'exposait à des risques de plainte pour harcèlement.

4. Le 8 mai 2018, le conseiller d'État en charge du DSES (ci-après : le conseiller d'État) a ordonné l'ouverture d'une enquête administrative à l'encontre de M. A______.

Il lui était en particulier et notamment reproché de s'être enfermé avec une de ses collègues dans un bureau, d'avoir frappé les fesses d'une autre collègue avec un agenda, d'avoir touché les seins d'une stagiaire et d'avoir tiré le pull d'une assistante de sécurité publique (ASP) avant de plonger son regard dans son décolleté ainsi que d'avoir fait des allusions à caractère sexuel s'agissant de sa vie privée, en racontant à ses collègues ses ébats amoureux du week-end, en prononçant notamment les termes visés ci-dessous sous point 5.

5. Après l'établissement d'un rapport d'enquête administrative et un échange de courriers avec le conseiller d'État, M. A______ a, par arrêté daté du 16 décembre 2019 déclaré exécutoire nonobstant recours, été dégradé pour une période de trois ans en tant que sergent-chef, fonction située en classe 17, annuité 13 (soit un traitement annuel de CHF 117'165.-), alors qu'il percevait un traitement correspondant à une classe 18, annuité 11 (pour un montant annuel de CHF 120'491.-).

Il avait gravement enfreint ses devoirs de service par les actes suivants :

- lors d'une soirée du poste de B______ au restaurant, il avait tiré sur le pull d'une collègue subordonnée et avait plongé son regard dans son décolleté ; cette collègue avait confirmé cet incident et, bien qu'étant une proche amie de l'intéressé, avait été choquée par un tel comportement, si bien qu'elle l'avait giflé. M. A______ avait tout d'abord contesté ces faits avant d'indiquer qu'ils s'étaient déroulés « en dehors du cadre professionnel », arguant de sa relation d'amitié avec sa collègue et précisant qu'il lui aurait touché les seins avec son accord lors d'une soirée de mariage ;

- durant son activité au poste de C______ et au poste de B______, il aurait eu à plusieurs reprises des propos à connotation sexuelle. Au premier poste cité, il aurait, selon des témoins, tenu « parfois », « souvent », et « régulièrement » les propos suivants : « vendredi c'est sodomie » et « je me ferais bien tirer les huiles ». Il admettait implicitement avoir tenu ces propos sans viser quiconque spécifiquement. Lors de son activité au second poste, il aurait, dès juillet 2016, prononcé les mêmes termes, ainsi que d'autres propos tels que « raser les poils, les boules et se faire sucer », « deux gonzesse à la fois », « la baise durant six heures comme un fou », « la baise à poil dans la piscine » et « dormait sur la quille ». Il a admis qu'il pourrait avoir tenu des propos proches de ceux rapportés.

- à une reprise, il avait frappé les fesses d'une collègue subordonnée à l'aide d'un classeur ou d'un agenda dans les locaux de la police de proximité de C______ ; il contestait les faits mais ils avaient été décrits par sa collègue ainsi que par un témoin.

6. Par acte déposé le 23 décembre 2019 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre cet arrêté, concluant, avec suite de frais et dépens, à la restitution de l'effet suspensif à titre super-provisoire, à sa restitution immédiate ; préalablement, à ce qu'il soit ordonné au département de produire l'intégralité de son dossier, à ce qu'il se détermine sur sa pratique quant au type de sanctions infligées dans des cas analogues, à la tenue d'une audience de comparution personnelle et à l'ouverture d'enquêtes ; principalement, à l'annulation de la décision attaquée.

Il invoquait notamment qu'il disposait d'un intérêt prépondérant à conserver sa fonction de sergent-major jusqu'à l'issue de la procédure en cours. En effet, la décision querellée lui causait un important préjudice, en tant qu'elle entraînait la perte de son grade, de sa fonction de cadre, ainsi que la réduction de son salaire et des cotisations, alors même qu'il n'existait aucun intérêt public à l'exécution immédiate de la sanction. Dans la mesure où il était âgé de 48 ans et ne se situait pas proche de l'âge de la retraite, rien ne s'opposait à ce que la sanction lui soit, le cas échéant, infligée à l'issue de la procédure. Enfin, les chances de succès du recours étaient sérieuses, dès lors que la décision litigieuse violait le droit d'être entendu, la présomption d'innocence et les règles sur la prescription ainsi que les principes de bonne foi, de proportionnalité et d'égalité de traitement.

7. Dans ses observations sur effet suspensif du 10 janvier 2020, le DSES a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

M. A______ avait omis de faire part à la chambre administrative du fait qu'il avait été absent de son poste durant une année et demie et qu'il avait repris son activité professionnelle à 50 % puis à 100 % le 1er janvier 2020 en étant affecté au service de la documentation (ci-après : SDOC) où il n'avait aucun subordonné ; dès lors, il était peu crédible que la perte de son grade entraîne un quelconque dommage, qui plus est difficilement réparable, sa position n'étant nullement munie de prérogatives hiérarchiques. De plus, l'application immédiate de la sanction n'impliquait pas une perte de son grade de sous-officier puisqu'il était resté sergent-chef. En outre, la conséquence de cette sanction impliquait une diminution annuelle de traitement de CHF 2'954.-, ce qui ne constituait pas une menace de dommage difficile à réparer, le montant représentant moins de 3 % de son nouveau traitement. Enfin, les chances de succès de son recours « ne lui profitaient pas » : la prescription n'était pas intervenue, les manquements reprochés se basaient sur plusieurs témoignages, son droit d'être entendu avait été respecté tout comme les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement.

8. Par décision du 24 décembre 2019, la chambre administrative a rejeté les conclusions à titre super provisionnel de M. A______.

9. Par réplique du 27 janvier 2020, le recourant a persisté dans ses conclusions sur effet suspensif, sollicitant, sans la motiver, « la tenue d'audience publique au sens de l'art. 6 [de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (RS 0.101)] CEDH sur la présente question ». Il a précisé que, dans la mesure où la sanction querellée était de durée limitée, rien ne s'opposait à ce que la dégradation prononcée soit, le cas échéant, mise en oeuvre à l'issue de la procédure de recours, ce qui avait l'avantage de préserver son intérêt privé « tout en ne présentant aucun risque pour les finances de l'État ».

10. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

Attendu, en droit, que :

1) En vertu de l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 septembre 2017, les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de celles-ci, par un juge.

2) a. En vertu de l'art. 6 § 1, 1ère phr., CEDH, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le principe de la publicité de l'audience et du prononcé figure également à l'art. 30 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), mais cette disposition, limitée aux procédures judiciaires mentionnées à l'art. 30 al. 1 Cst., n'impose pas des débats dans tous les cas. Cette protection ne va pas plus loin que celle qui découle de la CEDH (ATF 126 I 228 consid. 2a/aa et la doctrine citée ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.372/2001 du 2 août 2001, consid. 2a). La portée des garanties conférées par l'art. 6 par. 1 CEDH varie selon qu'il s'agit d'une procédure relevant du volet civil, ou du volet pénal de l'art. 6 CEDH, les exigences du procès équitable étant dans ce dernier cas plus rigoureuses. Des différences existent encore s'agissant des causes relevant du droit pénal stricto sensu ou de celles qui ont été intégrées à cette matière au gré de l'extension progressive du volet pénal de l'art. 6 CEDH à des domaines qui ne relèvent pas formellement des catégories traditionnelles du droit pénal, telles que les contraventions administratives, les punitions pour manquement à la discipline pénitentiaire, les infractions douanières, les sanctions pécuniaires infligées pour violation du droit de la concurrence et les amendes infligées par des juridictions financières (arrêts du Tribunal fédéral 2C_32/2016 et 2C_33/2016 du 24 novembre 2016 consid. 12.1 et 12.2).

b. Récemment, la CourEDH a rappelé que l'art. 6 CEDH - en dehors des limitations expressément prévues par cette disposition - n'exige certes pas nécessairement la tenue d'une audience dans toutes les procédures. Cela est notamment le cas pour les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d'autres pièces. Partant, on ne saurait conclure, même dans l'hypothèse d'une juridiction investie de la plénitude de juridiction, que l'art. 6 CEDH implique toujours le droit à une audience publique, indépendamment de la nature des questions à trancher. D'autres considérations, dont le droit à un jugement dans un délai raisonnable et la nécessité en découlant d'un traitement rapide des affaires inscrites au rôle, entrent en ligne de compte pour déterminer si des débats publics sont nécessaires. La CourEDH a ainsi déjà considéré que des procédures consacrées exclusivement à des points de droit ou hautement techniques pouvaient remplir les conditions de l'art. 6 CEDH même en l'absence de débats publics (ACEDH MUTU Adrian et PECHSTEIN Claudia contre Suisse du 2 octobre 2018, § 175 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_136/2018 précité consid. 4.2 ; ACEDH du 18 septembre 2018 Pfurtscheller c. Suisse, n° 13568/17, § 26). De manière générale, il peut être fait abstraction d'une audience de débats publics lorsque le tribunal doit uniquement décider sur des questions de droit qui ne sont pas particulièrement complexes et qui ne soulèvent pas des questions de portée générale (MEYER-LADEWIG/ NETTESHEIM/VON RAUMER, EMRK Handkommentar, 4ème éd. 2017, n. 172 ad art. 6 CEDH ; SJ 2019 I 365ss).

c. En l'espèce, l'objet du litige devant la chambre de céans porte, en l'état, uniquement sur la question de la restitution de l'effet suspensif à la décision de rétrogradation prise à l'encontre du recourant. Il s'agit d'une question de nature juridique, qui n'apparaît pas particulièrement complexe et qui, à ce stade, ne soulève pas de question de crédibilité, ladite question s'examinant « prima facie » et sans préjudice d'un examen sur le fond. La cause ne requiert pas, en l'état, la tenue d'une audience et la chambre administrative peut se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et les pièces.

3) Selon l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3).

Par ailleurs, l'art. 21 al. 1 LPA permet le prononcé de mesures provisionnelles.

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4) ; elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

Par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1 ; ATA/1352/2015 du 16 décembre 2015 consid. 6a). Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/1352/2015 précité consid. 6a).

5) L'art. 36 al. 1 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05) prévoit que, selon la gravité de la faute, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent être infligées au personnel de la police : a) le blâme ; b) les services hors tour ; c) la réduction de traitement pour une durée déterminée ; d) la dégradation pour une durée déterminée ; e) la révocation. En vertu de l'al. 2 de l'art. 36 LPol, la dégradation entraîne une diminution de traitement, tandis que la révocation entraîne la suppression de ce dernier et de toute prestation à la charge de l'État ; les dispositions en matière de prévoyance demeurent réservées.

6) Dans une cause dans laquelle le Conseil d'État avait, par un arrêté déclaré exécutoire nonobstant recours, prononcé le retour au statut d'employée en période probatoire pour une durée de deux ans d'une fonctionnaire - dans le cadre de laquelle l'intéressée redevenue employée pouvait plus facilement être licenciée que lorsqu'elle était fonctionnaire -, la chambre de céans a considéré que l'intérêt privé de celle-ci à ne pas voir la sanction être exécutée avant une décision judicaire définitive et exécutoire, à ne pas vider le recours de son sens et à ne pas voir son statut précarisé dans l'attente de l'issue de la procédure, devait primer l'intérêt public de l'État à sanctionner l'intéressée immédiatement, dès lors que les raisons d'exécuter immédiatement la décision n'étaient pas plus importantes que celles justifiant le report de son exécution en cas de confirmation de la décision ; de surcroît, à ce stade de la procédure, le dossier soumis à la chambre administrative ne lui permettait pas de retenir, prima facie, que, d'évidence, la sanction disciplinaire prononcée était fondée (ATA/991/2015 du 23 septembre 2015).

En revanche dans une autre cause, la chambre a refusé la restitution de l'effet suspensif ; dans le cas qu'un gendarme rétrogradé, elle a retenu que le recourant n'était pas prétérité par un risque de licenciement selon des conditions moins restrictives que si l'arrêté querellé était exécuté immédiatement. Il s'avérait que le sort de la demande de restitution de l'effet suspensif au recours n'aurait pas d'incidence sur la poursuite des formations suivies, ni sur sa nomination au poste de commissaire de police, sa candidature n'ayant pas été retenue. Dans ces circonstances et compte tenu du fait que le recours ne pouvait en tout état de cause pas être considéré à ce stade comme d'emblée bien fondé, l'intérêt public de l'intimé à l'exécution immédiate de la sanction prime l'intérêt privé de l'intéressé à ne pas voir la sanction être exécutée avant une décision judicaire définitive et exécutoire, même dans l'hypothèse future où son recours serait admis au fond, étant donné que les seuls préjudices qu'il aurait effectivement subis dans ce cas pourraient le cas échéant être une période avec un grade et un salaire moins élevés qu'auparavant ainsi que le report dans le temps d'une éventuelle promotion (ATA/1093/2017 du 22 décembre 2016).

7) En l'espèce, les préjudices subis par le recourant du fait de l'exécution immédiate de l'arrêté contesté consistent en un grade et un salaire moins élevés qu'auparavant. Toutefois, la chambre administrative relève, s'agissant du premier dommage, qu'il conserve sa fonction de cadre dans la mesure où il a été rétrogradé à un grade de sergent-chef et, relativement au second, qu'il n'a pas contesté avoir été affecté à un nouveau poste, dans lequel il n'a plus de subordonnés et n'exerce plus de fonctions hiérarchiques. En outre, la diminution de salaire entraînée par l'application immédiate de ladite sanction - de l'ordre de 3 % - apparaît faible. L'importance de son intérêt privé à la suspension de l'exécution immédiate de la décision querellée doit donc être relativisée au regard des éléments qui précèdent, d'une part.

D'autre part, il existe un intérêt public indéniable à ce que les sanctions de l'État prises à l'encontre d'agents publics soient immédiatement exécutées ; dans ces conditions, l'intérêt privé du recourant à pouvoir continuer à percevoir son salaire doit céder le pas à l'intérêt public à la préservation des finances de l'État, conformément à la jurisprudence constante de la chambre de céans (ATA/300/2015 du 24 mars 2015 ; ATA/991/2014 du 15 décembre 2014 ; ATA/525/2014 du 4 juillet 2014 et les références citées).

Ainsi, l'intérêt public de l'intimé à l'exécution immédiate de la sanction prime l'intérêt privé de l'intéressé à ne pas voir la sanction être exécutée avant une décision judicaire définitive et exécutoire.

Enfin, et comme déjà relevé dans la décision sur mesures superprovisionnelles du 24 décembre 2019, les éléments à la procédure, prima facie et sans préjudice de l'examen du fond, ne laissent pas apparaître d'emblée que le recours serait bien fondé. Le recourant a été invité à faire valoir sa position par l'enquêteur et le conseiller d'État avant le prononcé de la décision querellée et, a priori, la sanction prononcée est intervenue avant la prescription, le délai étant suspendu durant l'enquête administrative. Enfin, les faits retenus reposent, notamment, sur l'audition de nombreux témoins pendant l'enquête administrative et leur établissement n'apparaît, prima facie, pas arbitraire.

Au vu de ce qui précède, la requête de restitution d'effet suspensif doit être rejetée.

Il sera statué sur les frais de l'incident avec la décision au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l'effet suspensif au recours de Monsieur A______ formé contre l'arrêté du 16 décembre 2019 du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de l'emploi et de la santé.

 

La vice-présidente :

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :