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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4350/2018

ATA/62/2020 du 21.01.2020 sur JTAPI/510/2019 ( LCI ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4350/2018-LCI ATA/62/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 janvier 2020

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

et

 

B______

représentée par Me Romain Canonica, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 juin 2019 (JTAPI/510/2019)


EN FAIT

1) Monsieur et Madame C______ (ci-après : les époux C______) sont copropriétaires de la parcelle no 1______ du cadastre de la commune de D______, à l'adresse ______, chemin de E______, sur laquelle est édifiée une villa individuelle ainsi qu'un garage.

Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n2______ du même cadastre, à l'adresse ______, chemin de E______. Une maison contiguë y est construite.

La parcelle 1______ et la parcelle 2______ sont séparées par la parcelle 3______ à l'adresse ______, chemin de E______, sur laquelle est édifiée une villa, mitoyenne à celle de M. A______.

2) Le 27 juillet 2018, B______ a requis du département du territoire (ci-après : le département) d'une part l'autorisation de démolir la villa existante sur le terrain des époux C______ et, d'autre part, d'y édifier un bâtiment destiné à de l'habitat groupé avec un garage souterrain, le taux d'utilisation du sol prévu étant de 47,2 %. Des abattages d'arbres étaient requis.

La présente procédure concerne uniquement l'autorisation de démolition.

3) Dans le cadre de l'instruction de la requête de démolition, tous les préavis recueillis ont été favorables.

En particulier, la direction générale de l'agriculture et de la nature (ci-après : DGAN) précisait que, si la démolition avait lieu avant l'obtention de la demande définitive, il y avait lieu de prendre des mesures pour protéger la végétation existante ; aucun décaissement ne devrait être réalisé dans le domaine vital des arbres afin d'assurer leur conservation.

La question de l'abattage des arbres serait traitée dans le cadre de la demande définitive, et aucun arbre ne devait être abattu pendant la démolition.

4) Par décision du 9 novembre 2018, le département a délivré l'autorisation sollicitée.

5) Par acte daté du 10 décembre 2018 et reçu le lendemain par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), M. A______ a recouru contre l'autorisation de démolir. Il était pratiquement un voisin immédiat du projet. La démolition prévue était plus grande que celle indiquée dans la requête, puisqu'elle concernait aussi la destruction de la piscine et des structures en lien avec cette dernière. La publication était dès lors incomplète. En règle générale, une autorisation de démolir devait s'appuyer sur une autorisation de construire en force. La parcelle en question était limitée par la F______, laquelle faisait l'objet d'un projet de renaturationde ses berges, celle-ci impliquerait un déplacement de la zone de protection.

6) Après avoir recueilli la détermination du département ainsi que de B______, et autorisé le recourant à exercer son droit à la réplique, le TAPI a déclaré le recours irrecevable le 6 juin 2019.

Le recourant ne se trouvait pas dans une relation spéciale, étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation pour que sa qualité pour recourir soit admise. Il ne tirerait aucun avantage du maintien des installations en question. Il ne soutenait pas que les constructions dont la destruction était envisagée auraient une valeur patrimoniale particulière. Les critiques concernant la distance à la F______ devaient être, cas échéant, formulées dans le cadre du litige concernant l'autorisation de construire, laquelle n'était pas délivrée.

7) Par acte mis à la poste le 8 juillet 2019 et reçu le lendemain, M. A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d'un recours contre le jugement précité.

Un chalet, qui avait été construit au fond de la parcelle 1______, avait été démoli sans autorisation.

Cela démontrait le risque que les promoteurs aillent de l'avant avec la démolition, créant ainsi une friche pouvant pousser le département à délivrer l'autorisation de construire.

Le recours avait été déclaré irrecevable par le TAPI, sans même que la question de la distance séparant la parcelle de M. A______ de celle des époux C______ soit analysée. Or, cette distance variait entre 5 m, vers la F______, et 12 m, côté route.

Au surplus, le recourant soulignait l'importance d'une publication complète des projets prévus, afin de respecter le droit d'être entendu. Ce droit était un droit constitutionnel de nature formelle dont la violation entraînait la cassation de la décision ou de l'acte. S'agissant d'une question de principe, on ne voyait pas comment un recours sur ce point pourrait être irrecevable.

De plus, les projets de renaturation de la F______ avançaient, mais ne permettaient pas de savoir où se situerait la limite de la zone de protection.

Le « saucissonnage » qui avait été fait entre l'autorisation de démolir et l'autorisation de construire n'était pas compréhensible et permettait de craindre des inégalités de traitement entre les situations.

8) Le 15 juillet 2019, le TAPI a transmis son dossier, sans émettre d'observations.

9) Le 14 août 2019, B______ a conclu au rejet du recours.

Il n'y avait pas d'intérêt à recourir contre une autorisation de démolir et l'intérêt abstrait mis en avant par M. A______ ne justifiait pas que la qualité pour recourir lui soit reconnue.

Les éléments développés par M. A______ visaient largement l'autorisation de construire, et non l'autorisation de démolir.

10) Le 18 septembre 2019, le département a aussi conclu au rejet du recours. La distance entre la propriété de l'intéressé et le projet de démolition n'avait pas de pertinence.

Le TAPI avait relevé que le dossier de démolition permettait au recourant d'avoir une vision claire de la situation ; il n'y avait dès lors pas de violation de son droit d'être entendu.

Le grief semblant porter sur le principe de la coordination relevait du fond et n'avait pas d'impact sur la qualité pour recourir.

Cette qualité ne pouvait non plus être fondée sur le fait du désir d'éviter de se trouver à côté d'une parcelle vide.

11) Exerçant son droit à la réplique, le 18 octobre 2019, M. A______ a maintenu ses conclusions et développé son argumentation.

Préalablement, il devait être établi comment B______ avait pu initier des travaux de démolition alors que l'autorisation de démolir n'était pas en force. La chambre administrative devait prononcer les amendes nécessaires, ainsi qu'une amende procédurale pour téméraire plaideur.

12) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. À teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/186/2019 du 26 février 2019 ; ATA/1159/2018 du 30 octobre 2018 ; ATA/661/2018 du 26 juin 2018). La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/799/2018 du 7 août 2018 et l'arrêt cité ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 184 n. 698).

b. Cette notion de l'intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l'art. 103 let. a de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ - RS 173.110) et qui était, jusqu'à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l'art. 98a de la même loi. Elle correspond aux critères exposés à l'art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d'unité de la procédure qui figure à l'art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_170/2018 du 10 juillet 2018 consid. 4.1 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4126 ss et 4146 ss). Selon l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).

L'intérêt digne de protection implique que le recourant soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, répondant ainsi à l'exigence d'être particulièrement atteint par la décision. L'intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation (arrêts du Tribunal fédéral 1C_56/2015 consid. 3.1 ; 1C_152/2012 consid. 2.1 ; ATA/1218/2015 du 10 novembre 2015 ; François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Le contention administratif, éd. 2013, pp. 115-116). Le lien de connexité est clair lorsque le recourant est l'un des destinataires de la décision. Si le recourant est un tiers, il devra démontrer l'existence d'une communauté de fait entre ses intérêts et ceux du destinataire. Par exemple, le voisin d'un fonds pourra recourir si la décision concernant ce fonds lui cause un préjudice réel, car il est suffisamment proche de celui-ci pour risquer de subir les nuisances alléguées (François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, op. cit., pp. 115-116).

c. En matière de droit des constructions, le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt 1C_382/2017 du 16 mai 2018 consid. 1.2.1). La proximité avec l'objet du litige ne suffit néanmoins pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir (pour un aperçu de la jurisprudence rendue à cet égard, cf. notamment arrêt 1C_2/2010 du 23 mars 2010 consid. 4 et les références citées). Le critère de la distance constitue certes un indice essentiel, mais il n'est pas à lui seul déterminant ; s'il est certain ou très vraisemblable que l'installation ou la construction litigieuse sera à l'origine d'immissions - bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée - atteignant spécialement les voisins, même situés à une certaine distance, ceux-ci peuvent avoir la qualité pour recourir (ATF 140 II 214 consid. 2.3 ; 136 II 281 consid. 2.3.1 ; arrêt 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.1). En bref, le voisin est admis à recourir lorsqu'il est atteint de manière certaine ou du moins avec une probabilité suffisante par la gêne que la décision peut occasionner (ATF 140 II 214 consid. 2.3). Il doit retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de l'arrêt contesté qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée de manière à exclure l'action populaire (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 ; 133 II 249 consid. 1.3.1).

3) En l'espèce, le recourant conteste une autorisation de démolir. Même si les travaux de démolition peuvent entraîner des nuisances en matière de bruit et de poussière, celles-ci seront limitées dans le temps et ne sauraient à elles seules fonder un intérêt pratique à recourir. L'avantage que le maintien de la villa, voire de la piscine, apporterait au recourant, n'est pas perceptible. Le recourant ne soutient pas que les bâtiments à détruire auraient une quelconque valeur patrimoniale.

Les longs développements du recourant visant à construire son intérêt au recours sont fondés uniquement sur des hypothèses, voire des procès d'intention, éléments qui sont inaptes à fonder la qualité pour agir.

Le recourant ne pouvant retirer un avantage pratique de la procédure, la qualité pour recourir doit lui est déniée et le recours sera déclaré irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.2).

Au vu de cette issue, il n'est pas nécessaire d'analyser plus en avant la recevabilité des conclusions nouvelles formulées par le recourant dans son écriture de réplique.

4) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à l'intimée, à la charge du recourant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 8 juillet 2019 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 juin 2019 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à B______ à la charge de Monsieur A______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi

communique le présent arrêt à Monsieur A______, au département du territoire-oac, à Me Romain Canonica, avocat de B______, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Verniory, juges

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :