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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2403/2018

ATA/66/2020 du 21.01.2020 sur JTAPI/141/2019 ( LCI )

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE;DOMAINE PUBLIC;QUALITÉ POUR RECOURIR;VOISIN
Normes : LPA.60.al1
Parties : YOUNOSSIAN Alain, YOUNOSSIAN Vanessa et Alain ET AUTRES, BEKRI Taoufik, OUEGHLANI BEKRI Eveline, CHICHERIO Christian, ORTIZ CHICHERIO Nadia, RAJAKOSKI-COURTOIS Evelyn, EIGENMANN Raymond, EIGENMANN Christine, ISLER Claude, KRINGEL Stefan, TERUEL GARCIA Veronica, BÄHLER Timothée, BÄHLER Alice, KUZMENKO Mikhail, KOUZMENKO Ioulia, SPENGLER Jean-Pierre, SPENGLER Susanne, DAFFLON Gérard, DAFFLON Eliane, EGGER Caroline, EGGER Nicolas, DE VRIES Patrick, ASLOUN DE VRIES Leila, QUEIROGA Antonio, QUEIROGA Lucinda, COMMUNE DE SATIGNY / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, CATALAX SA
Résumé : Admission de l'intérêt pratique pour recourir de voisins d'un projet de construction au motif que l'admission de leurs griefs, soit la reconnaissance de l'existence de l'inconstructibilité de la parcelle concernée, fondée sur une servitude de droit public, sur un plan d'affectation, voire sur l'absence de droits à bâtir, serait susceptible de leur procurer l'avantage pratique qu'ils recherchent, à savoir l'absence de construction restreignant notamment la vue dont ils jouissent actuellement.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2403/2018-LCI ATA/66/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt sur partie du 21 janvier 2020

3ème section

 

dans la cause

 

Madame Vanessa et Monsieur Alain YOUNOSSIAN
Madame Evelyne OUEGHLANI BEKRI et Monsieur Taoufik BEKRI
Madame Nadia ORTIZ CHICHERIO et Monsieur Christian CHICHERIO
Madame Evelyn RAJAKOSKI-COURTOIS
Madame Christine et Monsieur Raymond EIGENMANN
Monsieur Claude ISLER
Madame Veronica TERUEL GARCIA et Monsieur Stefan KRINGEL
Madame Alice et Monsieur Thimothée BAHLER
Madame Ioulia KOUZMENKO et Monsieur Mikhail KUZMENKO
Madame Susanne et Monsieur Jean-Pierre SPENGLER
Madame Éliane et Monsieur Gérard DAFFLON
Madame Caroline et Monsieur Nicolas EGGER
Madame Leila ASLOUN DE VRIES et Monsieur Patrick DE VRIES
Madame Lucinda et Monsieur Antonio QUEIROGA
représentés par Me Claire Bolsterli, avocate

et

COMMUNE DE SATIGNY
représentée par Me François Bellanger, avocat

contre

département du territoire

et

CATALAX SA

représentée par Me Julien Pacot, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 février 2019 (JTAPI/141/2019)


EN FAIT

1) a. Catalax SA (ci-après : Catalax) est propriétaire de la parcelle no 10'913 de la commune de Satigny, d'une surface de 2'283 m2.

Cette parcelle, ainsi que les deux parcelles nos 10'912 de 3'530 m2 et 11'073 de 4'104 m2, sont issues du morcellement et du remaniement des anciennes parcelles contiguës nos 6'747 et 7'601, effectués les 22 septembre et 11 octobre 2010. De même largeur, ces terrains sont situés l'un au-dessus de l'autre dans la pente bordée par la route du Mandement, formant un périmètre sis en zone 4B protégée et entouré sur deux côtés par la zone agricole.

Sur la parcelle no 10'912, sont érigés deux bâtiments de logements à l'adresse 104, 106 et 108, route du Mandement. Sur la parcelle no 11'072, adjacente à l'ouest aux parcelles nos 10'913 et 10'912, sont érigés deux bâtiments de logements à l'adresse 110, 110A, 100B et 110C, route du Mandement.

La parcelle no 10'913 est vierge de construction.

b. Les 24 janvier 2008 et 3 mars 2009, Juglans SA, société radiée le 12 juin 2017, qui avait notamment pour administrateur Madame Ileana BÜSCHI, avait acquis les anciennes parcelles nos 6'747 et 7'601. Le 7 février 2012, elle a cédé la parcelle no 10'913 à Catalax, société dont Mme BÜSCHI est également l'un des administrateurs.

2) Le 3 janvier 2006, une autorisation préalable de construire, DP 17'797, avait été délivrée aux propriétaires des deux parcelles initiales, prévoyant la construction de quatre immeubles de logement ainsi que d'un garage souterrain dans le bas des terrains, en premier et deuxième front de la route du Mandement.

Lors de l'instruction de cette demande d'autorisation préalable, la commission des monuments de la nature et des sites (ci-après : la CMNS) avait notamment relevé dans son préavis du 11 septembre 2005 que la question de la densité restait secondaire et que le projet devait être envisagé selon son intégration dans le site. Pour ce faire et afin d'éviter un développement bâti non souhaitable sur le haut de la parcelle (correspondant à l'actuelle parcelle no 10'913), elle proposait notamment qu'une servitude de non-bâtir soit inscrite au profit de l'État et de la commune. Le dossier d'autorisation contenait un plan (no 009 « aspects fonciers »), visé ne varietur, qui mentionnait la création d'une servitude de
non-bâtir sur la partie nord-ouest du périmètre du projet, correspondant à l'actuelle parcelle n10'913 et le report des droits à bâtir attachés à la partie
nord-ouest sur la partie sud-est.

Le 26 novembre 2007, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu depuis celui du territoire (ci-après : le département) a délivré une autorisation définitive de construire (DD 101'303) prévoyant la construction de quatre immeubles de logements ainsi qu'un garage souterrain dans la partie basse du périmètre. Dite autorisation a été complétée par quatre autorisations complémentaires (DD 101'303/2 à DD 101'303/5), la dernière le 24 août 2011. Le dossier d'instruction de l'autorisation de construire définitive ne contenait aucune mention d'une servitude de non-bâtir à constituer.

3) a. Dans une note de service du 21 décembre 2011, le directeur du service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a demandé à la direction des autorisations de construire de prendre les mesures administratives nécessaires pour concrétiser formellement l'inscription des servitudes apparaissant dans le plan autorisé 009-Aspects fonciers de la DP 17'797.

b. Le 10 juillet 2014, le registre foncier, faisant suite à une réquisition du 22 mars 2012 relative à l'inscription d'une mention de restriction du droit de propriété (droits à bâtir) et d'une mention de passage public piétonnier, sur les parcelles susmentionnées, a rejeté la requête, les consentements des propriétaires des immeubles n'ayant pas été produits.

4) Le 5 mai 2014, Catalax a déposé une demande d'autorisation de construire deux immeubles de logements avec garage souterrain et panneaux solaires en toiture sur la parcelle no 10'913 (DD 106'836).

Dans le cadre de l'instruction de la demande, la commune de Satigny ainsi que la CMNS ont préavisé défavorablement le projet. Dans son préavis du 8 juillet 2014, la CMNS renvoyait au plan directeur communal 2011 (ci-après : PDCom 2011) ainsi qu'à la DP 17'797 pour justifier son refus.

Le 1er octobre 2015, le département a refusé la demande d'autorisation de construire au motif que le projet n'était pas conforme aux exigences posées par les art. 15 et 106 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Le recours déposé par Catalax auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre la décision de refus a été retiré le 15 décembre 2016 (RTAPI/501/2016).

5) Le 30 mai 2016, Catalax a déposé une requête en vue de construire un immeuble de dix-huit logements avec parking en sous-sol sur la parcelle no 10'913 (DD 109'114).

a. Le 28 juin 2016, dans son préavis demandant une modification du projet, la CMNS a regretté que le département n'entende pas inscrire la servitude de
non-bâtir. L'implantation et la masse générale proposées par le projet à construire en troisième front, n'étaient pas adaptées au site. Elle relevait les qualités paysagères du site, le coteau viticole dominant le village apparaissant comme un magnifique écrin pour le hameau de Satigny-Dessus et ses nombreux bâtiments classés. Elle soulignait les larges dégagements visuels, les ouvertures sur la vigne et la présence marquante de l'allée d'arbres.

b. Le 14 mars 2017, le SMS a demandé une modification du projet, lequel n'était pas conforme à ses directives, notamment quant à son implantation et à la création de deux volumes distincts.

Le 20 novembre 2017, il a préavisé favorablement sous conditions un projet modifié, n'émettant plus d'observations, mais des réserves.

c. Le 15 juillet 2016, la commune a préavisé défavorablement le projet.

Les réquisitions pour l'inscription des servitudes n'avaient pas été traitées avec diligence, de sorte qu'elles n'avaient pas été formellement inscrites au registre foncier, toutefois, le PDCom 2011 formalisait cette situation en prévoyant l'implantation de vergers sur la parcelle no 10'913.

Elle a réitéré son préavis le 19 avril 2017, détaillant son opposition au projet. Un indice d'utilisation du sol (ci-après : IUS) pour le périmètre ressortait d'un plan localisé de quartier n° 26'886 du 25 novembre 1974. Sur cette base, la parcelle no 10'913 avait été vidée de tous ses droits à bâtir, lesquels avaient été reportés sur les bas du périmètre afin de permettre notamment les constructions autorisées par la DP 17'797.

c. Le préavis de la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : le SPI) du 6 mars, confirmée le 26 septembre 2017, était favorable.

6) Le 11 juin 2018, le département a délivré l'autorisation de construire DD 109'114 à Catalax pour la construction d'un immeuble de dix-huit logements et d'un parking en sous-sol sur la parcelle no 10'913. L'autorisation a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève du même jour.

7) Le 29 juin 2018, la commune a ouvert une action civile en inscription d'une servitude de non-bâtir devant le Tribunal civil de première instance (ci-après : le TPI), laquelle a été enregistrée sous no de cause C/15544/2018, actuellement pendante.

8) Par acte du 11 juillet 2018, Madame Vanessa et Monsieur Alain YOUNOSSIAN, Madame Evelyne OUEGHLANI BEKRI et Monsieur Taoufik BEKRI, Madame Nadia ORTIZ CHICHERIO et Monsieur Christian CHICHERIO, Madame Evelyn RAJAKOSKI-COURTOIS, Madame Christine et Monsieur Raymond EIGENMANN, Monsieur Claude ISLER, Madame Veronica TERUEL GARCIA et Monsieur Stefan KRINGEL, Madame Alice et Monsieur Thimothée BAHLER, Madame Ioulia KOUZMENKO et Monsieur Mikhail KUZMENKO, Madame Susanne et Monsieur Jean-Pierre SPENGLER, Madame Éliane et Monsieur Gérard DAFFLON, Madame Caroline et Monsieur Nicolas EGGER, Madame Leila ASLOUN DE VRIES et Monsieur Patrick DE VRIES, Madame Lucinda et Monsieur Antonio QUEIROGA (ci-après : les époux YOUNOSSIAN et consorts), domiciliés 100, 104, 106, 108, 110A et 110B, route du Mandement, à proximité de la parcelle concernée par l'autorisation de construire DD 109'114, ont interjeté recours contre cette dernière auprès du TAPI, concluant à son annulation et préalablement à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur l'action civile C/15544/2018 pendante devant le TPI.

Catalax avait parfaitement connaissance de la restriction du droit à bâtir portant sur sa parcelle, le même architecte étant mandaté dans les procédures DD 101'303 et DP 17'797. La demande d'autorisation de construire déposée constituait donc un abus de droit. Le département qui avait validé la restriction du droit à bâtir dans le cadre de la DP 17'797 violait le principe de la bonne foi en accordant l'autorisation de construire litigieuse.

Le transfert des possibilités de bâtir était admis en droit suisse même sans disposition légale expresse, l'essentiel étant que la surface voisine mise à contribution pour le calcul de la surface constructible ne puisse plus servir ultérieurement à un tel calcul. C'était donc à tort que le département avait autorisé la demande de construction sur une parcelle vidée de tous ses droits à bâtir même sans inscription de la servitude de non-bâtir au registre foncier.

9) Par acte du 11 juillet 2018, la commune de Satigny a interjeté recours auprès du TAPI contre l'autorisation de construire, concluant à son annulation.

En plus des griefs déjà soulevés par les époux YOUNOSSIAN et consorts, la commune soutenait que les règles de construction en zone 4B protégée empêchaient la délivrance d'une autorisation de construire. Avec l'octroi de l'autorisation de construire litigieuse, le département remettait totalement en cause l'équilibre architectural qui avait été décidé, de sorte que cette autorisation de construire était contraire au système légal prévu pour les zones protégées et violait dès lors les art. 15 et 106 LCI.

10) a. Le 19 septembre 2018, après que Catalax et le département ont déposé des observations, le TAPI a joint les deux recours (DITAI/413/2018).

b. Les 11 octobre et 19 octobre 2108, la commune et les époux YOUNOSSIAN et consorts ont persisté dans les conclusions prises.

c. Le 23 novembre 2018, la commune a précisé que, suite à l'échec de la tentative de conciliation du 20 septembre 2018 dans la procédure civile pendante devant le TPI, elle avait introduit le 16 octobre 2018 une action en constatation de droit assortie d'une requête en exécution directe.

d. Lors d'une audience de comparution personnelle le 28 novembre 2018, le représentant du département a précisé que, si la servitude avait été inscrite en son temps au bénéfice de l'État notamment et qu'il avait estimé qu'elle avait toujours une raison d'être, il n'aurait pas délivré l'autorisation de construire querellée. Si la servitude avait été inscrite, le département aurait potentiellement demandé sa levée. Si la procédure civile en cours aboutissait, le département maintiendrait son autorisation de construire, la servitude n'étant pas au bénéfice de l'État. La non-inscription résultait probablement d'un oubli.

Les parties étaient divisées quant à la suspension ou non de l'instruction de la procédure dans l'attente de l'issue de la procédure civile.

11) a. Le 28 novembre 2018, le TAPI a informé les parties qu'il poursuivait l'instruction de la cause et a imparti un délai pour formuler d'éventuelles observations finales.

b. Dans leurs observations respectives des 11 et 13 décembre 2018, la commune, les époux YOUNOSSIAN et consorts ainsi que le département ont campé sur leurs positions.

12) Par jugement du 7 février 2019, le TAPI a déclaré irrecevable le recours déposé par les époux YOUNOSSIAN et consorts et rejeté celui de la commune.

Les griefs soulevés par les époux YOUNOSSIAN et consorts ne portaient ni sur le projet en lui-même ni sur une potentielle violation des normes de droit public. Tous leurs griefs étaient en lien avec la validité de la servitude de non-bâtir, laquelle ne pouvait être valablement invoquée par les époux YOUNOSSIAN et consorts qui n'en étaient pas les bénéficiaires, dans toutes les hypothèses envisageables.

Il ressortait des éléments au dossier que l'autorisation de construire litigieuse n'avait pas nécessité de dérogation au sens de l'art. 106 LCI. Le SMS, en sa qualité d'instance composée de spécialistes en matière de protection du patrimoin, avait préavisé favorablement le projet de construction querellé. Il fallait donc retenir que le projet s'intégrait dans l'environnement considéré dans sa dernière version telle qu'acceptée par l'autorité intimée. Les griefs en lien avec la validité alléguée de la servitude non-bâtir étaient en outre irrecevables.

13) Par acte déposé le 18 mars 2019 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), la commune a interjeté recours contre le jugement du TAPI, en concluant à son annulation ainsi qu'à celle de l'autorisation de construire DD 109'114. Subsidiairement, elle concluait au renvoi de la cause au TAPI pour prononcer l'annulation de l'autorisation de construire.

14) Par acte mis à la poste le 18 mars 2019, les époux YOUNOSSIAN et consorts ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause au TAPI pour nouvelle décision.

Le TAPI avait mélangé l'examen de la qualité pour recourir avec les griefs invoqués, ce qui était inadmissible au vu de la jurisprudence. Le jugement constituait un déni de justice.

Ils étaient tous propriétaires et habitants des parcelles contiguës ou à proximité immédiate de la parcelle no 10'913 sur laquelle l'autorisation d'édifier une construction avait été accordée. La construction projetée serait pleinement visible depuis leurs parcelles et restreindrait de manière considérable la vue dont ils jouissaient actuellement. Ils étaient dès lors atteints dans une mesure plus sensible que les autres administrés par la construction litigieuse, et avaient un avantage pratique à l'annulation de la décision attaquée.

Pour le surplus, ils développaient une argumentation analogue à celle faite par la commune s'agissant de l'existence de la servitude de non-bâtir.

15) Le 27 mars 2019, le TAPI a transmis son dossier, renonçant à formuler des observations.

16) Le 30 avril 2019, la commune a présenté des observations suite au recours des époux YOUNOSSIAN et consorts, abondant dans le sens de ceux-ci et reprenant l'argumentation qui y était développée.

17) Le 30 avril 2019, les époux YOUNOSSIAN et consorts ont déposé des observations concernant le recours de la commune, relevant et appuyant certains des éléments mis en évidence dans celui-ci.

18) Le 30 avril 2019, Catalax a déposé des observations, concluant au rejet des recours.

19) Le 30 avril 2019, le département a formulé des observations, concluant au rejet des recours et reprenant en substance l'argumentation déjà développée devant le TAPI. Aucun développement n'était fait sur la qualité pour recourir les époux YOUNOSSIAN et consorts.

20) La cause a ensuite été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

21) Les arguments des parties seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours des époux YOUNOSSIAN et consorts porte uniquement sur la question de la recevabilité du recours déposé devant le TAPI et plus spécifiquement sur les questions de leur qualité pour recourir et de l'existence d'un intérêt actuel, niés dans le jugement d'irrecevabilité.

a. À teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA 1006/2015 du 29 septembre 2015 ; ATA/199/2013 du 26 mars 2013 ; ATA/343/2012 du 5 juin 2012 et les références citées).

b. En droit des constructions, la qualité pour recourir appartient tout d'abord au destinataire direct de la décision. Le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir (arrêts du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1 ; 1C_382/2017 du 16 mai 2018 consid. 1.2.1).

En ce qui concerne les voisins, seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l'intérêt particulier requis (ATF 133 II 409 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_158/2008 du 30 juin 2008 consid. 2). Le recourant doit ainsi se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation. La qualité pour recourir est en principe donnée lorsque le recours émane du propriétaire d'un terrain directement voisin de la construction ou de l'installation litigieuse (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1 ; ATA/1247/2019 du 13 août 2019 consid. 2 ; concernant une personne qui va devenir voisine de la construction litigieuse : ATA/450/2008 du 2 septembre 2008 consid. 2 ; Laurent PFEIFFER, La qualité pour recourir en droit de l'aménagement du territoire et de l'environnement, 2013, p. 92). Outre les propriétaires voisins, les propriétaires par étage, les superficiaires, les locataires et les preneurs à ferme sont susceptibles de remplir cette condition (arrêt du Tribunal fédéral 1C_572/2011 du 3 avril 2012 consid. 1.2 ; ATA/205/2015 du 24 février 2015 consid. 2b ; Heinz AEMISEGGER/Stephan HAAG, Commentaire pratique de la protection juridique en matière d'aménagement du territoire, 2010, p. 53 n. 60 ad art. 33 LAT).

La proximité avec l'objet du litige ne suffit cependant pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir contre la délivrance d'une autorisation de construire. Celui-ci doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée (ATF 137 II 30 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_112/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3.2 ; ATA/44/2019 du 15 janvier 2019 consid. 3c ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 196 n. 744 ; Laurent PFEIFFER, La qualité pour recourir en droit de l'aménagement du territoire et de l'environnement, 2013, p. 93). L'absence de voisin direct susceptible de s'opposer à une décision ne justifie pas, en soi, d'élargir le cercle des personnes admises à recourir à tout propriétaire, sans égard à leur situation particulière par rapport au projet litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_822/2013 du 10 janvier 2014 consid. 2.3 ; ATA/1159/2018 du 30 octobre 2018 consid. 4c).

Le critère de la distance n'est pas le seul déterminant car la question de savoir si le voisin est directement atteint nécessite une appréciation de l'ensemble des circonstances pertinentes (arrêt du Tribunal fédéral du 8 avril 1997 publié in RDAF 1997 I p. 242 consid. 3a). S'il est certain ou très vraisemblable que l'installation litigieuse serait à l'origine d'immissions - bruit, poussières, vibrations, lumières ou autres - touchant spécialement les voisins, même situés à quelque distance, ces derniers peuvent avoir qualité pour recourir (ATF 140 II 214 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1 ; 1C_170/2018 du 10 juillet 2018 consid. 4.1 ; ATA/186/2019 du 26 février 2019 consid. 3d). Il importe peu, alors, que le nombre de personnes touchées soit considérable dans le cas d'un aéroport ou d'un stand de tir, par exemple
(ATF 124 II 293 consid. 3a publié in RDAF 1999 I p. 624). Il en va de même quand l'exploitation de l'installation comporte un certain risque qui, s'il se réalisait, provoquerait des atteintes dans un large rayon géographique, dans le cas d'une centrale nucléaire ou d'une usine chimique, par exemple (ATF 120 Ib 379 consid. 4d/e ; RDAF 2007 I p. 426 = DEP 2006 p. 904 ; ATA/1159/2018 du 30 octobre 2018 consid. 4d).

c. L'existence d'un intérêt pratique au recours a ainsi été nié pour des voisins d'un projet de construction qui invoquaient uniquement des griefs de non-conformité du projet à l'indice d'utilisation applicable au sous-sol des bâtiments. Le Tribunal fédéral a précisé que même en cas de modification du sous-sol du bâtiment, l'impact visuel de la construction ne serait pas modifié pour les recourants et ils ne retireraient donc aucun avantage pratique de l'admission de leur recours (arrêt du Tribunal fédéral 1C_565/2012 du 23 janvier 2013 consid. 2.3).

En l'espèce, le TAPI a jugé que les trois griefs invoqués par les recourants étaient en lien avec la validité de la servitude de non-bâtir et ne pouvaient dès lors être valablement invoqués. Ladite servitude avait pour bénéficiaires l'État de Genève et la commune de Satigny et, même si son existence et sa validité devaient être constatées, elle ne s'exercerait pas en faveur des recourants et les bénéficiaires pourraient renoncer à en faire usage. En conséquence, même dans l'hypothèse où le grief de la validité de la servitude était admis, cette situation n'était pas susceptible de procurer directement aux recourants un avantage pratique.

Ce raisonnement ne peut être suivi. En effet, il repose notamment sur l'hypothèse erronée que les bénéficiaires potentiels de la servitude y renoncent. Or, il est acquis que la commune a déposé une action civile en inscription de la servitude de non-bâtir, avant le dépôt du recours, démontrant par là qu'elle n'entendait pas y renoncer.

En outre, le recours postule l'inconstructibilité découlant de l'existence d'une servitude de non-bâtir mentionnée dans un plan visé ne varietur d'une autorisation préalable de construire délivrée pour le périmètre couvert par les anciennes parcelles dont est issue celle concernée par l'autorisation de construire contestée. Outre ce plan, le dossier contient également les préavis de la commune, délivrés dans le cadre de l'instruction de la demande, laquelle fonde l'inconstructibilité également sur un plan localisé de quartier fixant un IUS pour le périmètre et sur l'utilisation de tous les droits à bâtir du périmètre pour les constructions autorisées préalablement.

Finalement, les préavis de la commune invoquent également le PDCom 2011, lequel prévoyait l'implantation de vergers sur la parcelle litigieuse, corroborant le fait qu'elle serait vidée de tous ses droits à bâtir.

Il découle de ce qui précède que l'admission des griefs des recourants, soit la reconnaissance de l'existence de l'inconstructibilité de la parcelle, fondée sur une servitude ou sur un plan d'affectation, voire sur l'absence de droits à bâtir, serait susceptible de procurer aux recourants l'avantage pratique qu'ils recherchent, à savoir l'absence de construction restreignant notamment la vue dont ils jouissent actuellement.

En conséquence, l'intérêt pratique pour recourir des époux YOUNOSSIAN et consorts aurait dû être reconnu par le TAPI. Partant, leur recours sera admis, le jugement du TAPI annulé dans la mesure où il déclare irrecevable le recours des époux YOUNOSSIAN et consorts et la cause renvoyée au TAPI pour nouveau jugement sur le fond.

La présente cause sera suspendue pour ce qui a trait au recours de la commune, dans l'attente du jugement du TAPI suite au présent renvoi, en application de l'art. 14 LPA.

3) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge des époux YOUNISSIAN et consorts (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- leur sera allouée, à la charge de Catalax, seule partie à avoir soutenu en argumentant le rejet du recours des époux YOUNOSSIAN et consorts (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 mars 2019 par Madame Vanessa et Monsieur Alain YOUNOSSIAN, Madame Evelyne OUEGHLANI BEKRI et Monsieur Taoufik BEKRI, Madame Nadia ORTIZ CHICHERIO et Monsieur Christian CHICHERIO, Madame Evelyn RAJAKOSKI-COURTOIS, Madame Christine et Monsieur Raymond EIGENMANN, Monsieur Claude ISLER, Madame Veronica TERUEL GARCIA et Monsieur Stefan KRINGEL, Madame Alice et Monsieur Thimothée BAHLER, Madame Ioulia KOUZMENKO et Monsieur Mikhail KUZMENKO, Madame Susanne et Monsieur Jean-Pierre SPENGLER, Madame Éliane et Monsieur Gérard DAFFLON, Madame Caroline et Monsieur Nicolas EGGER, Madame Leila ASLOUN DE VRIES et Monsieur Patrick DE VRIES, Madame Lucinda et Monsieur Antonio QUEIROGA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 février 2019 ;

déclare recevable le recours interjeté le 18 mars 2019 par la commune de Satigny ;

au fond :

admet le recours interjeté le 18 mars 2019 par Madame Vanessa et Monsieur Alain YOUNOSSIAN, Madame Evelyne OUEGHLANI BEKRI et Monsieur Taoufik BEKRI, Madame Nadia ORTIZ CHICHERIO et Monsieur Christian CHICHERIO, Madame Evelyn RAJAKOSKI-COURTOIS, Madame Christine et Monsieur Raymond EIGENMANN, Monsieur Claude ISLER, Madame Veronica TERUEL GARCIA et Monsieur Stefan KRINGEL, Madame Alice et Monsieur Thimothée BAHLER, Madame Ioulia KOUZMENKO et Monsieur Mikhail KUZMENKO, Madame Susanne et Monsieur Jean-Pierre SPENGLER, Madame Éliane et Monsieur Gérard DAFFLON, Madame Caroline et Monsieur Nicolas EGGER, Madame Leila ASLOUN DE VRIES et Monsieur Patrick DE VRIES, Madame Lucinda et Monsieur Antonio QUEIROGA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 février 2019;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 février 2019 en ce qu'il déclare irrecevable le recours de Madame Vanessa et Monsieur Alain YOUNOSSIAN, Madame Evelyne OUEGHLANI BEKRI et Monsieur Taoufik BEKRI, Madame Nadia ORTIZ CHICHERIO et Monsieur Christian CHICHERIO, Madame Evelyn RAJAKOSKI-COURTOIS, Madame Christine et Monsieur Raymond EIGENMANN, Monsieur Claude ISLER, Madame Veronica TERUEL GARCIA et Monsieur Stefan KRINGEL, Madame Alice et Monsieur Thimothée BAHLER, Madame Ioulia KOUZMENKO et Monsieur Mikhail KUZMENKO, Madame Susanne et Monsieur Jean-Pierre SPENGLER, Madame Éliane et Monsieur Gérard DAFFLON, Madame Caroline et Monsieur Nicolas EGGER, Madame Leila ASLOUN DE VRIES et Monsieur Patrick DE VRIES, Madame Lucinda et Monsieur Antonio QUEIROGA ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance dans le sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

suspend la procédure pour le surplus dans l'attente du jugement du Tribunal administratif de première instance au sens des considérants ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Madame Vanessa et Monsieur Alain YOUNOSSIAN, Madame Evelyne OUEGHLANI BEKRI et Monsieur Taoufik BEKRI, Madame Nadia ORTIZ CHICHERIO et Monsieur Christian CHICHERIO, Madame Evelyn RAJAKOSKI-COURTOIS, Madame Christine et Monsieur Raymond EIGENMANN, Monsieur Claude ISLER, Madame Veronica TERUEL GARCIA et Monsieur Stefan KRINGEL, Madame Alice et Monsieur Thimothée BAHLER, Madame Ioulia KOUZMENKO et Monsieur Mikhail KUZMENKO, Madame Susanne et Monsieur Jean-Pierre SPENGLER, Madame Éliane et Monsieur Gérard DAFFLON, Madame Caroline et Monsieur Nicolas EGGER, Madame Leila ASLOUN DE VRIES et Monsieur Patrick DE VRIES, Madame Lucinda et Monsieur Antonio QUEIROGA, conjointement et solidairement, à la charge de Catalax SA ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Claire Bolsterli, avocate des recourants, à Me François Bellanger, avocat de la commune de Satigny, à Me Julien Pacot, avocat de Catalax SA, au département du territoire ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :