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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4215/2019

ATA/59/2020 du 21.01.2020 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4215/2019-PRISON ATA/59/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 janvier 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON



EN FAIT

1) Monsieur A______ est incarcéré à la prison de Champ-Dollon en détention provisoire depuis le 11 octobre 2019.

2) Selon le rapport d'incident établi le 7 novembre 2019, M. A______ a, lors de la promenade du même jour, uriné dans la cour. Interpellé par un gardien le rappelant à l'ordre, il a répondu qu'il avait des problèmes de prostate et donc eu besoin d'uriner. Le gardien lui a alors indiqué qu'il établirait un rapport et informerait la cheffe d'étage, ce à quoi M. A______ lui avait dit : « Il est fou, lui ! ».

Avertis de ce comportement, la responsable d'unité et le gardien-chef adjoint ont décidé de sanctionner M. A______.

3) Celui-ci a été entendu le jour même à 16h35 par la sous-cheffe, qui lui a infligé une sanction de sept jours de suppression des promenades collectives pour « trouble à l'ordre de l'établissement ».

4) Par acte expédié le 12 novembre 2019 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a contesté cette sanction. Il n'avait été entendu qu'oralement. À la suite d'une blessure, il avait été opéré trois fois à l'abdomen et plusieurs organes avaient été touchés. Il souffrait d'incontinence. La promenade n'était pas équipée d'urinoirs. Si des urinoirs avaient existé, il n'aurait pas été sanctionné.

5) La direction de la prison a conclu au rejet du recours.

M. A______ n'avait jamais fait état d'un problème de santé ; le service médical n'avait reçu aucune indication à ce sujet. Le recourant aurait pu demander aux agents présents de se rendre aux toilettes, ce qu'il n'avait pas fait. La sanction était ainsi justifiée, y compris au regard du principe de la proportionnalité.

6) Invité à répliquer, le recourant ne s'est pas manifesté dans le délai imparti à cet effet.

7) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Bien que la sanction ait été exécutée, le recourant conserve un intérêt actuel à l'examen de la légalité de celle-ci, dès lors qu'il ne ressort pas du dossier que sa détention aurait pris fin et qu'il pourrait être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire. Le recours conserve ainsi un intérêt actuel (ATA/1820/2019 du 17 décembre 2019 consid. 2d ; ATA/220/2019 du 5 mars 2019 consid. 2 ; ATA/1104/2018 du 16 octobre 2018 consid. 2).

Le recours est ainsi recevable.

2) Est litigieuse la sanction de sept jours de suppression de promenade collective.

a. Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04 ; art. 1 al. 3 de la loi sur l'organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP - F 1 50). Un détenu doit respecter les dispositions du RRIP (art. 42 RRIP). Il doit en toutes circonstances adopter une attitude correcte à l'égard du personnel de la prison, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP).

Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP). À teneur de l'art. 47 al. 3 RRIP, le directeur ou, en son absence, son suppléant sont compétents pour prononcer, notamment, la suppression des promenades collectives (let. b). Le directeur peut déléguer ces compétences à un membre du personnel gradé (ATA/1631/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3).

b. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/502/2018 du 22 mai 2018 et les références citées), sauf si des éléments permettent de s'en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 LOPP), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers.

c. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés et de proportionnalité au sens étroit qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

d. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c ; ATA/888/2015 du 1er septembre 2015 consid. 7b).

e. En l'espèce, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause le rapport établi par le gardien, qui a constaté que le recourant avait uriné dans la cour de la promenade de la prison lors de la promenade collective du 7 novembre 2019. Le recourant ne conteste d'ailleurs pas ce fait. Le problème de santé allégué par le recourant n'est nullement documenté. Le service médical de la prison n'a reçu aucune indication à cet égard. Cela étant, quand bien même le recourant souffrirait de problèmes de prostate, comme il l'allègue, rien ne l'empêchait de demander à un gardien de l'autoriser à se rendre aux toilettes.

Le fait d'uriner dans la cour de la promenade d'un établissement carcéral est inadmissible. Il va, en effet, à l'encontre du devoir de ce dernier d'assurer le maintien de relations empreintes de respect mutuel entre détenus et entre ceux-ci et les gardiens. Ce respect est indispensable au bon fonctionnement de l'établissement et au respect de la personnalité de l'ensemble des personnes s'y trouvant. L'acte en question, qui contrevient à l'obligation d'adopter une attitude correcte à l'égard du personnel de la prison, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 al. 3 RRIP), justifie donc le prononcé d'une sanction.

La sanction prononcée, qui supprime la promenade collective pendant sept jours, respecte le principe de la proportionnalité. En effet, elle est propre à atteindre le but fixé, à savoir d'assurer que la promenade collective se déroule dans des conditions de respect mutuel et se rapporte directement à la situation dans laquelle le recourant a enfreint ses obligations d'adopter une attitude correcte. Compte tenu de sa faible durée, elle apparaît également proportionnée à la gravité des faits ainsi qu'au fait que le recourant n'a pas d'antécédents disciplinaires. Pour le surplus, le recourant a continué à bénéficier de son droit fondamental à l'heure de promenade quotidienne.

La sanction prononcée est donc conforme au droit et ne consacre, en particulier, aucun abus du pouvoir d'appréciation de l'autorité intimée.

Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

3) Au vu de la nature du litige et de son issue, il n'y a lieu ni à perception d'un émolument ni à l'allocation d'une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 novembre 2019 par Monsieur Pascal A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 7 novembre 2019 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :